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would you tell me to go fuck myself? | gaby

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Lun 16 Nov - 16:52
Nerveusement, Sutton fixe la grande porte vitrée à l'entrée de l'hôpital. Les mains chargées: un sac en papier rempli de diverses pâtisseries, deux cafés en équilibre sur un socle en carton, dans des gobelets KeepCup, évidemment et une belle plante en pot, venue du marché aux fleurs. Les lunettes de soleil sous le faible soleil de cette fin d'automne sont peut-être un poil excessives, mais elle les porte tout de même. Personne ne sait vraiment qu'elle est à New-York de toute façon et, il ne faut pas se leurrer, le pic de sa gloire Disney est loin derrière elle. Mais son nom apparaît sur les pages potins d'Instagram et à l'intérieur de quelques tabloïds. Parfois parce que sa publiciste envoie une photo d'elle sur un tournage, au restaurant avec "une mystérieuse inconnue." Bien entendu, la brune n'est pas au courant de cette vile pratique. En théorie.

Et fort heureusement, la publiciste en question n'est véritablement pas au courant d'où elle se trouve actuellement. Elle est sensée faire une petite pause avant de commencer à tourner sa nouvelle série. Une petite semaine, à peine, avant que les lectures et répétitions débutent sérieusement. Quelques jours qu'elle devait passer à relire ses notes, préserver sa voix, faire de l'exercice. Jusqu'à ce que sa femme accouche. Son ex femme, sans doute. Peut-elle vraiment dire que c'est son enfant, d'ailleurs? Quels droits a-t-elle, vraiment? Au sens moral comme légal, Sutton ne se donne pas gagnante. Mais, cela ne l'empêchera pas d'essayer. Si Gaby veut bien la laisser.

Ce qu'elle ne saura jamais si elle ne passe pas la porte. Tu es une grande fille Young, haut les coeurs. Lunettes rangées et son sourire le plus chaleureux aux lèvres - il a été testé sur plusieurs démographies - elle s'avance d'un pas léger vers le bureau d'accueil « Bonjour, comment allez-vous? » Pas de réponse, elle poursuit joyeusement « Je voudrais rendre visite à Gaby Forbes, à la maternité, s'il vous plaît? » La taciturne réceptionniste lui tend un papier et rétorque « Remplissez ça, montez l'escalier, deuxième couloir à droite. Vous le donnerez à mes collègues de la maternité. » Sutton hoche la tête et remplit dûment le formulaire de visite. « Merci, bonne journée! » L'intéressée grommelle quelque chose et lui désigne l'escalier de la main. Soit. L'actrice tâche ne pas voir dans cette interaction un mauvais présage et se met en route.

Les infirmières et assistantes à l'étage se montrent bien plus effervescentes, lui rendant un peu d'aplomb. Elle signe un autographe pour une nièce - dont elle préfère ne pas connaître l'âge - et se dirige vers la chambre qu'on lui a gentiment indiqué. Une grande inspiration, elle frappe à la porte. On l'invite à entrer et, timidement, elle pousse la porte. La vision de Gaby, auréolée de ses mèches blondes, tenant un minuscule bébé manque de lui couper le souffle. Elle sent son cœur se serrer et ses yeux s'embuer, parvenant à chuchoter à peu intelligiblement « Hey... » Un instant désemparée, elle s'approche finalement, posant la fleur sur un meuble, hypnotisée par la scène. Elle savait qu'elle serait émue, évidemment. Mais elle ne pensait pas être frappée de la sorte. Après tout, c'était Gaby, surtout, qui avait voulu un bébé. Sutton n'avait jamais eu l'audace de penser qu'elle ferait une mère digne de ce nom. Après tout, elle-même a eu une manager et un oncle bienveillant, plus que des parents. Elle ne sait par où commencer, se rend compte qu'elle n'avait pas entièrement saisi la réalité de la situation. Qu'elle n'était pas préparée, pas vraiment. Et s'il y a bien une chose qu'elle ne gère pas bien, c'est le manque de préparation.

« Tu... Elle... Vous êtes magnifiques. » Elle parvient à sourire, ravalant ses larmes, qui lui paraissent inappropriées. Posant les tasses en verre et le sachet sur la table de chevet, elle ajoute « C'est pour toi, j'ai pris un peu de tout. » Un bref silence. Interrompu seulement par le gazouillis de l'enfant. « Ca va, tout s'est bien passé? Je... » Elle hésite, sachant qu'elle tend à ne pas dire ce qu'il faut quand il s'agit de sa femme. Ironique, pour quelqu'un qui a été briefée pour joliment répondre aux questions autour de sujets aussi sensibles que son genre, ses origines ethniques et son orientation sexuelle. Quand elle y répond, cela dit. Mais sa vie personnelle ne peut malheureusement être régie par des tierces personnes qu'elle paie grassement. Toute situation de crise est la sienne et personne ne peut la sortir de là. Peut-être que cela explique beaucoup de ses décisions, ses échecs, ses regrets. Tant pis, elle essaye « Je suis désolée de ne pas avoir été là. » Pour l'accouchement, les six derniers mois, pour Gaby quand elle le lui a demandé, pour sauver leur mariage. Take your pick.

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Jeu 19 Nov - 19:52
Si Gaby avait eu la sensation de vivre à l'écart du reste du monde depuis son retour à New York, l'accouchement l'avait propulsée de nouveau dans la vie active. Enfin, presque. Dans la réalité plutôt. Elle avait du mal, pourtant, à réaliser que ce qu'elle avait vécu ces dernières quarante-huit heures était bien réel. Évidemment, elle savait que le bébé finirait par arriver mais Gabrielle était devenue maîtresse dans l'art de vivre au jour le jour en ignorant soigneusement de faire le moindre plan. Le futur pouvait bien attendre — jusqu'à ce qu'il pointe le bout de son nez en hurlant. Contrairement à tout ce qu'elle avait pu imaginer, l'arrivée du bébé n'avait pas ouvert les portes à toutes les angoisses jusque-là ignorées, au contraire. Oh, Gaby n'était pas naïve au point de se croire à l'abri de toute dépression post-partum et elle avait suffisamment lu sur le sujet pour savoir que ça pouvait arriver à tout moment. Toutefois, elle se sentait curieusement apaisée depuis deux jours et ce, malgré l'étouffante présence quasi quotidienne de sa mère, le ballet de la famille et des ami·e·s qui se succédaient dans sa chambre et son portable qui ne cessait de sonner en félicitations et promesses de futures visites qui ne seraient sans doute pas tenues. Lovée dans son lit d'hôpital au milieu du chaos, les yeux souvent fixés sur ce bébé qui n'avait pas encore de nom, Gabrielle restait calme, comme apaisée. Rien, pas même l'imminente venue de Sutton, n'avait encore réussi à mettre en péril l'équilibre que l'arrivée de sa fille semblait avoir rétabli. Sutton que Gaby avait cessé d'attendre d'ailleurs. Quel drôle de timing. Quelques années plus tôt, la new yorkaise aurait peut-être trouvé ça vaguement romantique, un signe qu'elles avaient encore une chance de s'en sortir, que le destin était de leur côté or whatever shit she used to tell herself back in the day. Plus aujourd'hui.

En d'autres circonstances, sans doute aurait-elle passé une bien mauvaise nuit à imaginer tous les scénarios, du plus dramatique au plus clinique, pour mieux se préparer à la visite de sa femme. Enfin, avant, certainement mais Sutton n'était plus sa priorité. Ironique, quand c'était exactement ce que Gabrielle lui reprochait. Le rendez-vous avait été pris, certes, mais bien relégué à un coin de sa tête, balayé par les babillement du bébé et la vague de tendresse qui submergeait la jeune maman chaque fois qu'elle posait les yeux sur sa fille. Elle n'avait pas oublié, pas tout à fait. Pas vraiment.

(Un tout petit peu).

Elle n'avait pas bougé en entendant la porte de sa chambre s'ouvrir, s'attendant à voir un médecin ou une énième infirmière pressée de s'assurer que tout allait bien. Et tout allait bien, vraiment, mais, sa fille dans les bras, Gaby n'était pas pressée d'en détacher son regard pour rassurer un·e inconnu·e. Seulement c'était une silhouette bien familière qui se tenait là et en entendant sa voix, Gabrielle se redressa, ramenant à elle le bébé totalement inconscient de la situation. Des mois qu'elle n'avait pas vu Sutton mais le temps d'une seconde ou deux, elle eut presque l'impression d'être de retour en Californie, à la voir rentrer à la maison un peu en retard pour dîner. L'illusion s'envola bien vite, chassée par la pression d'une petite main autour de son index, et elle baissa à nouveau la tête pour regarder sa fille, muette, incapable d'adresser le moindre mot à Sutton. Merci, murmura-t-elle, tant devant le compliment que les cadeaux, sans oser la regarder. Comme si en évitant de croiser son regard, elle pouvait continuer à prétendre que sa femme n'était pas là. Qu'elle était toujours loin, concept presque abstrait, trop occupée pour s'intéresser à ce qui se passait de ce côté du Mississippi. Ça a été. Pas l'expérience la plus agréable qui soit mais ça valait le coup, ajouta-t-elle après un instant, un vague sourire aux lèvres. Sa mère le lui avait suffisamment répété, accoucher n'avait rien d'une partie de plaisir et clairement, c'était un euphémisme. Gaby ne regrettait pourtant rien, ni la douleur, ni les larmes de frustration. Peut-être d'avoir maudit sa mère, la sage-femme et chaque personne qui lui avait assuré, d'un ton rassurant, que tout irait bien sur plusieurs générations. Cela dit, elle n'était sans doute pas la première femme enceinte à se montrer un brin rude en salle d'accouchement et probablement pas la dernière non plus.

Si elle s'était préparée à voir Sutton débarquer, peut-être aurait-elle imaginé entendre des excuses. Peut-être, oui, mais elle n'aurait définitivement pas compté là-dessus. Plus déstabilisée qu'elle n'était prête à l'admettre, Gabrielle se redressa à nouveau pour regarder son épouse. Ex-épouse ? Elle avait, bien sûr, parlé divorce avec Jezabel, même considéré que c'était plus ou moins une affaire conclue, mais elle n'en avait pas encore parlé avec la principale intéressée, pas vraiment. Pas que Gaby envisage réellement une autre option mais la perspective de parler divorce et procédures légales assombrissait quelque peu le bonheur éclatant qu'elle avait vécu dans cette chambre depuis qu'elle y était entrée. Il va falloir être un peu plus précise. Ça fait un moment que tu n'es plus là, Sutton. Et je suis pas sûre que tu serais là, maintenant, si tu n'étais pas venue à New York pour ta carrière. La dernière chose dont elle avait envie, c'était bien de se lancer dans une engueulade sans queue ni tête à base de reproches réchauffés et rancœur latente. Mais il y avait trop de choses qu'elle n'avait pas dit, trop de remarques qu'elle avait gardé pour elle, persuadée d'être trop exigeante, d'en attendre trop sans en avoir le droit, accrochée qu'elle était à cette image du mariage parfait. Et pour être honnête, je sais pas ce que tu fais là. Tu aurais pu te contenter d'envoyer des fleurs, ça aurait suffi. Toujours mieux que d'envoyer son assistante. Ou son avocat.

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Sam 21 Nov - 20:44
Ca valait le coup. Sutton sourit, regarde le visage paisible du bébé et ne peut s'empêcher de lui donner raison. Elle n'était honnêtement pas certaine de partager cette joie de voir leur enfant, pensait que Gaby avait raison et qu'elle était trop froide et distante pour ressentir cet amour parental dépeint dans les films romantiques. Mais ce moment la touchait indéniablement, même si elle aurait été bien incapable de mettre des mots sur ses émotions. Ce qui est le cœur du problème, de tous leurs problèmes, d'ailleurs. Un instant, elle est tentée de tendre la main, d'effleurer la petite joue de l'enfant. Mais elle se retient. Nul doute que sa (future ex?) femme n'apprécierait pas et la brune a déjà prouvé suffisamment de fois qu'elle choisissait très mal son moment.

Comme son arrivée à New-York d'ailleurs, qu'elle aurait préféré ne pas coïncider exactement avec la naissance du bébé. Elle aurait voulu avoir le temps de réfléchir à ce qu'elle allait dire à Gaby, chercher comment lui expliquer la situation, pourquoi elle avait réagi comme elle l'avait fait. Se trouver des excuses, en somme. Mais, visiblement, le fait d'avoir accouché il y a moins de 48 heures n'enlevait rien à la verve de la blonde, qui ne perd pas de temps pour lui balancer ses quatre vérités. Sutton est piquée, blessée peut-être et se redresse dans un élan mal venu de fierté. Certes, Gaby n'a pas tort. Mais la dépeindre comme un monstre carriériste lui semble un rien injuste. Après tout, elle avait fait des efforts. Refuser ce film l'été dernier pour passer du temps ensemble. Essayer. Pas assez, trop peu, trop tard, peut-être. Mais il lui semblait déraisonnable de lui rejeter toute la faute, comme si elle n'avait pas fait son coming-out pour elle, comme si elle ne l'avait pas épousée et promis fidélité et amour pour toujours. Voilà qui ressemble à de la publicité mensongère maintenant. Enfin, elle l'aime toujours. Bien sûr. C'est la seule personne qu'elle a jamais aimé après tout. Mais quelque chose est irrémédiablement brisé entre elles, Sutton le sent. En vérité, elle le sait depuis que sa femme est partie sans même un post-it sur le frigo. Mais l'entendre parler de la sorte, tenant ce nourrisson tant attendu dans ses bras, cela lui fait prendre conscience de la réalité de la situation. Après tout, tant qu'elles ne se parlaient pas, elles pouvaient faire semblant. S'imaginer une réconciliation, un retournement de situation dramatique, un appel manqué tard dans la nuit et une longue lettre implorante. Mais ce n'est pas le cap vers lesquels elles semblent se diriger.

« Je n'étais même pas sûre de le faire. De prendre le rôle qui m'a fait venir ici. » Elle hésite, n'ayant encore pas admis ce petit détail. « Je... Quand tu es partie, j'étais à Vancouver et je pensais faire un break pour la fin de l'année. Mais comme ce job était à New-York, je me suis dit que ça me faisait une excuse pour venir, autre chose à faire si tu refusais de me voir. Parce que tu ne voulais pas que je vienne Gaby. » Elle ne se sent clairement pas en position de force pour défendre sa version des événements, mais les vannes sont ouvertes, autant suivre le courant. « Tu as ignoré mes appels, tu n'as pas cherché à me contacter... J'étais sensée faire quoi exactement? Partir au milieu d'un tournage et courir dans l'aéroport pour te rattraper? C'est toi qui est partie. » Son ton n'est pas accusateur, mais les mots peuvent néanmoins être très mal pris, aussi se corrige-t-elle très vite. « Et je ne te le reproches pas, je… J'ai merdé. » Euphémisme s'il en est, mais elles auront sans doute tout le loisir de creuser sur ce point. « Je suis désolée, pour tout, okay? Mais tu ne peux pas partir et me reprocher de ne pas avoir été là. Partir et me reprocher et d'être là maintenant, parce que je veux faire de mon mieux pour… » Elle n'avait toujours pas de nom, un autre sujet important à évoquer aujourd'hui sans doute. « Le bébé. Je ne veux pas être un parent absent et je ne te demande pas de me pardonner ou de revenir à L.A, rien de tout ça. Je veux juste qu'on parle, comme deux adultes et qu'on essaie de faire ce qu'il y a de mieux pour elle. » Sutton regarde à nouveau le bébé, si innocente, si calme, ne se doutant en rien du tumulte entourant sa venue au monde. Elle aurait aimé pouvoir en dire de même.

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Dim 6 Déc - 19:21
Sans doute valait-il mieux pour tout le monde qu'elle ait toujours le bébé dans le bras en écoutant sa femme. Ex-femme. Probablement. Certes, Gabrielle ne s'était pas préparée à ces retrouvailles, pas vraiment, mais elle connaissait suffisamment bien Sutton pour avoir une vague idée de ce qui l'attendait. L'étalage de tout ce qu'elle détestait le plus à Hollywood, ni plus ni moins. Elles avaient beau être seules dans cette chambre d'hôpital, Gaby avait la désagréable impression que Sutton performait devant une audience, curieuse et hautaine, prête à sauter sur le moindre détail un rien sordide, la moindre miette de faiblesse. Pendant longtemps, ça ne l'avait dérangée, parce qu'elle avait su dès le premier jour où elle mettait les pieds. Pas seulement avec Sutton, oh non, mais avec chaque visage parfait qu'elle avait observé derrière la vitre du studio d'enregistrement, des grands noms de l'écurie Disney aux moins connus des D-listers. Ils se perdaient en faux semblants, si doués qu'ils étaient pour se convaincre eux-mêmes des jolis mensonges qu'ils débitaient. Que Sutton tente de refaire l'histoire pour se donner le bon rôle ne la surprit même pas. L'envie de crier à l'injustice et au scandale était bien là, alimentée par une naïveté enfantine dont Gabrielle n'avait jamais vraiment réussi à se débarrasser, mais ça paraissait dérisoire face à la tristesse de la situation. Réaliser qu'elle était devenue quelqu'un digne d'une si piètre performance, qu'elle était passée de l'autre côté de la barrière après toutes ces années, après les sacrifices et les épreuves qu'il avait fallu surmonter était plus amer qu'elle ne voulait bien l'admettre.

Silencieuse, elle esquissa un vague sourire, avalant les reproches sans broncher, les yeux rivés sur Sutton. Les circonstances ne se prêtaient pas à la colère dramatique qui aurait sans doute soulager Gabrielle. Ce n'était pas le moment, ce n'était pas l'endroit et, par-dessus tout, même si sa fille n'aurait pas le moindre souvenir de cet instant, elle refusait que ses premiers moments de famille soient aussi bruyants qu'ils étaient douloureux. L'amertume et les regrets, Gaby les garderait pour elle. Tu veux parler comme une adulte ? finit-elle par dire dans un rictus qu'elle ne parvint pas à réprimer. Commence par accepter la réalité telle qu'elle est, dans son ensemble. On est pas dans un film, Sutton, tu ne peux pas réécrire le scénario comme ça t'arrange, garde ça pour tes communiqués de presse. Sans doute que reconnaître que leur mariage était compliqué entâcherait sa réputation mais Gabrielle n'en avait plus grand-chose à faire. Que ta carrière soit plus importante que moi, je me suis faite à l'idée et je suis une grande fille, je peux gérer. Par contre, je t'interdis de lui faire subir la même chose, précisa-t-elle avec un bref regard pour le bébé qui gazouillait joyeusement, clairement pas influencé par la tension qui régnait dans la pièce, et honnêtement, je suis pas sûre que tu réalises ce que ça implique. C'est pas un tournage de quelques semaines ou un contrat avec une marque de chaussures, c'est un enfant. Et à moins que tu sois réellement prête à en faire une priorité, tu peux t'en aller maintenant. Je te retiendrai pas. Et je ne te demanderai rien non plus. Entre Jezabel, Chris et Debbie, elle avait tout le soutien dont elle avait besoin ici, à New York, à portée de sms ou à quelques pas de sa propre chambre. Même sa mère, si expansive et intrusive, se révélait d'une aide précieuse, matérielle comme émotionnelle. Elle savait, au fond, qu'elle aurait le cœur brisé si Sutton décidait de s'en aller là, maintenant, mais elle s'en sortirait.

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Dim 13 Déc - 15:26
Les accusations de Gaby sont d'autant plus blessantes qu'elles lui semblent injustes. Contrairement à ce que sa future ex-femme semble croire, Sutton n'est pas complètement détachée de la réalité et a parfaitement conscience de ses torts. Elle n'a pas été assez présente, n'a pas su être à la hauteur, n'a pas fait ce qui était attendue d'elle. Il aurait sans doute était utile d'expliciter les attentes en question, mais c'est un débat pour une autre fois. Mais voir la personne la plus importante dans sa vie lui cracher qu'elle doit accepter la réalité, c'en est presque trop. Sutton déglutit péniblement, laissant la blonde lui reprocher d'être fausse, de réciter un scénario, de réécrire l'histoire. C'est particulièrement gonflé, venant de celle qui a fait ses valises sans rien dire et a déménagé à l'autre bout du pays et quasiment pas répondu au téléphone. Sans vraiment s'en rendre compte, Sutton serre de toutes ses forces la barre du lit d'hôpital, surprise de sa propre colère. Ce n'est pas une émotion qu'elle ressent souvent, un peu trop blasée après 30 ans à travailler dans une industrie raciste et sexiste. Et c'est encore moins le genre de sentiment qu'elle extériorise. Après tout, ce n'est pas très poli et respectable comme émotion. Ca n'a certainement pas réussi à Miley Cyrus.

Et puis, sans doute n'a-t-elle pas vraiment le droit de s'emporter. Elle est en tort. C'est la méchante de l'histoire, le personnage secondaire carriériste et froide qui se fait larguer dans la comédie romantique, pour que la gentille protagoniste maladroite aux fortes valeurs familiales puisse rencontrer la bonne personne. Et Sutton a été à suffisamment de castings pour savoir quel rôle Gaby occupe dans ce scénario. Prouvant qu'elle n'est qu'une vile calculatrice, elle se dit aussi que le fait que sa femme soit celle qui a mis au monde le bébé ne joue pas en sa faveur. Entre la mère célibataire éplorée et l'actrice millionnaire qui débarque au mauvais moment, le choix est vite fait, non?

Gabrielle lui pose alors ce qui ressemble fort à un ultimatum. Pas exactement la conversation mature qu'elle espérait en arrivant, mais elle aurait dû s'y attendre. Sa femme a toujours eu la fibre dramatique. Son ex femme. La brune expire bruyamment, serre et desserre les dents. Une petite part de son cerveau lui souffle de partir. C'est le moment ou jamais, littéralement. En partant maintenant, elle signerait la fin de tout. De son histoire avec Gaby, d'un potentiel futur avec son enfant. Et peut-être aurait-elle un sentiment de liberté. Elle serait maudite par le clan des Forbes et leur nombreux amis, mais, on ne lui reprocherait plus rien. Elle pourrait se consacrer entièrement à la pénible renaissance de sa carrière, construire son empire et son héritage. Mais pour qui? En vérité, elle n'a aucune envie d'abandonner Gaby. Elle en serait incapable, même si la principale intéressée a l'air de penser le contraire. Jamais elle ne se le pardonnerait. Jamais elle ne supporterait de ne pas connaître sa fille. Certes, le modèle familial des Yang n'est pas exemplaire et la brune a ses craintes sur sa capacité à être une bonne mère. Mais il lui paraît impensable de tourner les talons, de choisir la facilité, mais aussi la peine immense. Non. Elle ne s'en remettrait pas.

« Je ne veux pas partir. Je n'ai jamais voulu partir, TU es partie! » Le ton est monté et sa voix a percé un octave qu'elle ne se savait pas capable d'atteindre. Sutton toussote légèrement, à deux doigts de hurler et pleurer. Ca ne lui ressemble pas. « Ce n'est pas réécrire l'histoire. C'est ce qui s'est passé. » Pourquoi s'enfonce-t-elle sur ce terrain, alors qu'elle sait pertinemment que la partie est perdue? Un reste de fierté, une obsession pour l'exactitude, une psychorigidité instillée depuis l'enfance. « Mais ce n'est pas ce qui est important, si ça peut te faire plaisir de me peindre comme le monstre qui ne t'a pas assez aimée, qui ne t'as pas choisie, qui a privilégié sa carrière, je t'en prie. Après tout, oui, j'ai voulu préserver la carrière que j'ai passé 30 ans à construire et sur laquelle repose la stabilité financière d'un certain nombre de personnes. Pardon, désolée de vouloir mériter ce que je gagnes et devoir travailler trois fois plus que mes collègues pour deux fois moins d'opportunités. » C'est un coup bas, elle le regrette presque aussitôt. Et puis, Gaby n'y est pour rien et est loin d'être la personne la plus pistonnée ou privilégiée du milieu. Et l'actrice elle-même peut se présenter comme la plus grande bosseuse d'Hollywood autant qu'elle le veut, ça n'empêche pas sa famille de posséder une large fortune dans tous les cas.

« Je suis désolée, je n'aurais pas dû dire ça. » C'est un peu tard, l'idéal aurait été de ne rien dire. Mais au point où elle en est, bon. « Ce que je veux dire, c'est que je n'ai jamais voulu te négliger pour ma carrière. Je… Tu es la seule personne avec qui j'ai eu une relation sérieuse et tu es devenue ma femme. Je n'avais rien à part le travail avant toi et je suppose que j'ai toujours voulu m'assurer que j'aurais au moins ça si ça devait se terminer entre nous. » Pas franchement dans la veine optimiste de l'écurie Disney, mais sans doute proche de la réalité. « Mais on a un bébé. Une petite fille. Je veux être là pour elle. On ne va pas se mentir, tu seras sa mère, sa vraie mère, dans tous les sens du terme. » Ce qui lui brise le cœur, en un sens, mais elle sait que ce choix était le bon. « Mais je ne veux pas être une étrangère avec qui elle partage quelques gênes. Je veux m'organiser, faire des efforts pour être présente, lever le pied, surtout au début. Si la série marche, je peux rester à New-York pendant les trois prochaines années et ne faire aucun autre projet. » Ce serait une première pour Sutton Young de ne pas utiliser chaque seconde pour trimer, mais elle est on ne peut plus sérieuse. La balle est dans le camp de Gaby maintenant.

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Dim 3 Jan - 23:24
Elle prit le changement d'octave de plein fouet, sec comme une gifle, aussi peu mélodieux qu'une cuillère raclant le fond d'une tasse vide. Ironique, quand Gabrielle avait été si longtemps convaincue d'avoir la recette de la mélodie du bonheur. Deux ou trois accords, un soupçon de talent et les bons mots sur un instrument parfaitement bien accordé mais il y avait un bail qu'elles ne suivaient plus la même partition. À quoi bon s'entêter à vouloir faire lire la sienne à Sutton maintenant que la chanson était finie ? Crispée, Gabrielle baissa la tête, regardant sa fille sans vraiment la voir, les oreilles bourdonnant sous les justifications qui lui semblaient si mal ajustées. Elle aurait voulu lever les yeux au ciel, comme elle l'avait fait à de si nombreuses reprises dans son studio californien, et écraser le bouton pause pour arrêter l'instrumental et exiger une nouvelle prise. Mais il n'y avait pas d'autre essai, pas d'opportunité d'effacer ce qui venait d'être dit, seulement la colère et les reproches qui flottaient dans l'air, déclinés sur deux gammes différentes.

Gabrielle balaya les excuses de son épouse d'un bref ricanement amer, se retenant à grand peine de noter qu'il était un peu facile de lâcher quelques mots pour en effacer une montagne, que ça ne ressemblait à rien sinon à une vaine tentative de minimiser des conséquences sur lesquelles elle n'avait pas le moindre contrôle. La new yorkaise savait, néanmoins, qu'il était inutile d'argumenter avec quelqu'un comme Sutton, si habitué aux questions pièges et intrusives des médias. Et pour quoi, sinon pour avoir le dernier mot. Une perte de temps et d'énergie, qui se pourrait se révéler plus douloureuse et brutale qu'utile. Gaby ne voulait pas ça, Gaby n'avait pas besoin de ça. Et si, par hasard, Sutton se décidait à faire partie de la vie du bébé, à vraiment en faire partie, il lui faudrait apprendre à rester aimable. Ou polie, au moins. Si elle ne pouvait pas offrir à sa fille la stabilité d'une famille unie, elle ferait toutefois son possible pour ne pas la soumettre aux tensions et à la tristesse de voir ses parents se déchirer.

J'ai toujours voulu m'assurer que j'aurais au moins ça si ça devait se terminer entre nous. La réflexion la fit sourire, tristement. Oh, comme elle avait été naïve. Naïve et bête, si bête. Sans doute aurait-elle dû y penser, elle aussi, préparer un plan B au cas où les choses tournent mal. Mais éternelle romantique qu'elle était, Gabrielle s'était convaincue toute seule que ça n'arriverait pas. Parce que c'était pour les autres, les gens qui ne s'aimaient pas assez, pas correctement, les gens qui ne savaient pas communiquer ni faire le compromis. Pourtant, c'était arrivé, ça leur était arrivé et parce qu'elle n'avait pas été capable d'admettre que c'était une possibilité, Gabrielle n'avait plus rien sinon d'amers regrets.

D'amers regrets difficiles à avaler, d'amers regrets qui menaçaient de quitter ses lèvres sous la forme d'une réflexion acerbe sur l'implicite relation entre ratings et maternité, entre succès professionnel et obligations familiales. D'amers regrets que Gaby parvint, non sans mal, à garder pour elle en se tournant à nouveau vers sa femme. Je vois, lâcha-t-elle, glaciale. Elle réussirait, tôt ou tard, à y mettre un peu plus d'enthousiasme. Peut-être. Avant le dix-huitième anniversaire de sa fille, avec un peu de chance. Est-ce que, um- elle s'interrompit, sourcils froncés, gorge sèche. Mal à l'aise, devant Sutton, pour la première fois de sa vie. Est-ce que tu veux la prendre ? Juste deux minutes, elle s'appelle reviens. Un sourire étira ses lèvres, le temps d'une seconde ou deux. Un vrai sourire, cette fois. Je devrais pas dire ça trop fort, ça pourrait finir sur son certificat de naissance. Et elle ne pouvait décemment pas laisser ça arriver, pas après avoir tant investi en baby name books. Peu importe, reprit-elle avec un soupir, tâchant d'avoir l'air aussi détaché et avenante que possible, ne te sens pas obligée. Une petite partie d'elle avait terriblement envie d'entendre un refus, net et définitif, de voir Sutton se lever et prendre ses jambes à son cou. Une toute petite, toute, toute petite d'elle, faite d'égoïsme et de craintes, animée par la peur de se voir enlever sa fille et le peu d'envie de la partager après avoir passé tant de temps rien qu'avec elle. Le même morceau, sans doute, qui avait poussé Gaby à se choisir, elle-même, plutôt que le rêve d'une vie parfaite, plein de désillusions. Mais il ne s'agissait plus seulement de son propre équilibre et elle était prête à faire un effort. À essayer, du moins.

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Sam 16 Jan - 17:59
Au moment où les mots ont franchi ses lèvres, Sutton sait qu'elle est allée trop loin. Qu'elle a touché des points sensibles, déversé des émotions que personne d'autre n'a eu le déplaisir de subir. C'est aussi ça, l'intimité. Se montrer pleine et entière à quelqu'un, avec ses (nombreux) défauts et ses failles qu'elle n'a jamais pris le temps de combler. Peut-être aurait elle dû, offrant ainsi une fondation plus solide à son mariage, leur évitant d'être dans cette situation. Mais, c'est trop tard pour ça, le château s'est écroulé et tout le monde va bientôt pouvoir admirer les ruines. Etonnamment, l'actrice n'est même pas encore en train de réfléchir à comment elle pourra sauver tout ça aux yeux de la presse, comment elle esquivera les questions sur son inévitable divorce quand elle commencera le press tour pour la série. Non, elle regarde Gaby avec les lèvres tremblantes, craignant de se faire mettre dehors pour la dernière fois, pour de bon.

Gabrielle, qui ne dit rien. Pas un mot. Qui ne s'emporte pas dans un élan dramatique, ne jure pas, ne maudit pas toute son ascendance, ne lui fait pas de reproches. Je vois. Que voit elle exactement? Est-ce qu'elle abandonne? N'a plus la force de se préoccuper de ce que pense Sutton et décide simplement de passer à autre chose? N'a plus rien à investir dans une conversation comme celle-ci? Est-ce qu'elle a écouté ce qu'elle a voulu lui dire et décidé de ne pas surenchérir? Malgré toute sa maladresse et son égoïsme, Sutton a-t-elle réussi, pour une fois, à se faire comprendre? Ce serait surprenant. Mais, préférant largement ce qui se passe à tous les scénarios catastrophes qu'elle a eu le temps d'imaginer pendant les quelques secondes de silence de sa femme. Son ex.

Elle lui propose alors de tenir le bébé. De prendre sa fille dans ses bras, pour la première fois. Et elle plaisante, lui offrant son sourire, le vrai, celui qu'elle aime tant. Les yeux de l'actrice brillent et son cœur se serre si fort qu'elle craint une seconde de ne plus pouvoir respirer. Elle parvient toutefois à expirer dans un souffle tremblant, relâchant un peu de sa tristesse et de l'anxiété qui l'habitent. Juste assez pour se sentir en confiance et bercer son enfant dans une énergie positive. « J'aimerai bien oui. S'il te plaît. » Il y a quelque chose d'étrange et de tragique à demander la permission de serrer sa fille dans ses bras mais, pour l'instant, cela lui semble plus approprié. Elle tend les bras et Gaby y dépose le bébé, sans doute un peu à contrecœur. « Juste quelques minutes, promis. » Sutton ne peut imaginer le lien qui existe entre l'enfant et la mère, les instincts primitifs qui doivent envahir la blonde, la menace qu'elle représente. Délicatement, elle soutient la tête de la petite, la regarde dormir d'un air ébahi. Il est tout bonnement incroyable que ce petit être soit sorti du corps élancé de Gaby. Qu'elle ai créé la vie.

« Elle est parfaite. » Sutton se surprend à chuchoter, la bouche sèche et le cœur battant. Se risquant à briser la magie de l'instant, elle lève la tête vers son ex et demande doucement « Tu as des idées de prénom? Parce qu'en effet, je ne suis pas sûre que Reviens lui convienne tout à fait. » Elle sourit légèrement, reportant son attention sur le bébé. Evidemment, elles ont parlé d'éventuels prénoms. Mais ce n'était alors que des conversations pour un futur encore un peu distant, elle ne tenait pas l'enfant en question dans ses bras. Et sans doute Gaby a eu d'autres envies entre temps, lu ou vu quelque chose qui l'a inspirée. Des deux, c'est elle la vraie artiste après tout.

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Dim 31 Jan - 17:30
Le pincement au cœur qui la secoua en abandonnant sa fille aux bras de Sutton était presque familier. Il avait accompagné chaque visite, chaque murmure attendri de ses proches au-dessus du petit lit qui bordait le sien. Il n'y avait rien de rationnel à ces élans de jalousie, Gaby en avait parfaitement conscience, du moins pas avec ses parents, le reste de sa fratrie ou les quelques ami·e·s qui s'étaient déjà pressé·e·s à son chevet. Avec Sutton, en revanche, c'était différent. Si elle ne s'attendait pas à la voir prendre ses jambes à son cou, le bébé sous le bras, Gabrielle était parfaitement capable d'imaginer des circonstances qui la priveraient de sa fille. Malgré toute la bonne foi dont elle semblait vouloir faire preuve, Sutton avait des droits, Sutton pouvait avoir des projets aussi. Sutton pouvait lui enlever sa fille et soudain, sa jalousie craintive ne lui paraissait plus si absurde.

S'exhortant mentalement au calme, Gaby croisa les bras, une grimace déformant brièvement ses traits devant l'envie désespérée, déraisonnable de bondir pour récupérer le bébé. Son bébé. Non, ce n'était pas tout à fait vrai et elle le savait, mais les mois passés seule, en tête à tête avec ce petit être, loin du monde extérieur — de la réalité, vraiment — n'aidait guère à réfléchir. Bien sûr qu'elle savait, dès le départ, que ça prendrait fin tôt ou tard, et elle était même préparée à partager. Parce qu'elles s'étaient engagées dans cette aventure à deux, parce qu'elle voulait sa petite famille parfaite plus que tout mais force était d'admettre que réalité, fantasmes et sentiments ne s'accordaient pas toujours.

Le murmure de Sutton attira son attention et, finalement, elle se tourna dans sa direction. Leur direction. Sutton, le bébé, l'image que la Gabrielle d'il y a deux, trois ans plus tôt s'était peinte avec envie et excitation, avait attendu avec plus de hâte que tous les matins de Noël de l'univers, si impatiente qu'elle avait sans doute égoïstement précipité les choses. Un picotement familier parcourut son nez et elle s'éclaircit la gorge, repoussant les larmes et l'envie curieuse d'approcher. De faire partie, elle aussi, de la photo. Um, j'ai pensé à Jude, lança-t-elle en attrapant son téléphone qui traînait sur la table de chevet, non sans éviter soigneusement le regard de sa femme — ex-femme, whatever, elle allait avoir besoin de temps pour se faire à la nouvelle terminologie. Pas à cause de la chanson des Beatles, ce serait- Ironique. Malsain. Immature. Way too white too. Pas très original, finit-elle par choisir avec une moue pas convaincue but oh well. Gabrielle haussa les épaules, toute son attention reportée sur la photo qu'elle tâchait de prendre, mains presque trop fébriles pour cadrer correctement. Mauvaise idée sans doute mais elle en avait besoin. Pour plus tard, pour se souvenir, pour être sûre que ce moment avait bien existé quand elles finiraient inévitablement par se déchirer. Ma mère m'a offert un de ces casques pour la grossesse, tu sais, qui se calent sur le ventre et sont sensés calmer le bébé si tu lui passes Mozart ou Chopin ou Dieu sait qui. J'ai essayé, elle est pas très fan de musique classique pour l'instant. Par contre, le hip hop, bizarrement, worked like a charm. Surtout MI Abaga, pour des raisons que j'ai toujours pas compris. Le rythme peut-être, je sais pas, je le connaissais pas avant d'errer sur Spotify à la recherche de la perle rare. Pas qu'elle ait été très agitée mais il y a eu des nuits- peu importe. Il s'appelle Jude et c'est mixte, donc... Elle se tut, se concentrant sur la photo. Le bon angle, le bon cadrage. It had to be perfect. C'était idiot, sans importance aussi, mais Gabrielle en avait besoin. Elle tapa nerveusement le bouton rond avant d'inspecter le résultat, se perdant dans son bavardage pour ignorer les battements erratiques de son cœur affolé. J'ai pas arrêté mon choix cela dit, c'est pas exactement une décision à prendre à la légère et j'avais pas envie qu'elle passe le reste de sa vie à me détester pour avoir décider de lui donner un prénom ridicule sans réfléchir. Elle trouvera suffisamment de raisons pour ça à l'adolescence. If she was anything like Gaby, at least. Et j'étais pas sûre que tu viennes mais puisque j'avais encore du temps devant moi avant d'être forcée de remplir son acte de naissance, j'ai pensé que ça ne pouvait pas faire de mal d'attendre un peu. Au cas où... Au cas où ça t'intéresse. Non, ce n'était sans doute pas la bonne route à prendre. La dernière chose dont Gabrielle avait besoin, c'était bien de relancer un débat stérile et amer Au cas où tu puisses venir, je suppose, elle haussa les épaules à nouveau les épaules avant de présenter son portable à Sutton, je peux l'envoyer à ta sœur si tu veux. À moins que tu préfères le faire ? Ce serait sans doute plus convena- logique. Logique, vu la situation, rectifia-t-elle, la gorge serrée.

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Mer 3 Fév - 21:40
Sutton se perd un instant dans la contemplation du tout petit bébé qu'elle tient précautionneusement dans ses bras. Elle est minuscule. La jeune femme n'arrive pas à se focaliser sur autre chose, ne voyant que la petitesse et la fragilité de l'enfant. De sa fille. Il lui semble impensable que ce petit être si fragile soit soudain sa responsabilité, même partielle. Comment est-ce possible, alors qu'un rien pourrait la blesser, alors que l'hôpital où elle est née est déjà une menace, un haut lieu de contagion pour son système immunitaire pas encore terminé? Comment grandira-t-elle heureuse, épanouie, en bonne santé? Comment s'assurer de ne pas tout rater, de ne pas l'abîmer; ce bébé merveilleux, délicat, précieux, frêle? La brune sent un début de panique la gagner, entend son cœur battre un peu trop fort dans ses oreilles. Il lui faut un petit instant retrouver ses esprits. Elle se concentre sur les cheveux blonds de sa femme, sur la légère senteur de fleurs qui camoufle à peine l'odeur caractéristique des hôpitaux, sur la chaleur du bébé contre elle, la sensation de sècheresse dans sa bouche, le son de la voix de Gaby.

Elle lève la tête, se calmant assez pour entendre la suggestion et l'explication de… son ex-femme, il va falloir qu'elle s'y fasse sans doute. Jude. Elle retourne le prénom dans sa tête, s'imagine le héler dans un jardin d'enfants, le chanter à un anniversaire. En regardant la petite, ça semble avoir du sens. L'anecdote derrière le choix lui plaît aussi, même si elle éprouve bien sûr un pincement au cœur de ne pas avoir été là pour partager cette expérience. Peut-être aurait elle dû venir plus vite, comprendre qu'en partant, Gabrielle voulait en fait lui dire, et bien, qu'elle avait besoin d'elle? Ce n'est toujours pas très clair, finalement et mieux vaut ne pas s'y attarder, sous peine de pleinement céder à la panique, à la colère, à la tristesse ou à un mélange de tout cela qu'elle serait bien incapable de gérer. Pour quelqu'un qui est dans le business de l'affect, de la simulation d'émotions, Sutton a un mal fou à définir les siennes et encore plus à les exprimer. Un étrange effet secondaire, peut-être. Une éducation un peu trop calibrée, allez savoir.

L'actrice s'apprête à approuver le prénom - ne se sentant de toute manière pas tellement légitime pour s'y opposer et n'ayant pas forcément mieux à proposer - mais Gaby continue sur sa lancée, visiblement perturbée par cette lourde décision. Sutton berce doucement le bébé, pensant à son propre nom. Un prénom qui ne reflétait aucune des deux cultures de ses parents, un nom de famille américanisé une seconde fois, pour ouvrir des portes, ne pas faire de vagues. Personne ne peut deviner que derrière Sutton Young se cache une jeune femme d'origine asiatique et ça n'a rien d'innocent. L'intéressée a appris à vivre avec et même à apprécier son prénom, mais elle comprend néanmoins les inquiétudes de Gaby. Qui s'emmêle à nouveau en essayant visiblement de ne pas lui reprocher d'avantage son manque d'implication durant la grossesse. Ce que la brune apprécie, aussi elle répond avec un sourire léger. « Merci d'avoir attendu. » Elle n'en dit pas plus, préférant ne pas courir le risque de s'enfoncer ou dire une bêtise.

Elle se penche alors vers la photo, essayant de ne pas grimacer à la mention de sa chère sœur. « Hum, tu peux lui envoyer, à vrai dire, ça m'arrangerait. Mais tu n'es pas obligée. Et puis, je veux bien que tu me l'envoies aussi. » Evidemment, il y aura d'autre photos. Du moins, elle ose l'espérer. Mais, si jamais. Si jamais Gaby venait à partir ailleurs, plus loin, sans lui laisser un numéro cette fois-ci. Si jamais. Elle aurait une preuve que ce moment a existé, qu'elle a tenu son bébé dans ses bras. Avec un sourire un peu plus triste, Sutton tend les bras vers la blonde, la laissant récupérer la petite. Elle l'aurait bien gardé un peu plus longtemps, mais il vaut sans doute mieux y aller doucement. « Pour ce qui est du prénom, j'aime beaucoup Jude, c'est court, ça sonne bien. Et puis, comme tu dis, c'est mixte, ce qui est un plus. » Un détail qui leur avait plu, quand elles avaient parlé prénoms, il y a de cela une éternité, lui semble-t-il. S'approchant un peu du lit, elle hésite, puis pose sa main sur l'épaule de son ex-femme. « Et c'est loin d'être ridicule et elle ne te détestera pas. Regarde, ma mère m'a fait changer mon nom et je ne la déteste pas. Du moins, pas pour ça. » Elle essaie de rire, mais le bruit étranglé qui sort de sa gorge est peu convaincant.

« Si elle doit ne pas aimer une de ses parentes, ce sera moi. Quand on regarde nos CV respectifs en terme d'implication et d'amour maternel, tu as une longueur d'avance. » Depuis le début, le désir de maternité était le sien. Pas que Sutton ne le partageait pas, mais elle aurait pu vivre sans. Maintenant qu'elle est là, qu'elle a tenu Jude près d'elle, elle se demande comment elle a pu penser ça. « On peut dire que je serais la méchante si tu veux, même si je pense que j'aurais du mal à lui résister. » Un nouveau sourire, l'image d'une petite bourrique négociant une glace ou un jouet n'étant pas difficile à visualiser. « Je veux vraiment être là Gaby. » Son ton est plus sérieux et elle cligne un peu fort des yeux pour en chasser l'humidité. « Je veux qu'on parle méthodes d'éducation, qu'on s'inscrive sur des listes d'attente absurdes pour des crèches, qu'on compare des marques de petits pots. Je ne sais pas comment faire ça et travailler en même temps, mais je veux y arriver et j'espère que tu me laissera trouver cet équilibre. » Qu'elle lui laissera le temps, acceptera de lui faire une place dans la nouvelle vie qu'elle s'est forgée. Sutton n'a pas de fol espoir, mais ce qu'elle demande lui semble raisonnable. Sinon, autant qu'elle le sache maintenant, quand tourner les talons est encore envisageable. Ca lui briserait le cœur, mais dans quelques temps, elle n'en aura pas la force du tout, elle le sait. La balle est dans le camp de Gaby.

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Lun 19 Avr - 16:10
C'était presque tentant de se perdre dans l'illusion de circonstances différentes, sans séparation ni distance, sans amertume ni regret. Comme si leur vie à deux — à trois — avait suivi en parallèle le conte de fées que Gabrielle avait écrit dans sa tête à quinze ou seize ans sans accroc ni rupture. Naïf, vraiment, mais tellement tentant. Gaby chassa bien vite cette idée, aidée par les remerciements de Sutton qui n'avaient pas leur place dans ses enfantillages ridicules. Dans cette réalité alternative, elles l'auraient choisi ensemble, ce prénom, entre toutes les autres décisions nécessaires, de la plus insignifiante à la plus importante. La crèche la plus appropriée, la meilleure marque de lait maternel, la palette de couleurs de la nurserie, le plan de naissance. Dans cette autre réalité, c'est la main de Sutton qu'elle aurait broyé à chaque contraction plutôt que celle de Jezabel et elle se serait inquiétée de l'état de la relation avec la petite sœur. Elle ne se serait pas posée de question d'envoyer la moindre photo via AirDrop — aurait noyé Sutton sous les clichés, really — et elles auraient plaisanté sans gêne ni pause sur les problèmes en tout genre qu'annonçaient les dix-huit prochaines années. Plus triste encore, elle n'aurait pas tressailli sous la main de sa femme, ni eut le réflexe de reculer initialement.

Avec un sourire un rien forcé, Gabrielle s'exhorta au calme, concentrée sur le bébé qui avait retrouvé ses bras, tâchant de se relaxer. C'était stupide, vraiment. Elle n'avait pas vécu loin de tout contact humain tout ce temps, loin de là. Elle avait supporté les étreintes surprises de sa mère, avait serré Chris dans ses bras plus d'une fois, passé des heures collée contre Jezabel sur le canapé de leur appartement. Mais ils n'étaient pas Sutton. Soyons réalistes, on va toutes les deux commettre des erreurs. Avec un peu de chance, aucune de nos boulettes ne l'enverra en thérapie trop longtemps, murmura-t-elle après un moment. Elle ne savait que trop bien à quel point il était facile de ruiner un enfant. Et si elle n'avait guère d'espoir de remettre ses projets de petite vie de famille parfaite sur les rails, il était hors de question qu'elle laisse ses propres déceptions mettre en péril l'avenir et l'équilibre de sa fille. Pas si il y avait une chance que les belles promesses de Sutton aient un fond de sincérité. Gabrielle se redressa en entendant son prénom, le cœur battant bêtement la chamade. Je crois pas que quiconque soit préparé à gérer ce genre de choses dès le début, fit-elle dans un soupir après un moment de silence, à peser les mots si sérieux de Sutton et ses propres craintes, je sais pas ce que je fais 80% du temps et j'ai même pas à me préoccuper de mon job pour l'instant. Mais on est pas le— le premier couple manqua-t-elle de dire par réflexe. On est pas les premières personnes à qui ça arrive et l'humanité continue d'avancer, donc j'imagine que c'est possible. Du moment qu'on s'accroche, toi et moi. Et le reste de ma famille envahissante. Elle leva les yeux au ciel, incapable toutefois de résister à l'envie de sourire. Si extravagants et passablement irritants qu'iels pouvaient être, les Forbes pouvaient se révéler être d'une aide précieuse. Chris, pour sûr, la matriarche aussi, de temps en temps. Mais sérieusement, je veux— j'ai pas— je veux pas laisser ce qui s'est passé entre nous lui faire du mal et l'empêcher d'avoir la meilleure vie qui soit. Je veux pas être une de ces mères aigries qui transforment leurs problèmes conjugaux en bedtime story, c'est pas sain et c'est certainement pas ce que je veux pour elle. Et je dis pas que je serai nécessairement encline à discuter h24 ou que je vais mettre de côté tout ce qui me met en colère ni tout ce qui a pu me blesser mais, um. Disons que je suis disposée à te laisser une chance ou, je sais pas, à ce qu'on essaye de trouver un terrain d'entente pour ne pas foirer totalement son éducation avant son premier anniversaire, quelque chose comme ça. Un compromis qui n'aurait sans doute guère plu à l'adolescente qu'avait été Gabrielle but then again, what did that naive little bitch know really.

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Dim 2 Mai - 15:56
Sutton laisse échapper un petit rire, un peu triste. En temps normal, ce genre d'humour un peu noir les auraient fait rire, elle aurait surenchérit. Peut-être proposer que bébé Jude ne rencontre jamais Mamie Yang, pour s'assurer que la thérapie familiale ne serait pas nécessaire. Après tout, il n'y avait qu'avec Gaby qu'elle avait pu être elle-même, faire des plaisanteries qui ne passeraient pas dans une interview avec Vanity Fair, oublier de se laver les cheveux, mettre un pyjama usé et des lunettes de repos. Boire deux verres de vin au lieu d'un, reprendre du dessert, râler parce que le lave-vaisselle n'est pas rempli comme elle préfère. Mais maintenant, cette intimité si naturelle paraît inappropriée. Elle appartient à quelqu'un d'autre, à une autre Sutton, celle qui n'a pas tout fait foirer. Celle qui peut encore prétendre à un semblant de normalité, qui ne se retrouve pas à négocier les termes de la garde de sa fille, quelques jours à peine après sa naissance. Elle espère que cette autre Sutton mesure sa chance et n'a pas simplement reculer pour mieux sauter.

Malgré la rancœur qu'elle doit ressentir, Gaby se montre rassurante, compatissante. Lui assure que des gens bien moins dégourdis qu'elles ont réussi à élever des enfants qui parviennent à être des adultes relativement sains de corps et d'esprit. Que l'erreur est humaine, somme toute. Un concept que l'actrice n'a jamais trouvé très facile à accepter. L'erreur conduit à l'échec. L'échec est inenvisageable quand on est la première actrice asio-américaine à tenir le rôle titre d'une série de Disney Channel. L'échec n'est pas son vocabulaire, pas dans son éducation. On ne s'essaie pas à quelque chose si on court un risque élevé de ne pas réussir. Ce qui explique une bonne partie de la vie sentimentale de Sutton. Mais elle ne peut pas envisager l'éducation de sa fille sous cet angle. La seule réussite est que Jude soit aimée, en sécurité, puisse accomplir ses rêves. Et puisque du côté matériel, il n'y a pas franchement lieu de s'inquiéter, c'est au niveau émotionnel qu'elle devra fournir des efforts.

Sa… Son ex-femme, lui fait bien comprendre qu'elles soient loin d'avoir résolu toutes les choses qui n'ont pas été discutées, mais qu'elle ne veut pas que cela interfère avec le bien-être de leur fille. Et la brune est on ne plus d'accord. Elle ne sera pas de ses parents qui laissent leurs problèmes personnels empiéter sur leur relation avec leurs enfants. Elle ne ruinera pas sa vie en lui transmettant toutes ses névroses, le bagage émotionnel hérité de ses propres parents. Sutton regarde le bébé, submergée par une vague d'émotions qu'elle n'aurait jamais ressentir. Elle est incapable de décrire exactement ce qu'elle ressent, de poser des mots sur la force qui serre son sternum, qui bloque sa gorge quand elle regarde la petite fille trop longtemps. Un amour débordant, une peur immense. Mille et une choses entre les deux.

Elle déglutit, espère que ses yeux ne l'ont pas trahie et se concentre finalement sur la blonde. « Je sais que tout n'est pas oublié Gaby, qu'il faut sans doute qu'on règle plein de choses en thérapie nous mêmes pour pouvoir faire de notre mieux pour Jude. » Une proposition gonflée, de la part de quelqu'un qui possède une intelligence émotionnelle si déréglée. Elle toussote, gênée et poursuit rapidement. « Tout ça pour dire, je suis d'accord avec toi. On ne peut pas laisser nos… ce qui s'est passé entre nous, lui faire du tort. Et je ne m'attends pas non plus à ce que tu me consultes pour la moindre petite décision, ce n'est pas ma place. » Elle l'a perdue. Ou ne l'a pas méritée. « Mais oui, si on peut arriver à communiquer pour les grandes décisions, les moments importants… Si je peux être là autant que possible, ça me ferait plaisir. »

L'actrice était on ne peut plus sérieuse, elle est prête à s'installer à New-York, pour les trois ans du contrat de la série, pour le temps qu'il faudra. Le Canada n'est pas si loin, elle peut faire des allers-retours pour les films qui le méritent. Elle peut retourner passer des auditions terrifiantes à Broadway et voir les fans s'insurgeaient de l'embauche d'une "célébrité" plutôt que d'une comédienne méritante dans la prochaine production des Mis ou Cendrillon. Quelque chose lui dit que Gaby n'a pas l'intention de retourner sur la côte Ouest. L.A n'avait jamais vraiment été son événement. C'était le sien, un monde de grandes maisons de bord de mer et d'enfants (de) stars qui se connaissent tous. La météo new-yorkaise ne lui semble pas idéal pour le développement personnel d'une enfant, mais sur tous les autres plans, Sutton ne peut pas nier que c'est sans doute pour le mieux. Elle sourit, timidement, comme si elle n'était pas certaine de pouvoir. « We can do this. » Une affirmation autant pour Gaby que pour elle-même, mais une affirmation néanmoins.

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