2003. “Et toi Orion, une jolie dulcinée pour t’accompagner samedi prochain ?” Relevant la tête de son assiette, Orion mit un moment à replacer la question de sa mère. Samedi prochain. Liz qui a dit oui à Hélios. Le bal de fin d’année. Right. Lui aussi, il avait eu droit à un prom proposal réussi. Est-ce-que pour autant c’était une raison de révéler à ses parents quelque chose qui lui bouffait l’estomac depuis des années ? Well. “J’y vais avec Jay.” Ils le connaissaient Jay, papa et maman. Parce que c’était un camarade d’Orion, un ami qu’il s’était fait en arrivant au lycée. Il passait à la maison des fois Jay, pour travailler ou pour jouer aux jeux-vidéos avec Orion. Il restait dormir à la maison des fois aussi, Jay, parce que c’était plus safe que de le laisser rentrer chez lui alors qu’il faisait nuit noire. Il l’aimait bien, Jay, papa et maman. “Oh, d’accord. C’est bien aussi d’y aller entre amis, vous allez passer un bon moment.” Il y avait son cœur qui venait de se loger dans sa gorge et Orion n’était pas certain de savoir comment il allait faire sortir les prochains mots de sa bouche. Il sentit la main de son frère se poser sur son épaule mais c’est sur leur père que se détourna son attention. Arthur Parrish aimait probablement ses deux fils de la même façon mais Hélios, il l’avait jamais vraiment compris. Trop de folie et de conflit pour que ça fonctionne. Orion en revanche, il lui avait toujours suffit d’un regard assez long pour comprendre ce qu’il y avait dans la tête de sa progéniture. Ça Orion il l’avait découvert très tôt et à cet instant précis, quand il avait les yeux de son père fixé sur son visage avec un léger froncement de sourcils, il n’en était que trop conscient. “On y va pas en tant qu’amis.” Les yeux fixés sur un point sur le mur, il était lancé. “C’est mon date. Je lui ai demandé de m’accompagner le mois dernier et lui aussi il a dit oui. Ça va bientôt faire un an et demi qu’on est ensemble.” Il avait essayé très fort de trouver le courage de le faire il y a un an de ça pour le bal précédent mais il n’avait pas réussi. Il aurait pu attendre un an de plus, la fin du lycée, mais Orion avait décidé que leur couple valait mieux que ça. “On y va ensemble, avec Hélios et Liz, et on devrait passer une bonne soirée oui.” La main d’Hélios serra une fois son épaule avant de le lâcher et Orion tourna brièvement la tête pour lui adresser un sourire de remerciement. Sa mère commença à lui répondre, c’était probablement bienveillant mais Orion était trop occupé à fixer son père pour se concentrer dessus. Il avait espéré le mieux tout en se préparant au pire. Arthur Parrish choisit l’ignorance, quittant son froncement de sourcils pour se tourner vers Hélios et lui demander le sel afin de continuer son repas comme si de rien n’était. L’explosion de colère qu’il avait tant redouté n’arriva jamais et seize ans après, Orion continuait de se dire que c’était sans doute ce qu’il aurait préféré au silent treatment.


2016. “Casse-toi Orion, t’as rien à foutre là, je veux pas te voir.” Orion ne savait pas quel Dieu il était censé remercier en entendant le verre se fracasser contre le mur à à peine quelques centimètres de sa tête mais quand il se retourna pour voir les éclats et l’alcool gisant à ses pieds, il n’était pas à 100% certain que son frère avait fait exprès de le rater. “T’as pas été à ton rendez-vous chez le psy.” Un éclair de surprise traversa le visage d’Hélios avant qu’il ne lâche un rire empli de sarcasme. “Bonjour je m’appelle Hélios, je suis né le même jour que toi, j’ai pas 4 ans, t’as pas besoin de me fliquer.” Orion secoua la tête, se refusant de répondre pour partir en direction de la cuisine attraper un balai et des sacs poubelle. Si il commençait à jouer au plus malin avec son frère, ils pourraient y passer la nuit sans pour autant en sortir un gagnant. S'attelant au ramassage de l’objet qui avait manqué de le défigurer, Orion n’eu pas longtemps à attendre pour qu’Hélios reprenne la parole. “Tu devrais pas être au boulot ? Je sais que t’es monsieur Orion Parrish l’homme parfait au grand diplôme mais je suis pas sûre que tu sois assez indispensable pour pas te faire virer si t’es pas là les ¾ du temps.” Honnêtement, c’était compliqué de pas répondre. C’était compliqué de pas répondre quand il s’appelait Orion et qu’il avait la personne la plus important au monde en face de lui. C’était compliqué de pas répondre quand ils avaient toujours réussi à se comprendre avec ne serait-ce qu’un regard et qu’à présent aucune de ses phrases ne semblait vouloir s’imprimer dans le cerveau de son frère. “Ah merde, faut qu’on rétablisse de nouveau que t’es plus important que mon boulot ? Je pensais que c’était une étape qu’on avait passé la semaine dernière ça.” Il avait essayé d’être sarcastique mais sa remarque finit bien plus amer et triste que prévu. Ce qui était beaucoup plus facile, c’était de ne pas penser à son manager, celui qui lui avait dit qu’il comprenait, pour l’instant, quand il lui avait expliqué la situation. Orion adorait son travail, c’était exactement ce qu’il avait eu envie de faire depuis très longtemps. Puis il y avait eu cet appel, celui provenant de son père, celui l’informant que Hélios avait été blessé, qu’il était à l’hôpital en Allemagne et qu’il serait rapatrié dès qu’ils auraient le feu vert pour lui faire prendre l’avion. Ca faisait maintenant cinq mois et le ratio temps passé au bureau/temps passé auprès d’Hélios ne faisait qu’évoluer dans un sens qui allait finir par être problématique pour son futur. “Je suis pas un de tes gamins avec le sida, Orion, j’ai pas besoin que tu m’aide. Je sais pas si c’est ta vie parfaite qui t’as filé ce savior complex mais je veux pas devenir un de tes projets, ça suffit.” Boom, le coup asséné en plein dans la poitrine. Orion essaya d’ouvrir la bouche mais aucun son n’en sortit alors il se contenta de se rapprocher du salon où se trouvait Hélios, allongé dans le canapé, un film en pause sur la télé, des bouteilles de bière et une bouteille plus qu’entamée de whisky jonchant la table basse. “T’es pas censé boire quand tu prends tes médicaments, tu le sais ça.” Il avait tellement l’impression que ses paroles tombaient dans l’oreille d’un sourd dernièrement que par moment Orion n’était même pas sûr de savoir pourquoi il continuait de faire ses remarques. Hélios se posait probablement la même question mais tout comme Orion, il en connaissait parfaitement la réponse. “J’étais pas non plus censé me retrouver proche d’une explosion qui a partiellement détruit une partie de ma moelle épinière et ma jambe gauche mais écoute, on a pas toujours ce qu’on veut dans la vie.” Il y avait un changement de ton dans la voix d’Hélios qui surprit tellement Orion qu’il manqua presque de lâcher la bouteille qu’il tenait en main. En relevant la tête il découvrit que Hélios avait détourné le regard, ses bras serrés autour de sa poitrine. Le sourire sarcastique et ses airs de vainqueur disparus, Orion avait envie de lui donner dix ans de moins.”Tu peux pas comprendre. Je sais que ça te frustre mais tu peux pas.” Je sais que ça te frustre. Orion aurait aimé en rire mais c’était une envie de pleurer qui dominait à cet instant précis, ses yeux commençant à brûler derrière ses paupières. “Hélios…”  Le concerné attrapa la télécommande pour relancer le film sur sa télé et l'espoir d'enfin échanger disparu aussi vite qu'il était arrivé. "Allez, tu me laisse tranquille plus de 24h et je te promets que j'irais à mon prochain rendez-vous." Un semblant d'offre de paix, majoritairement le moyen d'être tranquille. Une promesse qui est tenue, une fois. La suivante, Hélios est de nouveau aux abonnés absents et la boucle recommence. Ça recommence et ça empire. Ça empire, ça empire, ça empire...


2019. “Hey, la Terre à Orion.” L’intéressé cligna des yeux en réalisant que des doigts venaient de claquer dans son champ de vision. “Ca va ? T’as pas l’air dedans ce soir. Je sais que je t’ai appelé et tout ça mais on peut se revoir plus tard si ça t’arranges pas d’être là maintenant.” Merde. Un début de grimace se dessina sur le visage d’Orion alors que sa main droite partit instinctivement caresser sa nuque. Il y avait des traces d’inquiétudes dans l’expression Viktor et dans ces moments-là, Orion ne pouvait que penser à Livio, à l’époque où ils s’étaient rencontrés. Pas le même âge mais cette même capacité à sentir qu’il y avait quelque chose qui le tracassait alors même qu’il se pensait capable de tout passer sous couverture, la même envie de l’écouter alors que c’était son rôle à lui d’être présent pour eux et leurs problèmes. “Non c’est rien t’inquiètes, juste mon cerveau qui est parti en off deux-trois secondes, je t’écoute.” C’est rien, je suis juste tombé par hasard sur des affaires d’Hélios cet après-midi et j’arrive pas à arrêter d’y penser. Ca faisait plus de deux ans et demi et il avait encore les mots du médecin ancrés dans la tête. Overdose. Héroïne. Les cas d’addictions aux opioïdes qui se développent beaucoup chez les blessés avec des grandes douleurs. Le PTSD qui n’a pas dû aider. Et à côté de ça il y avait les gens tenant à lui essayant depuis des mois de lui faire comprendre que non c’était pas de sa faute, non il aurait pas dû le voir venir, non il aurait pas dû agir autrement, non… Bullshit. “Je te remercie d’être là, ça me fait du bien de discuter avec toi.” La main de Viktor vint se déposer sur celle d’Orion reposant sur la table, la serrant un bref instant avant de se ranger contre le verre d’ice-tea du plus jeune. Un sourire accompagna le mouvement et Orion fit de son mieux pour le rendre sans laisser voir que son coeur venait de faire un bon un petit peu trop rapide dans sa poitrine. Le truc, c’est qu’Orion aussi il se sentait bien avec Viktor. Autant parce que ça lui faisait plaisir de l’aider et de le voir progresser que parce que sa présence était plus qu’agréable. Malheureusement ces derniers temps c’était plus la dernière raison qui avait pris le pas et ça devenait difficile à gérer. Le problème, c’était qu’il était drôle Viktor, il avait cette carapace qu’il avait laissé se dévoiler et il était assez bon pour obtenir des détails sur la vie d’Orion au fur et à mesure de leurs échanges. Et puis, il était beau Viktor aussi, bien trop pour son bien. Et Orion, well, il était devenu faible. Orion il était faible mais il était bénévole et il gardait une conscience professionnelle. In the end, Orion il était en train de tomber amoureux d’un des addicts qu’il était juste censé aider à s’en sortir. Top.


☆ facts random en bonus :

- allergique aux chats et aux noix (se balade toujours avec un épi-pen sur lui)
- possède un tatouage de cerf sur le pec gauche (comme son frère, fait pour leurs dix-huit ans)
- passait sa vie sur un skate quand il était ado
- tout sauf souple (essayez de lui faire faire du yoga et pleurez)
- a fumé quelques cigarettes quand il était ado, a déjà goûté un ou deux joints, n’a plus rien touché depuis une grosse dizaine d’années
- boit de l’alcool, sait apprécier une bonne bière, mais si vous le voyez vraiment parti c’est soit qu’il avait quelque chose de très grand à fêter soit qu’il avait quelque chose de très mauvais à oublier
- un tantinet romantique même si il veut pas l’avouer
- oui, il sait repérer dans le ciel la constellation qui porte son nom