C’est sans doute l’odeur qui la réveilla. Epaisse, chaude, sucrée.
Pancakes.

Il fallut tout de même quelques instants à Flora pour reprendre ses esprits, embrouillée par le reste de brumes de sommeil. Chassant les dernières bribes d’un rêve assez étrange impliquant un diplodocus et un arrosoir, elle commença à s’extraire des couvertures pour enquêter sur la mystérieuse et délicieuse odeur. Bien qu’empêtrée, elle fut sur ses pieds en un rien de temps, pyjama froissé et cheveux en bataille. Et il lui fallut encore moins de temps pour dévaler les escaliers de manière peu discrète en un rien de temps.
Elle découvrit son père, seul à la cuisine, un tablier noué nonchalamment à la taille, une spatule à la main. Pas de traces de sa mère, une authentique lève-tôt qui s’était depuis longtemps lassée d’attendre son loir de fille chaque dimanche matin. Comme à chaque fois, Flora sentit cette étrange contraction de l’estomac en voyant son père lui sourire avec affection. Elle se faisait de plus en plus fort de semaine en semaine et Flora craignait qu’un jour elle se transforme en une réelle douleur qu’elle ne pourrait plus cacher. Mais elle était suffisamment bonne actrice pour que son sourire n’ait rien de figé et ait l’air le plus naturel qui soit.

Ni une ni deux, elle s'empressa de dresser la table du petit déjeuner, fouillant les placards à la recherche de garnitures et mettant en marche la machine à café. Rien de tel d'un petit expresso pour se mettre en train le matin... accompagné de pancakes au beurre et au sirop d'érable directement importé du Québec bien entendu ! Un bon dimanche en perspective en résumé. Une fois le petit-déj avalé, elle allait pouvoir se faire une bonne séance de lecture puis aller trainer avec ses amis, faire des choses et d'autres, et surtout se raconter les derniers épisodes de leur vie secrète d'adolescent. Mais pour l'heure...

- Papa, tu vas prendre quoi avec tes super pancakes ? Chocolat ou sucre ? Et sinon, on en laisse à Maman ou pas ?

Chacun ses petites habitudes. Elle remarqua au passage que la bouteille de sirop d'érable accusait un niveau dramatiquement bas, pas de débauche de sucre pour elle cette fois-ci donc... Tant pis. Elle aligna les assiettes et les couverts sur la table en zigzagant entre les tentatives d'affection du chien, qu'elle avait malheureusement omis de caresser et flatter avant de transporter de la céramique fragile. Une fois débarrasser, elle laissa la gentille bestiole lui refaire le brushing. Une idée lui vint.

- Et si tu veux, je pourrai aller promener le chien à ta place cet après-midi. Ca ne me dérange pas.

Le chien était un alibi habituel pour elle. Bien entendu, son père ni criserai pas de la savoir dehors avec ses amis, mais elle ne voulait pas prendre le risque qu'il ne s'y intéresse de plus près. Il ne savait presque rien de ses amis (qui comprenait une de ses ex tout de même), et elle entretenait cette ignorance avec soin. En plus, le chien faisait souvent carton plein car jouer avec lui n'était jamais lassant. Cela contenterai tout le monde.


▲ RIMBAUD