Les joies d'être prof, c'est d'avoir droit à de vraies vacances, et donc, à ne pas à avoir à se soucier forcément du lendemain. Je ne saurais même pas vous dire depuis quand j'ai pas passé une soirée à rire, et à simplement m'éclater. Ces derniers temps, tout ce que je fais c'est attendre le retour de Jay à la maison, bien sagement, à corriger des copies -quand j'en ai- et à jouer avec Adam. Alors j'aime mon fils, plus que tout au monde, mais bordel c'que j'en ai marre de passer mes soirées à Ironman. Je veux être Tony Stark. Les soirées, les cocktails, la richesse. J'ai pas tout ça, moi. Alors, quand j'ai entendu des bourgeois parler d'une soirée de fin d'année le vingt huit décembre chez Jojo et que le type a malencontreusement fait tomber son invitation devant moi, j'me suis pas gêné pour la ramasser. Du vin ? Un peu de foie gras ? Mes p'tits potes, j'suis né pour ça. Après avoir appelé la babysitter d'Adam qui s'était occupé de lui à plusieurs reprises et donc, en qui j'avais confiance, j'ai pas hésité une seconde. Avec qui d'autre qu'Axel je pourrais partager cette invitation ?
J'enfile mon plus beau costume, fait par mon designer préféré -mon ami lui même bien sûr- et ni une, ni deux, on se retrouve devant le restaurant français, privatisé pour l'évènement. Le fait que personne ne voit à travers notre petit jeu, c'est pas un miracle. On est les deux personnes les mieux habillés de la fête, alors bien entendu qu'ils nous ont laissé passés, surtout que j'avais ramassé une invitation. « On fait quoi d'abord ? » je murmure à mon ami, une fois qu'on s'est faufilés dans la restaurant. « Si ça se trouve y'a des stars. » Faut savoir que j'suis un passionné de célébrités. J'envie tellement leurs vies que je sais tout de certains d'entre eux. C'est pas flippant, j'vous jure. « Si on croise Ryan Gosling j'vais péter un câble. » J'essaye de parler doucement, parce que c'est pas le genre de soirée avec la musique à fond et où on crie pour s'entendre. Non, ce sont des gens distingués, les gens ici vont pas twerker au milieu de la piste de danse.

(c) mars.

L’avantage depuis que tu as quitté le Broadway et que tu es à ton propre compte, c’est que tu n’as plus du tout d’excuse pour refuser une soirée – même si tu ne le faisais déjà pas avant mais chut, c’est un secret. Alors lorsque ton cher et tendre ami Elior te propose de te taper l’incruste dans une soirée où il a trouvé des invitations par pur hasard. En plus dans un restaurant français alors quoi de mieux ? C’est avec ta plus belle tenue (tu n’as pas de plus belle tenue, c’est ce que tu te dis à chaque fois que tu te vois dans un miroir avec une de tes créations) que tu débarques rejoindre Elior, lui aussi tout aussi beau. Cela va te changer les idées, toi qui déteste la période des fêtes où tout le monde s’aime et s’offre des cadeaux. Toi légèrement frustré ? Non, à peine. Une fois dans le restaurant, tu guettes où se trouve le serveur le plus proche pour prendre deux flûtes de champagne. Ce n’est pas ce que tu préfères mais pour l’instant, il n’y a que cela et pour te consoler, tu te dis qu’il doit être hors de prix. « D’abord, on trinque à ta capacité à voler des invitations. » quand tu lances dans un murmure à ton ami avant de lui faire un clin d‘œil, lui tendant le verre de champagne. En plus de savoir d’avance que tu vas passer une excellente soirée avec Elior qui est toujours de bonne compagnie, tu sais que tu vas pouvoir glisser ton nom à quelques personnes ici juste pour te faire de la pub. C’est ainsi que les choses fonctionnent après tout. « Ryan Gosling ? Oh come on, Harrison Ford est mieux. J’ai un faible pour les vieux en ce moment. » dis-tu avant de rire doucement et de boire une gorgée de ton champagne. Une légère grimace vient déformer les traits de ton visage. Non, tu n’aimes définitivement pas le champagne. « Ça se fait de demander le nom d’un chirurgien esthétique à quelqu’un ici ? ». Il suffit d’un seul coup d’oeil dans la salle pour remarquer que beaucoup sont tirés. Tu n’as rien contre cela, bien au contraire. Si tu étais riche, tu es certain que tu serais le sosie de Kyler Jenner. Tu t’approches d’Elior tout en haussant les sourcils pour lui montrer le peu de ride que sur le front que tu as. « Regarde, j’approche des 30 ans et je suis déjà ridé ! Tu te rends compte ? Je ne mérite pas ça. ». Tout le monde n’est pas foutu comme Benjamin Hampton à 40 ans. Pourquoi tu penses à lui maintenant ? Du balais, Benjamin.

(c) mars.

En ajustant mon nœud papillon, je scanne rapidement la pièce, pour observer les personnes autour de nous, qui ont tous sorti leur trente et un pour l'occasion. Le hasard fait quand même bien les choses, c'est pile quand je me dis que je veux passer une bonne soirée qu'Axel revient vers moi, champagne à la main. Je ne saurais pas vous dire la dernière fois que j'ai bu des bulles, probablement à mon mariage, donc ça fait déjà quelques années. Faut dire que ça n'est probablement pas ici que je vais siroter un appletini, mon cocktail préféré. Quoi que. M'enfin bon, je ne dis jamais non à du champagne, et je saisis donc la flûte qu'il me tant avec plaisir. « Voler ? » je pose une main au dessus de mon coeur, l'air faussement choqué. « ces invitations étaient perdues, sur le trottoir à mes pieds. Je ne pouvais pas les laisser seules, voyons, ça aurait été terriblement égoïste de ma part. » Je prends une gorgée de champagne, bois Elior, bois vite avant de te mettre à penser à ta femme et à la solitude que tu as ressenti le jour de Noël que tu as passé en tête à tête avec un enfant. Pas n'importe quel enfant, soit, mais la joie sur le visage d'Adam lorsqu'il a ouvert ses cadeaux n'a pas été la même joie que les années d'avant. Il manquait quelque chose à ce jour qui est censé être si magique pour un petit garçon de cinq ans. Il manquait sa maman. Ce sont donc deux gorgées de champagne que je m'empresse de boire, pour chasser ces pensées de ma tête, et parce que j'en ai besoin pour répondre à ce qu'Axel ose raconter. « Ne parles pas comme ça de Ryan par contre, s'il te plaît. Je comprends le truc du sugar daddy mais on ne compare pas l'incomparable, merci. » Ce n'est pas de l'agressivité, c'est un simple avis. Soit, mon avis pour moi est le bon, mais passons. On n'est pas là pour se chamailler sur les goûts et les couleurs avec mon ami, non. On est là pour se changer les idées, et je vois bien que je ne suis pas le seul à ne pas me sentir dans mon assiette en ce moment. « Même avec une loupe je suis sûr que je ne la verrais pas ta micro ride. » j'ai les yeux plissés, et j'exagère un peu dans mon air, comme d'habitude, mais Axel aussi est dans l'excès. « J'étais comme toi, chéri, mais maintenant que la barre des trente est passée, je te jure que c'est pas si terrible que ça. » Mais c'est lorsque je vois une silhouette de dos, que mon attention fut détournée sur tout autre chose que les imperfections de peau de mon ami, le souffle coupé, je murmure. « Attends mais... » avec ma main de libre, je tourne le visage d'Axel vers la silhouette, qui se trouve assez loin de nous. « le silver fox, là-bas... est-ce que c'est pas Jeffrey Dean Morgan ? » Pas sûr de ce que j'avance du tout, j'observe l'homme, essayant de rester discret, mais j'avoue que je vois flou. Pourquoi j'ai pas mi mes lentilles ?

(c) mars.

« Duh, obviously. » répliques-tu à ton ami lorsqu’il t’indique qu’il ne pouvait pas laisser les invitations toutes seules par terre. Tu aurais fait la même chose que lui alors tu ne peux pas lui en vouloir. Enfin si, tu aurais pu lui en vouloir s’il ne t’avait pas invité à l’accompagner. Tout le monde sait que tu es la meilleure compagnie possible pour une soirée mondaine entourée de personnes importantes qui pètent plus haut que leur cul, n’est-ce pas ? « L’avantage avec un sugar daddy, c’est qu’il mourra bien plus vite que ton Ryan Gosling et j’aurais toute la fortune pour moi. Ne t’inquiètes pas, je t’en ferais profiter avec un meilleur champagne que celui-là. ». Ce sont des mots que tu lui lances bien évidemment avec humour. C’est facile pour toi de te faire passer pour ce qu’on appelle familièrement dans le milieu une michto mais quiconque te connaissant sait que tu t’en fiches pas mal du porte feuille de la personne avec qui tu flirtes. Tu secoues alors la tête de gauche à droite lorsqu’Elior fait semblant de ne pas voir ton espèce de ride. Il le fait exprès n’est-ce pas ? Si c’est le cas, c’est bien la preuve qu’il est un véritable ami. Car oui, pour toi, un véritable ami ne te fait pas affronter la vérité en face comme les preuves de la trentaine qui arrive à grand pas sur ton visage. « Bien sûr que ce n’est pas terrible à affronter pour toi, tu es toujours aussi beau même avec l’âge. ». Tu lui souris avant de boire une énième gorgée de ton verre déjà bien entamé. Tu suis alors le regard du jeune homme tandis que tes yeux s’écarquillent. « Mais si ! » t’exclames-tu d’un ton pas très discret – du moins, pas assez car un groupe de personnes non loin de vous se tourne vers vous. Tu leur fait un signe de la main et un grand sourire, comme si tu les connaissais, avant de te remettre à observer l’acteur à quelques mètres de vous. « Tu crois qu’on peut aller lui demander de nous montrer sa batte de baseball ? ». Un sous-entendu sans aucune classe digne de toi-même, Axel Wiley en personne. Ce n’est pas la première fois que tu croises une célébrité mais là, c’est tout de même le Saint-Graal. « On doit aller lui parler, Elior ! Je dois lui donner ma carte, c’est une occasion en or. Et je parle en tant que pur professionnel là par contre. Il faut juste attendre qu’il soit assez pompette pour qu’il ne nous pose pas trop de questions sur qui on est et qui nous a invité. ». Qui a dit que tu étais là pour te détendre ? Oui, même dans des moments pareils, tu penses à ton travail avant tout. « Au fait… Il est hétéro ? ». Ben quoi ?

(c) mars.

Je hoche un peu le tête, parce que oui, son raisonnement se tient plutôt pas mal. « T'as intérêt de m'en faire profiter ! On pourrait aller dévaliser les magasins les plus chers de la ville. » Je secoue un peu la tête, après un long soupire rêveur, songeant à la vie que j'aurais aimé mener. Une vie où tous les jours je porterais des chaussures Yves Saint Laurent sur scène, acclamé par une foule qui s'emporte suite à mes merveilleuses interprétations de superbes chansons originales. Une vie dont je suis loin. Mais il ne faut jamais abandonner ses rêves, n'est-ce pas ?
« Tu t'es vu récemment dans un miroir ? » je lui réponds, un sourcil arqué, une exaspération mal cachée. « honey, tu es aussi beau que le jour où je t'ai rencontré. Plus, même. » il a beau faire comme si c'était le cas, je le vois bien, il n'a pas prit une ride, le bougre. Sa peau est lisse comme tout, avec ou sans maquillage, et en plus, il a gardé la même fougue. Pas comme moi, qui me suis rangé dans ma petite vie docile de père de famille jusqu'à il y a quelques semaines, quand ma vie prend un tournant inattendu, conséquence du départ de Janet. Mais pas le temps de nous complimenter beaucoup plus, parce que quelque chose attire mon attention. D'ailleurs, Axel confirme mes soupçons, il semblerait bien que ce soit Jeffrey Dean Morgan que je vois. Il acquiesce un peu trop fort, alors, comme lui, j'affiche un grand sourire au groupe de personnes qui se retournent l'espace d'un instant vers nous, mais ne manque pas de lui donner une petite tape sur l'épaule. « Hey, fais gaffe, on est pas censés être ici, j'te rappelle. » je chuchote, probablement un peu trop fort aussi puisque tout le monde sait bien que la discrétion et moi, ça fait trente six mille. Je prends une gorgée de champagne pour m'empêcher de rire aux mots d'Axel, décidément, entre lui et Adrian, mes amis ne peuvent pas s'empêcher de faire des blagues plus suggestives les unes que les autres. « Chaud pour tenter une partie de base-ball avec lui. » je rétorque quand même, avant qu'il reprenne son sérieux. « Non mais tu vois le business partout toi, c'est pas possible. » Je soupire et lève les yeux au ciel, plus immature que mon propre fils de cinq ans. « okay, mais on va devoir le garder à l'oeil discrètement pour surveiller alors. J'ai bien dit discrètement, honey, ne laisse pas une traînée de bave derrière toi, s'il te plaît. » J'accentue le mot dans ma phrase, même avec mon regard j'insiste lorsque je le dis parce qu'on sait tous qu'Axel n'a rien d'un homme discret. (comme si moi je suis discret. mais passons.) « Je crois, oui. Maintenant, avec ton charme légendaire, y'a moyen que tu réveille une partie de lui. Faut aller le voir pour savoir. Mais tu vas quand même pas flirter avec un potentiel futur client, voyons. Tu ne ferais jamais ça. Ca serait pas très éthique ça, babe. » Et je laisse mon regard se balader un peu partout autour de nous, si notre chasseur de zombie préféré était présent, qui sait qui d'autre il peut y avoir à cette soirée ? Quelqu'un d'influent dans la musique ? Je donnerais tout pour sympathiser avec Queen Rihanna, par exemple.

(c) mars.

Tu tentes tant bien que mal de te faire discret car comme l’a dit Elior, vous n’êtes clairement pas censés être ici… Sauf que la discrétion et toi, cela ne fait pas trois. Non, cela fait au moins facilement cent cinquante cinq. Et Elior, tu le connais assez pour savoir que c’est la même chose. L’un de vous deux va finir par vous faire remarquer – si ce n’est pas les deux en même temps – mais vous trouverez une solution pour ne pas vous faire virer. Bon, tu es plutôt optimiste à cet instant mais tu n’as pas envie de penser que tu peux te taper l’affiche dans une soirée mondaine remplie de célébrités comme ton futur sugar daddy Jeffrey Dean Morgan. « C’est ce que j’avais envie d’entendre. » dis-tu à ton ami lorsque celui-ci réplique à ton allusion pas très fine sur sa batte de base-ball. Même si tu n’as pas tous les détails, tu sais ce qui se passe dans sa vie personnelle et tu veux juste qu’il profite au moins une soirée sans se prendre la tête ni même y penser une seule seconde… même si c’est plutôt compliqué et tu le conçois parfaitement. Un peu comme toi avec ton travail, comme tu le fais remarquer sans aucune délicatesse Elior. Même lorsque tu es censé faire la fête et t’amuser, tu ne peux pas t’empêcher de penser à toutes les occasions que tu peux avoir dans une soirée pareille. En même temps, c’est l’audace (et aussi ton talent un petit peu quand même) qui t’a permis de grimper les échelons. « Oh Elior, tu es naïf au point de croire que j’ai une éthique depuis le temps qu’on se connaît ? » que tu lui lances avec un sourire qui veut tout dire. En toute franchise, tu n’as jamais pensé à te taper un client… Enfin, exception faîte de ce très cher Benjamin Hampton. Il y a clairement un truc qui a mal dysfonctionné dans ton cerveau cette soirée-là il y a quelques mois mais tu préfères le garder pour toi même si tu meurs d’envie de le raconter à ton ami. Et de lui montrer à quel point ton homme d’affaire préféré est canon aussi… « Allez, viens ! ». Tu attrapes le poignet d’Elior pour te frayer un chemin jusqu’à la foule, et surtout Zombie Man. Seulement voilà, les lumières s’éteignent à ce moment-là dans la salle et se rallument simplement sur la grande scène où il n’y avait rien quelques minutes plus tôt. La musique retentit et là, sous vos yeux, apparaît la plus belle femme du monde (sans aucune exagération). « C’est Dua Lipaaaaaaaaaaaa ! ». Ta voix part clairement en live quand tu regardes ton ami d’un air ébahi. Tu rêves, ce n’est pas possible. Et pourtant, non, c’est bel et bien Dua Lipa qui fait l’ouverture en chanson de cette soirée mondaine.

La merveilleuse Dua Lipa chante uniquement une musique, fait un pitch sur la soirée que tu ne comprends même pas tant tu es trop occupé à fangirler sur elle plutôt qu’à l’écouter. C’est seulement quand tu captes que d’autres artistes vont se produire tout le long de la soirée et qu’il y a pleins de surprises que tu réagis. « Je reviens. » annonces-tu à Elior en l’abandonnant lâchement sans lui laisser plus d’explication. Tu espères qu’il ne va pas croire que tu essayes d’approcher Dua Lipa… Même si tu peux faire n’importe quoi pour lui dire ne serait-ce que trois mots, tu n’as pas non plus envie de te taper la honte parce que tu risques de bégayer. Peut-être qu’Elior peut t’observer de loin parler à des gens différents toutes les minutes, peut-être même qu’il peut te voir sortir une liasse de billet de ton sac pour le donner à un inconnu en croyant que tu achètes de la cocaïne… Sauf que bon, il n’aura pas trop le temps de réagir car voilà que le présentateur de la soirée remonte sur scène pour annoncer le prochain artiste. « … Elior Munroe s’il vous plaît. ». Tu ne peux pas t’empêcher de pouffer de rire dans ton coin et n’hésite pas à faire un grand signe de la main en direction de ton ami pour l’inciter à venir. Il n’a pas le choix de toute façon, le projecteur est braqué sur lui à cause de toi.

(c) mars.

C'est une moue un poil exagérée que j'affiche sur mon visage, alors qu'Axel me parle d'éthique. J'acquiesce pour l'embêter, surtout, parce qu'au fond, je me dis qu'il a plus de scrupules qu'il ne le laisse penser. Très vite, je suis forcé de suivre mon ami à travers la foule, il nous rapproche dangereusement du beau silver fox qu'est Morgan, jusqu'à ce que les lumières s'éteignent. Une magnifique brune apparaît sur la scène, et mes yeux se figent. La musique retentit, et Axel, lui, fangirl à côté de moi sans aucune vergogne. « Alors là... » On ne bouge plus, on apprécie l'incroyable spectacle qui se déroule sous nos yeux. Comment est-ce qu'on s'est retrouvé là ? Au sein d'un rêve que nous n'aurions même jamais osé imaginer. Est-ce que c'est le karma qui fait bien les choses, pour une fois et qui nous régale après nous l'avoir bien mit à l'envers toutes ces années ?

Je me laisse bercer par le rythme entraînant des chansons de Dua Lipa, j'en oublierais Axel, et même le chasseur de zombie. Très sincèrement, si mon ami ne m'avait pas fait remarquer qu'il partait, je ne me serais même pas rendu compte de son absence. Sûrement partit se refaire une beauté, je me dis, parce que si ce n'est pas ça, je ne vois pas ce qui peut l'éloigner d'un concert surprise et gratuit de la belle britannique. Loin de moi l'envie de le suivre du regard, je ne tiens pas à le voir entrer dans les toilettes, c'est un grand garçon, il fait ce qu'il veut après tout. Seul au milieu de toutes ces célébrités, je ne le vois pas forcément comme une mauvaise chose. Mais au moment où le prochain artiste est annoncé, je redescends rapidement du nuage sur lequel la belle londonienne m'a amené avec sa musique venue du ciel. Axel you son of a- il a osé. Oh God, il a osé. C'est obligé, c'est lui, ça ne peut être que lui. Je regarde autour de moi, l'espace de quelques secondes, et je suis censé faire quoi, moi maintenant. Ils vont tous se demander qui je suis, ce que je fais là. Et je suis censé chanter quoi ? Heureusement que j'ai l'une des créations de mon autrice préférée en tête, sinon, j'étais foutu. Je me retourne afin de poser mon verre de champagne sur une table prévue à cet effet. Je dois y aller.

Elior, c'est ton moment. Les projecteurs sont braqués sur moi, la scène m'appelle. Ce dont je ne me rends pas compte à l'instant T, c'est du type de personnes qui vont participer à ce concert que je m'apprête à leur donner. J'ai une chanson, et une seule. Trois minutes pour faire une bonne impression, trois minutes pour montrer ce que je vaux face à certaines des personnes les plus influentes du monde de la musique. Je dois donner le meilleur de moi-même. Nerveux comme jamais, je rejoins le présentateur, affichant mon plus beau sourire, cherchant mon ami du regard, un Axel que j'aime autant que je le déteste à ce moment-là. Sur scène, j'emprunte une guitare à un musicien, et je me laisse emporter par la suite d'accords, que ma poétesse préférée et moi avions finit d'écrire quelques jours plus tôt. Quelque chose de magique se produit, un bassiste, un second guitariste et un un batteur me rejoignent au milieu de la chanson. Les paroles, je les vis, elles sont sincères, parce qu'elles ont été écrites après le départ de Jay. Une chanson d'amour, qui s'apparente à un appel au secours, j'ai perdu mon repère, du jour au lendemain. Sur la scène, je dévoile mon cœur brisé, je me laisse emporter. Une fois les dernières notes atteintes, les applaudissements du public me revissent la tête sur les épaules, doucement, mais je ne redescends pas tout de suite, je suis monté bien trop haut, bien trop loin. Je revis. Mon sourire est si large, je n'arrive plus à le faire partir, je remercie tout le monde avant de sauter de la scène, les yeux pleins d'étoiles. Je suis aux anges.

Sans transition, je me jette dans les bras de mon ami. Il ne se rend pas compte de ce qu'il a fait pour moi, au delà de mes ambitions, au delà de mon besoin constant d'attention, au delà de mes rêves. La musique me fait vibrer et il le sait. J'avais besoin de ça, pour me redonner confiance en moi, pour me redonner l'envie de jouer. « Merci. » Je murmure, avant de m'éloigner, des paillettes me brouillent toujours la vision. « Comment t'as fait ? » Je cligne plusieurs fois des yeux, comme si j'étais sur le point de me réveiller d'un merveilleux rêve, impossible que ce soit la réalité. « Comment je suis censé revenir à ma vie normale après ça ? » Une question lâchée rapidement, mais pleine de sincérité. J'ai goûté à la vie que je rêve de mener depuis toujours, juste l'espace de trois minutes, et je suis presque plus motivé qu'avant à me remettre plus sérieusement au travail. Ecrire, composer, chercher à me faire connaître. Qui sait, peut-être qu'après cette soirée, le karma va continuer de tourner. « Maintenant c'est à toi ! Il faut que tu profites un peu ! Qu'est-ce que je peux faire pour te remercier ? » Parce que oui, au moment de l'annonce, je l'ai détesté Axel. Mais, très vite, je me suis remis à l'adorer. Avoir des amis aussi positifs et qui me soutiennent autant est une chance inouïe et je suis bien conscient que tout ne monde ne partage pas ma chance.

(c) mars.

Tu sais à quel point la musique compte dans la vie d’Elior et tu te dis qu’une occasion comme celle-ci arrive rapidement. Peut-être qu’il va te détester mais toi, tu es déjà excité à l’idée de le voir se produire devant des personnes aussi prestigieuses. Il est talentueux, tu le sais et à tes yeux, lui ne s’en rend pas assez compte. Ton sourire s’agrandit lorsque tu le vois monter sur scène et tu ne peux pas t’empêcher d’applaudir dans ton coin avant même que la chanson commence. Tu te laisses alors bercer par la voix de ton ami, profitant du moment à ta façon. C’est important pour toi de supporter tes amis, même si cela signifie parfois dépasser les limites comme tu l’as fait en faisant en sorte qu’il soit invité sur scène. C’est une chanson d’amour qu’il chante et même si c’est Ross le plus intelligent de la famille, tu comprends bien que cette chanson est destinée à Janet. Tu sais que ton ami a le cœur brisé, ce n’est pas un secret. Vous vous connaissez assez longtemps pour vous confier l’un à l’autre certaines choses de vos vies. Mais toi, tu préfères avoir le rôle de celui qui est là pour lui changer les idées. Pourquoi ? Car c’est ce que tu sais faire de mieux. Tu n’es pas celui vers qui on se tournera pour être réconforté, tout simplement car tu n’es pas doué pour cela. Tu as même tendance à aggraver les situations sans le vouloir – bon ça dépend, parfois c’est juste ton côté provocateur qui reprend le dessus.

Est-ce que pendant quelques instants, Elior s’est senti bien sur scène ? Tu l’espères au plus profond de toi. C’est ton but de toute façon. Et quand il descend de la scène et qu’il te saute dans les bras, tu te dis que oui, tu as réussi. Qu’il est heureux. Sa bonne humeur ne peut être que commutative et tu ne peux pas t’empêcher de rire. « T’es génial ! » que tu lui lances alors qu’il te demande comment tu as fait. « J’ai des relations dans le milieu, qu’est-ce que tu crois ! ». Tu lui fais un clin d’œil. Bon, la vérité c’est que tu as de l’argent, un nom qui commence à se faire et de la discussion. Outre le stylisme, ton talent c’est aussi d’avoir tout ce que tu veux, quand tu le veux. Tu as voulu que ton ami monte sur scène, well, c’est arrivé. « Je ne serais pas étonné si quelqu’un cherche à te contacter après ta prestation.  Tu m’engageras pour créer tes tenues lorsque tu seras connu, j’espère ? ». Le pire, c’est que tu es très sérieux. Qui pourrait l’habiller mieux que toi ? Il a déjà un look qui te plaît au quotidien, vous seriez carrément sur la même longueur d’onde. Bon, tu arrêtes de te faire des films et de t’imaginer vivre la belle vie avec ton ami. « Hm, bonne question. Me chopper le numéro de Jeffrey Dean Morgan, peut-être ? » dis-tu sur le ton de la plaisanterie comme réponse à sa question. « Tu n’as pas à me remercier, tu sais. Ça m’a fait plaisir de te voir sur scène. Au moins, on se rappellera longtemps de cette soirée. » ajoutes-tu avant d’attraper deux autres verres de champagne sur le plateau d’un serveur qui passe par là, avant d’en tendre un à ton ami. La soirée ne fait que commencer et pourtant, elle s’annonce grandiose.

(c) mars.

S'il y a bien une soirée où je ne regrette pas d'avoir laissé mon fils à la babysitter, c'est bien celle-là. Axel a presque réussi à me faire oublier mes problèmes, ma solitude, mon malheur. Certains donneraient tout pour avoir un ami comme lui, bienveillant, qui ne demande pas à connaître tous les détails de votre vie, mais qui cherche simplement à vous voir heureux. Moi, je n'ai pas besoin de chercher plus loin, parce que j'ai Axel. Et je compte faire de mon mieux pour lui rendre la pareille. « Mieux que ça ! Tu viendras en tournée avec moi, babe ! » Je m’exclame, levant mes bras en l’air, plus heureux encore qu’un enfant le matin de Noël. C’est d’ailleurs loin d’être une blague, car je compte bien avoir mon styliste personnel en tournée avec moi le jour où mon talent sera reconnu, et qui d’autre qu’Axel pour m’accompagner ? Je sais pertinemment qu’il saura créer les tenues parfaites. Il est doué et a plus de goût que certaines autres personnes qui ont réussi à percer dans le domaine.

Pas besoin de le remercier ? Il n’a pas l’air de se rendre compte de ce qu’il fait pour moi. Je hausse un sourcil, le coin de mes lèvres s’étire en un léger sourire et je pose mon index et mon majeur sur ma tempe. Mmh, et si j’essayais vraiment d’approcher l’acteur en question ? Honnêtement, je ne saurais pas vraiment quoi lui dire, et je suis un véritable manche quand il s’agit de la jouer naturel face à des superstars. On se souviendra tous de la fois où j’ai vu Taylor Swift sortir d’un Starbucks de brooklyn il y a quelques années. J’ai cru que mon cœur allait s’arrêter, et mes yeux ne pouvaient pas se décoller d’elle. Mais là, c’est différent. Là, il s’agit de montrer à mon ami que je suis prêt à tout pour lui faire plaisir. Alors, sans lui répondre, je tourne les talons, prends un grand souffle et tente de me frayer un chemin dans la foule.

A peine deux minutes plus tard, mon ami me voit revenir vers lui, le visage légèrement plus pâle que tout à l’heure. Les paillettes ont définitivement quitté mes yeux. « J’ai essayé. » Puis, sans prévenir, je pouffe de rire, me rendant enfin compte de la situation dans laquelle je me suis retrouvé. « Je viens de me faire jeter par un type qui, je crois, était un garde du corps de Jeffrey Dean Morgan. » Je passe une main dans mes cheveux (carefully, le but n’étant pas de défaire mon brushing parfait), mon air joyeux ne m’a malgré tout pas quitté. « Ou bien c’était juste un de ses potes, par trop sûr, mais en tout cas j’ai pas réussi à l’approcher. Mais promis, quand je serai une pop star internationale, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que  vous vous rencontriez. » C’est bien connu, toutes les célébrités s’échangent les numéros de téléphone de tout le monde entre elles. Un jour, je ferai des girls night out avec Selena Gomez et Taylor Swift, je vous le jure. (j'en rêve déjà)

(c) mars.