Adrian s'est levé du pied gauche ce matin et il a l'impression que toute sa journée va être éternellement longue et sans saveur. Ça a commencé ce matin, quand il est sorti promené son chien, Buzz, et qu'il a manqué de se ramasser sur une plaque de verglas recouverte de neige. Ensuite, le métro qui est tombé en panne. Puis, son collègue qui l'appelle pour lui dire qu'il est malade et qui lui demande de prendre son shift alors que c'était un de ses jours de repos. Il en faut pour l'agacer le Dawkins et il ne cesse de râler, même quand le percolateur se bouche et qu'il doit le remplacer. Mais il inhale, exhale, prend une grande respiration pour éviter d'envoyer bouler tout le monde avant de reprendre une contenance. Ce n'est que lors de sa pause qu'il s'autorise à sortir dehors avec un pauvre muffin et une cigarette en guise de repas, parce qu'il est beaucoup trop sous pression Adrian, mais il ne doit pas faire sa tête de mule et répondre avec véhémence aux clients un peu trop exigeants, la bande de bobos hipsters qu'il exècre au plus haut point et qui pensent savoir tout sur tout sur le fait de faire un café. Anyway. Il rentre en se frottant les mains, balance son reste de muffin dans la poubelle de la salle des employés, regarde son téléphone le temps d'un instant et il retourne bosser avec l'âme un peu plus apaisé que quand il est parti en pause. La suite de la journée se passe un peu plus calmement et puis, il la sert. Elle. Ce n'est pas la première fois qu'il la voit dans le café, ce n'est pas la première fois qu'il la voit et qu'il se dit qu'il la connaît. Mais sa mémoire lui fait défaut, il ne sait pas. Il regarde son collègue et lui demande deux minutes avant de rattraper la demoiselle qui vient de sortir de s'installer à une table du café. Il se rapproche d'elle et se demande bien comment il va pouvoir lui demander « Excusez-moi de vous déranger, on se connaît ? » lui demande t-il simplement. Il espère, néanmoins, que ce n'est pas quelqu'un avec qui il a fini la soirée, parce qu'il risquerait potentiellement de s'en prendre une et il n'avait pas envie de se donner en spectacle devant tout le café, peu rempli de monde soit il.

@Lynn Sciarra

Adrian n’aime pas vraiment se souvenir de cette période sombre de sa vie, même si parfois, ça revient comme un boomerang en pleine gueule. Les effets de manque ne se font plus sentir, il n’a plus envie de boire d’alcool du tout pour l’instant et il sait que ça finira par revenir, un jour. Il est préparé mais il sait qu’il va lui falloir de la bonne volonté pour ne pas replonger. Savoir sa soeur si loin de lui l’angoisse et il sait qu’il n’a pas le droit de replonger, pour elle. Pour leur relation qui a embellit dès lors qu’il est entré dans ce centre pour se désintoxiquer et se battre contre ses démons avec des personnes comme lui. Revoir cette fille qui semble le connaître, il se dit qu’il a sûrement louper quelques épisodes mais il se dit aussi que c’est sûrement un épisode qu’il aimerait barrer de sa mémoire pour toujours. Peut-être que lui parler n’est pas l’idée du siècle, une alerte tourne dans sa tête mais il ne l’écoute pas et quand elle lui répond, ses sourcils se froncent instantanément. Est-ce que c’est l’une de ses filles avec qui il a couché sans s’en souvenir ? Elle ne semble pas rancunière, parce qu’il en a vu des nanas rancunières qui quittaient son appartement en râlant parce qu’il n’était pas vraiment civilisés lors des gueules de bois. Quand les gueules de bois étaient trop fortes qu’il comblait le mal de crâne par une nouvelle dose d’alcool dès le matin, histoire de se retourner la tête dès le matin et ne pas penser. « Est-ce que j’ai couché avec vous et je ne m’en souviens pas ? Vous ne me semblez pas rancunière si c’est le cas. » annonce t-il en riant un peu, une main nerveuse qu’il passe contre sa nuque, la tête à moitié baissée. Puis l’odeur de l’appartement de la brune lui revient en mémoire, son mal de crâne qui en avait suivi, sa voix qui s’immisce dans le cerveau, alors qu’il souvient que c’était un de ces soirs où il s’était mit mnable parce qu’il n’avait plus rien contrôler. Parce que la tristesse d’avoir perdu sa mère avait été plus forte ce soir-là, ne pas avoir pu la sauver, avoir dû faire toutes les démarches administratives pour l’enterrer dans la plus stricte intimité. Il avait perdu le contrôle ce soir là Adrian. Et elle l’avait ramassé comme le gros déchet qu’il avait été, un déchet tellement imbibé d’alcool qu’il aurait pu désinfecter une paire de patients. Il joue avec ses doigts alors que les images viennent, insidieuses, dans son esprit « Vous m’aviez ramassé dans la rue c’est ça ? » Il n’avait pas eu beaucoup de situations de la sorte, Adrian. Il ne se souvient pas de grand chose, si ce n’est du lendemain matin qui avait suivi. « Je vous avais remercié au moins ? »