Lizbeth lit et relit le message d'Adriel pensant avec conviction que c'est une erreur. C'est même pour cela qu'elle a fait la blague sur Bucky Barnes parce qu'il n'y a que lui et quelques anciens amis qui savent à quel point elle aime ce personnage et a quel point elle le défendrait bec et ongles s'il le fallait. Et elle cligne des yeux quand il lui répond, ce n'est donc pas une blague. Elle salue Katie de la main et lui souhaite une bonne journée avant de récupérer Roxanne pour lui mettre son manteau et la déposer chez ses parents pour la journée. Parce que sa mère n'a eu de cesse de lui demander de garder la petite au moins une journée parce qu'elle lui manque. Alors elle a finalement accepté. Et la petite semble heureuse d'aller chez Mamie alors quoi de mieux. Quand elle arrive au travail, elle ne se préoccupe plus des messages, bien trop occupée à s'occuper des bons de commandes aux fournisseurs pour ne manquer de rien. Et un coup d'oeil sur sa montre avant de briefer ses équipes et de lancer le service du midi, ses pensées bloquées sur le travail et sur rien d'autre. La vie personnelle au vestiaire, c'est ce qu'elle se dit à chaque fois qu'elle passe la porte des cuisines, là où elle se sent bien. Là où elle se sent entière.

Quand ils en ont terminé avec le service du midi, Lizbeth souffle de soulagement et se fait craquer la nuque, quand tout est terminé de ranger, nettoyer, elle regarde l'heure et réfléchit, pas besoin d'un énième message, elle pourra bien être à l'heure. Elle passe par son bureau pour se changer, se remaquille un peu, histoire de dire et elle salue tout le monde avant de leur souhaiter bon week-end et bon courage pour le service du soir et elle s'échappe jusqu'à l'endroit du rendez-vous. Mais est-ce qu'elle en a vraiment envie au fond ? Après avoir passé toute la matinée à occulter ce rendez-vous, voilà qu'elle n'a plus le choix et qu'elle doit l'affronter. Elle n'est pas paniquée pour un sou mais pourtant, elle se demande bien ce qu'ils vont pouvoir se dire. Vont-ils se regarder dans le blanc des yeux pendant tout le temps du rendez-vous ? Elle n'espère pas. Un message de sa mère avec une photo de Roxanne qui fait de la pâtisserie lui tire un sourire en coin et elle entre dans le petit café en regardant autour d'elle, et elle le voit. Elle se pince les lèvres, fronce les sourcils avant de se détendre en se disant que c'est sûrement pour le bien de la petite, et elle le rejoint « Hey, tu es en avance ou c'est moi qui est en retard ? » demande t-elle en tentant une approche mal habile, qui trahit un peu son anxiété. Elle prend alors place en face de lui et lui sourit malhabilement « Comment vas-tu ? » Lizbeth déteste échanger des banalités mais parfois, il faut se rendre compte qu'on est rendu à ça, après avoir passé par diverses sensations totue plus inédites les unes que les autres, une banalité affligeante pour une relation qui a fini par s'éteindre simplement, quand bien même elle a été belle, elle n'était pas faites pour être éternelle.

Cela fait facilement cinq minutes qu’Adriel est assis à la table du petit café. Il n’a rien commandé pour l’instant, indiquant qu’il attendait quelqu’un. Lizbeth l’avait pourtant prévenu qu’elle serait peut-être en retard, mais Adriel n’en avait pas vraiment tenu compte, parce qu’il ne voulait pas l’être, lui. Il avait laissé la boutique à sa vendeuse, à qui il fait pleinement confiance désormais, parce que de toute façon, il n’avait plus la tête à s’occuper des clients. Trop nerveux à l’idée de ce rendez-vous dont il est pourtant l’instigateur. Il faut dire qu’il y a réfléchi pendant des semaines, voire des mois, avant de finalement se décider. Il s’était déjà interrogé, au fil des années, mais jamais assez pour faire la démarche. Jamais assez pour être entièrement sûr de lui. A chaque fois, la petite voix qui l’emportait était celle qui lui disait de ne pas bouleverser la petite vie de famille à laquelle il avait tourné le dos. Parce que ça serait forcément un changement. Pour tout le monde, mais il s’était toujours plus interrogé vis-à-vis de son ex. La petite voix est toujours là alors qu’il tapote nerveusement l’accoudoir de sa chaise, mais une autre l’a emporté. Celle qui lui dit qu’il est prêt. Celle qui lui dit qu’il doit faire ça, pour sa mère. Elle ignore qu’elle a un petit enfant, quelque part, parce qu’Adriel n’a jamais souhaité en parler. Mais n’est-il pas temps pour lui de grandir ? Sa jeunesse est passée, définitivement mise derrière lui maintenant qu’il en a terminé avec l’escrime. Il a une vie plus stable et une envie d’encore plus, qu’il n’avait jamais eue jusqu’alors. Ce n’est pas pour autant que Lizbeth risque de l’accueillir à bras ouverts. Il est bien tard pour réaliser ce qu’il veut. Quatre ans en retard.
Adriel lève les yeux en voyant quelqu’un s’approcher, réalisant avant même de voir son visage qu’il s’agit de Liz. Ça lui parait étrange, de la revoir, après tant de temps. « J’étais en avance, ne t’inquiète pas. » Il se lève de sa chaise, dans un geste de galanterie qu’il oublie vite quand Lizbeth tire sa chaise elle-même. Il n’y a même pas réfléchi, c’était un réflexe. Il sourit quand elle lui demande comment il va. Elle ne semble pas très à l’aise non plus. Ce qui est compréhensible. Les dernières fois où ils se sont vus ne se sont pas vraiment bien passées. Adriel se souvient bien de l’ultimatum posé par la brune. Sa réponse aurait sans doute été différente aujourd’hui. Mais il n’est pas là pour réécrire le passé. « Euh… ça va. Tout va bien. Et toi ? Ça s’est bien passé, ton service ? » Déjà trop de questions. Pourtant, il n’a pas encore entamé le véritable sujet. « Tu veux qu’on commande ? » S’ils ne prennent rien, ils se feront mettre dehors avant même d’avoir pu parler.

Lizbeth ne savait pas vraiment ce qui l’attendait. Elle ne savait pas pourquoi Adriel avait tant souhaité la voir et il fallait le dire, ça l’angoissait un peu. Elle ne savait pas vraiment pourquoi, ni même comment cette conversation allait se terminer mais elle avait déjà hâte que ce soit le cas. Durant tout son service, elle avait été perturbée parce qu’elle repensait à leur dernière conversation, celle où elle lui demandait de choisir, celle où elle lui demandait de choisir entre elle et l’escrime et qu’il avait fait le choix de carrière, plutôt que de vie sentimentale. Elle aurait dû s’en douter à l’époque Lizbeth parce qu’elle aussi, elle était carriériste, mais elle ne s’était pas doutée qu’elle serait tombé enceinte. Comme si la vie avait décidé de lui rappeler chaque jour se faisant, qu’elle avait eu quelque chose de beau au point de vouloir garder l’enfant de cette union qui avait été crevé dans l’oeuf. Mais elle assumait, elle avait toujours assumé d’avoir fait un enfant toute seule et elle continuerait d’assumer jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus. Sa fille restait, à ses yeux, sa plus belle réussite et elle surpassait toutes les étoiles du monde. Elle se fichait bien d’obtenir une étoile supplémentaire tant que sa fille était en bonne santé et qu’elle était heureuse. Quand elle arrivait au café, la boule d’angoisse avait atteint son paroxysme et elle voulait faire demi-tour, elle voulait se retourner et rentrer chez elle. Mais elle devait aussi agir en adulte et faire en sorte que cette conversation ne s’éternise pas plus que de raisons. Elle se sent rassurée de voir qu’il est très certainement dans le même état qu’elle et qu’il ne lui tient pas rigueur de l’attente dont il a fait preuve. Ça avait toujours été comme ça, il arrivait toujours en avance, même à l’époque, alors elle aurait dû s’en douter. « Ça va. Oui, ça s’est plutôt bien passé, pas vraiment de gros rush, ce midi et ce n’est pas plus mal. » Parce qu’elle sait au fond d’elle, qu’elle aurait enchaîné les boulettes si jamais elle avait dû être dans le rush et la précipitation. Elle répond par la positive à sa question et lève une main pour voir le serveur qui arrive, elle réfléchit un instant et elle sourit « Je vais vous prendre une part de strawberry short cake et un café latte s’il vous plaît. » Elle laisse Adriel prendre sa commande et elle sent son téléphone qui vibre dans sa poche, son instinct de maman qui prend le dessus, elle voit une photo de sa fille et elle sourit avant de déposer son téléphone, écran face à la table, sur la table. Quand le serveur s’échappe, elle le regarde une fois de plus « Tu voulais me voir pour parler de quelque chose ? » demande t-elle, les lèvres pincées. Certainement pas de la pluie et du beau temps, certainement pas de ses idées de menus pour le mois prochain ni même pour débattre sur quel Avenger est le meilleur. « En tout cas, permet moi de te dire que tu n’as pas changé. » Peut-être que ça les détendrait tout les deux, deux stressed beans qui n’arrivent pas à dépasser le stade de l’angoisse des retrouvailles.

Peu importe la façon dont les choses se sont terminées, ni depuis combien de temps, reprendre contact avec quelqu’un qu’on a aimé n’est jamais facile. Ça rend nerveux, et ça laisse une impression étrange, parce qu’il y a les souvenirs d’avant. De quand ils étaient tout sauf nerveux en présence l’un de l’autre. Oui, ils avaient été heureux. Mais aujourd’hui, c’est bel et bien terminé. Et ses retrouvailles ne font que le confirmer. Liz non plus ne semble pas très à l’aise. Elle se demande sûrement pourquoi il l’a contactée. Adriel devrait sans doute aller droit au but, mais il n’ose pas. Pas encore. Et puis ça serait étrange, de balancer ça, comme ça, sans avoir pris le temps de prendre des nouvelles avant. Question de politesse. « Tant mieux alors. » Pour le coup, Adriel n’est en général pas ravi d’avoir peu de clients, mais il imagine qu’en cuisine, c’est différent. Surtout si Liz n’est pas propriétaire, et il ne lui semble pas qu’elle le soit. Donc de temps en temps, une journée plus calme doit faire du bien. Pour l’instant, c’est au petit café dans lequel ils sont qu’ils vont participer au chiffre d’affaire. Lizbeth commande un gâteau et il hésite à faire de même, mais il a l’estomac un peu noué. Peut-être plus tard. « Seulement un café s’il vous plait. » Pas forcément bon pour ses nerfs, mais c’est dit maintenant. Alors que le serveur finit de noter leur commande, Adriel voit Liz sortir son téléphone et sourire en regardant ce qu’il y a sur l’écran. Forcément, il ne peut que se demander de quoi il s’agit. Mais il ne demandera pas. Ce n’est pas sa place. Alors que le serveur repart, leurs regards se croisent et elle lui demande pourquoi il voulait la voir. Il la reconnait bien là, elle a toujours été directe. Mais alors qu’il cherche la meilleure façon de dire les choses – ce n’est pas comme s’il s’était entraîné devant son miroir… ou si – elle ajoute quelque chose. Comme si elle faisait à nouveau traîner la conversation. « Je… Ah bon ? » Il est un peu décontenancé, et il lui faut quelques instants pour réfléchir à sa phrase. Et au fait que, lui, il a l’impression d’avoir changé. « Même pas quelques cheveux blancs ? J’ai l’impression d’avoir vieilli quand même. » Surtout depuis l’année dernière à vrai dire. Mais le stress ne se lit pas forcément sur le visage d’une personne. « Tu n’as pas beaucoup changé non plus. » Il hésite à lui faire un compliment, mais se dit que ce n’est pas le moment. « Et oui, je voulais te parler de quelque chose. Enfin de quelqu’un plus exactement… » Il marque une dernière pause, avant d’enfin se lancer. « J’aimerais rencontrer Roxanne. »

Elle mentirait si elle disait ne pas avoir hâte de retrouver sa fille. Elle en avait envie, elle avait envie de la retrouver, de la serrer dans ses bras et de fourrer son nez dans ses cheveux avant de l’entendre râler parce qu’elle allait la chatouiller. Mais soit, là elle devait agir comme une adulte. Elle ne devait pas l’envoyer balader parce que s’il l’avait contacté c’était forcément pour une raison et cette raison l’angoisse un peu, il fallait le dire. Mais elle passerait au dessus, comme elle le fait si bien. Comme elle essaie de faire parfois quand elle n’a pas le choix. Un sourire poli naît sur ses lèvres après qu’elle ait donné son avis sur sa journée et elle laisse Adriel commander son café. Elle n’a pas eu le temps de manger ce midi alors bien évidemment qu’elle allait prendre une part de gâteau, son estomac avait certainement parlé pour elle quand elle lui avait donné rendez-vous ici. Des banalités échangées, Lizbeth ne peut s’empêcher de lui dire qu’il n’a pas changé, après tout c’est un peu la vérité, après tout, il est toujours le même que quand elle l’a quitté, peut-être avec les épreuves de la vie qui ont marqué son visage mais après tout, il a toujours ce même regard, celui qui la faisait se sentir belle, à l’époque. Celui pour qui elle a craqué maintes et maintes fois avant de se rendre compte que plus rien n’était possible entre eux, que leur relation était faites pour être éphémères, à cause de toutes les chimères. Comment avait-elle pu croire, à l’époque, que ça durerait ? Qu’il accepterait d’arrêter sa carrière pour elle ? Aberrations qui lui avaient traversé le temps d’une chanson, le temps d’un instant avant que cet instant ne soit plus qu’un douloureux souvenir. Elle hoche la tête positivement avant de sourire « Oui bon, tu as un peu vieilli. Mais tu as toujours la même tête en tout cas. » explique t-elle en riant, avant de sentir ses joues qui chauffent un peu quand il lui rend la pareille. Elle se mord l’intérieur de la jour avant de sourire « Merci. » Pourtant elle, elle se voit changer, elle, elle se voit vieillir le matin, quand bien même sa fille lui dit qu’elle est belle. Lui offre un câlin chaque matin pendant leur rituel des compliments avant qu’elle ne parte au travail après l’avoir déposé à l’école. Elle jette un oeil au serveur qui apporte leur commande et elle le remercie avant de le regarder avec un air attentif quand il commence à lui parler, sa tasse entre les mains, elle reste suspendue à ses lèvres et elle tousse d’étonnement. Elle cligne des yeux en se reculant et dépose sa tasse sans même avoir prit une gorgée de sa boisson chaude « Pardon ? » Pourquoi maintenant ? Lizbeth n’avait jamais caché à sa fille qu’elle avait un papa, elle ne lui avait jamais caché qui il était mais Roxanne n’avait jamais réclamé de le voir. Elle n’avait jamais émit le souhait de le faire et Lizbeth ne voulait en aucun cas forcer le destin. Mais… maintenant ? « Pardon, ce n’était peut-être la réaction que tu voulais que j’ai. » explique t-elle en prenant finalement une gorgée de son café pour faire passer la pilule, pour faire passer l’étonnement. Elle ne sait pas vraiment comment réagir. Mais elle n’avait pas non plus envie de le brusquer. « Pourquoi maintenant ? Je ne dis pas que je ne veux pas mais… pourquoi ? » elle avait l’impression de continuellement se répéter « J’en sais rien Adriel… J’peux pas te promettre d’accepter, je sais que t’es son père mais… égoïstement j’aurais envie de la garder que pour moi. Est-ce que je peux y réfléchir ? »

Elle ne trouve pas qu’il ait changé. Peut-être pas physiquement, en effet. Mais depuis qu’ils se sont séparés, Adriel a l’impression d’être devenu une autre personne. Sa vie a beaucoup changé, et encore plus depuis l’année dernière. Après tout, c’est même la raison de sa présence aujourd’hui. Donc non, il n’est pas la même personne avec qui elle avait rompu, il y a quelques années. Ni celui qui avait refusé d’être père, quand elle lui avait annoncé sa grossesse. Il a changé. Mais Adriel peut comprendre qu’elle ait des doutes. Il s’y attend même. Il avait fait des recherches. Avait découvert par les réseaux sociaux qu’elle avait eu une petite fille, même s’il n’y a pas de photo de son visage. Une petite Roxanne. Une petite fille qui a quatre ans désormais et qu’il n’a jamais rencontrée, alors qu’ils partagent le même ADN. Il ne sait pas s’il regrette sa décision de l’époque. Il n’était pas prêt. Pourtant, maintenant, il se dit qu’il aurait aimé l’être. Qu’il aurait pu faire un effort. Mais le passé est déjà écrit. Il ne peut pas le changer. Il peut simplement espérer que le futur pourra évoluer. Mais il est aussi conscient que cela dépendra de Liz. Et comme il s’y attendait, elle est surprise de sa demande. Après tout, il n’a jamais sous-entendu qu’il pourrait changer d’avis un jour. Mais c’est arrivé malgré tout. « Tu as le droit de réagir comme tu veux. » Dit-il doucement. Il ne s’attendait pas à ce qu’elle accueille sa demande à bras ouverts, en le remerciant et le félicitant. Il s’était plutôt préparé à la réaction inverse. Plus logique au vu de la fin de leur relation. Même si elle ne s’est pas faite dans les cris et la douleur, il était clair que les choses étaient terminées. Que la page devait être tournée. Elle lui demande pourquoi maintenant. Question tout à fait légitime. Qu’il s’est lui-même posée. C’était la raison pour laquelle il n’avait pas osé avant, parce qu’il n’avait pas de réponse. Maintenant, il en a une. Mais il n’est plus si sûr que ça qu’elle soit la bonne. Il n’a pas le temps de répondre, qu’elle ajoute qu’elle doit y réfléchir. Il penche un peu la tête sur le côté pour la regarder. Ça aussi, il peut le comprendre. Il sourit, essayant de se montrer rassurant mais aussi sûr de lui. « Bien sûr que tu peux y réfléchir. J’imagine que ce n’est pas une décision facile à prendre. » Il ne peut pas se mettre à sa place. Imaginer comment lui, il aurait réagi, si les situations avaient été inversées. « Mais je veux que tu saches que ce n’est pas une décision prise à la légère. J’y pense depuis plus d’un an déjà et… » Il marque une pause, se demandant comment le dire. Il n’en a toujours pas l’habitude, malgré les quelques mois depuis le diagnostic. « Ma vie est bien différente maintenant, plus… stable. » Ce qu’elle lui avait reproché à l’époque. Ce qui avait fait qu’il ne s’était pas assez investi dans leur relation. Finalement, il hésite à parler de sa mère. Il n’a pas envie d’utiliser sa maladie comme un argument. Pourtant, ç’en a été un dans sa décision.

Elle a l’impression de marcher sur la tête, ou au contraire, de ne plus pouvoir marcher du tout. Clouée sur place. Est-ce qu’il vient réellement de lui demander l’autorisation de voir sa fille -leur fille- ? Lizbeth avait cru, à l’époque, qu’il accepterait de voir la petite, elle avait cru naïvement qu’il lui demanderait s’il pouvait l’accompagner à une échographie. Cependant, elle n’avait pas eu d’espoir quant à une possible présence à l’accouchement. Mais elle avait été naïve Lizzie, naïve de croire qu’il prendrait ses responsabilités. Non, rien d’autre n’avait compté à l’époque, que sa carrière d’escrimeur. Et elle ne pouvait lui en vouloir, deux carriéristes ensemble, ça n’avait jamais rien fait de bon. Elle aurait dû s’en douter, qu’il voudrait changer d’avis, qu’il voudrait avoir un rôle à jouer dans la vie de sa fille mais maintenant ? Alors qu’elle… Non. Elle ne savait pas quoi faire, elle ne savait pas si elle devait accepter, tout se bousculait dans sa tête. Son estomac se tord et soudainement, elle n’a même plus faim. Elle joue avec la nourriture dans l’assiette, pas sûre qu’elle parvienne à finir cette part de gâteau, alors qu’elle en avait eu terriblement envie. Elle essaie de lui faire comprendre qu’elle n’arriverait pas à lui donner réponse maintenant. Parce que ça se bouscule trop dans sa tête. Les deux mains qu’elle pose sur ses cheveux, elle se pince les lèvres et soupire « Disons que je ne m’imaginais pas devoir prendre cette décision un jour si tu veux mon avis. » explique t-elle en prenant tout de même une gorgée de son café tout en le regardant, les sourcils plissés. Et elle l’écoute. Un an. C’est long, un an. Un an c’est Roxanne qui entre à l’école, c’est Roxanne qui couvre les murs du bureau de Lizzie de dessins, qui lui raconte avec fierté sa journée d’école. C’est Roxanne qui s’habitue à une nouvelle nanny. Elle souffle un peu et prend une bouchée de gâteau. Elle ne sait pas quoi dire, elle ne veut pas paraître rude. « Un an ? » Non, elle doit avoir mal compris, elle secoue la tête pour se remettre les idées en place et le regarde « Tant mieux pour toi si tu as une vie plus stable mais… tu ne peux pas… On ne peut pas égoïstement déranger la stabilité de ma fille. De notre fille. » oui, elle ne pouvait pas être égoïste avec la tournure de ses phrases. Elle serre un peu la mâchoire et le regarde. « Je ne sais pas si j’accepterais que ce soit… définitif. Mais si jamais, tu pourrais passer à la maison ? Je ne sais pas comment je ferais pour lui expliquer ça, je ne sais pas comment je lui ferais comprendre mais… si ta vie est soi disant stable et que tu ne me feras pas faux bond au dernier moment, je veux bien que tu la vois. Chez moi ou dans un endroit neutre, j’en sais rien. Mais tu n’as pas le droit, tu ne peux pas lui donner de faux espoirs et décider après coup que ce n’est pas pour toi. Roxanne mérite le meilleur, je m’applique à lui donner le meilleur et ça ne changera pas. »