Katie avait demandé à Lizbeth si elle pouvait prendre quelques jours pour partir en week-end il y a un mois de cela, et bien évidemment Lizzie avait accepté parce que Katie avait déjà fait beaucoup depuis qu'elle était arrivée dans la famille, et elle ne pouvait pas lui refuser cela. Alors elle avait réussi à s'arranger avec son frère pour qu'il aille chercher Roxanne à la nursery et elle avait réussi à pouvoir la déposer chez une amie pour le samedi. Heureusement, elle ne travaillait pas le dimanche ce qui l'arrangeait fortement. Elle avait réussi aussi à avoir son vendredi soir, ce qui était plutôt rare mais elle s'y était prit en avance, pour une fois. Alors qu'elle récupérait deux cafés et des pâtisseries au Think Coffee, elle prenait le métro pour rejoindre la petite boutique de son frère, lui prévenant qu'elle arrivait incessamment sous peu, pour qu'il puisse préparer la petite ou du moins, qu'elle soit prête à ce que sa mère arrive. Elle se pressait parce qu'elle avait hâte de retrouver sa fille qu'elle n'avait pas vu le matin, à cause de la livraison fournisseur et du fait qu'elle n'avait pas pu la déposer à la nursery. En sortant de la bouche de métro, son pas devenait plus pressé et quand la boutique de son frère s'immortalisait sous ses yeux, son sourire n'avait de cesse de s'agrandir et quand elle poussait la porte, elle s'annonçait « Où sont cachés les deux personnes les plus importantes de ma vie ? » demande Lizzie avant de se glisser dans l'arrière boutique pour récupérer la tornade qui lui sert de fille après avoir déposé le sac Starbucks sur le comptoir et embrasser son frère, gardant la petite dans ses bras « Et bien, je ne m'attendais pas à un accueil de la sorte, tu as une mine affreuse par contre, ça va ? »

Gaspard va fermer la boutique. Il sent venir les affres de la dépression comme la première fois qu'il a ressenti ça, alors qu'il était en poste au bureau du Procureur - mais cette fois, c'est pire. Kate n'est plus là pour l'épauler, ou en tout cas, pour prétendre de l'épauler. Il est tout seul, il est fatigué. Il ne sait pas quoi faire. La veille, il a vu un avocat ; un de ses copains de fac auquel il a fait jurer de garder le secret. Il ne sait pas encore s'il a envie de signer les papiers du divorce, Gaspard, s'il a envie de mettre un terme à tout ça. Une chose est sûre, il n'a pas envie de continuer à vendre des fleurs pour l'instant. Il a envie de se rouler en boule dans son appartement - mais pour l'instant, c'est dans l'appartement de Neal qu'il peut se rouler en boule, et ce n'est pas vraiment pratique.

Il joue avec Roxanne, qu'il a récupérée à la sortie de l'école pour arranger sa soeur Liz, dans l'arrière boutique. La petite fille a les yeux qui deviennent ronds comme des billes lorsqu'elle entend la voix de sa mère - Gaspard la prend dans ses bras et se lève pour rejoindre Lizbeth devant - mais elle le devance et apparaît plutôt dans l'arrière boutique. Il laisse Roxanne par terre pour qu'elle puisse courir vers sa mère. Il ne lui a encore rien dit, et il se doute qu'il va être obligé de lui dire aujourd'hui. Cela fait plusieurs nuits qu'il ne dort pas, l'épuisement a creusé des cernes en dessous de ses yeux, il a perdu quelques kilos, et la tristesse fait de lui un homme moins grand, moins fort. Moins lui.

- Hello, il répond en lui offre un sourire et en tâchant d'avoir l'air aimable. Moi non plus je ne m'attendais pas à un accueil pareil, tu pourrais mettre les formes avant de me dire que je suis affreux.

Il plaisante un peu, au fond, mais sa gorge est nouée ; il ne parvient pas à lui dire ce qu'il se passe, en tout cas, pas tout de suite.

Elle ne s'attendait pas à voir son frère si fatigué, si épuisé. Elle s'était bien doutée quand elle lui avait téléphoné le matin même qu'il avait l'air ailleurs, l'air un peu dans les nuages mais elle ne se doutait pas que c'était aussi prononcé. Comme quoi, au téléphone, on peut faire croire n'importe quoi. « Tu sais bien que je n'aime pas qu'on prenne de gants avec moi alors je fais la même chose avec les autres.» Roxanne qui ne semble pas se préoccuper d'autre chose que du muffin que lui a rapporté sa mère ne sera pas un obstacle à la discussion qu'ils risquent d'avoir. Même si, du haut de ses quatre ans, elle ne comprendrait pas grand chose aux conversations d'adulte, Lizbeth s'appliquait à ne pas lui faire entendre des choses d'adultes qui pourraient interférer avec ses envies et ses rêves d'enfants. Lizzie le guide alors jusque dans le devant de la boutique d'un signe de la tête, prétextant avoir envie d'acheter un bouquin de fleurs, ce qu'elle finira sûrement par faire, de toutes façons. « T'as l'air épuisé. Depuis combien de temps n'as-tu pas fait une vraie nuit ? &raquo demande t-elle en posant une main sur celle de son frère « Tu veux m'en parler ? » continue t-elle, un regard bienveillant qui se dépose sur le visage de son frère « C'est ton boulot ? Ton mariage ? Ça fait longtemps que vous n'êtes pas venus à Staten avec Kate. »

Il est facile de voir que quelque chose ne va pas, évidemment. Il sait qu'il a les traits tirés, fatigués, des cernes sous les yeux et l'air de ne pas avoir dormi pendant des jours, ce qui est en quelque sorte le cas - on ne peut pas dire que le canapé de Neal soit très confortable. C'est même plutôt l'inverse. Et puis, son ami n'est pas très intéressé par ses problèmes de coeur, il faut reconnaître ce qu'il est. En revanche, Gaspard n'est pas certain d'être prêt à expliquer ce qu'il se passe aux membres de sa famille. Il sait qu'il va y être obligé maintenant que Liz l'a vu dans cet état, mais... Il imagine déjà sa mère qui va l'appeler pour lui dire de faire des efforts, de sauver son mariage. Le divorce n'est pas une bonne idée, évidemment.

- C'est Kate, il explique en prenant une inspiration, la voix légèrement tremblante. Il ne sait pas par où commencer - il a déjà l'impression que sa soeur ne portait pas la jeune femme complètement dans son coeur, alors maintenant... Je suis parti de l'appartement Liz, depuis quelques jours. Je dors chez Neal, mon ami Neal, tu sais...

Il réarrange un bac de roses en même temps qu'il parle, ne sachant trop comment lui dire la suite, lui donner l'explication qu'elle attend sans doute maintenant.

- Elle m'a trompé. Avant le mariage, il finit par expliquer en haussant une épaule. Je viens de l'apprendre.

S'il y a bien quelque chose que Lizzie déteste, c'est de voir son frère ou sa soeur dans un état plus que lamentable. De les voir avec des cernes sous les yeux, une mine fatiguée et de ne pas savoir le pourquoi du comment. Et Gaspard le sait, qu'elle déteste ne pas savoir Lizzie. Elle espère du plus profond de son coeur qu'il n'essaiera pas de lui raconter n'importe quoi. Quand elle voit le visage fermé et grave que prend son frère des tonnes de scénarios s'imbriquent dans son esprit et elle retient presque son souffle. Kate ? Elle fronce les sourcils, qu'a-fait Kate ? Elle opine du chef quand il lui parle de Neal, elle a eu l'occasion de le croiser quelques fois mais sans plus. Elle sait, cependant, que c'est un bon ami de son frère. Son gobelet de café à la main, elle boit une gorgée de café avant de manquer d'avaler de travers face à la révélation de son frère. Elle dépose son gobelet sur le comptoir et le regarde, l'air ahuri « Pardon ? » demande t-elle avec une voix passablement trop forte, trop aigue, trop tout. Elle se rapproche de son frère, sous l'oeil étonnée de sa fille qui vient de débarquer dans l'encadrure de la porte, Lizzie se tourne alors pour la rassurer avant de regarder Gaspard « J'ai mal compris ? » Oui, ce n'est pas possible autrement. « Comment... J'en reviens pas. Et en plus, avant le mariage... Elle t'a dit oui devant tout le monde à l'autel, sans flancher, sans vriller en toute impunité. Mais quelle garce ! » Lizzie détourne le regard pour se canaliser et éviter d'exploser et de faire une scène. « Je sais que Brooklyn, Staten c'est loin mais tu veux venir à la maison ? » Ça sera sûrement mieux. « J'ai toujours une chambre d'amis à disposition, et Katie n'est pas envahissante pour un sou. »

Gaspard n'a pas besoin qu'on lui fasse une scène, ni que l'on juge Kate pour lui. Il a ressassé tout ça pendant des heures, déjà, de son côté - il a simplement besoin de faire le vide, maintenant. De comprendre ce qui lui arrive, quelles sont ses options. Ce qu'il va décider. Pour l'instant, il avance dans un couloir sombre, bien incapable de se repérer ou de se raccrocher aux branches.

- Calme-toi, Liz, j'ai pas besoin que tu insultes ma femme, il répond, s'armant d'un sourire légèrement ironique cela dit. Sa femme... Mais oui, c'est l'idée. J'ai un peu de mal à comprendre ce qu'il se passe, il confesse en soupirant un peu.

Il termine ses arrangements et remet les bacs en place, un peu nerveux. Il s'était bien dit qu'il garderait le secret sur la situation encore un peu, mais c'est compliqué de donner une justification à son air triste. Il fallait bien qu'il lui donne des réponses.

- Je ne dis pas non à une chambre, cela dit, le canapé de Neal est confortable mais... Je sais pas combien de temps je vais avoir besoin d'une solution provisoire, tu vois ?

Il a beau retourner le problème dans tous les sens, pour l'instant, la solution lui échappe complètement.

Gaspard pouvait lui dire ce qu'il voulait, elle ne retiendrait pas ses pensées assassines. Elle ne s'empêcherait pas de penser que sa belle-soeur était une garce et que son frère ne la méritait pas. Mais elle ne le lui dirait pas, pour ne pas le blesser.

- Je ne comprend pas comment on peut se jurer fidélité devant dieu et compagnie si on est même pas fidèle avant le mariage ! s'exclame t-elle, les bras qui gesticulent dans des gestes incontrôlées. Et pardon, je ne l'insulterais plus que dans ma tête. conclut-elle avec un sourire qui sonne faux.

Lizbeth acquiesce quand il lui explique et elle boit une gorgée de son café en s'appuyant contre le comptoir du petit magasin de fleurs, son regard qui se pose un peu partout.

- Oui je comprend, je te préparerais la chambre si tu veux. Roxanne sera contente que Tonton vienne dormir à la maison. répond t-elle, avec une voix douce.

Elle regarde son frère qui s'affaire et son coeur se serre un peu, jamais elle ne l'avait vu aussi malheureux.

- Promis, je ne serais pas comme maman, je ne te fliquerais pas pour savoir quand tu rentres. Puis de toutes façons, tu rentreras sûrement avant moi le soir alors bon. rit-elle, en prenant une nouvelle gorgée de sa boisson chaude. Tu veux venir à partir de quand ? Je préviendrais Katie qu'elle ne s'inquiète pas qu'un presqu'inconnu soit à la maison !

- Moi non plus, je ne comprends pas.

C'est vrai ça, Gaspard ne comprend pas comment Kate a pu avoir envie de l'épouser alors qu'elle le trompait déjà depuis plusieurs mois. Elle aurait dû lui dire au moins, qu'ils travaillent sur le sujet. Le fait qu'elle ait été capable de dire oui sans broncher devant l'autel le rend sceptique, et peu enclin à pardonner, c'est vrai. Il a peur qu'elle recommence dès qu'elle en aura l'occasion.

- Merci, pour la chambre. Je ne serai pas embêtant, c'est promis, de toute façon je...

Il s'arrête et glisse un doigt sur les bordures d'un pétale de rose.

- Je vais fermer la boutique.

Il s'est détourné du regard de sa soeur pour faire son annonce. Ca n'a aucun sens, sans doute, mais il s'en fiche - il suit le peu d'instinct qui lui reste. Il a la sensation, quelque part, qu'apprendre les révélations de Kate l'a libéré de quelque chose. Comme si elle avait confirmé un doute latent. Cela le pousse presque machinalement à rechercher des repères pour se bâtir une nouvelle vie.

- Je vais reprendre mon boulot au bureau du Procureur. Je suis allé signer hier. Je n'ai rien dit à Maman car je n'ai pas envie qu'elle pense que c'est grâce à elle, mais...

Il soupire et se retourne, conscient d'avoir passé l'année qui vient de s'écouler à jouer les girouettes. Peut-être même qu'il a mis en péril son mariage juste parce qu'il faisait une petite crise de la trentaine.

- Je peux venir à la fin de la semaine ? Histoire de ne pas planter Neal du jour au lendemain. Ca va pas très fort, pour lui non plus.

Lizbeth, bien que passablement énervée par l’annonce de son frère, était beaucoup plus triste pour lui qu’elle ne voulait le prétendre. Lui qui avait tout donné à Kate, lui qui avait vécu de belles choses avec sa femme, elle ne pouvait qu’être déçue de ce que sa belle-soeur faisait vivre à son frère. Des noms d’oiseaux ne cessaient de fuser dans son cerveau mais elle évitait de les laisser traverser ses lèvres, elle risquerait de se disputer avec Gaspard et ce n’était absolument pas ce qu’elle voulait. Heureusement qu’elle n’était pas en train de boire parce qu’elle se serait certainement étouffée une seconde fois, son frère avait décidé de la tuer ou ?

« Pardon ? »

Il allait fermer cette boutique dans laquelle il avait mit tout son coeur ? Il avait tenu tête à leur mère, leur père pour finalement abandonner ? Mais Lizbeth, même si elle était étonnée et quelque peu déçue, elle se rangerait toujours du côté de son frère. Parce qu’elle avait prit sa défense quand il avait voulu devenir fleuriste, elle prendrait sa défense quand il reviendrait dans le chemin du droit. Elle défendrait son frère envers et contre tout, au fond.

« Maman n’aura rien à te dire. Et si elle pense que c’est grâce à elle, je mettrais les points sur les I »

Elle ne laisserait pas sa mère donner son avis comme elle sait si bien le faire quand ça concerne ses enfants et par extension sa petite-fille qui fait son dessin dans l’arrière boutique.

« Oui, fin de semaine ça me va. Je préparerais ta chambre samedi après-midi, je ne suis pas de service samedi soir. Je te cuisinerais quelque chose. »

Lizbeth aimait cuisiner pour sa famille et encore plus pour son frère, quelque chose qui ne changerait pas même si la famille Walsh devenait un chaos sans nom, au moins, ils seraient toujours bien nourri par la cadette Walsh.

« Je n’essaierais pas de te faire changer d’avis, mais tu es sûr ? Je me souviens encore quand tu étais si heureux de nous dire que tu ouvrais finalement une boutique de fleurs, je me souviens encore de la tête de Maman, elle aurait pu se déboîter la mâchoire. Mais je ne veux pas que tu prennes cette décision à la légère, je n’ai pas envie que ça te rende triste. Tu le sais ça ? »

Gaspard se sent presque soulagé. Il est pourtant celui qui avait suggéré à Kate de garder leur secret pour eux, mais le confier à sa soeur lui a fait du bien, il doit bien l'admettre. Depuis qu'il est parti, Gaspard n'a pas réussi à réfléchir convenablement. Il ne sait pas quoi faire. Il a l'impression, peut-être faussée, qu'il ne parviendra jamais à réparer ce mariage. Il a la sensation qu'il n'arrivera jamais à pardonner, que c'est inutile d'y retourner. Rien ne sert de prétendre entretenir un mariage s'il passe sa vie à reprocher à Kate ses tromperies - et s'il ne parvient plus jamais à lui faire confiance ? Il aimerait avoir des réponses à toutes ces questions, malheureusement, pour l'instant, il est dans le flou le plus total. En même temps, il mérite sans doute un peu de temps pour s'en remettre, et faire la part des choses.

- Merci, pour la chambre. Tu sais que je ne sais pas pour combien temps ça va être, mais dès que j'aurais repris du poil de la bête, je tâcherai de trouver un endroit pour moi. Ou... Je sais pas.

Il soupire, hausse une épaule et se frotte le visage de ses mains.

- Je sais, pour la boutique, mais... J'en sais rien. Ca m'a pas rendu aussi heureux que je le pensais, et puis maintenant... les souvenirs sont difficiles.

Il n'a pas vraiment d'explication, il sait juste que c'est la bonne chose à faire. Ce qu'il doit faire, pour avoir l'impression de s'en sortir au moins un peu.

- C'est gentil de t'inquiéter, mais je t'assure que je ça va aller. Et puis, si cette expérience - professionnelle - m'a montré une chose, c'est qu'il n'est jamais trop tard pour changer.

Il regarde autour de lui, l'air à la fois mélancolique et résigné.

- J'ai rien dit à Maman pour Kate, non plus. Pour l'instant, je préfère éviter.

Lizzie aimerait réellement que Gaspard sente qu’elle est là pour lui, n’importe quand. Quand il en a besoin, en pleine nuit, n’importe quand. Elle a toujours été là pour lui et le serait toujours, c’est sûrement pour cela qu’elle lui a fait cette proposition, même si ça risque d’être des ajustements, elle est prête à les faire. Pour son frère. Pour son bien-être.

- Tu sais que tu es chez moi, chez toi. My home is your home. Ajoute t-elle avec un sourire.

Mais voir son frère ainsi lui brise le coeur et elle regarde en direction de l’arrière boutique pour voir si Roxanne n’est pas là. Pour qu’elle ne voit pas son oncle ainsi, elle ne veut pas lui mettre de mauvaises images en tête et qu’elle lui pose dix mille questions concernant l’état d’esprit de Gaspard. Et puis, elle ne voudrait pas que Roxanne fasse une boulette aux yeux de sa mère. Ce serait le pire à faire.

- Je comprend. Dit-elle en posant une main sur celle de son frère. Et tu as raison, il n’est pas trop tard pour changer. Il n’est jamais trop tard.

Elle ne changerait de métier pour rien au monde Lizbeth, mais elle comprend son frère, le besoin de changement, l’envie de changement. Et puis surtout, ce qui comptait c’était qu’il soit bien dans sa tête et dans son esprit, au moins professionnellement parlant. Et les mots sont compliqués pour Lizzie. Parce qu’elle ne sait pas tenir sa langue, elle ne sait pas caché une seule chose à cause de son visage et de ses expressions.

- Je ne lui dirais rien.

Elle ne peut pas le promettre mais elle va essayer très fort. Pour lui, pour son état mental. Parce qu’il sait que sa mère risque d’être très intense. Et qu’elle risque de vouloir faire du bien, en interférant, en imposant sa vision des choses avec une véracité qui ne connaît qu’elle, Livia Walsh dans toute sa splendeur. Alors qu’elle ouvre la bouche, elle voit Roxanne qui débarque en courant dans la boutique.

- Tonton je t’ai fait un dessin ! Dit-elle en tendant la feuille de papier affublée de bonhommes, trois, un homme, une petite fille et une femme. C’est Tonton, Maman et moi ! Explique Roxanne de sa voix de petite fille. C’est vrai que tu vas venir dormir à la maison ? Tata Kate, elle va venir aussi ?

Gaspard a besoin de réfléchir, et il a besoin d'espace, surtout. Il se demande si la meilleure solution ne résiderait pas dans le fait de prendre un avion pour s'exiler au bout du monde pour quelques semaines, quelques mois. L'urgence de partir, de quitter New York pour changer d'air et faire le point, elle se ressent jusqu'au plus profond de ses tripes. Il a trente ans, merde, et il a l'impression qu'il a déjà la vie d'un homme bien plus vieux que ça. A peine marié, déjà trompé. Ce n'est pas vraiment comme ça qu'il imaginait son avenir. Seulement ce qui est fait est fait, et maintenant, il n'a que ses yeux pour pleurer - ou son coeur pour prendre des décisions hâtives et maladroites.

- Merci, pour Maman. Je pense qu'il vaut mieux attendre, sinon elle en parlera à la mère de Kate, et dieu seul sait ce que ça va donner. Et puis, je connais déjà son discours, elle me dira que c'est de ma faute, que ces choses là arrivent, qu'il faut recoller les pots cassés et tout ce bordel, et j'ai vraiment pas envie qu'on me serve le discours préfabriqué de la famille parfaite pour l'instant.

Il soupire et s'apprête à compléter ses explications, mais Roxanne les interrompt pour lui remettre un dessin et lui poser des questions. Il laisse échapper un soupir un peu frustré, et prend le dessin en hochant la tête.

- Merci ma chérie, c'est très beau. Oui, je vais venir, mais pas Kate, en revanche. Elle est avec des amies, il explique en accompagnant ses propos d'un hochement de tête.

Il tire une rose d'un bac à fleurs et la tend à sa nièce.

- Tiens, c'est pour toi.

C’est dingue cette facilite déconcertante qu’à la vie de se casser la gueule d’un instant à l’autre. En arrivant, Lizzie n’aurait jamais imaginé que son frère lui annoncerait tout ça. Elle pensait sincèrement que tout se passerait bien, qu’ils partageraient un café avant que Mère et fille ne rentre chez elles pour baller un peu dans le canapé et regarder un début de film avant de dormir toutes les deux dans le canapé déplié avec des montagnes de couvertures et des montagnes de coussins, mais non. Elle devait gérer la situation de son frère et pour une fois, elle appréciait que leur soeur ne soit pas là. Parce qu’elle n’aurait sûrement pas eu le même discours.

- Personne n’a de famille parfaite. Regarde nous. Toi tu es fleuriste, tu vas bientôt mettre la clé sous la porte pour retourner dans le droit. Moi, je suis cheffe. Alors que Maman et Papa, surtout maman, me destinait à un brillant avenir dans la médecine, ou la pédiatrie. J’ai fait un bébé presque toute seule. Quelle famille parfaite. Il n’y a bien que Norah qui s’en sort un minimum avec son statut de médecin. Mais personne n’est parfait. Et tu ne pouvais pas prévoir que Kate aurait envie d’aller voir ailleurs. C’est des choses qu’on ne prévoit pas, à moins d’être complètement paranoïaque.

Lizzie essaie tant bien que mal de soulager la conscience de Gaspard mais c’est compliqué. Parce que Roxanne est là, parce que Roxanne ne doit pas avoir la vie entachée par des soucis d’adultes. Lizbeth n’a pas envie de lui dire que le monde n’est pas tout rose, pas maintenant, elle est encore trop jeune. Elle s’excuse du regard face à l’insouciance de Roxanne.

- Oh c’est triste pour Tata Kate, mais moi j’aime bien que Tonton va venir ! On pourra faire des dodos dans le canapé devant un film avec toi tonton ?
- C’est Tonton qui décide. Répond Lizbeth à Roxanne avant de se tourner vers son frère. Si jamais un jour tu as envie d’être tout seul avec Roxanne, n’hésite pas à me le dire, je préviendrais Katie. Elle sera contente d’avoir possiblement une soirée off pour elle toute seule.

Lizbeth rit un peu avant d’hausser les épaules en direction de son frère. Parce que les soirées étaient rare pour la nanny et Lizbeth essayait tant bien que mal de varier pour les soirées, elle préférait encore que la petite soit avec sa Nanny qu’avec ses grand-parents. Alors c’était compliqué. Elle regardait alors la scène d’un oeil attendri.

- Oh merci Tonton ! Répondait Roxanne en se jetant dans les bras de Gaspard.

Lizzie jetait un oeil sur l’heure et soupirait.

- On va devoir y aller, Roxanne a une play date à Staten, et je sens qu’on va se taper des bouchons d’enfer, je vais en avoir pour cher en uber. Tu me dis quand tu viens ? Prononce Lizbeth avant de s’affairer pour récuperer les affaires de la petite. Je préparerais ta chambre. Roxanne, dit au revoir à Tonton !

Et elle laissait sa fille dire au revoir à son frère avant d’elle-même venir enlacer son frère pour lui offrir une accolade, le genre d’accolade qui dit que ça va aller, malgré tout les obstacles. Ça ira. Le soleil dissipe toujours les nuages.