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Drowning sorrows [PV Jan]

@ Invité

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Ven 2 Juil - 21:54
Les néons criards paraissaient répondre à la musique que brâmaient les enceintes disposées un peu partout dans la pièce à la lumière tamisée. Les corps ondulaient, plus ou moins en rythme avec le son proposé, dont la plupart des danseurs se moquaient, puisqu’ils cherchaient le plaisir d’autres mouvements, en miroir les uns des autres, ceux qui permettaient de faire glisser les yeux sur les muscles de son partenaire, et parfois les mains, comme pour vérifier que la pénombre n’avait rien caché. Et ensuite, furtivement, les lèvres se rapprochaient pour d’autres danses. Dans cette atmosphère de fête et d’abandon se démarquaient les couples déjà constitués, que les célibataires enviaient d’œillades discrètes, et ceux qui commençaient à se former, au gré des changements, des envies, sans que l’on ne sache très bien si c’était pour quelques heures ou pour la vie. Cela, in fine, n’avait pas d’importance. L’important, c’était d’avoir son cœur qui battait à sa tempe aussi fort que la musique qui cognait aux tympans, de se sentir vivant, d’enfouir la solitude entre des bras tendres, peut-être juste pour quelques pas de danse. Pour ne pas vivre seul, on vit avec des roses, et des garçons aimaient des garçons, disaient la chanson. Dommage que les roses se fanent, et qu’elles partent avec les fleuristes qu’aimaient des garçons, ne put s’empêcher de penser un Leone à l’amertume palpable, planté au bar et observant la piste avec acrimonie.

Il aurait dû le savoir : tout était trop beau. Une de ses relations n’aurait pu passer le cap de l’année sans qu’un problème ne se pose. Il était venu, oh, il ne fallait pas s’en faire, les ennuis apparaissaient toujours trop vite. Il avait pris la forme d’un courrier de plusieurs pages, déposé sur une table basse et nerveusement ouvert. Des mots écrits à la main, signe d’un intérêt dangereux dans ces temps modernes du mail, pour offrir la chance d’une vie. Leone les avait lus, ces phrases assassines de ses rêves, et avait, en homme fidèle à ses valeurs, pris le poignard pour le porter à son propre cœur, en encourageant son compagnon à prendre le temps de réfléchir, car les opportunités aussi folles ne venaient qu’une fois dans l’existence. Il y avait un choix à faire, et il n’était pas homme à se mettre en travers de la destinée d’un autre, quitte à piétiner ses quelques espoirs timidement murmurés, dans sa tête, par crainte qu’ils éclatent comme des bulles de savon, et le laissent uniquement avec ses regrets. Peut-être qu’il aurait dû se battre davantage, forcer sa nature. Qu’il aurait dû supporter les années éloignés, les deux semaines de vacances communes et le néant suivant. Sauf qu’en dépit de tout, ce n’était toujours pas ce qu’il voulait. Et si sa volonté s’effritait d’années en années, à force de voir les jolies choses se dérober sous ses doigts de plus en plus gourds, alourdis par les remords et l’acidité d’une impression rance de faire du sur-place en voyant les autres continuer à avancer, elle demeurait, tenace.

L’italien était là, dans ce bar, à noyer sa peine dans des cocktails sans alcool, ce qui avait peu d’effet, et à contempler le fond de son verre avec l’envie de s’y noyer. La pensée de se ruer sur la piste pour harponner le premier venu, de le ramener chez lui et de tout oublier, lui avait traversé l’esprit, preuve de sa douleur infinie et de sa perte de repères. Il avait tenté de la chasser, depuis deux heures déjà, se contentant de s’assourdir au rythme des basses au-dessus de sa tête. Penser, c’était pleurer. Penser, c’était mourir de ses souvenirs. Alors, il refusait de penser, laissant son cerveau s’emplir de bruits vides et sans intérêt : de musique, de discussions, de hurlements, d’échanges séducteurs … Plutôt être spectateur de la vie des autres que de la sienne, pour ce qu’il y avait à en dire, et à en voir.

Ses yeux perçants se perdirent dans la foule, et deux silhouettes attirèrent immédiatement son regard. L’une, il l’aurait reconnu entre mille. La seconde, il ne la connaissait pas, mais la pointe de jalousie d’antan s’alluma brutalement, le soufflet de son amertume jetant une ombre verdâtre sur le feu le parcourant. Muet, il suivit les mouvements, et quand son regard croisa celui de Jan, qui le reconnut, il leva son verre pour le saluer, avant de le vider et d’en redemander un. Faisait-il donc les mauvais choix, constamment, à n’être attirés que par des hommes qui le laisseraient, pour une raison ou une autre, et pour, en plus, d’excellentes raisons ? Il ne pouvait pas leur en vouloir, ainsi. Il ne pouvait que constater qu’ils étaient heureux dans d’autres bras que les siens, qui ne se refermaient que sur du vent, comme toutes ses ambitions, tellement futiles quand le candidat rentrait dans son appartement vide et tellement empli de souvenirs divers. A quoi cela servait, de se dévouer pour les autres, quand personne ne le faisait passer en premier ? Hormis sa grand-mère, la fidèle. Voilà quel était son lot : regarder la vie des autres se faire sans lui, et applaudir. Parce que c’était mieux. N’est-ce pas ?

La brûlure avait pris sa gorge, incendiant son visage, remontant jusqu’à ses yeux qui lançaient des éclairs à travers la pièce. Sa poigne se resserra sur son verra. Il éructait d’envie, seul à son bar, et plus encore en contemplant l’apparent bonheur des autres. Cette fois, l’agacement face à son comportement pathétique ne parvint pas à vaincre. A la place, il se contenta de regarder, et sa main se crispait encore et encore, jusqu’à ce qu’un « scrash » sonore ne résonne. Il ne comprit pas immédiatement ce qu’il s’était passé, jusqu’à ce que la morsure de l’air sur la plaie à ses doigts ne le pique. Alors, il abaissa ses yeux vers ses mains et constata qu’il avait fait exploser le verre et que plusieurs éclats s’étaient plantés dans sa chair. Il ne manquait plus que ça.

« Putain … »

Le juron lui avait échappé. Il repoussa l’aide de ceux autour, grommelant un peu amène :

« Je suis médecin, je me débrouillerai tout seul. »

Agrippant la serviette tendue par le barman – et espérant qu’elle soit propre – Leone épongea le sang rapidement et récupéra auprès de sa collègue une pince à épiler, puis il sortit sans un mot dans la ruelle qui servait d’arrière-cour. Là, sous la lumière un peu flageolante d’un lampadaire, il entreprit de sortir les éclats un à un. Un rire légèrement maniaque fit chuinter sa gorge alors qu’il contemplait le ridicule de sa situation, ainsi que le caractère profondément pitoyable de ce qui l’y avait mené. Et quand il entendit cette voix résonner derrière lui, Leone leva les yeux au ciel, se demandant si, décidément, quelque chose lui serait épargné ou s’il devrait à ce point s’humilier devant la terre entière. Il grinça :

« Je peux m’en sortir tout seul, Jan, retourne voir ton mec. »

Les mots étaient sortis plus acides qu’il ne l’aurait voulu, ne lui ressemblant pas. Sa gentillesse proverbiale avait cédé face au maelstrom de sentiments âcres qui l’envahissaient, tous plus purulents les uns que les autres, comme si la plaie ouverte un soir de fin d’été, il y avait de cela une éternité, revenait le heurter en pleine figure, ayant eu amplement le temps de suppurer pour désormais répandre sa crasse dans son âme ternie par les regrets et les abandons successifs, qui maintenant mouillaient sans qu’il ne le veuille ses yeux.
Pourtant, il ne pleuvait pas ce soir-là.

@ Invité

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Sam 17 Juil - 15:48



Imagine-toi, t'es là, en train de te reprendre un verre au bar
Quand tout à coup tu croises un regard qui te perfore de part en part
Imagine-toi, t'es là, ça te tombe dessus, sans crier gare.

feat @Leone Castelli


Depuis peu, il apprécie partir à la découverte de nouveaux quartiers. Et même s’il préfère s’éloigner de la ville, pour des week-ends apaisants où le ciel n’est pas pollué par les lumières citadines, Jan prend de plus en plus plaisir à sortir boire un verre ou prendre un take-away dans un restaurant inconnu pour y retrouver des amis ou même en solitaire. La distance prise avec l’association a permis au jeune quadragénaire de gagner en bien être et ça a été une telle bouffée d’oxygène qu’il en profite dès qu’il le peut. C’est toujours étrange, pour Alejandro, d’avoir ses soirées de libres, de bosser uniquement sur ses compositions au lieu de passer des heures sur des dossiers qu’il sait perdu d’avance. Il lui a fallut de longues semaines pour accepter de lâcher prise, de s’éloigner, d’arrêter de se battre pour les autres au point de s’oublier. Alej, le suivi médical et ses médecins, des membres de l’association. Tous l’ont aidé à comprendre l’importance de se préserver. De s’autoriser à vivre et non à offrir son existence aux autres. Et depuis, le sourire ne l’a pas quitté. Malgré le stress financier, la peur de lâcher, le sentiment d’abandonner, il n’a pas arrêté de sourire.

Ce soir, ils sont dans le centre de Manhattan. Il a retrouvé Jack et Ally, un couple d’amis rencontrés au hasard il y a quelques années au détour d’un concert. Jack et Ally sont loins du milieu associatif. C’est ce qu’il apprécie chez eux. De parler de différents sujets, d’évoquer des situations du quotidien’ juste de parler entre amis sans se prendre la tête.

Accoudé à la table, le brun ne voit même pas les cacahuètes arriver, pris par la fougue de son histoire. Une anecdote stupide mais qui fait rire tous les trois

- Et là, imagine ce qu’il me répond ? Il…

Il n’a pas le temps de finir que son regard croise celui de Leone. Il n’aurait pas imaginé le voir ici et la surprise fait qu’il ne lui adresse qu’un simple sourire avant de reprendre le fil de son histoire.

Histoire qui lui fait oublier la présence de l’italien. Histoire qui le remet dans son cocon, où les sourires, l’amusement et la joie ne laissent pas de place au sentiment d’abandon.

-

Ce sont les voix autour d’eux qui leur font relever les yeux. Le regard plissé, Jan comprend immédiatement que l’attention est portée sur son ami. Leone semble occupé à nettoyer quelque chose n, à s’énerver aussi.

- Je reviens, je vais voir s’il a un soucis.

Il sent une légère tension dans la silhouette de Leone. Ses épaules sont tendues, ses gestes vifs et légèrement tremblants.  Il le connait assez pour notifier tout ça d’un simple regard et surtout, il a été habitué pendant près de 20ans, à faire attention à chaque signaux, même très fables, d’agacement.

- Leone, ça…

Le ton de sa réponse lui valide tout ce qu’il s’est imaginé quelques secondes auparavant. Le brun hausse un sourcil, regarde les éclat de verre sur le comptoir et croise la moue dubitative du barman. Sa main est blessée.

- Vous avez du désinfectant ou une trousse à pharmacie ?

L’homme acquiesce et sort de sous le bar une petite trousse noire marqué d’une croix rouge élimée.

- Allez vient, on va nettoyer tout ça. Mon mec peut attendre.

Il ne lui laisse pas le choix de toute façon. Son regard est aussi convainquant que ses mots, choisis avec précision. Ils sont amis et les amis sont là l’un pour l’autre.


@ Invité

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Ven 10 Sep - 15:58
La haine de soi devint encore plus intense quand Leone s’aperçut qu’il éprouvait un très vif sentiment de plaisir à l’idée que Jan se soit déplacé pour l’aider, malgré sa propre compagnie, et qu’il privilégiait son bien-être au fait de retrouver ce type là-bas qui l’attendait – et cette femme, sûrement une amie. Evidemment : c’était Jan et sa gentillesse. Il était accouru comme lui-même l’aurait fait, si la situation était inversée, parce que c’était ça que faisaient les amis. Mais justement, à cet instant, l’italien était las, aussi stupide que cela paraisse, de tous ses amis, justement, de ces gens si doux dans sa vie qui n’arrêtaient pas de lui dire qu’il était courageux, un modèle, qu’il les inspirait, et qui vivaient tous ce dont il rêvait désespérément : une vie de famille, de couple, et pas juste un appartement vide où des hommes passaient pour le quitter, avec une grand-mère âgée comme unique phare dans la tempête. Et c’était idiot de penser ça, parce qu’il aurait dû être reconnaissant d’être si bien entouré, de savoir qu’il n’était pas seul, même si le départ de Sirius lui donnait cette impression cruelle d’avoir perdu la moitié de son âme pour l’autre bout du monde. Il en était venu à regretter d’avoir encouragé sa relation avec Lyzianna, avant de se raviser. Il n’était pas si pétri de l’ichor gluant et putride de la détestation et de la jalousie pour souhaiter que son meilleur ami ne soit pas heureux, quand même ? Bien sûr que si. Il aurait voulu qu’il soit heureux, mais avec lui, ici, à New York, et pas à des dizaines de milliers de kilomètres. Pourtant, il le savait, quelque part, même s’il s’était voilé la face, que le jour où son meilleur ami serait prêt à avancer, il voudrait probablement se détacher de ce qui le ramènerait à son passé, pour enfin fonder cette seconde vie en compagnie d’un nouvel amour. Il n’avait pas imaginé que ce serait si vite. Si dur aussi. Le téléphone, les sms, bien sûr, cela existait mais … il y avait le décalage horaire, comme avec Dario, et ce n’était pas pareil, de faire sa vie en parallèle et non côte à côte. Peut-être qu’il aurait dû partir aussi. Le suivre. Si on pouvait tout plaquer par amour, on pouvait tout plaquer par amitié, parce que l’amitié, c’était aussi de l’amour. Il ne l’avait pas fait. Parce qu’il avait des engagements. Parce qu’il y avait sa grand-mère. Parce que, comme d’habitude, il pensait aux autres, à la parole donnée, plutôt qu’à lui-même. Il avait serré les dents, affichés un grand sourire, et continué à avancer.

Sauf qu’il en avait assez. Assez de prétendre que tout allait bien, assez d’être perpétuellement celui qui restait en arrière, qui pensait aux autres et jamais à lui. Combien de fois avait-il endossé ce noble rôle d’être celui qui s’efface, qui encaisse et ne se plaint pas, qui est content pour les autres, jamais pour lui ? Il acceptait les ruptures avec grâce, ne se battait jamais. C’était cela qui était bien, non ? Laisser les autres lui glisser entre les doigts, parce qu’il était trop débordé, trop occupé, et qu’ils étaient mieux sans lui. Parce qu’il leur faisait du mal sans le vouloir, et qu’il n’avait pas envie que l’amertume vienne teinter les souvenirs. Les noms s’égrenaient dans sa tête, de tous ceux qui étaient entrés dans sa vie, avaient allumé une petite lumière, et qu’il avait éteinte de son plein gré. Jusqu’à se consumer, fébrile chandelle dans l’obscurité réconfortante de cette nuit enveloppante, où il se sentait bien, à humer l’odeur des poubelles de l’arrière-cour et du sang qui s’écoulait doucement de sa plaie. Pathétique, il était pathétique. Mais là, il se sentait vivant, au milieu de la douleur, et c’était comme si la souffrance de son âme s’écoulait par cette plaie involontaire, comme si les picotements ressentis éveillaient la certitude qu’il endurerait à nouveau, et qu’il avait aussi le droit de se plaindre, d’être en colère, d’être fatigué. Peut-être que c’était égoïste. Certainement. Pour une fois, Leone avait le droit de l’être, de son point de vue. Et cela passait aussi par l’envie désespérée d’être seul, avec sa douleur et son mal-être. Sa voix perdit son ton rogue pour une tonalité presque suppliante, et il murmura :

« S’il te plaît Jan, laisse-moi seul. Je n’arrive pas … Mon meilleur ami est parti à l’autre bout du monde parce qu’il est enfin heureux avec une femme après six ans de veuvage, pendant que moi, je suis ici dans une foutue arrière-cour qui sent l’urine à tâcher le sol de sang parce que je n’ai pas supporté de te voir avec un autre homme, parce que je suis un pauvre abruti qui a encore accepté de se faire larguer avec le sourire vu que c’était forcément mieux ainsi, et que tu me rappelles que tout le monde avance dans sa vie sauf moi, et que je reste constamment en arrière. »

L’amertume dégoulinait de chaque mot fielleux, à la sincérité crue, rance, mauvaise. Rarement dans toute sa vie Leone avait été aussi honnête avec quelqu’un. Rarement il avait été aussi cruel, aussi, à gronder sa rage et sa tristesse, sa souffrance et son mal-être, et encore plus à la rapporter sur le pauvre Jan, qui n’y pouvait strictement rien, et qui, en récompense de son altruisme, récoltait ce torrent de limon boueux. Les genoux tremblotants, le chirurgien céda et s’assit, le dos rond et les épaules en arrière, la gueule dans le caniveau comme le chien abandonné qu’il n’était pas, ou qu’il était, sur une vieille caisse dans un équilibre précaire. Et tandis qu’il était là, triste épave à la dérive, les larmes lui vinrent, comme avec Arya. Un hoquet lui échappa :

« Pardon, j’suis qu’un pauvre con. »

Hérésie que cette vulgarité dans sa bouche, ordinairement pétrie de jolis mots gentils. Blasphème, que de s’insulter soi-même, quand le monde entier était déjà occupé à le faire. Pour ce qu’il était, pour qui il aimait, pour ce qu’il portait dans ses veines, pour ce que son métier l’amenait à faire. Parce que des cons, il y en avait beaucoup dans ce pays, partout ailleurs. Et en ce moment, il en faisait partie, à se morfondre et à lâcher tout ce remugle hideux sur un ami qui voulait juste l’aider, qui avait la malchance d’avoir été, dans le temps, de ces amis qui ne pouvaient pas le rester, et qui, à son corps défendant, avait dû l’être. Il avait refusé de se battre pour Jan, quand il avait compris pourquoi il s’était enfui, cette nuit. Persuadé d’avoir déjà perdu. Comme il avait abandonné Dario et ses rêves de succès en France, sachant pertinemment qu’ils ne supporteraient pas d’être éloignés pendant tellement de mois. Comme il avait préféré quitter Ezra plutôt que d’être trompé un beau jour plutôt que de se rendre compte qu’il était le problème, à force de ne plus faire attention à lui. Leone n’était pas courageux. Il avait toujours été lâche. Il acceptait. Il était gentil. Et à force, il était seul. Seul, avec sa main sanglotant et ses joues sanglantes.

Pauvre con, en effet. Pauvre type perdu dans ses regrets. Pauvre Leone à s'apitoyer. Aveugle à la richesse au bout de ses mains.

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Dim 12 Sep - 11:10



Imagine-toi, t'es là, en train de te reprendre un verre au bar
Quand tout à coup tu croises un regard qui te perfore de part en part
Imagine-toi, t'es là, ça te tombe dessus, sans crier gare.

feat @Leone Castelli


Sortir loin des regards, lui éviter les murmures nourris par l'imaginaire de personnes qui ne comprenaient rien, faire disparaitre le tumulte de la salle. Jan avait des objectifs et outre celui de guérir la main légèrement amochée de l'italien, l'éloigner du brouhaha du bar en était un. Car Leone avait des choses à dire et jamais le brun ne l'aurait laissé étaler ses émotions aux oreilles de toustes. Jamais il ne serait pardonné de l'avoir abandonné comme un animal qu'on regarde avec pitié ou amusement. Jan connaissait bien ce type de comportement, l'avait vu chez des dizaines de jeunes sur le point de sombrer et dans son propre coeur quand il ne savait plus à quoi s'accrocher. Alors il le poussa gentiment vers la cour extérieure, sans que l'italien ne puisse protester.

La trousse en main, la porte fermée derrière eux, il resta silencieux de longues secondes. Il ne pouvait pas le soigner ainsi, pas alors que Leone semblait sur le point de s'écraser. Quelque chose dans sa tenue et ses gestes l'alarmaient. Il n'avait plus le sourire qui plaisait tant à Alejandro, ni l'enthousiasme d'une fin de journée compliquée. Ses épaules s'affaissaient un peu plus à chaque pas et sa voix se perdait dans le silence. Des murmures, quasi inaudibles mais qui lui firent fermer son poing libre. Ce n'était pas son instant, il n'avait pas à réagir sur ce que Leone venait de s'imaginer sur ses relations. Quant au reste... Il s'y attendait sauf la partie rupture amoureuse. Une surprise, qui lui fit se rappeler sa propre situation, quelques mois plus tôt. Lui semblait l'avoir mieux vécu, comme on dit au revoir à un ami et non adieu.

Jan resta à nouveau silencieux et finit par poser la trousse sur une poubelle fermée. Un pas, deux pas, un troisième, il y allait doucement pour ne pas l'effrayer. Pour ne pas faire fuir Leone et l'obliger à se refermer à nouveau.

- Alors déjà, il va falloir choisir entre abruti et pauvre con car les deux ne vont pas ensemble.

Il était encore debout à la différence du chirurgien. Même leur posture signifiait plus que les mots : Leone était épuisé, Jan s'était relevé. C'était étrange, ce revirement de situation. Le brun osa poser une main légère sur son épaule affaissée. Il voulait le détendre, montrer qu'il était là à défaut d'avoir été présent quand Leone en avait le plus besoin. Pas qu'il n'avait pas essayé mais tous les deux avaient leur vie, leur cercle et bien qu'ils se réunissent autour d'Alejandro et de Nathaniel parfois, leurs existences prenaient des allures de parallèles au lieu de s'entremêler.

- Ensuite... Je suis d'accord qu'il faudrait que tu arrêtes de... tout accepter. Tu es quelqu'un de très bien Leone mais ça ne signifie pas que... tu doives laisser le bonheur aux autres et pas y avoir le droit.

Il eut un petit rire, la voix légère et les doigts papillons sur le tissu de la chemise de l'italien. Ça lui faisait étrange de l'effleurer ainsi mais ça ne le gênait pas. Geste naturel, sans réflexion ni appréhension, lui aussi avait appris à s'écouter plutôt que de se laisser guider par les obligations.

- Tu as le droit de râler, de gueuler, de dire non. Même si ça fait du mal aux autres. Tu en as même le devoir Leone. Là... Là tu te noies à cause du bonheur des autres.

Et sur ça, les deux avaient le même défaut.

@ Invité

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Dim 12 Sep - 22:13
« Pauvre con d’abruti, ça marche bien pourtant … »

Ce fut tout ce que Leone parvint à répondre, toujours hébété, submergé par la tristesse qui refluait et les regrets qui l’envahissait, de se montrer sous son jour le plus sombre, le plus pathétique, le plus laid. Comme face à Arya, brutalement, les souvenirs revenaient, comme le remord de s’être ainsi laissé aller, parce que comme la plupart des personnes qui avaient tendance à être le roc des autres, l’italien avait toujours veillé à étouffer ses douleurs, ses craintes, ses peurs, ses colères aussi, pour n’être que ce brave homme qu’on venait conseiller, qui était si doué pour consoler, avec son sourire lumineux et ses mots choisis, ciselés pour chacun et pour encourager, qui encaissait les éclats et n’y répondait jamais, ou si peu. Il avait l’habitude d’encaisser, ses propres énervements comme ceux des autres, et de les transformer en une énergie positive, afin d’aller de l’avant. Pire encore, il avait traversé largement pire, et n’avait pas abandonné, image fidèle de l’idée de résilience. Alors pourquoi soudainement, pour des broutilles, au regard de son parcours de vie, tout éclatait ainsi ? Parce que l’un des piliers de son existence s’était brutalement effondré, d’une part. Son meilleur ami avait été une constance depuis son enfance, une présence singulière, et quelqu’un auprès de qui se tourner avec le sourire pour mesurer le chemin parcouru. Vivre sans Sirius, c’était comme vivre sans une moitié de son âme, tout simplement. Pour Leone, l’amitié était aussi forte que l’amour, et il aimait Sirius passionnément. C’était sa personne, la seule pour qui il serait capable de débarquer à trois heures du matin sur un palier, une pelle à la main, pour enterrer un cadavre. C’était celui qui savait tout de ses peines, de ses démons, de ses joies. C’était son double. Et le perdre, en dépit des moyens modernes de conversation à distance, c’était se voir arraché un morceau entier de lui-même. Parce que cette déchirure terrible arrivait au milieu d’une blessure plus circonstancielle, mais qui achevait de mettre à terme à beaucoup d’espoirs. Les ruptures connaissaient presque autant Leone que Leone connaissait les ruptures. Monogame en série, il était le gentil garçon qu’on remarquait lorsqu’on était enfin célibataire, ou aperçu et vite séduit, et qu’on laissait pour une raison ou pour une autre : travail trop prenant, sentiments pas assez présents, autre personne plus intéressante – et, bien sûr, il y avait la catégorie pour qui le VIH, d’une façon ou d’une autre, représentait un obstacle insurmontable. Avec le temps, le chirurgien s’était habitué à être une passade. Un jour, il serait autre chose. Et au moment où il s’était donné enfin un peu de chance, où il avait fait confiance … comme d’habitude, le destin s’était acharné, et il était redevenu une passerelle vers un autre monde. Avec lui, Dario avait réappris la valeur de la vie à deux, des projets en commun et de la douceur de la monotonie du même sourire le matin et du petit-déjeuner pris ensemble. Puis, il était parti, parce que son nouvel objectif de vie était ailleurs, plus grand et plus beau, et beaucoup trop loin. Une fois encore, Leone avait entendu de belles choses, des remerciements, des larmes. Il avait l’habitude. Parce qu’il était mature, et que ses ruptures l’étaient aussi. Mais c’était usant, d’être gentil et mature, tout en ayant cette impression mauvaise de ne rien percevoir en retour. Pourquoi tellement de types toxiques avaient tant d’hommes dans leurs filets, quand lui n’arrivait pas à les retenir ? Le pire, c’était que tout ce que Jan disait, à ce moment, il se l’était répété. Sauf qu’une fois qu’on se disait qu’on pouvait se récrier … est-ce qu’on le faisait pour autant ? Est-ce que ça servait à quelque chose quand le problème, ce n’était pas quelqu’un, mais des circonstances ? A quoi bon ? On lui avait appris ce qu’était le bien et le mal. Toute sa vie, Leone avait essayé, parfois un peu désespérément, d’être un homme bon, sain, in fine, d’être cette personne qu’il décrivait à ses patientes, aux personnes accueillies par ses associations, à ceux qui venaient l’écouter pendant sa campagne : quelqu’un d’ouvert, de respectueux des volontés des autres, qui ne cherchait pas à imposer les siennes. Il ne voyait pas vraiment quoi changer. Qu’aurait-il pu faire ?

Le contact de la main de Jan sur son épaule lui envoya une décharge électrique. Il manqua s’écarter instinctivement, trop plongé dans son vague à l’âme pour supporter l’intrusion d’une autre personne dans son espace intime, et il lui fallut un effort supérieur de sa volonté pour ne pas céder, même s’il sentit son corps se raidir instinctivement. Surtout, il lui rappela, avec acrimonie, tout ce qu’il avait enfoui depuis la dernière fois que Jan l’avait touché – réellement touché, pas ces effleurements amicaux un peu gênés – et ce qu’il n’avait jamais eu l’occasion de dire, tout ce mal-être qu’il avait supporté parce que c’était ce qu’il fallait faire, puisqu’il n’avait pas le droit de lui en vouloir, guidé par son sens du bien, encore une fois. Il lui avait fallu une année entière pour réussir à se faire confiance, à envisager de laisser une personne rentrer dans son intimité, à refaire timidement des projets. Et après une seule année, même pas, tout voulait à nouveau en éclat, et il n’arrivait pas à savoir ce qu’il aurait dû faire différemment. Parce que ça aurait été injuste. Et sans issue. Passant sa bonne main sur son visage, il se rendit compte qu’il était humide. Il ne pleuvait pas, pourtant. Fatigué, les doigts arqués sur ses paupières à moitié fermées, il finit par demander :

« Mais … je devrais faire quoi alors ? »

Parce que c’était ça, le cœur du problème. C’est qu’il se noyait, mais n’avait pas vraiment de possibilités de faire autrement. Parce qu’il ne pouvait pas empêcher les autres d’être heureux sans lui. De construire leur vie en dehors de lui. Même si ça lui faisait mal.

« Parce que c’aurait été mal, de me mettre en travers d’une opportunité professionnelle unique, pour Dario, de vouloir son malheur juste parce que je voulais le garder dans ma vie.

Parce que c’aurait été mal, de dire à Sirius que j’étais qu’un gosse qui ne savait pas vivre sans son meilleur ami d’enfance à trente-cinq ans passés et qu’il ne pouvait pas enfin avancer après six ans à se contenter de survivre …

Parce que … c’aurait été mal, de te dire que je ne voulais pas être juste ton ami, Jan. Qu’est-ce que j’aurai dû faire, à chaque fois ?

Je pouvais qu’accepter. Parce que je peux pas … parce qu’on a pas le droit d’imposer ce qu’on veut. Et que … à quoi ça sert, de gueuler, hormis se faire du mal ? »


Un sanglot le secoua :

« Je ne veux pas faire du mal aux autres … Je veux que ceux que j’aime soient heureux, même sans moi.

Mais j’ai … j’ai l’impression d’être ce type qui remet les gens sur le bon chemin, et qu’on laisse parce que … parce qu’il est juste bon à ça, en fait, à être de passage.

Je suis comme ces petites gares devant lesquelles les trains passent. On peut s’y arrêter pour deux ou trois nuits, mais on repart. Et les mauvaises herbes grimpent, dévorent tout, agrippent les trains des roues jusqu’à ce qu’ils ne s’arrêtent plus. Et y a plus personne dans la gare. Juste le type qui éteint la lumière derrière. »


Cette fois, le sanglot ne fut pas étranglé, et les larmes coulèrent, et l’eau se mêla aux gouttes de sang, formant des cercles dilués sur les pavés crasseux. Le noir se mêla au rouge et au cristallin, formant un mélange semblable au chaos des pensées de Leone. Qui conclut, cette fois davantage pour lui que pour Jan :

« Je voudrais être juste … parfois, je voudrais être la gare pour qui on s’arrête, parce qu’elle a beau être en mauvais état … elle est jolie, quand on la regarde bien. »

@ Invité

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Lun 4 Oct - 19:07



Imagine-toi, t'es là, en train de te reprendre un verre au bar
Quand tout à coup tu croises un regard qui te perfore de part en part
Imagine-toi, t'es là, ça te tombe dessus, sans crier gare.

feat @Leone Castelli


Il écoute chaque mot, chaque phrase et chaque émotion, n'en laisse pas une de côté pour ne pas en privilégier. La colère, la tristesse, la fatigue, le regret, tout est si lisible chez Leone que pendant une seconde, Jan se demande si sa présence n'est finalement pas une souffrance de plus chez le chirurgien. S'il a eu raison de venir le voir, à ce comptoir, pour l'aider à se soigner. Pourtant, il ne part pas, reste à ses côtés, laisse son ami déverser chaque souvenir et décision comme s'il était capable de tout contenir. Jan ne l'est pas, les deux en sont conscients mais à défaut de pouvoir maitriser les émotions de l'italien, il peut au moins lui laisser la liberté d'en parler.

Leone est une belle personne, peut-être même une trop belle personne. Avec tout ce qui est négatif dans ce trop. À s'oublier, à laisser les autres passer avant lui, à pratiquement décider à sa place. Jan ne peut juger sa personnalité, les deux ont ça en commun. On pourrait parler d'abnégation et y voir tout l'aspect bienveillant et positif. Mais dans leur cas, il s'agirait plutôt de choisir l'autre pour éviter de penser à eux. Il était bien plus simple d'aider et d'accompagner que de se mettre en avant. Bien moins dangereux aussi, que de prendre des décisions pour soi et d'en accepter les conséquences.
Au moins, en laissant aux autres le bonheur, ils étaient certains de ne blesser que leur propre coeur. Ce n'était qu'un sacrifice qu'ils contrôlaient, bien plus égoïste que ce qu'on pouvait imaginer.

- Leone...

Il se met à genoux, une main posée tendrement sur le genou du chirurgien alors que l'autre glisse sur sa joue pour en effacer quelques larmes.

- Tu as le droit de choisir ce qui est bon pour toi, même si ça blesse des gens. Tu aurais eu le droit de demander à Sirius ou à Dario de rester. Tu aurais eu le droit de me dire que tu ne voulais pas que l'on soit juste amis.

Ni le vent frais qui s'immisce sous sa chemise ni les joues humides de Leone ne l'arrêtent. Il ne le laissera pas s'écrouler une seconde fois, ne partira pas une seconde fois.

- Tu n'es pas une gare Leone Castelli. Tu es juste....une destination complexe et qu'on ne choisit qu'une fois dans sa vie parce qu'on sait... qu'on y restera. Qu'on ne la quittera pas après.

Un sourire en coin creuse une fossette dans sa joue alors que ses doigts se font doux contre sa barbe de quelques jours. C'est étrange de se dire qu'ils n'ont jamais été aussi proches malgré tout ce qu'ils ont vécu ensemble.

- Moi... Je ne partirais plus. Et que tu me croies ou non... il est temps que tu arrêtes de te sacrifier pour les autres. Comme ce que je suis entrain de faire à cet instant... Toi avant mes amis car tu comptes bien plus à mes yeux.

@ Invité

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Sam 6 Nov - 23:12
Leone ne saurait jamais ce qui avait eu cet écho en lui, ce tremblement, ce séisme. Si cela avait été le ton de la voix quand Jan avait dit son prénom, la chaleur de sa main sur son genou et sa légère inflexion, de ces mouvements infimes qui trahissent une intention douce, et non une préhension douloureuse, la sensation encore plus intense de son autre main sur sa joue et de la peau plus mate que la sienne râpant sur sa barbe mal taillée et à l’entretien un peu plus négligé que d’habitude, celle incendiaire de ses doigts effaçant quelques larmes et du sentiment que le feu pouvait bel et bien éteindre l’eau, parfois, ou encore de ses paroles. Il ne saurait pas, et objectivement, il s’en moquait, parce que son cerveau ne fonctionnait pas correctement, ce soir, et que tout son être était détraqué. L’italien n’était pas homme à s’épancher de la sorte, encore moins à révéler les secrets conservés précieusement dans les recoins de son âme, surtout quand ces derniers pouvaient blesser. Après la conversation qui avait enterré toute possibilité d’une relation entre eux à ses yeux, le chirurgien n’avait pas admis la souffrance profonde qu’il avait éprouvé face à ce rejet et le temps qu’il avait passé à reconstruire son ego piétiné, et ses espoirs brisés, son cœur massacré. C’était une chose de savoir qu’on ne plaisait pas à quelqu’un. Encore une d’apprendre que l’attirance n’était pas égale, ou même que des divergences de valeurs, de rythmes de vie ou même de visions du futur rendaient une relation impossible. C’en était une autre de comprendre qu’une caractéristique physique infligée par un coup du sort, contre laquelle il luttait sans merci depuis sa naissance, venait à nouveau broyer ses rêves, et de façon a priori définitive, appuyant sur des insécurités anciennes. Mais cela, il l’avait gardé pour lui. Il avait affiché de jolis sourires, et avait clamé qu’il était débordé pour avoir le temps de mettre à son agenda une vie amoureuse. Il avait affiché des expressions chaleureuses, s’était assuré de revenir à la même dynamique amicale pour rassurer Jan, pour ne pas troubler leurs proches. A vrai dire, il ignorait toujours si ces derniers avaient réellement su qu’il s’était passé quelque chose entre eux. Lui-même n’en avait en tout cas pas parlé, et si Jan s’était épanché de son côté, Alej et Nate avaient eu la délicatesse de ne jamais enquêter. Alors, quand il avait passé la nuit avec Dario, il avait eu la sensation de retrouver une direction dans sa vie privée, de surpasser l’épreuve. Et au moment où leur relation aurait pu prendre une autre tournure, avec des sentiments plus profonds, le sicilien était parti. Cette fois, impossible de faire semblant, de continuer. Parce qu’il était las. Parce qu’il n’avait plus la force d’être le roc qu’il avait l’habitude d’être. Parce que, au fond de lui-même, Leone savait la vérité qu’il avait si souvent tue : il voulait être choisi. Il voulait que quelqu’un lui dise que peu importe la difficulté présente, ils la surmonteraient ensemble, qu’il passerait en premier, qu’il ne serait pas laissé de côté. Il désirait être celui vers qui on se retournait, courrait, et prenait dans les bras en murmurant qu’il serait toujours le premier choix. Il avait conscience que c’était égoïste, à l’encontre de sa ligne de conduite de toujours, de cette maturité qu’il tentait d’appliquer à ses relations. Mais il attendait tout simplement qu’un jour, une personne veuille se battre pour lui, pour eux. Ou qu’un homme lui dise qu’il ne le quitterait plus, plus jamais, parce qu’il comptait davantage que tout le reste.

Ce que Jan venait très exactement de dire. Ces mots, peut-être qu’ils venaient trop tard, ou à contretemps, mais il s’en moquait. Ils étaient là. Et sans doute que le mexicain les prononçait de façon platonique, parce que rien ne pourrait changer les motifs de son refus initial. Leone décida donc de refuser, pour une fois, de les entendre de cette façon. Il refusa de hocher bravement la tête et de le remercier comme il se devait, d’entendre ses paroles de sagesse, ses gentils compliments, comme il aurait dû. A la place, il se contenta de le fixer de son regard d’un bleu profond, pénétrant, qui à cet instant virait à un gris humide en raison des larmes, comme si le beau ciel de son humeur s’était brutalement voilé d’une brume mystérieuse cachant ses intentions inavouables. Il l’observa longuement de ses yeux embués, où perçait une lueur étrange, une chandelle fluette de détermination brûlante, ou une folie temporaire et non moins dévorante. Il absorbait avec ses prunelles ardentes les mots que ses oreilles n’étaient pas capables de réceptionner, l’affection qu’il lisait dans les gestes, l’intonation. Il se laissa envelopper par ces paroles qu’il avait tellement attendu, s’y raccrocha comme un marin à son radeau de fortune, pour tenter de dompter la houle de son amertume mer de brume. Ses mains agrippèrent brutalement le col de Jan, et d’un mouvement sec, il l’attira à lui. Il l’embrassa comme il n’avait jamais embrassé personne, avec le désespoir de sceller définitivement son destin, de commettre un acte idiot, d’outrepasser la gentillesse de son ami. C’était une erreur, et il n’aurait jamais dû faire cela. Mais parce qu’il avait mal, parce qu’il était perdu, parce qu’il avait envie de penser qu’il était aimé, même pour deux secondes, et parce que Jan avait dit ce qu’il voulait entendre, il plaqua ses lèvres contre les siennes, dans un crash tumultueux où se mêlaient ses larmes et la surprise de l’autre homme. Ce ne fut pas un beau baiser, long, doux, tendre, comme ceux qu’ils avaient un jour lointain échangés dans son entrée. C’était un baiser d’urgence, peut-être un baiser d’adieu aussi, à ses illusions et à Jan, quand ce dernier partirait. Un baiser pour ne plus avoir de regrets, ou pour les enfouir violemment, l’espace d’un instant, dans la familiarité d’un désir latent, jamais entièrement oublié, mille fois réimaginé, à jamais hors de portée. Un baiser d’amertume et de douleur. Un baiser pour dire qu’il ne parviendrait pas à être son ami. Qu’il n’y était jamais parvenu. Un baiser pour avouer ses mensonges. C’était une ardeur brûlante, un désir virulent, et une danse de remords. Le baiser avait un goût de cendres.

Enfin, Leone relâcha son emprise. Il se releva, et eut un sourire sans joie, avant de murmurer :

« J’aurai pu te dire que je ne voulais pas qu’on soit amis. Mais je préférai davantage te garder dans ma vie. »

Un léger chuintement, mélange de sanglot et de rire, lui échappa :

« Tu vois, que je suis un pauvre con. Parce que je sais que tu ne peux pas vouloir de moi, et que tu n’y peux rien. »

L’acidité lui monta à la gorge alors qu’il renifla. Puis avoua :

« Pardon, je … je ne sais même plus ce que je dis, et je fais n’importe quoi, ce soir. C’est juste … j’aurai tellement voulu les entendre avant, ces mots. J’ai … je crois que ça m’a rendu fou. »

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