TW : Solitude, lutte de classes, évocation en filigrane d'adultère et mention très rapide de surdité
Olivia Hampton, née Adler, est issue d'une classe sociale défavorisée, où l’accès à la culture est limité par les moyens et le temps. Son père est atteint de surdité, alors très tôt, elle apprend la langue des signes. Enfant, elle rêve de théâtre, de cinéma, curieuse de tout, fascinée par tous les genres, des musicals aux films d’auteur de Sundance. Ses parents la qualifient de snob, d’abord sous forme de plaisanterie, puis de reproche. Douée en mathématiques, ainsi qu’en athlétisme, elle doit se battre pour décrocher une bourse afin d’accéder à l’enseignement supérieur. Olivia sacrifie une bonne partie de son adolescence à force de travailler et de s’entraîner, persuadée que ça en vaudra la peine par la suite. Ses efforts finissent par payer, puisque la jeune fille intègre Harvard.

Elle y rencontre Benjamin, et à ses côtés, elle fait une véritable indigestion culturelle. Il la fait rêver en l’invitant à l’opéra, lui fait découvrir Star Wars. Olivia aime tout ce qu’il lui montre. Il l’entraîne au musée, ensemble ils se moquent des œuvres d’art contemporain. Par fierté, Olivia refuse de lui tomber dans les bras, alors elle rejette ses avances. Mais quelques mois plus tard, c’est elle qui fait le premier pas et ils finissent par se mettre ensemble. Cette rencontre avec Benjamin marque la rupture avec sa famille. Ses parents l'accusent de se penser mieux qu'eux, la traitent d'opportuniste. Ils se trompent, car Olivia a un profond respect pour eux, elle n’est pas non plus calculatrice, mais il est trop tard, les non-dits et la jalousie ont pris trop de place.

En plein milieu de son cursus, elle tombe enceinte. Cette grossesse arrive au moment où ses priorités changent. Olivia remet en question les valeurs de la réussite prônées par Harvard. Elle les trouve absurdes et aspire à des choses simples et concrètes. En plus, elle est fascinée par ce petit être à qui elle donne naissance. La sensation de nouveauté et d’inconnu la grise. Olivia fait donc un choix radical : elle abandonne les études pour se consacrer à sa fille. Si plus jeune, on lui avait dit qu’elle choisirait d’être femme au foyer, elle ne l’aurait jamais cru. Et pourtant. Ayant elle-même souffert de l'absence de ses parents qui trimaient pour un salaire de misère, elle refuse de faire passer le travail avant son enfant. Beaucoup condamnent cette décision, en vain ー lorsqu’Olivia a une idée en tête, il est difficile de la faire changer d’avis. De toute façon, Benjamin et elle en ont longuement parlé, elle sait qu’il sera là pour assurer leur sécurité financière. Elle sait qu’il sera là tout court.

Propulsée dans un milieu huppé dont elle ne maîtrise pas les codes, Olivia découvre l'omniprésence des apparences. Terrifiée à l'idée qu'on ne l’accepte pas dans ce milieu social auquel elle vient à peine d'accéder, elle joue le jeu du paraître. C’est un véritable caméléon : bientôt, on croit qu’elle a toujours fait partie de la bourgeoisie. Sa petite famille l’y aide, sa fille et son mari sont parfaits à tout point de vue. Malgré tout, les mauvaises langues lui rappellent de temps en temps ses origines prolétaires, comme si c’était une honte. Mais au fil des années, Olivia vit une désillusion. La superficialité de la majorité de son voisinage la frappe, elle réalise que sous leur vernis se cache une pauvreté intellectuelle teintée d’intolérance. Son mari n'est jamais là, sa fille est de moins en moins à la maison depuis qu'elle est étudiante. En plus, cette dernière est plus proche de son père que d’elle. Olivia a très peu d'amis qui ne soient pas ceux de Benjamin. Avec sa famille, c'est tendu. Olivia se sent seule. Elle qui était si sûre d’elle quant à ses décisions ne l’est plus du tout. Pire : elle regrette. Elle voudrait bien se dire féministe, mais elle a l’impression que ses choix de vie old school l’en empêchent. Tout ça la travaille beaucoup, mais quand on s’appelle Olivia Hampton, les problèmes, on en parle surtout pas, on les cache plutôt sous le tapis.

Depuis que sa fille a commencé ses études, Olivia donne de son temps au Planned Parenthood, où elle est écoutante sur place. Et le soir, quand Benjamin n’est pas là, elle va chanter au Scarlet Casino, à La Bonne Soupe ou dans des clubs de jazz. Elle aime leur ambiance feutrée, parce qu'elle y trouve des âmes perdues comme elle. Elle n’est même pas sûre que Benjamin soit au courant, elle ne sait même plus si elle le lui a dit, peut-être qu’elle l’a fait mais qu’il a oublié, il est si lointain ces derniers temps...