La soirée bat son plein. Bloom ne sait plus où donner de la tête à force de se faire héler ici et là par des connaissances en tout genre avec qui elle s’arrête quelques minutes pour discuter avant de repartir vers d’autres horizons. Les Kappa ont mis le feu. Ils avaient promis une soirée explosive. Pari tenu. La boite dans laquelle se déroule les festivités, Bloom la fréquente régulièrement. Lieu de prédilection de l’élite new-yorkaise malgré les tarifs plutôt accessibles. Tout le monde n’y entre pas, sauf ce soir visiblement. Sa vodka orange dans les mains, Bloom se regarde un instant dans le miroir en face d’elle avant de se reconcentrer sur James et son groupe de potes. Elle lui crie quelques mots à l’oreille – seule manière de se faire entendre dans ce vacarme – et après un dernier sourire, retourne retrouver Esteban, la seule personne avec qui elle a vraiment envie de passer la soirée. « Quoi encore ? » Dit-elle d’un air amusé, s’attendant à quelques remarques désobligeantes sur ses fréquentations. « Tu sais bien qu’il n’y a pas de quoi être jaloux et qu’il n’y a que toi dans le fond de mon cœur. » Elle le taquine. Entre ces deux-là, il n’y a plus de secrets ou de faux semblants ; et si elle n’a jamais avoué des sentiments amoureux à qui que ce soit – principalement parce qu’elle n’en a jamais ressenti à ce point – elle n’a aucun mal à dire à ses véritables amis qu’elle tient à eux.

Este est agacé. En réalité il a même passé la soirée entière à l'être. Pourquoi ? Il suffit de jeter un coup d’œil sur la piste de danse pour avoir une réponse à cette question existentielle. James. Toujours à lui polluer son espace vital celui-là. A croire que lui gâcher l'existence en cours ne lui suffit pas. Il faut qu'il s'infiltre dans son cercle d'amis. Quant à Bloom, il ne comprends pas ce qu'elle cherche en gravitant autour d'une telle merde. Pour Este il est évident que la blonde prend des risques en fréquentant quelqu'un d'aussi toxique. Et en admettant que le risque soit moindre comme elle tant le prétendre, quel intérêt y a t-il a donner de son temps à une personne qui n'en vaut pas la peine et qui a toutes les joyeuses qualités de la personne qui vous a fait souffrir ? Si Este pense d'abord à son amie et à ce qu'une telle personne pourrait représenter dans sa vie, il ne peut égoïstement pas oublier non plus sa petite altercation de la semaine avec James. Il représente absolument tout ce qu'il déteste et voir Bloom lui chuchoter des choses à l'oreille comme s'ils étaient les meilleurs amis du monde (voire pire) a le don de lui faire perdre son calme, de coller une moue boudeuse sur son visage. En guise de protestation, le brun souffle donc en tapant frénétiquement sur son téléphone. Des choses à dire sur James, il en a beaucoup. Le brun qui d'ordinaire est le premier à danser a surtout très envie de commander un Uber. Alors quand Bloom s'avance, il soupire.

- Ça n'a rien à voir avec de la jalousie, tu sais très bien ce que je pense de tout ça. Je te l'ai déjà dit et franchement je crois que je vais commander un Uber. T'as l'air de très bien t'amuser sans moi.

Elle jurerait que si. Pas de la jalousie amoureuse, mais amicale. Elle non plus n’aime pas quand Esteban devient trop proche d’autres personnes. Elle tient à cette amitié plus que tout. « Oui, et j’avoue que je me passerais bien d’entendre le sermon une fois de plus. » Elle lui adresse un clin d’œil. Il a été plus que clair, et a plus qu’une reprise. Heureusement, il ne semble pas décidé à déballer son monologue ce soir, pour le plus grand bonheur de Bloom. « Allez reste ! Tu ne vas quand même pas m’obligée à te supplier quand même ? En plus, tu vas louper tout le plus fun ! » Elle s’amuse bien, c’est sûr, mais elle aime qu’il soit là, qu’elle sache qu’elle peut venir le voir si jamais il se passe quoi que ce soit, ne serait-ce que pour parler ragot. C’est peut-être pas son activité favorite à lui, mais Bloom, elle adore être médisante et lui raconter tout ce qui se passe dans les soirées. « Et c’est jamais pareil sans toi ! » Elle adopte son petit air innocent, celui qui ferait tomber tous les hommes susceptibles de lui résister. « En plus, je comprends toujours pas pourquoi tu l’aimes pas. Il fait rien de mal. » Elle hausse les épaules. Elle n’est pas spécialement proche de James et elle ne sait même pas trop quoi en penser, si ce n’est qu’elle apprécie sa compagnie, comme celles de d’autres potes de soirée. Et puis, elle est capable de reconnaître qu’il a des qualités. Peut-être que c’est la femme qui trouve qu’il y a trop d’injustices dans le monde, en elle, qui aime bien ce mec. Après tout, il ne vient pas de leur monde… Et Bloom, elle respecte le fait qu’on ait envie de se faire une place. Au mieux, elle aura été la première à l’aider. Au pire, elle se marrera bien quand il se cassera la gueule. Win-Win. « Ok, il a pas les manières aussi sophistiquées que l’exige notre rang mais vu d’où il vient, c’est pas étonnant… Faut lui laisser le temps d’apprendre à être aussi parfait que nous. » Son sourire s’élargit. Elle est loin de se croire parfaite, mais on ne va pas se cacher que quand on fait parti de l’élite, on a quelque chose en plus que les autres – ou plutôt, on doit faire comme si...

- Pas de problème, ça servirait à rien de toute façon, je perdrai mon temps.

Esteban rétorque et ne se départit pas de sa moue boudeuse. Il a l'impression d'être le seul à réaliser l'horrible personne qui se cache derrière les cheveux blonds de James. Peut-être qu'ils ne sont pas du même monde finalement, et cette pensée lui fait du mal. Bloom est sa meilleure amie depuis déjà quelques années et ils partagent énormément de points communs. Leur discernement quant aux personnalités toxiques est cependant un gros point de divergence entre les deux. Bloom prétend avoir mis tout cela derrière elle, mais Esteban a franchement quelques doutes en la voyant graviter autour de ce type. James quant à lui semble ravi de l'attention portée, en bon narcissique qu'il semble être. Esteban soupire, un peu plus fort cette fois-ci. Bloom de son côté parait bien décidée à le faire rester.

- A quoi ça sert si c'est pour passer la soirée de mauvaise humeur. Je ne l'aime pas car il me pourrit la vie en cours et il est ultra toxique, comme ton ex, et j'ai pas envie de me l'imposer, normal en soi. Ça aussi je te l'ai dit cent cinquante fois, mais tu veux pas m'écouter.

Il aimerait que les choses soient plus simples entre lui et sa meilleure amie, mais pour cela il faudrait sans doute qu'il s'ouvre plus facilement à elle. Oh il le fait sur des détails peu importants comme James ou Mat, en revanche lorsqu'il s'agit de l'essentiel, Esteban a tendance à prendre sur lui, bouder comme il le fait si bien sans toutefois évoquer les sujets qui auraient besoin d'être abordés.
Quand Bloom lui parle de son rang, Esteban a envie de lui rappeler qu'il vient d'une famille d'immigrés, mais une fois de plus il ne dit rien, même si son propos le heurte d'une certaine manière puisqu'il sait que leur héritage n'est pas vraiment le même dans les faits. Le bouclé voudrait faire partie de cette élite, et quelque part, c'est tant mieux s'il parvient à maintenir l'illusion, mais dans le fond ça ne change pas qu'il n'est qu'un gamin issu de l'immigration qu'on a abandonné sur le pas de la porte d'une association. Cela fera toujours partie de son identité, peu importe la force employée pour le nier. Il aimerait cependant parfois que sa meilleure amie fasse preuve d'un peu de délicatesse, même si beaucoup lui demander.

- Il sait jouer les sophistiqués, c'est juste un bully. Et il ne m'aime pas non plus d'ailleurs.

La jeune femme tourne la tête de droite à gauche pour lui montrer à quel point il est idiot d’avoir pareilles paroles. Bon, d’accord, sur le principe il a raison sur le fait qu’il perdrait son temps, elle le lui a précisé plus tôt, mais le simple fait qu’il ressente le besoin de la sermonner à longueur de temps sur les fréquentations qu’elle choisit d’avoir a tendance à l’excéder. Pourtant, elle adore son meilleur ami mais il y a des choses sur lesquelles ils ne tomberont jamais d’accord. Elle a envie de le prendre par les épaules et de le secouer comme un prunier jusqu’à ce qu’il se rende compte à quel point il a une vision fermée des gens et que s’il n’essaye pas d’apprendre à mieux les connaitre, ça ne s’arrangera jamais. Il devrait faire comme elle : fréquenter tout le monde jusqu’à se lasser d’eux. Enfin, c’est vite dit car suivant ses humeurs, Bloom peut également décider de ne pas aimer quelqu’un dès le premier regard, de la même manière qu’Esteban le fait avec James ; mais ça, ça la tuerait de l’admettre !

« A rester dans mes bonnes grâces ? » Comme s’il avait besoin de ça. Et comme s’il en avait réellement envie… Elle ne lui tournerait pas le dos pour si peu, et il y a fort à parier qu’il en est pleinement conscient. « T’as qu’à pas le regarder, faire comme s’il n’était pas là et on ne parle pas de lui… » Elle soupire. Se donner autant de mal pour avoir la compagnie d’Esteban lui crèverait presque le cœur. « James n’a rien à voir avec Barth ! Tu ne crois quand même pas que je m’imposerais sa présence si c’était le cas. J’ai retenu la leçon quand même ! » Appelle moi conne pendant que t’y es, aurait-elle pu poursuivre si le cœur lui en avait dit.

Un autre soupir s’en suit, accompagné d’un roulage d’yeux au ciel. Les gens aussi bornés qu’elle, ça ne fait jamais bon ménage. « En même temps, c’est difficile de t’aimer quand tu fais ta tête de cochon comme ça ! » Lui lance-t-elle avec un petit sourire en coin, espérant adoucir la conversation. « Fais moi plutôt une de tes grimaces ! Ou tu sais, la tête qui charme tout le monde-là ! » Elle tente d’imiter les mimiques de son ami, espérant le dérider, mais c’est une piètre mime. « C’est qui d’habitude qui dit qu’un verre arrange toujours tout ? » Autre méthode qui pourrait aussi fonctionner éventuellement.

Este lève les yeux au ciel, c'est tout ce qu'il trouve à faire devant la remarque de Bloom. Il est clair qu'il se fiche un peu de rester dans ses bonnes grâce dans l'immédiat. Este a donné avec les gens comme James et s'imposer sa présence est plus qu'il ne peut supporter. Le bouclé est peut-être un peu buté sur ce point c'est vrai, mais il connait ses limites ce qui n'est pas forcément le cas de Bloom, quoi qu'elle en dise. Après la petite démonstration de pouvoir et de toxicité de la dernière fois, Este n'a pas envie de passer du temps avec James, que ce soit de près ou de loin. Il y a plein de nouveau contenu sur Netflix, il saura s'occuper autrement s'il a à le faire.

- Ouais, dans ce cas là, ignore le aussi, lui chuchotte pas des mots doux à l'oreille.

Este est bien conscient que tout cela à l'air d'une crise de jalousie en bonne et due forme, et ça l'enerve d'autant plus que ce n'est pas du tout le cas. Bloom devrait faire plus attention à ses fréquentations. C'est beaucoup trop facile de retomber dans ses vieux travers, plus facile qu'elle ne se l'imagine en tout cas. Son insouciance sur le sujet agace beaucoup Esteban d'ailleurs. Este n'a pas franchement envie de la ramasser à la petite cuiller une fois de plus. C'est ça qu'elle ne veut pas comprendre.

- Si tu le dis. C'est un raciste homophobe et un bully mais à part ça rien de toxique, non. Un vrai petit coeur. Pas du tout comme Barth.
[center]
Este ne mâche pas ses mots, peut-être abuse t-il légèrement, mais c'est de cette manière qu'il perçoit James. Il déteste cette distance avec Bloom. Parfois il a vraiment l'impression qu'ils ne sont pas du même monde. Lorsqu'elle se risque à l'imiter, Este secoue la tête, lève les yeux au ciel à son tour.

- Un verre, et après je rentre me poser devant Netflix.

Bloom, ce n’est pas vraiment le genre à laisser couler quand quelque chose lui tient à cœur. Néanmoins, elle sait reconnaître quand une bataille est perdue d’avance et que cela ne vaut pas le coup de dépenser de l’énergie inutilement. Et honnêtement, elle ne tient pas du tout assez à ce James pour le défendre davantage en faveur de son meilleur ami. Si elle doit choisir un camp, celui-ci est déjà tout trouvé et les deux le savent. Pour autant, si elle va accorder son attention à Esteban ce soir, ce n’est pas forcément ce qui se produira le lendemain. Elle fera bien ce qu’elle aura envie, et heureusement d’ailleurs. Elle hausse tout de même les yeux au ciel, parce que faudrait pas donner complétement l’impression à Este d’avoir gagné. « Allez, c’est bon, on en parle plus ! » Elle lui balance un grand sourire et tente ensuite de la dérider avec ses grimaces. Finalement, elle gagne.

« Genre Netflix est plus intéressant qu’une soirée avec ta meilleure amie ? » Elle lui lance pour se moquer un peu de lui. Elle est mauvaise langue parce qu’elle en passe du temps devant cette plateforme de streaming, bien qu’elle préfère largement profiter de sa jeunesse par tous les moyens possibles. « Et si tu me racontais les dernières nouveautés dans ta vie ? Je suis sûre que ça peut être aussi captivant qu’une de tes séries. » Ou pas. A voir. Tout dépend ce qui a pu se passer dans la vie d’Esteban. La sienne est toujours pleine d’aventures, et elle se fait un point d’honneur à ce que ça continue ainsi, même si elle ne l’avoue pas à tout le monde, préférant garder une partie de sa vie secrète. « T’as pas revu la nana de l’autre soir ? Celle qui te faisait du rentre dedans et que t’as à peine capté ? » Elle cherche les ragots. Même pas sûr qu’il se souvienne de qui elle parle mais bon…

Maintenant que Bloom consent à se désintéresser de James, Este de son côté s'accorde un mince sourire. Sourire qui éclaire déjà son visage, dont les petites moues boudeuses n'impressionnent plus personne à la longue d'ailleurs. Netflix quant à lui, a son intérêt quoi qu'elle en dise, et si elle avait continué à graviter autour de James en lui chuchotant des choses à l'oreille, pour sûr Esteban aurait trouvé du bon à passer sa soirée devant un épisode de Queer Eye qui lui aurait alors donné des astuces en plus pour entretenir ses jolies bouclettes, ce qui n'est pas négligeable ou une mauvaise chose.

- Tout de dépend de qui la meilleure amie en question invite en soirée.

Dernière petite pique, Esteban n'est pas sûr que le prochain sujet de conversation soit le meilleur. Ce qu'il se passe dans sa vie, il n'a pas vraiment envie d'en parler. Ou plutôt, il sait que ce serait une bien mauvaise idée de développer là dessus. La friendzone de Livio dont il ne doit pas parler, le rapprochement avec une personne bien plus âgée que lui qui serait hautement jugé par les amis de son âge, tant de sujets délicats qu'il n'est pas prêt à aborder pour l'instant. Peut-être une fois. Tout comme Bloom, le brun aime garder sa vie secrète sur certaines choses.

- De qui tu... ? Ah oui. Je suis pas vraiment dans le mood en ce moment pour être honnête. En plus il y a toujours des histoires dans cette bande. Maybe j'ai envie d'autre chose, de fréquenter quelqu'un d'extérieur.

Même si pour les moments, les tentatives ne mènent à rien d'exceptionnel.

« C’est même pas moi qui l’ai invité ! » Le besoin de se défendre, ou peut-être d’avoir le dernier mot. En tout cas, cette conversation commence à énerver notre blondinette dont les nerfs sont mis à rude épreuve. Tout ceci n’était qu’un jeu à la base, et Esteban n’a pas pour habitude d’être aussi chiant avec elle. C’est à se demander quelle mouche le pique. Elle lève une énième fois les yeux au ciel, montrant ainsi qu’elle a envie de passer à autre chose, à quelque chose qui ressemble davantage à leurs échanges habituels.

Elle enchaîne sur une question concernant une nana qu’elle a vu draguer Esteban quelques semaines plus tôt, mais même là, le brun n’a pas l’air super captivé. Mais alors qu’il prononce les mots ‘quelqu’un d’extérieur’, les pensées de Bloom s’en vont vers des contrées lointaines, vers Lumi plus précisément, cette femme qu’elle voit en cachette. « C’est pas forcément une mauvaise chose, de voir quelqu’un de l’extérieur. Ça permet d’élargir ses horizons… » Entre autres choses. L’étudiante aussi a tendance à en avoir marre des histoires de riches, des querelles à deux francs six sous parce que untel a piqué le rouge à lèvres de l’autre… Elle fait avec, la plupart du temps mais elle aurait tellement envie de tous les envoyer chier et de pouvoir juste être elle-même. L’autre elle-même. « Découvrir de nouvelles choses, de nouvelles techniques… » Son regard est rêveur alors qu’elle repense à sa dernière nuit avec Lumi. Oui, décidément, elle en avait appris des choses. Mais retour à Esteban. « Mais t’es sur que c’est qu’une question de mood ? T’as vraiment l’air… J’sais pas. Pas comme d’habitude. Alors, si j’me trompe tant mieux… Mais sinon… J’sais bien qu’on dirait pas comme ça, mais j’sais écouter quand il faut ! » Un sourire compatissant, parce qu’elle l’aime bien son ami, même plus que bien. Et elle n’aime pas cette impression qu’il y a quelque chose qui se trame.

Si elle le dit. Esteban ne va pas la contredire, ça ne changerait rien à sa vie. James est tout à fait capable de s'inviter tout seul, et il l'a prouvé la dernière fois en essayant de s'inviter chez Esteban pour travailler. Enfin, il est sans doute temps de lâcher l'affaire et de se concentrer sur sa meilleure amie maintenant qu'il lui a passé son savon et qu'elle a bien compris que tout cela le faisait honnêtement chier. Il a suffisamment de problèmes à l'heure actuelle pour ne pas laisser un stupide raciste lui bousiller l'existence. Il l'a trop fait la semaine passée et il aimerait enfin profiter de sa soirée. Passer à autre chose n'est donc certes pas une mince affaire, mais il s'y atèle en affichant cette fois-ci un joli sourire pour effacer toutes les moues boudeuses qu'il a offert jusque là. Contre toute attente, Bloom ne le contredit pas sur l'idée de fréquenter des gens de l'extérieur d'ailleurs. Étonné, Esteban s'imagine alors que son amie elle aussi joue les mystérieuses, mais puisqu'il n'a pas tellement envie d'être questionné sur ses propres fréquentations, qui seraient évidemment le fruit d'un jugement intense de la part de la blonde, il se veut plus subtile dans sa façon d'aborder le sujet. Un peu comme Bloom finalement.

- C'est clair...

Oscar est beaucoup plus expérimenté et mature que tous les gens qu'il a eu l'occasion de rencontrer. Et s'il ne sait pas trop ce que le barman attend de cette relation, il doit avouer qu'en comparaison avec toute les histoires qu'il a eues récemment, celle-ci est ironiquement bien plus simple.

- J'ai pas l'air comme d'habitude, car tout le monde me fait chier en ce moment. Mes parents, Livio, celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom et bien d'autres. Mais ça s'arrangera, c'est comme tout. By the way tu connais @Aidan Blackson ?

Bloom ne peut s’empécher d’être curieuse malgré tout, de se demander avec qui Esteban peut bien être en ce moment… Mais la simple idée de devoir lui parler d’Iluminada en retour l’effrayant, elle ne pose pas plus de questions que cela. Il y a des choses qu’il vaut mieux éviter de dire, même à son meilleur ami, parce que si ça venait à se savoir, Dieu seul sait que sa réputation en prendrait un sérieux coup et que sa vie serait finie. Raison de plus pour mettre fin à cette relation au plus vite, bien qu’elle ait déjà essayé et qu’elle se soit rétamée… Quand le cœur et le corps ne veulent pas la même chose que le cerveau…

« Arf. » Elle ronchonne dans sa moustache invisible. Elle déteste savoir qu’on embête son meilleur ami. Ce n’est pas pour autant qu’elle le défend bec et ongles, malheureusement, mais qu’est-ce que vous voulez, ça reste Bloom, faut pas trop lui en demander non plus. « Faut t’affirmer Este et ne pas te laisser marcher sur les pieds. » Une grimace s’affiche sur son visage. Il le sait déjà, mais bon, une piqure de rappel n’est jamais inutile, non ? « Quant à Aidan… Oui, j’le connais, mais ça fait un bail que je ne l’ai pas vu. Un an ou deux, maybe ? » La dernière fois, c’était à une soirée où ils avaient dû finir par coucher ensemble, si elle se rappelle bien. Ou une des dernières fois en tout cas, ce n’est pas comme s’ils se connaissaient vraiment super bien, bien qu’ils se fréquentent depuis l’enfance. « C’est un de ces mecs que je connais depuis toute petite mais avec qui j’ai jamais vraiment sympathisé. Enfin tu sais, en soirée, vite fait, mais c’est tout quoi. Pourquoi ? » Il devait y avoir une raison pour qu’il demande et pour le coup, elle se demandait bien laquelle… Aidan était devenu complétement absent du monde dans lequel elle vit, et elle ne s’y était pas plus attardé que cela en réalité.

- Il a voulu s'inviter chez moi, juste pour me faire chier, alors t'imagines bien que je ne me suis pas laissé faire.

Este en a trop eu l'habitude, de se laisser faire. Il lui avait fallu des années de thérapie pour se sortir de cette mauvaise passe et apprendre à s'affirmer. Inutile de dire donc, qu'il n'a aucune intention de laisser James piétiner tous ses efforts en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Le Dr Vandesky lui a permis de réaliser qu'il pouvait réagir au lieu de subir, mais cela ne veut pas dire que c'est totalement évident pour le jeune Gardner pour autant. Certains réflexes sont durs à prendre. Et si Este sait aujourd'hui ce qui est bon pour lui et ce qui ne l'est pas, éloigner les gens toxiques n'en reste pas moins difficile pour Este. Ceux-ci repèrent toujours trop aisément les brèches et la vulnérabilité. Ils s'en nourrissent, c'est ce qui les fait vivre de détruire. Et Este, comme Bloom dans une certaine mesure, est une proie facile.

- Il fait du théâtre maintenant, Aidan. Et visiblement il assume pas des masses, parce qu'il m'a pété une pile dessus quand je suis allé le féliciter à la stage door.

Este hausse une épaule. Il ne l'avait jamais tant apprécié que ça, mais il s'était dit qu'avec quelques années de plus (et de maturité), Aidan aurait changé de discours, aurait été capable de recevoir un compliment. La vérité c'est qu'obligé de travailler ou pas, il est toujours aussi désagréable.

Bloom fronce dans un premier temps les sourcils, n’aimant pas du tout l’idée que quelqu’un veuille s’inviter chez Esteban et l’emmerder. Elle en veut à Aidan d’un coup, se remémorant leur dernière coucherie. C’était pas spécialement un mec bien. C’était pas non plus un mec pas bien. En fait, elle en savait trop rien, leurs relations avaient toujours été si superficielles…

« Quel connard ! » Elle grogne à moitié, mais rapidement, elle éclate de rire quand elle apprend qu’il est dans le théâtre maintenant. « Nan, mais t’es sérieux ? » Elle ne peut pas y croire. « Aidan dans le théâtre ? Bon Dieu, il est tombé bien bas ! » Elle avait entendu quelques histoires comme quoi ses parents lui avaient en quelque sorte coupé les vivres, mais alors, elle a beaucoup de mal à l’imaginer comédien. « Il doit être tellement mauvais ! » Son rire s’accentue. Pourtant, Esteban a mentionné qu’il avait été lui faire des compliments, signe qu’il ne doit pas être si nul que ça.

« Bon, on trinque à ça, on finit nos verres et on file mater Netflix ? » Un large sourire à Esteban. Elle lui avait promis qu’elle ne l’obligerait pas à rester là trop longtemps alors il était temps de tenir la promesse, même si ça ne voulait pas dire qu’elle allait le lâcher si facilement.

Este soupire, c’est à se demander s’ils ne sont pas entourés de cons. Bloom abuse cela dit. Aidan n’est probablement pas quelqu’un de bien à en juger par son attitude au théâtre, mais il n’est pas aussi mauvais sur scène qu’elle ne se l’imagine. A vrai dire il est même plutôt bon et c’est bien dommage qu’il ait une si mauvaise estime de son activité. Peut-être qu’il préférerait vider des coupes de champagne dans la villa de ses parents tout en critiquant ceux qui ne peuvent pas se le permettre, mais le théâtre n’est pas quelque chose dont on devrait avoir honte, même si le commentaire de Bloom laisse penser le contraire finalement. Le problème d’Aidan c’est peut-être qu’il cherche à impressionner les mauvaises personnes. Enfin Este ne va pas s’essayer à la psychologie de comptoir.

- Crois le ou non, il est pas si mauvais que ça. Et il a pas tant changé que ça, toujours aussi sympa.

Le théâtre ne lui pas appris l’humilité c’est tout ce qu’il sait. La gentillesse non plus. C’est overrated de toute façon.

- Mais t’as raison on va trinquer et arrêter de bitcher un peu !

Petit coup de coude complice, Este paye sa tournée maintenant qu’il est majeur et qu’il a le droit de le faire. Au moins une bonne nouvelle !

FIN