i'm ready to dig into all of it, abandonnement issues, dissociative episodes, my dad...

« Je suis désolée ma chérie, mais ton père et moi avons décidé de divorcer.  » La phrase avait été prononcé quelques jours plus tôt dans le combiné du téléphone: elle s'en souviendrait sans doute toute sa vie. Elle sortait d'une lecture générale du script: une découverte du scénario en groupe où chacun lisait ses répliques et ses actions, une manière de créer du sentiment d'équipe plutôt que de laisser les liasses prendre la poussière sur la table basse de diva super star. Ses cheveux remontés en un chignon désordonné, vêtue simplement d'un jean et d'un pull, lunette sur le bout du nez, elle avait lu toute la journée sans s'arrêter, envoyant oeillade complice à son compagnon d'affiche et sourire dès que la situation s'y prêtait. Qu'elle aimait ce métier ! Et puis la nuit était tombée, et après avoir décliné la proposition de pizza générale ou le verre d'après séance, elle avait enfilé son trench et était descendue dans la rue, dans l'anonymat de la foule où, enfin, elle avait rallumé son téléphone.

Je suis désolée ma chérie, mais ton père et moi avons décidé de divorcer. La phrase tournait en boucle dans sa tête tandis qu'elle s'était rendue dans la maison qui l'avait vu grandir. Staten Island, la jolie bâtisse dans un style plutôt quelconque, bordé d'un petit jardin: le rêve de la classe moyenne. Elle regardait la devanture comme si c'était la dernière fois qu'elle la voyait, traversait la cuisine, passait devant son ancienne chambre tandis que ses souvenirs lui revenaient étrangement. Elle n'avait jamais été malheureuse dans son enfance: jamais frappée ou humilié par un parent dépressif ou alcoolique, jamais maltraitée par une baby-sitter inconsciente. Elle se souvenait d'heures passées à colorier, à jouer ou à regarder des livres d'images. Une enfance des plus normales selon elle. Fille unique, elle avait une relation privilégiée avec sa famille et conservait sourire en toute circonstance.

Iris soupira. Retrouvant sa mère dans le grenier aménagé sous les combles, Iris passait devant une multitude de cartons, s'accroupissant près de sa mère, elle embrassa ses joues et finit par s'assoir à ses côtés, se moquant de la poussière sur ses fesses. Elles trièrent des affaires pendant des heures, passant sur les décorations de Noël aux vieux costumes d'halloween en passant par des dessins d'enfant et de jouets délaissés. Attrapant une vieille boites, Iris tomba sur une liasse de papier: coupures de journaux, photocopies de texte, cartonnette de places de théâtre et brochures en tout genre. Un sourire nostalgique se dessina sur les lèvres de la jeune femme. « Tu as trouvé quelque chose ?  » demanda sa mère, s'arrachant à la contemplation d'un album de famille. Secouant la tête Iris leva la main tenant la brochure de son premier club de théâtre. Elle se souvenait de ce jour où sa mère l'avait accompagné après les cours dans ce club. Un petit théâtre de quartier avec d'autres enfants de tous âges où la scène, entourée d'épais rideaux rouges, était éclairés autant par de grandes lampes que par les rires de tous.

La jeune fille n'avait que peu de souvenirs de ce qui précédait en dehors d'un sentiment négatif entourant l'époque de l'école. Elle ne se souvenait plus quand mais ses parents avaient prit une décision et des séances chez le psy, elle s'en souvenait très bien. Deux fois par semaine, les allers et retours dans le Queens, routine bien huilée entre l'école, les cours de piano et le roller dans la rue devant chez elle. Combien d'heures avaient-elle passé dans ce bureau aux couleurs neutres dont les fauteuils appelaient à la confidence, où jouets et stylos venaient mettre en confiance les plus jeunes ? Pourtant, il n'en était rien ressortis: ni mieux être pour elle, ni confiance, ni sa joie perdue depuis son entrée à l'école. De son côté, le professionnel n'avait rien pu déterminé: elle n'était pas dans un environnement malsain, n'était pas violentée à la maison ou à l'école, avait un bon groupe d'amies dont il n'y avait rien à craindre.  « Tu te souviens quand j'ai commencé le théâtre ?  » demanda-t-elle tout en caressant du bout des doigts le papier glacé de la brochure. La question n'attendait pas vraiment de réponse. C'était ce qui lui avait fait du bien: le théâtre, cette liberté apportant avec elle un renouveau, un épanouissement. Plus que toutes les activités physique ou manuelle, c'était dans le théâtre qu'elle s'était libérée, dans l'interprétation qu'elle avait découvert une véritable passion. Des petits exercices d'improvisation, elle était passée à de véritables oeuvres, récitant jusqu'à parfois tard dans la nuit, faisant les cent pas dans sa chambre pour mémoriser un texte, une réplique plus retorse que les autres.

Aux premiers rangs, sa mère. Sa mère et un siège vide. Son père avait toujours été ce siège vide: que cela soit aux spectacles de l'école ou aux représentations du club. Lorsqu'elle parlait du théâtre, elle recevait une caresse sur le dessus de la tête, un sourire alors qu'il retournait à son travail. Il avait toujours été carriériste: cela ne voulait pas dire qu'il ne l'aimait pas, mais parfois, elle avait le sentiment de passer après, qu'il ne la connaissait pas vraiment, pas autant que sa mère qui passait tant de temps à ses côtés. Alors quand elle annonça vouloir faire des études de comédie, se lancer dans cette passion pour devenir actrice, elle ne fut qu'à moitié étonnée de son absence de soutient. Si sa mère l'avait aidé à trouvé une école d'arts dramatique, son père n'avait cessé d'argumenter que ce 'n'était pas un vrai métier: il ne pouvait pas comprendre et, se moquant de son avis, elle avait suivit son coeur acceptant toutefois de suivre le cursus classique jusqu'à  l'obtention de son diplôme avant de se lancer à corps perdu dans la comédie.

Parcourant les diverses coupures et photos, elle reconnus des moments de sa carrière: l'affiche de sa première représentation en premier rôle au lycée, la publicité pour une association du quartier où elle avait posé, une photo d'un casting pour une petite série, son premier script dans lequel elle jouait un second rôle. Et puis, les premières mentions de son nom dans les journaux. Iris Nightingal, jeune actrice ayant obtenue le rôle du personnage principal féminin dans l'adaptation cinématographique d'une saga fantastique sur fond de romance à grand succès attendu du jeune public. Sa sortie de l'ombre après des années à écumer les castings, à n'obtenir que de petits rôles ou de petits contrats. Le début de la gloire. Sur les trois films que comptait la trilogie prévue par les producteurs, deux étaient déjà sortis en salles et avaient fait un carton. Iris était sortie de l'ombre devenant l'une des actrices les plus appréciées du jeune public: d'ici quelques jours commencerait le tournage du troisième et dernier opus. Un dernier film avant de se lancer dans le grand bain, de voir si tout cela se concrétiseraient par de nouvelles propositions. « Mais qu'est-ce que tu farfouilles voyons ?  » Elle sursauta « Oh tu es tombée sur ma boite secrète ?  » lui dit-elle avec malice. « Je veux garder une trace de ma petite fille et de tout ce qu'elle a fait jusqu'à devenir la prochaine Julia Roberts !  » Iris éclata de rire, refermant la boite sur les précieux trésors que sa mère collectionnait. Sa première fan. Elles quittèrent le grenier, descendant des cartons et des sacs poubelle qu'Iris sortit. En revenant, elle entraperçu la boite dans laquelle sa mère ajoutait un élément à sa collection. « Qu'est-ce que c'est ? Ils ont déjà officialisé l'affiche du film ?  » demanda l'actrice tout en s'approchant de la table. Un simple non de la tête lui répondit tandis qu'elle lui tendait un journal dont Iris reconnu immédiatement la couleur. L'un des journaux à scandales, l'un de ses canards arborant en couverture les photos sulfureuses de célébrités en vogue. Et, dans un coin, une photo d'elle, lunettes noires dans son trench, avec son habituel chignon et l'un de ces slogans alpagueurs. La Belle Iris fricote dans les rues de Manhattan. « Il est plutôt beau garçon ...  » la taquina alors sa mère tandis qu'elle ouvrait le magazine pour retomber sur la photo. La photo. Celle qui lui avait fallut de figurer au top de ce genre de tabloïds, une image d'elle embrassant Ethan Pierce. Et que pouvait-elle dire ? Ce n'était ni un accident, ni même ... Elle n'aurait pu trouver d'excuse: ils s'entendaient bien, il n'était pas désagréable à regarder ou à écouter et elle devait avouer ressentir bien plus qu'un intéret professionnel ou mondain à son égard. Le regard sombre d'Ethan s'était rappelé à elle lorsqu'elle avait découvert cette photo, ce moment volé, en couverture. « Peut être un peu vieux mais ...  » Iris leva les yeux au ciel, reposant le magazine sur la table tout en poussant un « Maman !  » agacé. Elle ne savait pas vraiment ce qu'ils étaient. Ce n'était pas très clair dans sa tête. Elle, elle rêvait de romantisme, d'amour qui durait toujours, d'une idylle passionnée telle qu'elle les voyait à travers les films, les rôles. Mais lui ? Elle l'ignorait bien ... Elle n'avait jamais abordé le sujet avec personne. « Je t'en parlerai quand ... Je serais prête à le faire. D'ici là ...  » Sa remarque fut récompensée par un rire suivi de la capitulation maternelle: elle ne lui poserait pas davantage de question sur le sujet, et cela, Iris en était plus qu'heureuse !

Plus tard dans la journée, alors qu'elle montait dans le taxi qu'elle avait appelé, elle sortit son téléphone de la poche arrière de son jean. Un appel manqué de sa meilleures amie, des notifications de réseaux sociaux et deux SMS. L'un d'Azucena, proposant un déjeuner le lendemain. L'autre d'Ethan. Son coeur manqua un battement. Comment pouvait-elle être aussi émotive à ce sujet ? Mais c'est avec un petit sourire en coin qu'elle tapota sur le clavier tactile. Bien. Tant pis pour la soirée devant la télé pour se détendre avant la prochaine séance de travail, elle n'avait que deux petites heures pour se métamorphoser et passer de la quasi trentenaire de petite banlieue à l'actrice en vogue tout sourire et savourant la chance d'apparaitre au bras de l'un des plus beau homme de Manhattan.