Ton sommeil est de moins en moins agité au fil des semaines, bien que tes insomnies sont encore très nombreuses. Tu as toujours autant de mal à te faire à l'idée que tu ne puisse pas avoir d'enfant alors que c'est ton rêve depuis toujours, mais tu commences petit à petit à te rendre compte. Ça fait des semaines que tu refuses cette idée, que tu l'ignores, mais tu comprends que le déni ne te servira à rien. Tu n'acceptes pas encore la situation, mais tu arrêtes de faire semblant que tout va bien. Quelques personnes sont désormais au courant de ta stérilité, mais tu n'arrives pas encore à en parler facilement avec tes amis. Tu sais qu'ils ne te jugeront pas, car après tout, tu n'as rien fait de mal. C'est ton corps qui ne fonctionne plus correctement, pas toi directement qui a choisi cette situation. Non, ce qui t'effraies réellement c'est que les gens te prennent en pitié. Tu ne veux pas que les gens parlent de toi comme d'une petite chose fragile. Alors tu préfères te taire et garder tes tourments pour toi-même. Ce matin, tu as rendez-vous avez le médecin qui traite ta stérilité et qui essaye de t'apporter des solutions, meme si tu sais que c'est voué à l'échec. Tu es chirurgienne, tu as fait les mêmes études que ce médecin que tu rencontres une fois par semaine et tu sais que les solutions qu'il te propose n'ont un taux de réussite que de dix pourcent. Et tu as prouvé jusqu'ici que tu n'es pas très chanceuse dans la vie. Entre ta vie amoureuse chaotique et ton envie de fonder une famille qui s'effondre, la seule chose que tu réussis encore assez bien, c'est ta carrière. Tu te lèves de ton lit en soupirant avant d'aller te préparer pour cette mâtiné pas très réjouissante. Pile à l'heure, tu te tiens devant le bureau de ton médecin. Lorsque tu pousses sa porte, ta main est hésitante. Tout ton corps te cries de faire demi-tour, seul ton cerveau te pousse à affronter l'inévitable. Tu t'installes face à lui, le saluant avec ce sourire peu rassuré. Son visage semble beaucoup plus fermé qu'à l'accoutumé, tu sens la mauvaise nouvelle arriver. Mais qu'est-ce qui pourrait être bien pire que de t'annoncer que tu ne peux pas avoir d'enfant ? Tu es désormais prête à tout entendre. Le verdict tombe. « Les résultats de l'IRM ne sont pas bons, vos ovaires sont bien plus abîmés qu'on le pensait. Il va certainement falloir réfléchir à une ovariectomie pour éviter un risque de cancer. » Et voilà, quand tu penses que tu vis déjà le pire, on t'annonces une nouvelle encore plus terrible. Le médecin t'assures que c'est simplement préventif et en voyant ton visage devenir pâle, il ajoute qu'une autre batterie de test seront fait avant d'arriver à ce cas de figure. Une vingtaine de minute passe, tu remercies le médecin et une fois le pieds dehors, tu t'effondres en larmes. Le destin s'acharne contre toi.

Les larmes essuyés et les idées toujours autant en vrac, tu prends la route de chez Jayden pour passer une après-midi avec lui et son fils. David était l'un de tes patients pendant ton internat, un petit bonhomme sauvé in extremis auquel tu t'es beaucoup attaché. Son père a malheureusement dû surmonter la mort de sa femme ainsi que l'état très inquiétant de son fils. Bien heureusement, les deux ont été de vrais battants et forme un duo que tu adores. Tu es rarement aussi proche de tes patients, mais Jayden est souvent revenu à plusieurs reprises remercier l'équipe de néonatal et tu t'es fortement attaché à David ainsi qu'à lui, donc quelques fois tu te permets de les inviter tous les deux afin de passer du temps avec eux. La petite bouille du garçon t'aide à oublier temporairement tes problèmes et à passer de très bon moment avec lui ainsi que son père qui adore voir le visage rayonnant de son fils. Aujourd'hui, tu as proposé aux deux hommes de te rendre à la patinoire mis en place par la ville pour les fêtes de noël non loin d'un petit marché avec de très belles décorations. Tu arrives enfin à l'appartement de Jayden, montant jusqu'à son étage, tu ne peux t'empêcher de regarder ton reflet dans le miroir de l’ascenseur. Tu as une sale mine, tes yeux sont rougis par les larmes qui y coulaient un peu plus tôt. Tu te forces néanmoins à sourire pour ne pas inquiéter ton ami. Lorsque tu sonnes à la porte, tu entends des pas se déplacer de l'autre côté. La porte s'ouvre sur la carrure imposante de Jayden, mais tu n'as pas le temps de le saluer qu'un petit être fonce vers toi. Tu te mets en tailleur et ouvre grand tes bras pour l'accueillir. « Mais regardez moi ce grand garçon ! Qu'est ce que papa te donne à manger pour être géant comme ça ? » Il rit à tes propos et soudain tu en oublies tout tes soucis, répondant à son sourire avec quelques baisers déposés sur ses joues. Tu finis par te relever avec David dans les bras pour saluer son père. « Non mais sérieux, tu lui donnes quoi à manger, je vais bientôt finir sur les fesses quand il va me sauter dessus. » Tu souris plus sereinement, avant d'ajouter : « J'espère que tu sais patiner monsieur le pompier ? » Tu te vois mal gérer le petit David sur les patins et son père, même si tu te débrouilles plutôt bien, pas sûr que tu sois une excellente professeur.