shamia / feels the same but complicated
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feat @SAMIA LAKHANI
« Arrête avec ton téléphone ! » Son frère continue ensuite de déblatérer sur la grossièreté des américains, et Shea est toujours en train de faire défiler les photos sur Facebook. Elle lève les sourcils parce qu'elle n'a pas l'impression d'être plus polie, surtout en cet instant. Elle répond par intervalles, et toujours vaguement : « Tu l’as un peu cherché. ». De temps en temps elle lève les yeux au ciel, échange un regard complice avec la serveuse, et boit une gorgée brûlante en attendant le Chai Latte de son frère. Quand elle se retourne, qu'elle lève la tête, fait un rapide tour d'horizon, elle met bien cinq secondes à se faire à la scène, et à la reconnaître. Puis tout son environnement se fige. Elle n’enregistre plus rien autour d’elle. Le café paraît se rétrécir, la foule s’épaissir, les lumières se tamiser, jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’elles deux dans la salle. « Hé ! Tu m’écoutes ? » Il lui donne un coup de coude, mais il n’y a pas de réponse cinglante de la part de Shea, aucune réaction du tout. Elle ignore combien de temps elle reste plantée là, mais elle sait qu'elle se fait de nouveau interrompre, par les clients assoiffés cette fois, pour qui elle est contrainte de se déplacer. Et Shea est certaine d'entendre son frère lui demander si ça va avant de ricaner brièvement. Shea déglutit et acquiesce silencieusement, ses yeux en quête de la porte, seul échappatoire. Comme pour se redonner du courage, elle raffermit ses mains autour de son mug. Elle regarde dans vers le fond de la salle une dernière fois alors qu'elle suit lentement son frère vers la sortie. Shea sent alors la panique la gagner. Et si elle était passée à côté de l'histoire de sa vie une fois ? Il s'arrête au niveau de la porte, va la réprimander pour sa lenteur. « Je... j'ai un truc à faire. » Elle n'est pas particulièrement convaincante, alors elle prend une profonde inspiration et poursuit, sans plus d'explications : « Je t'appelle. » Il n'est sans doute pas dupe, parce qu'il jète un coup d'oeil derrière elle avant de froncer les sourcils, mais parce qu'il ne l'a jamais vue aussi sérieuse, il préfère attendre pour lui poser des questions.
Puis elle pense que les choses ne seront plus jamais simples, même si elle suivait son frère, même si elle sortait sans se retourner, parce qu’elle la voit maintenant et elle se sent perdue. Alors ses pieds la trainent d'eux-mêmes vers la direction opposée. Par sa simple présence, Samia ressuscite quelque chose qu’elle a enfoui au plus profond d’elle sans rien résoudre pour autant. Elle a le temps de repenser à ce qu'elles ont échangé. Et leur dernier matin. Elle s’était saoulée ce soir-là. Elle avait bu une grande quantité de rhum, et était rentrée avec pas une, mais deux filles, peu avant de s’écrouler, ivre morte sur le canapé du salon. Cela avait contribué à chasser Samia de son esprit, mais pas pour longtemps. Puis Instagram a pris de l’ampleur dans le monde, et elle pouvait désormais la voir vivre sa vie, vieillir, à distance. Shea ne comptait plus les fois où elle s'arrêtait sur les stories de Samia. Au bout d’un moment, elle a préféré ne plus la suivre plutôt que d’avoir à gérer le fait que oui, elle aurait très bien pu lui écrire, lui demander des nouvelles, proposer qu’elles se revoient pendant une escale, mais ça aurait été admettre qu’elle a eu tort.
Elle se tient au niveau de sa table désormais, les doigts entortillés contre son mug. Elle est bien trop obnubilée par sa beauté pour savoir si son cœur s'est arrêté de battre ou si elle a simplement oublié de respirer. « Samia... » Elle ignore si elle a pu l'entendre parce que c'est à peine plus qu'un murmure, craignant que sa voix ne se mette à la trahir - parce qu'elle ne sait pas à quoi elle s'attend, ni même si elle va la reconnaître. Shea supporte encore moins l'idée que Samia l'a peut-être reconnue à son arrivée et qu'elle a choisi de l'ignorer. Elle se mord les lèvres et se met à sourire. Et son sourire s'agrandit, tant elle pense que pour une fois dévoué et sincère, il est teinté d'un espoir sans précédent. Sans doute s'imagine-t-elle qu'il l'immunise contre toutes ses erreurs passées.
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Assise dans le métro, Samia regarde les passagers monter et descendre. En face d’elle, se succèdent des travailleurs avec une mallette, un jeune couple occupé à se prendre en photo, des touristes dont la langue lui parait être l’espagnol, une mère avec trois jeunes enfants et un promeneur de chiens. Elle les observe chacun leur tour en silence, et sans doute que certains l’observent aussi. Elle finit par se demander ce qu’ils peuvent penser d’elle. Une femme de couleur en robe longue, assise à côté de son fiancé, qui est occupé par son téléphone. En soi, ça ne la dérange pas. Elle a l’habitude de faire le trajet seule. Nash avait proposé qu’ils le fassent ensemble aujourd’hui, mais elle n’a pas l’impression qu’ils soient vraiment ensemble. C’est étrange. En soi, ça ne dérange pas Samia, qui peut penser en silence, mais lorsqu’elle se demande ce qu’on pense d’eux, ça la dérange un peu plus. Alors elle quitte ses pensées pour poser sa tête sur l’épaule de Nash. Et aussitôt, il range son téléphone pour passer son bras autour d’elle. Elle ne voit pas l’expression sur son visage, mais elle l’imagine facilement réconfortante. Avec lui, elle s’était toujours sentie en sécurité. Maintenant, ce n’est plus exactement le cas. Mais ça va revenir. Il leur faut juste un peu plus de temps.
Le temps que le métro atteigne la station qu’ils attendent, ils discutent de quelques petites choses, principalement du travail de Nash, du prochain rendez-vous médical de Samia. Et ils se disent au revoir avec un baiser une fois sortis à l’air libre. Un baiser auquel ils ont l’habitude, mais qui ne donne pas la même impression à Samia. Elle est impatiente que les choses redeviennent plus naturelles. Avec le temps, elle en est certaine. Elle l’observe s’éloigner, jusqu’à ce qu’il tourne au coin de la rue, avant de partir dans la direction opposée. Elle soupire, replace son sac sur son épaule et entre dans un café où elle avait déjà été la semaine dernière. Depuis une dizaine de jours, elle essaye différents lieux, pour changer de la maison. Elle aussi a besoin de voir autre chose, et elle trouve qu’elle est plus concentrée sur ses dessins quand elle est dans un café, avec une boisson fraîche et un petit gâteau. Alors elle essaye de trouver un endroit sympa, où elle se sente à l’aise et où les pâtisseries sont bonnes. Celui-ci n’est pas mal, elle prévoit d’essayer un autre thé aujourd’hui. Elle s’assied à une table au fond et sort ses affaires avant d’accrocher son sac à la chaise. Elle observe la carte un instant, avant de décider ce dont elle a envie, et elle griffonne quelques dessins en attendant l’arrivée d’un serveur. Et son crayon se balade sur la feuille, alors qu’elle se concentre sur les traits qu’elle dessine. Ce déménagement a ce point positif. Ne plus avoir de travail pour l’instant lui permet de se concentrer sur ses dessins, ce qu’elle n’a pas pris le temps de faire réellement depuis l’adolescence. Et elle se concentre peut-être un peu trop, quand elle sent une présence auprès d’elle. Croit entendre son prénom. Mais comment une serveuse connaîtrait-elle son prénom ? Elle replace ses cheveux, tombés, derrière son oreille en se tournant. Et quand son regard se pose sur Shea, elle ne peut cacher sa surprise. Sans doute son cœur manque-t-il un battement. Elle n’y fait même plus attention, occupée à détailler son ex. Elle a changé, mais pas tant que cela. Il faut dire qu’il lui était arrivé d’aller voir son Instagram, alors son visage était loin de s’être effacé de son esprit. Si ç’avait été seulement possible. Elle reste quelques secondes sans rien dire, avant de réaliser qu’elle doit se ressaisir. « Shea… » Un début comme un autre. Elle ne sait pas ce qu’elle devrait lui dire. La dernière fois qu’elles se sont vues lui revient en mémoire. Un goût amer envahit son esprit, comme à chaque fois. Mais elle n’en laisse rien paraître. « Je… Comment tu vas ? Tu veux t’asseoir avec moi ? Enfin si tu as un peu de temps, bien sûr. » Elle enchaîne les mots et les questions sans y réfléchir, gênée mais elle sourit tout de même.
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Shea sent le doute et l’inquiétude l’envahir alors qu’elle regarde Samia la dévisager, puis elle est soulagée de la voir sourire et se dit que, de tout ce qui fait sa personne, c’est sans doute ce qui lui a manqué le plus. Ce n’est pas totalement vrai et c’est probablement l’adrénaline ou quelque réaction hormonale, mais elle imagine qu’elle serait capable de lui dire que tout lui manque et qu'elle n’a jamais réussi à l’oublier. Avant, elle savait cultiver ce manque pour en faire quelque chose de puissant lorsqu’elles se retrouvaient. Depuis, il n’y eut plus que le manque. Insatiable et omniprésent. Elle acquiesce, prétexte qu'elle a tout son temps, et attrape une chaise pour s'asseoir près d’elle. Elle la détaille de haut en bas, puis sa robe, ses courbes, et ne se félicite pas de son manque de subtilité. Elle souffle un léger waouh à l’attention de personne, c’est plus une observation qu'autre chose. « Tu… tu es encore plus belle qu’avant. » Shea pose son mug sur la table, devant elles, réalise seulement maintenant qu’il lui brûlait les mains, et baisse les yeux vers ses dessins. Elle ne veut pas paraître indiscrète alors elle relève presque immédiatement la tête. Pour ce qu’elle a pu voir sur les réseaux, elle les trouve magnifiques. Mais difficile de se mesurer au reste de Samia. « Je te l'ai jamais dis mais... j'adore ce que tu fais. Et tes yeux aussi... J'adore tes yeux. » Elle affiche un léger sourire nerveux. Elle ne s’empêcher de se maudire intérieurement pour ses compliments, tellement bateaux et inconsistants par rapport à la réalité. Sans doute aurait-elle du commencer par des mondanités, répondre à sa question, aussi, mais comment le pourrait-elle alors qu'elle ne rêve que d'une chose ?
Bien sûr, elle repense à la dernière fois qu’elles se sont vues. Elle n’est pas surprise de la vivacité de ce souvenir, parce qu’il lui est arrivé tellement de fois de repenser à ce matin-là, ou même les fois d’avant, seule, à essayer de retrouver toutes les sensations qui ont fait de Samia quelqu’un de si spécial. Et si leurs ébats étaient aussi intenses à vingt et un ans, forcément elle se demande ce que ça pourrait donner, maintenant qu’elles ont vieilli, mûri et qu’elles ne se sont pas vues pendant sept ans. Il lui semble bientôt qu'une éternité s'est écoulée depuis leur dernière rencontre. Pourquoi Samia n'était-elle pas revenue sur ses pas dans cette chambre qui avait absorbé toute leur passion ? Une seule manifestation, un seul pas en arrière vers une Shea désorientée au pied du lit aurait peut-être intégralement changé la donne. Que serait-il advenu de cette décision rationnelle ? Et si Shea avait couru après Samia, si elle avait saisi son visage entre ses mains pour embrasser ses lèvres et revenir sur ses mots. Elle avait voulu se retourner, ne pas aller s'enfermer dans la salle de bain, embrasser Samia, la serrer contre elle, enfouir son visage dans le creux de son cou et l'écouter parler de son prochain vol. Pour Shea, ce nouveau face à face bouleverse intégralement le cours des choses. Alors elle s’approche encore un peu et se tourne complètement vers elle. Elle a l’impression de la voir pour la première fois. Ainsi, de tous les choix qui s’offraient à elle il y a sept ans, c’est celui de ne plus jamais la revoir que Shea avait fait. Ce qui entraîne une question évidente : pourquoi ? Et en la voyant là, devant elle, plus belle, plus femme que jamais, Shea ne se souvient plus. Elle n’ose pas la regarder alors, et c’est présomptueux de sa part mais elle s’en moque, elle pose sa main sur la sienne. « Et j’ai toujours autant envie de t’embrasser.... » Elle trace distraitement des lignes sur son poignet, puis ses doigts cherchent à enlacer les siens. Et c'est vrai, elle voudrait tellement l’embrasser, la tenir par la taille pour l’allonger sur une banquette, sentir de nouveau son corps brûlant sous ses mains. Elle effleure son pouce sur sa main droite, parce que, peut-être qu’elle a envie de voir si elle est toujours attirée par elle. Voir si sept ans après, Shea est capable de raviver une ancienne flamme - qui n’a jamais totalement disparue.
Bien sûr, elle repense à la dernière fois qu’elles se sont vues. Elle n’est pas surprise de la vivacité de ce souvenir, parce qu’il lui est arrivé tellement de fois de repenser à ce matin-là, ou même les fois d’avant, seule, à essayer de retrouver toutes les sensations qui ont fait de Samia quelqu’un de si spécial. Et si leurs ébats étaient aussi intenses à vingt et un ans, forcément elle se demande ce que ça pourrait donner, maintenant qu’elles ont vieilli, mûri et qu’elles ne se sont pas vues pendant sept ans. Il lui semble bientôt qu'une éternité s'est écoulée depuis leur dernière rencontre. Pourquoi Samia n'était-elle pas revenue sur ses pas dans cette chambre qui avait absorbé toute leur passion ? Une seule manifestation, un seul pas en arrière vers une Shea désorientée au pied du lit aurait peut-être intégralement changé la donne. Que serait-il advenu de cette décision rationnelle ? Et si Shea avait couru après Samia, si elle avait saisi son visage entre ses mains pour embrasser ses lèvres et revenir sur ses mots. Elle avait voulu se retourner, ne pas aller s'enfermer dans la salle de bain, embrasser Samia, la serrer contre elle, enfouir son visage dans le creux de son cou et l'écouter parler de son prochain vol. Pour Shea, ce nouveau face à face bouleverse intégralement le cours des choses. Alors elle s’approche encore un peu et se tourne complètement vers elle. Elle a l’impression de la voir pour la première fois. Ainsi, de tous les choix qui s’offraient à elle il y a sept ans, c’est celui de ne plus jamais la revoir que Shea avait fait. Ce qui entraîne une question évidente : pourquoi ? Et en la voyant là, devant elle, plus belle, plus femme que jamais, Shea ne se souvient plus. Elle n’ose pas la regarder alors, et c’est présomptueux de sa part mais elle s’en moque, elle pose sa main sur la sienne. « Et j’ai toujours autant envie de t’embrasser.... » Elle trace distraitement des lignes sur son poignet, puis ses doigts cherchent à enlacer les siens. Et c'est vrai, elle voudrait tellement l’embrasser, la tenir par la taille pour l’allonger sur une banquette, sentir de nouveau son corps brûlant sous ses mains. Elle effleure son pouce sur sa main droite, parce que, peut-être qu’elle a envie de voir si elle est toujours attirée par elle. Voir si sept ans après, Shea est capable de raviver une ancienne flamme - qui n’a jamais totalement disparue.
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Combien y a-t-il de temps qu’elles ne se sont pas vues ? Trop longtemps, c’est certain. Samia se souvient parfaitement de la dernière fois. La dernière fois qu’elle avait embrassé ses lèvres, de la dernière fois que Shea l’avait touchée. Elle se souvient aussi, avec moins de plaisir, de la façon dont ça s’était terminé. Pourtant, poser à nouveau ses yeux sur Shea lui fait plaisir. Elle sourit, l’invite à s’installer avec elle. Peut-être un peu nostalgique. Ou en tout cas curieuse. Après tant d’années sans se parler, Samia a envie de passer un peu de temps avec elle. Aussitôt assise, Shea la détaille, sans s’en cacher, ce qui gêne un peu Samia. Elle glisse une main dans ses cheveux, les pousse un peu de derrière son oreille. Fut un temps où elle avait l’habitude des regards appuyés de l’anglaise, quand elle savait comment ça allait se terminer. Le compliment qu’elle lui fait n’arrange rien, surtout qu’il est suivi par un autre. Sur ses dessins. Sur ses yeux. Samia ne s’y attendait pas. Ou plutôt, ne s’y attendait plus. Il y a trop longtemps que Shea ne l’a pas regardée ainsi. Que personne ne l’a regardée ainsi. Sans doute que ça lui manque. « Merci… merci beaucoup. » Elle n’est pas forcément à l’aise, mais elle n’est pas complètement dérangée non plus. Une sensation étrange.
Et forcément, Samia ne peut s’empêcher d’imaginer, ou plutôt de rejouer le passé. De se demander ce qui pourrait arriver. Ce qui aurait pu se passer. Si Shea avait proposé de tenter une véritable relation au lieu de couper court à leur aventure. Serait-ce à Shea qu’elle serait fiancée aujourd’hui ? Samia n’a aucun moyen de le savoir. Elles n’ont jamais essayé, alors ça n’a jamais marché. Et aujourd’hui, tout a changé. Elle n’est plus la jeune hôtesse de l’air sans attaches et parfaitement libre. Elle approche de la fin de la vingtaine et a une vie beaucoup plus stable. Shea a sans doute changé aussi, même si Samia aime à s’imaginer qu’elle est toujours la même. En tout cas, ce qu’elle lui montre aujourd’hui le lui fait penser. Mais, si elle reste celle qui la faisait fondre, elle reste aussi celle qui avait coupé ses espoirs en plein vol, qui avait sans doute brisé une partie de son cœur. Parce que, même si elle s’est toujours convaincue du contraire, son cœur avait battu pour Shea. Et celui-ci manque d’ailleurs de dérailler quand l’anglaise pose sa main sur la sienne. Un courant électrique. Comme à l’époque. Et ce qu’elle lui dit… Samia a l’impression d’être suspendue à ces fameuses lèvres qui veulent l’embrasser. Il est sans doute trop tôt pour blâmer les hormones pour sa réaction. Les hormones. Ah oui… Elle sort de sa rêverie, se redresse sur sa chaise. « Tu ne peux pas dire ça. » Elle secoue la tête, avant de reculer sa main. Geste qui semble lui coûter beaucoup. D’ailleurs, à quoi Shea joue-t-elle ? C’est elle qui avait voulu arrêter. Et maintenant, elle reprend comme si rien ne s’était arrêté. Comme si sept ans n’avaient pas passé. Comme si leurs vies n’avaient pas changées depuis. « Ça me fait plaisir de te revoir mais… » C’est le moment de le dire. Elle n’a pas vraiment le choix. « Je suis… » Au lieu de prononcer le mot, elle montre sa main gauche et la bague à son doigt. Comme si c’était le seul obstacle. Enfin ça l’est sans doute. Même s’il devrait y en avoir un autre, moins évident. « Et puis c’est terminé. » Elle détourne les yeux, pour regarder la table à côté, sans vraiment la regarder. « C’était ce que tu voulais. »
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C’est peut-être parce qu’elle est toujours sous l’effet de la surprise, ou qu’elle est obnubilée par la joie de la revoir, qu’elle ne fait pas attention à la gêne de Samia, ou qu’elle ne la ressent pas dans ses remerciements sobres. Ce n'est pas comme ça qu'elle recevait un compliment avant, mais Shea décide de ne pas y voir une quelconque signification. Même si, en étant si proche d’elle qu’elle peut sentir son parfum, elle retrouve ce bonheur et ce plaisir sans précédent qui la faisait vibrer avant, il est aujourd’hui teinté d’une anxiété, peut-être celle de la perdre une nouvelle fois, ou bien qu’elle ne veuille plus d’elle, et d’en être la seule responsable. Et comme pour illustrer ses réflexions, Samia retire sa main et même si elle s’y était un peu attendue, Shea se fige intégralement. Elle se sent capable d’affronter certaines émotions ; le désespoir immédiat, le désespoir durable, l’incrédulité et la colère. Même l’amour, à la rigueur. Mais le rejet et la froide vérité sont moins supportables.
Samia lui montre ensuite son autre main, et alors Shea sourit franchement à ses paroles : « Mais je ne t’ai pas encore fait la demande ? ». C’est tout ce qu’elle trouve à dire, et sa plaisanterie est brève, car presque aussitôt elle se redresse aussi. « Oh… » Elle ne réalise pas qu’elle continue à reculer, et bientôt elle se retrouve plaquée contre le dossier de sa chaise. « Oh ! Euh... félicitations ! » C’est un mensonge. Elles doivent le savoir toutes les deux. Elle déglutit et frotte ses mains sur son pantalon, passe une main dans ses cheveux, en essayant de chasser son expression de franche panique pendant qu’elle réfléchit un moment. La révélation pèse sur ses épaules et jusque dans ses jambes, l'étouffe, mais Shea continue de lui sourire quand même, et elle espère que Samia sait que ce sourire lui offre le meilleur d'elle-même, ce qu'elle a de plus profond, et qu'elle n’attend rien en échange, ou si peu, l'assurance qu’elle lui a aussi manqué. Le souvenir du départ de Samia n'était qu'une lave brûlante qui, tombant goutte à goutte sur le coeur de Shea, lui arrachait des cris intérieurs, sans pouvoir pour autant lui arracher un désaveu. Parce qu'elle l’avait sans doute aimée plus qu’elle n’avait jamais aimé ; tout son corps avait été entièrement consumé par et pour elle, elle avait été à la fois fière d'être son amante, et effrayée par la menace qu'elle représentait. Elle sait que c’est égoïste et sans doute irréaliste, mais elle digère mal l’idée que Samia ait pu être avec quelqu’un d’autre qu’elle. Shea s’imagine que ne pas la regarder, ou éviter toute forme de conversation va lui permettre de ralentir l’ardeur nouvellement recouvrée qu’elle a pour elle, mais tout l’inverse se produit, car en sept ans elle est devenue l’incarnation du mystère et donc par la même occasion, le désir de sa résolution. Mais elle approche la trentaine, et elle ne peut plus se comporter comme si tout lui était dû, alors elle décroise ses bras et : « Tu dois être heureuse… ? » Ce qu’elle voulait comme une supposition se décline davantage comme une question, comme si elle voulait malgré elle s’en assurer. Sans préavis, Samia lui rappelle sa décision et Shea fronce les sourcils parce qu’elle regarde à côté, et Shea ne comprend pas pourquoi elle a besoin de détourner le regard. Quand elle se remet à parler, Shea acquiesce en silence. Touché. Elle ne lui dit pas que c’est justement parce qu’elle avait tout le temps envie de la voir qu’elle a préféré arrêter. Peut-être qu’elle devrait ? « C’est pas ce que tu voulais… ? », puis comme si envisager que Samia ait voulu autre chose la redorait d'un nouvel espoir : « Tu restes combien de temps à New-York ? »
Samia lui montre ensuite son autre main, et alors Shea sourit franchement à ses paroles : « Mais je ne t’ai pas encore fait la demande ? ». C’est tout ce qu’elle trouve à dire, et sa plaisanterie est brève, car presque aussitôt elle se redresse aussi. « Oh… » Elle ne réalise pas qu’elle continue à reculer, et bientôt elle se retrouve plaquée contre le dossier de sa chaise. « Oh ! Euh... félicitations ! » C’est un mensonge. Elles doivent le savoir toutes les deux. Elle déglutit et frotte ses mains sur son pantalon, passe une main dans ses cheveux, en essayant de chasser son expression de franche panique pendant qu’elle réfléchit un moment. La révélation pèse sur ses épaules et jusque dans ses jambes, l'étouffe, mais Shea continue de lui sourire quand même, et elle espère que Samia sait que ce sourire lui offre le meilleur d'elle-même, ce qu'elle a de plus profond, et qu'elle n’attend rien en échange, ou si peu, l'assurance qu’elle lui a aussi manqué. Le souvenir du départ de Samia n'était qu'une lave brûlante qui, tombant goutte à goutte sur le coeur de Shea, lui arrachait des cris intérieurs, sans pouvoir pour autant lui arracher un désaveu. Parce qu'elle l’avait sans doute aimée plus qu’elle n’avait jamais aimé ; tout son corps avait été entièrement consumé par et pour elle, elle avait été à la fois fière d'être son amante, et effrayée par la menace qu'elle représentait. Elle sait que c’est égoïste et sans doute irréaliste, mais elle digère mal l’idée que Samia ait pu être avec quelqu’un d’autre qu’elle. Shea s’imagine que ne pas la regarder, ou éviter toute forme de conversation va lui permettre de ralentir l’ardeur nouvellement recouvrée qu’elle a pour elle, mais tout l’inverse se produit, car en sept ans elle est devenue l’incarnation du mystère et donc par la même occasion, le désir de sa résolution. Mais elle approche la trentaine, et elle ne peut plus se comporter comme si tout lui était dû, alors elle décroise ses bras et : « Tu dois être heureuse… ? » Ce qu’elle voulait comme une supposition se décline davantage comme une question, comme si elle voulait malgré elle s’en assurer. Sans préavis, Samia lui rappelle sa décision et Shea fronce les sourcils parce qu’elle regarde à côté, et Shea ne comprend pas pourquoi elle a besoin de détourner le regard. Quand elle se remet à parler, Shea acquiesce en silence. Touché. Elle ne lui dit pas que c’est justement parce qu’elle avait tout le temps envie de la voir qu’elle a préféré arrêter. Peut-être qu’elle devrait ? « C’est pas ce que tu voulais… ? », puis comme si envisager que Samia ait voulu autre chose la redorait d'un nouvel espoir : « Tu restes combien de temps à New-York ? »