Cela fait quelques semaines maintenant que je suis arrivé à New York et je ne me sens pas totalement à l’aise. J’ai souvent voyagé aux USA mais c’était en vacances ou pour le boulot, je me rends compte maintenant que vivre ici c’est … différent.
Je m’attendais à ressentir un certain « choc » des cultures mais c’est un peu plus violent que prévu. Les gens sont tellement concentrés sur eux-mêmes qu’ils lèvent à peine les yeux, le côté chaleureux de ma Thaïlande me manque déjà ! Et mes fans aussi, ils me manquent ! C’est sympa deux minutes d’être tranquille pour se balader dans les rues, de ne pas avoir en permanence des gens qui vous suivent. Mais il faudrait un juste milieu, je passe de milliers de fans à rien du tout, faut pas pousser non plus ! Je suis sûr que je peux trouver des fans ici faudrait que je me penche sur l’idée d’organiser un meetup, mais je sais que mon père sera contre. Il m’a enlevé l’accès à mes réseaux sociaux pour l’instant, il dit que tant que l’affaire n’est pas réglée et la tension redescendue je dois faire profil bas, quelle connerie ! J’ai rien fait, je vois pas pourquoi je devrais changer quoi que ce soit, m’exiler était déjà bien suffisant … Mais bon bref je n’ai pas le choix …
Mais le point positif c’est qu’à New York ou à Bangkok il y a une chose que je ne changerais pas : mon planning d’entrainement ! Tu peux bien me retirer tout ce que tu veux mais celui qui m’interdira l’accès d’une piscine il est pas encore né !
C’est d’ailleurs un grand jour aujourd’hui puisque je dois rencontrer ma future coach. Je dois dire que c’est surement la seule chose qui upgrade un peu mon séjour, parce que mon père n’a pas cherché n’importe quel coach, pas moyen que le premier péquenot s’occupe de mon entrainement, on il s’agit d’une ancienne championne Olympique ! Elle est un peu plus vieille mais n’empêche qu’elle a décroché l’or donc elle a des conseils à donner en théorie ! J’aurais préféré Michael Phelps c’est sûr mais bon ça aurait pu être pire aussi !
J’attrape donc mon sac avec mes affaires, je vérifie mon look dans le miroir, rien à redire forcément, et pourtant j’ai fait simple, jean noir slim et pull cintré bleu nuit, petit blazer, juste la classe mais tout me va de toute manière !
Je prends un taxi direction The Asphalt Green, c’est à une trentaine de minutes en voiture du dortoir, j’opte donc pour un taxi. J’arrive quelques minutes seulement avant l’heure du rendez-vous, la circulation n’était pas si fluide finalement … J’entre dans le complex que je connais déjà plutôt bien puisque c’est le premier endroit que j’ai visité en arrivant (après le dortoir bien sûr). La dame de l’accueil m’offre un joli sourire que je lui rends et je passe le hall comme si j’étais chez moi. J’imagine que le rendez-vous se passera au bord du bassin, je ne vais pas me changer de suite, autant parlementer avant comme ça après je reste concentrer dans mes performances ! Non loin j’aperçois une fille de dos, j’imagine que c’est elle, je m’approche d’un pas déterminé et avec mon sourire le plus charmeur et arrivé à sa hauteur je l’accoste.
« Bonjour vous devez êtes Gabriele. Enchanté je suis Naam. » lançai-je tout en joignant mes mains pour la saluer façon Thaï un réflexe que je ne risque pas de perdre.
Je retire ensuite mes lunettes de soleil que je laisse pendre à mon col.

Il n'existait pas un endroit au monde où Gabriele se sentait mieux que dans une piscine. En présence d'Hannah bien sûr, elle se sentait toujours heureuse aussi mais dans l'eau, il y avait quelque chose d'inexplicable. Plus précisément, Gab aimait être sous l'eau, laisser son corps flotté, entendre ses oreilles devenir sourdes aux bruits extérieurs pour n'entendre que le doux son de l'eau...Gabriele était née pour être dans l'eau. Elle était cette ancienne championne olympique qui n'avait pas eu d'autres choix que d'arrêter la natation à cause d'une putain de blessure. Malgré tout, elle restait cette fille fidèle à l'eau, elle ne pouvait pas se passer d'une séance de natation par semaine et ça c'était le minimum. Parfois, elle se disait qu'Hannah devait en avoir ras le bol mais sa petite amie avait comprit à quel point c'était un élément central de la vie de la blonde. Gab ne pouvait se passer de nager comme certains ne se passent pas de courir ou encore étudier. C'était une drogue, presque aussi puissante que n'importe quelle autre drogue. Son cousin en était témoin, sombrant dans l'alcoolisme depuis qu'il n'avait plus la natation. Gabriele avait eu la chance d'avoir accepté sa condition. La gloire avait parti de sa vie, aujourd'hui, c'était terminé. Elle avait accepté cela se contentant parfaitement de son métier de professeur de sport et des quelques séances de natation qu'elle s'octroyait chaque semaine. Et puis, de temps en temps, il y a avait ces personnes qui souhaitaient faire d'elle leur coach. Elle adorait ça. Cela lui rappelait les séances intensives de l'époque où elle était encore une grande championne. Les séances avec Levi étaient bien sûr plutôt cool. Il avait plus de quatre vingt ans, il ne s'entraînait pas pour les prochains Jeux Olympiques. C'était pour cette raison qu'elle avait accepté d'entraîner Thanayod Waraporn, grand champion Thaïlandais, fraîchement débarqué à New York. Pourtant, elle n'aimait pas particulièrement le jeune ou tout du moins la réputation qu'il avait. Il semblait sûr de lui, sans doute un peu trop et Gab avait donc vraiment hésité à l'entraîner mais elle avait finalement craqué. Elle avait besoin de ça, comme certains ont besoin d'argent. D'ailleurs, le petit montant que proposait le père du jeune Thaï était plutôt un bon argument aussi.

Gabriele avait laissé Thanayod décidé de l'endroit où il souhaitait s'entraîner. Il n'était pas étonnant de voir qu'il avait choisit l'Upper alors que de son côté, elle choisissait plutôt la piscine du Queens mais peu importe. Puisqu'il avait choisit cet endroit, elle s'y était rendue. Elle devait avouer que cette piscine était cent fois plus jolie que celle du Queens. Rien à en redire. Même l'eau semblait plus bleue. Puisqu'elle était arrivée en avance, elle décida de faire quelques longueurs avant l'arrivée de son jeune apprenti. Jeune apprenti qui pourrait sans doute lui apprendre certains trucs également s'il décidait d'être moins prétentieux. Voyant que le jeune homme allait bientôt arrivé, elle décida de sortir de l'eau. Elle se sécha rapidement et enfila un tee-shirt blanc par dessus son maillot de bain. Elle était de dos quand une voix s'adressa à elle. Elle lui adressa un tendre sourire. Pour le moment, elle devait admettre qu'elle s'attendait à une présentation plus prétencieuse de la part du jeune homme. Il était plutôt agréable au premier abord. Elle lui tendit la main. "Et moi Gabriele." Naam ? Etait ce ainsi qu'elle devait l'appeler ? Elle avait su autrefois que dans certains pays, les surnoms étaient à privilégier sur les prénoms. "Je dois t'appeler Naam ?" Autant que les choses soient claires dés le début. Elle retira rapidement son tee shirt et sauta dans la piscine. "Allez viens. Montre moi ce que tu sais faire, toi le grand champion Olympique!" Oui c'était une façon à peine déguisée de dire au jeune homme qu'il ne se prenait pas pour de la merde. Gabriele le savait, elle le voyait sur ses postes Instagram. Quoi qu'elle avait apprit au fil des années qu'il était parfois dangereux de s'y fier. L'internet n'est pas la vraie vie. Et puis c'était aussi une bonne manière de voir la réaction du jeune homme. Aurait il envie de l'impressionner ou au contraire, tenterait il de faire profil bas ?

Arrivé à hauteur de ma nouvelle coach je la salue comme je l’aurais fait en Thaïlande, les gens me regardent bizarrement quand je joins les mains en guise de salue, mais par chance elle ne me lance pas le regard perdu des autres.
« Oui Naam est mon surnom officiel, tout le monde m’appelle comme ça. » répondis-je.
Je ne rentre jamais dans les explications du pourquoi les Thaïs ont un surnom et n’utilise pas leur prénom parce qu’en plus certains le font et je n’ai ni le temps, ni l’énergie et surtout pas l’envie de passer des heures à expliquer une culture que les occidentaux ont souvent du mal à comprendre et que beaucoup jugent de toute manière.
Lorsqu’elle enlève son t-shirt pour se jeter à l’eau je dois avouer qu’elle me prend de court. Je reste un peu sur mes gardes, est-ce une provocation ? ou une façon de détendre l’atmosphère. Quoi qu’il en soit je reste sans bouger une seconde. Je n’avais pas envisagé ce scénario, généralement les premières rencontres avec mes coachs étaient toujours plus ou moins pareil, on parle pendant un moment de mes résultats, de mon rythme d’entrainement, de mon alimentation et ensuite seulement on passe à l’eau et surtout on ne se jette pas simplement à l’eau. Mais qu’à cela ne tienne, après tout fini l’Asie, c’est peut-être comme ça que ça se passe ici et puis je ne me fais généralement pas prier pour aller dans l’eau. Son avantage elle est déjà en tenue, je pose mes lunettes sur le banc et cours au vestiaire, l’inconvénient c’est que ça peut être long d’enfiler un maillot combinaison, par chance j’ai toujours aussi un short de bain plus classique, les combinaisons sont plus adaptées aux compétitions et aide grandement aux performances, mais pour aujourd’hui clairement je ne passerais pas 30 minutes à l’enfiler !
Une fois près je retourne au bassin, je monte sur un plot en bout de ligne et au lieu de plongé de manière « normale » je fais un salto avant. C’est inutile mais ça en jette, je ne me serais pas permis ça avec mon ancien coach mais après tout, Gabriele ne semble pas classique dans son genre alors pourquoi pas. Si mon père avait été là, j’aurais été fusillé sur place, il m’aurait hurlé un de ces discours du genre « ce n’est pas digne d’un champion, le sport c’est sérieux, agis en adulte » et ce genre de connerie. Evidemment que la natation c’est sérieux pour moi, c’est littéralement toute ma vie, c’est bien la seule chose qui me motive à me dépasser et mon objectif est plus que clair : la médaille d’or à Tokyo ! Toute ma vie est réglée autour de ça, mon alimentation, mes entraînements, alors oui j’ai aussi des loisirs et du boulot à côté mais quand ça ne va pas, c’est toujours dans une piscine que je retrouve ma place et mon calme. J’ai fait trop de sacrifices pour en arriver là, je ne reculerais pas et je prouverais à mon père ce que je vaux aux JO.
Alors que je suis enfin dans mon élément, je nage en direction de Gabriele, je ne sais pas trop ce qu’elle va me demander, j’ai déjà compris que la séance d’aujourd’hui ne sera pas « traditionnelle » alors je m’attends à tout. Arrivé à sa hauteur je demande tout de même.
« Alors c’est quoi le programme P’ ? »
Sans m’en rendre vraiment compte et surtout par habitude, j’utilise le pronom P’ (prononcé Pii). Même en anglais j’ai des tics de langage et je sais qu’ici les gens s’appellent par leur prénom, mais j’avoue être mal à l’aise à l’idée d’appeler ma coach par son prénom. Il y a bien sur une question de respect mais là j’avoue que c’est avant tout un réflexe automatique. Je préfère ne pas me reprendre, je fais mine de rien.