Les fêtes étaient passées désormais et Mercy reprenait du poil de la bête en ce qui concernait le travail. Il était passé au Coyote Creek pour prendre une pinte et manger à midi avant de retourner au travail, mais il n'y avait pas trop de monde, si bien qu'il ne se pressait pas. Il passa l'après midi sous une voiture avec ses outils à essayer d'arranger le tout mais ça n'était pas une mince affaire. Il en ressortit avec le visage couvert d'huile de moteur et une bonne douche l'attendait bien au chaud. Bien qu'il faisait froid, Mercy ne portait en haut qu'un simple marcel blanc immaculé de tache en tout genre. Il le nettoyait mais ça ne partait pas vraiment, au moins, ça ne sentait pas trop mauvais. Le garage avait l'odeur d'essence et d'huile, comme tout garage qui se respectait, son nez avait pris l'habitude de ces odeurs là.
Une fois qu'il eut terminé, il se nettoya les mains avec son chiffon et parti dans l'arrière boutique pour se nettoyer un peu. Il ne ressemblait à rien comme cela, et un peu plus et on pourrait l'accuser de blackface fut comment son visage était noir. Il partit prendre une douche pour se débarrasser de toute la saleté après avoir prévenu son client qu'il pouvait reprendre la bagnole, puis il passa derrière la caisse pour faire un peu de comptabilité. Son client ne tarda pas à arriver pour reprendre sa voiture, le payer et disparaître ensuite. Alors Mercy ferma le garage et grimpa sur sa moto. Il ne rentra pas tout de suite chez lui, il devait d'abord passer par l'épicerie pour prendre quelques aliments afin de se nourrir ce soir. Peut être qu'il repasserait au Coyote Creek s'il n'était pas trop fatigué. C'était qu'il se faisait vieux le Mercy! Il gara la moto dans une rue puis prit la direction de l'épicerie la plus proche. Il y avait du monde dans la rue et il se sentit rapidement mal à l'aise. Mercy n'appréciait pas tellement la foule, il préférait de loin sa tranquillité. Il rêvassait lorsqu'il se cogna contre une jeune femme qui n'avait pas fait plus attention que lui à son chemin et soudain, un souvenir lui monta à la tête. Elle ressemblait comme deux gouttes d'eau à sa sœur. Sauf qu'elle était rousse.

"Emma?" l'appela-t-il, les yeux écarquillés tant il en croyait pas à ses yeux. Mais si c'était bien sa sœur, alors elle avait sacrément rajeunit.

Charlotte était épuisée. Elle avait passé sa journée à danser, s’entraînant avec la troupe du Moulin Rouge. Elle adorait ça, mais elle ne s'était pas sentie dans son assiette et bouger de la sorte avec remué son estomac. Elle avait vomit à plusieurs reprises, n'ayant pas réussi à manger. L'eau était bien passée, mais pas assez consistante et nutritive. Elle devait sûrement couver quelque chose, même si ce n'était pas le moment de tomber malade. Ça faisait peu de temps qu'elle avait intégrée la troupe et elle ne voulait pas se montrer faible maintenant, donc il fallait qu'elle passe à l'épicerie et qu'elle achète de quoi se remettre en forme. C'était urgent.

Elle s'asseya au sol, pour prendre quelques minutes et reprendre une respiration correcte. Son estomac faisait mal, ça ne l'avait jamais fait souffrir de la sorte mais c'était presque insupportable. Il lui fallu une bonne dizaine de minutes, avant que ça ne commence à passer et qu'elle puisse rassembler ses affaires pour s'en aller. C'était étrange, si soudain et si douloureux. Elle ne comprenait pas trop ce qu'il se passait. Tout ce qu'elle comprenait, c'est qu'il fallait qu'elle se soigne vite, si elle ne voulait pas finir clouée au lit. Elle prit une douche dans les vestiaires du studio et partit, se dépêchant pour ne pas arriver à l'épicerie quand il y aurait trop de monde.

Elle fit le trajet en bus, entre le studio et l'épicerie. Habituellement, elle l'aurait fait à pied. Ça lui permettait de prendre l'air, après avoir passé sa journée dans une pièce puant la transpiration.  Là, elle n'en était pas capable. Lorsqu'elle sortit du bus, elle se mit à marcher tranquillement. Finalement, l'air frai, ça lui faisait du bien. Elle se détendit, alors que ses crampes d'estomac passaient. Elle était tellement détendu, qu'elle ne vit pas l'homme en face d'elle et se cogna à lui.

« Pardon ! », s'excusa-t-elle immédiatement, avant de foncer les sourcils. Emma. C'était le nom de sa mère biologique, celle qui l'avait mis au monde et qui l'avait regardé se faire battre par son père, sans rien dire parce qu'elle était totalement d'accord avec ce qu'il lui reprochait. Cette femme qu'elle détestait de toute son âme. Et cet homme, en face d'elle. Il lui rappelait quelqu'un. C'était troublant. « On se connait ? », demanda-t-elle d'une voix tremblante. « Emma c'est le nom de ma mère biologique... ». Si c'était quelqu'un qu'elle avait côtoyé lorsqu'elle était encore avec ses parents, c'était normal qu'il la confonde avec sa mère. On lui avait toujours dit qu'elle lui ressemblait comme deux gouttes d'eau. Malheureusement.

Cela faisait un bon moment qu'il n'avait pas revu Emma à tout bien penser. Elle devait avoir prit quelques rides avec le temps et peut être même quelques cheveux blancs. C'était même certains. Lui même s'était vu vieillir au fil des années mais son physique lui convenait très bien. Il n'était pas négligé mais il apportait pas une importance capitale à son apparence physique. Du moment qu'il se sentait bien dans sa peau, c'était le plus important.
Forcément, face à cette jeune femme, il se sentait presque idiot. Non, évidement, ça n'était pas sa sœur. Mais elle en était le portrait caché. Alors, naturellement, il se souvint que sa soeur avait une fille qu'il avait gardé lorsqu'elle était enfant. Il l'avait beaucoup aimé, et à ses souvenirs, elle était... rousse. Comme la jeune femme qui se tenait devant lui. D'ailleurs, lorsqu'elle le dévisagea, elle lui demanda s'ils ne se connaîtraient pas, et Mercy échappa un rire. Oui, c'était bien elle, c'en était sur.

"Renard?" l'appela-t-il alors avant de se souvenir qu'elle avait un véritable prénom. "Je veux dire... Charlotte?"

Il la dévisagea à son tour. Elle était devenue une très belle jeune femme. Son visage était impeccablement maquillé, son rouge à lèvre ressortait comme il le fallait, et les formes de son corps étaient parfaites. Elle était encore mieux que sa mère, et de loin.

"C'est moi, Mercy! Tu ne reconnais donc pas ton vieil oncle préféré?"

En même temps, ça faisait quelques années qui s'étaient écoulés depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus. Il y avait eu un soucis, Charlotte avait disparu de la circulation mais Mercy n'avait plus eu de nouvelle de sa sœur depuis lors. En tout cas, s'il se trompait de personne, ce qui pouvait être le cas, il n'aurait pas l'air con. Au mieux, il s'excuserait pour le dérangement même si les excuses, ce n'est pas tellement son fort. Fallait pas lui ressembler à ce point aussi!

Charlotte dévisageait l'homme, parce qu'il lui disait quelque chose. Vraiment. C'est comme s'il avait fait partie de sa vie, mais qu'elle était incapable de se souvenir de lui et elle se sentait stupide. En réalité, il y avait beaucoup de personnes qu'elle côtoyait quand elle était avec ses parents biologiques et qu'elle avait oublié. Pas qu'elle avait oublié ce qu'elle avait vécu, mais elle avait oublié ce à quoi ils ressemblaient. Ça l'avait troublé, au début. Au fond, elle s'était habituée et ce n'était pas plus mal. Il y avait beaucoup de choses qu'elle voulait oublier de cette période et beaucoup, qu'elle n'arrivait pas à oublier. C'était très frustrant.

Renard. Il n'y a qu'une personne, qui l'appelait comme ça. Une seule et unique personne, qui s'était occupé d'elle et l'avait adoré. Il l'avait toujours bien traité, au contraire de la soeur ainée de celui-ci. Aka sa mère. « Oui, c'est moi... », répondit-elle d'un air ébahit, ne sachant pas comment réagir à cette retrouvaille. Elle était à la fois heureuse et très triste, surement parce qu'il y avait beaucoup de souvenirs qui remontaient à la surface. Et pas que des bons. Oh mon dieu. Il était là, son vieil oncle. En face d'elle. Et elle ne savait pas comment réagir.

Elle prit un instant, avant d'offrir un léger sourire à celui-ci. « Je suis désolée, je ne m'attendais pas à te voir. Il y a beaucoup de personnes dont j'ai oublié le visage... ». Et puis, elle n'avait pas de photos pour se souvenirs, puisqu'elle avait décidé qu'elle rayait toute cette partie de sa vie. Elle n'avait que treize ans, à l'époque et ça semblait être la meilleure option. Même quand il y avait des personnes qui avait pris soin d'elle, mais au fond, elle ne savait même pas s'il était au courant de ce qu'il s'était passé. Elle s'approcha doucement de lui et le serra dans ses bras, avec une grande douceur et délicatesse. « Comment tu vas ? Qu'est-ce que tu deviens ? »

Revoir son renard préféré lui faisait un immense plaisir. Cela faisait si longtemps qu'ils ne s'étaient pas vu que Mercy en avait perdu le fil des années. Elle avait bien grandi la petite, elle était déjà mignonne enfant, à présent, elle était une belle jeune femme accomplie. Et le fait qu'elle l'ait reconnue aussi lui faisait plaisir. Son visage, nerveux habituellement, s'était transformé en illumination soudaine. Cela lui rappelait de bons souvenirs qu'il avait pu passé en sa présence. Ils avaient été proches tous les deux, et il espérait pouvoir renouer aussi vite que possible.

Abandonnant la quête des courses, il dévisageait la rouquine avec beaucoup d'attention. Quelles avaient été les chances pour qu'il puisse la retrouver? Si seulement il pouvait faire autant avec sa fille... Mais qui sait, peut être bientôt? C'était le moment des retrouvailles entre les deux jeunes gens (enfin pas si jeune en ce qui le concernait). Lorsqu'elle confirma que c'était bien elle, le sourire du cinquantenaire s'illumina.

"Tu m'as manqué Renard. Toi et ton sourire! Comment vas tu?"

Elle ne tarda pas à lui poser la même question et à lui demander ce qu'il devenait. A ce moment là, il se fit bousculer par quelqu'un et poussa la personne qui avait osé le déranger.

"Oooh tu t'crois où là toi?"

L'inconnu ne discuta pas et prit les jambes à son cou. Puis Mercy revint vers Charlotte et se caressa la barbe en signe de réflexion.

"On devrait bouger pour discuter. Il faut que je t'emmène dans un endroit spécial et que je te présente! Tu as quelque chose à faire ou ça te dit de me suivre?"

Il lui fit un clin d'oeil en guise de confiance.

Charlotte fit un plus grand sourire à son oncle, essayant de laisser les mauvais souvenirs s'incruster dans ces retrouvailles. Il y avait des images qui lui revenaient en tête, comme lorsque son père l'agenouillait devant la Bible en lui hurlant toutes les horreurs qu'il avait pu lui dire. Elle essayait, de les mettre de côté...mais ça s'avérait plus difficile que prévu. Tout ce qu'elle essayait d'enfouir au plus profond d'elle, remontait à la surface et la frappait de plein fouet. D'une main, elle essuya quelques larmes qui faisaient leur chemin sur les joues pâles de la jeune fille. « Excuse-moi, te revoir me rappelle beaucoup de choses », dit-elle doucement. « Ça n'a rien à voir avec toi, juste... mes parents ». Charlotte n'en disait pas plus, parce qu'elle ne savait pas ce qu'il savait et ce qu'il ne savait pas. Peut-être qu'on ne lui avait rien dit. C'était la spécialité de ses parents, de cacher des choses aux yeux des autres, comme le fait qu'ils battaient leur fille. A cette époque, ils étaient adorés de tous. Peut-être que c'était encore le cas, qu'ils avaient trouvés un moyen d'expliquer son départ pour que personne ne sache qu'elle leur avait été retirée. Ça la répugnait.

Elle essuya les dernières larmes, offrant un sourire sincère à son oncle, avant de pointer l'épicerie végan au coin de la rue. « J'ai juste besoin de faire quelques achats, je reviens dans quelques minutes ». Elle s'éclipsa, allant faire ses achats et avalant ces médicaments pour l'estomac qu'elle venait d'acheter. Tout ça, en cachette. Quand elle revint, avec son sac...elle offrit un sourire à son oncle. « On y va ? », demanda-t-elle joyeusement. « Je veux savoir tout ce que tu as fait , depuis...». Elle calcula mentalement, le nombre d'années qu'il s'était écoulé, depuis qu'elle avait été retirée de ses parents. « ...douze ans ! »

A bien l'observer, il s'agissait bel et bien d'elle. Sa nièce qu'il avait gardé étant petite et qui avait un jour disparu de la circulation. A l'époque, la famille de Charlotte s'était déjà éloigné de lui, si bien qu'il n'avait plus eu de nouvelles du jour au lendemain. Et puis, comme par hasard, il tombait sur elle, ici, à New York. Il était réellement content de ces retrouvailles, et il espérait pouvoir combler le temps perdu aussi vite que possible. Mais peut être que Charlotte avait des choses prévues de son côté, aussi, il ne souhaitait pas contrecarrer ses plans. Au mieux, il lui demanda son numéro de téléphone pour la joindre dans les jours prochains.

"Tes parents?"

Mais trève de bavardage, il fallait changer d'endroit avant que Mercy ne pète un plomb. Il y avait trop de monde, trop de gens qui marchaient et qui ne faisaient pas attention à où ils mettaient les pieds. Alors, Charlotte lui avertit qu'elle avait seulement à faire quelques achats et qu'elle revenait. Il ignorait si c'était vrai mais il n'insista pas et la laissa partir en l'attendant patiemment. Heureusement, la jeune femme revint bel et bien, rayonnante. Elle demanda s'ils pouvaient y aller et lui demanda également de lui raconter ce qu'il avait bien pu faire en l'espace de douze ans. Mercy échappa un rire et se mordit la lèvres inférieure tandis qu'il la dévisageait de haut en bas.

"Tout doux Renard! On va se dire ça autour d'une bonne bière! T'es déjà monté à moto? Suis moi!"

Il fit volte face et la conduisit jusqu'à sa moto. Il sortit de sous le siège deux casques et lui en tendit un, ainsi qu'un veste en jean qu'il gardait au chaud au cas où. Ça n'était pas forcément stylé mais ça éviter les blessures graves en cas d'accident.

"Met ça sur la tête, je suis d'habitude prudent en moto, mais on ne sait jamais. On est pas à l'abri d'un accident."

Il enfila son propre casque et monta dans le véhicule tout en attendant que sa nièce en fasse de même.

"Prête?"

Il actionna la clé dans le démarreur et démarra une bonne fois pour toute.

Charlotte regarda longuement son oncle, d'un air dubitatif. Il n'avait pas l'air au courant, de tout ce qu'il s'était passé. De toute cette violence, de cette maltraitance. Il n'était pas au courant de cette horreur, qu'elle avait vécu, au sein de son propre foyer et par ses propres parents. « C'est... une longue histoire », murmura-t-elle, ses yeux se remplissant de tristesse. Elle n'aimait pas aborder ce sujet, mais il faudrait qu'elle le mette au courant. Il avait le droit de savoir, pourquoi elle avait disparu, parce qu'il devait avoir des questions. « On parlera d'eux quand on sera dans un endroit calme, d'accord ? ». Trop sensible, comme sujet, pour qu'elle puisse en parler dans la rue.

La rouquine fit un sourire, attrapant le casque de ses mains pâles. « Ouais, je suis déjà montée sur une moto », répondit-elle avant de le mettre sur la tête et de grimper. Elle passa ses bras autour de lui, le laissant conduire. Elle posa sa tête dans son dos, regardant ce qui défilait sous ses yeux, repensant à ce qu'il s'était passé, il y a douze ans. Quelques larmes s'échappèrent de ses yeux. Revoir son oncle, ça la replongeait dans des souvenirs envahissants. Quand ils s'arrêtèrent, elle descendit de la moto et retira le casque de sa tête, regardant son oncle avec un léger sourire. Il fallait qu'elle chasse ses mauvaises pensées, pour espérer passer un moment correct avec le seul qui lui avait donné de l'amour lorsqu'elle n'était qu'une enfant. Pourtant, elle sentait sa poitrine se serrer à chaque respiration.

Elle regarda autour d'elle, ses yeux bruns scrutant l'endroit où il l'avait emmené. « Où est-ce qu'on est ? », demanda-t-elle d'une voix remplie de curiosité, une moue s'installant sur ses belles lèvres. Cette moue, adorable et tendre qu'elle avait lorsqu'elle n'était qu'une enfant et qui faisait toujours craquer son oncle.  

Visiblement, Mercy avait touché la corde sensible. A ce qu'il en déduisait, il s'était passé quelque chose entre Charlotte et ses parents qu'il ignorait encore et il ne savait pas s'il avait envie de savoir. Quoique, il était bien trop curieux pour laisser passer ça. Il allait peut être s'énerver, mais qu'importe. Quelque chose touchait fortement Charlotte, c'était certain, il fallait voir son expression de tristesse qu'elle arborait soudainement. Il planta ses yeux droit dans les siens et eut un petit sourire.

"Je vois. Tu as raison, ce n'est pas l'endroit idéal pour en discuter."

Et puis, il avait des choses à lui dire aussi en ce qui le concernait. Des choses dont il n'était pas spécialement fier mais toujours à raconter. Il n'avait rien à cacher lui, on pouvait lire en lui comme dans un livre ouvert. Il avait beau faire son fier la plupart du temps, il ne se gênait pas pour exprimer son ressenti.
Il l’entraîna jusqu'à sa moto où il lui demanda si elle était déjà monté sur l'un de ces engins et elle répondit à l'affirmative. Mercy arqua les sourcils de surprise, il était agréablement surpris à vrai dire. Imaginer sa nièce sur une moto la rendait incroyablement sexy.

"Ooooooouh, vraiment? Et t'as aimé ça?"

Après quoi, il chevaucha sa moto et la démarra. Il était encore un peu chamboulé d'avoir retrouvé sa nièce après toute ces années sans qu'il ne l'ait vue et eut encore plus d'espoir pour retrouver sa fille. Si ça se trouve, il allait la croiser au coin d'une rue elle aussi. Mais c'était déjà un bon début. Il aimait les retrouvailles, ça apportait un peu de chaleur dans son petit cœur.
Il roula jusqu'à près du port de Brooklyn et se gara dans le parking. Il n'y avait que peu de moto, ce qui n'était pas très étrange vu qu'ils n'étaient qu'en début de soirée. Les autres devaient travailler ou vivre leur vie comme bon leur semblait. Après tout, il n'avait pas prévu de s'arrêter là au départ. Il descendit de la moto, ota son casque et attendit que sa nièce en fit autant. Elle demanda où ils se trouvaient, et il fallait dire, l'endroit n'avait pas l'air trop rassurant d'un point de vue extérieur.

"Dans un endroit très spécial pour moi" admit-il fièrement. "Allez viens, suis moi, n'aie pas peur."

Il s'avança jusqu'à l'entrée du bar. L'insigne désignait le nom, Coyote Creek, qui commençait à se faire vieux. Lorsqu'il entra à l'intérieur, les quelques personnes dans la salle se tournèrent vers lui. Mercy frappa à deux reprise contre son torse et les autres en firent tout autant à son adresse.

"Tu vois ça Renard, c'est ce qu'on appelle le respect."

Il s'avança de quelques pas tout en posant une main sur l'épaule de sa nièce.

"Les gars... et les filles... je vous présente Charlotte, c'est ma nièce" annonça-t-il fièrement en la désignant. Les Coyotes présents dans la salle eurent tous un grand sourire et saluèrent Charlotte les uns après les autres. Puis Mercy fit un signe de la main à la barman et s'installa à une table près de la fenêtre.

"Voilà, ici on est bien. C'est un peu ma table à moi" confia-t-il, le sourire aux lèvres. Un serveur s'approcha d'eux et Mercy commanda une bière.
"Et toi, tu voudras quoi Renard? Un jus de pomme?" se moqua-t-il.

Charlotte descendit de la moto, parfaitement à l'aise sur cet engin. A vrai dire, elle avait son permis de moto. Tout ce qui lui restait à faire, c'est d'acheter une maison avec un garage pour avoir la sienne. C'était un moyen de transport rapide et qui avait de la classe. Il fallait avouer qu'elle aimait bien les vestes en cuir, aussi. Ça lui allait bien, à ce qu'il paraît. Mais ça, c'était son secret. Elle ne voulait en parler à personne, de son petit projet. Pourquoi ? Pour aucune raison, juste parce qu'elle avait envie de garder quelque chose pour elle et que toute sa vie ne soit pas de notoriété publique, comme c'était déjà le cas avec sa vie de danseuse. Si elle commençait à parler de quelque chose sur elle, ça ne mettait pas longtemps à se savoir dans le milieu.

La rouquine tendit le casque à son oncle, le suivant jusqu'à l'intérieur. Ça semblait être un bar et vu comment il en parlait, il allait d'y tenir. Tout comme elle tenait aux studios de danse. C'était important, d'avoir son endroit de paix. En tout cas, ça l'était pour Charlotte. Et ça semblait être le cas pour son oncle, ou toutes les personnes dans la salle. « Wow », dit-elle doucement, avec un léger sourire aux lèvres. Ça semblait être un salut, comme un groupe. Un clan, ou un gang. Elle ne savait pas trop. Mais ça semblait important pour Mercy, donc elle respecterait ce qui semblait être une nouvelle famille pour lui. Et il la présenta à tout le monde, comme s'il les prévenait de ne pas toucher à elle. Charlotte hocha discrètement la tête en signe de salutation et suivit son oncle à une table. Pourtant, une fille au fond de la salle, attira son attention. Elle était belle, très belle. Elle lui fit un léger sourire et reporta son attention sur Mercy.

« J'ai 25 ans ! », précisa-t-elle d'une voix indignée, après avoir frappé son épaule. « Mais je ne vais pas prendre d'alcool, je n'en bois plus beaucoup et je préfère rester lucide pour nos retrouvailles ». Menteuse. Elle avait trop mal au ventre pour boire quelque chose d'alcoolisé et savait que ça lui provoquerait des crampes plus grosses qu'elles ne l'étaient déjà.« Un jus de pomme, ça ira ».

La jeune femme s'adossa correctement au dossier de la chaise en regardant son oncle, les moments qu'ils avaient passés revenant. « Tu as vachement de cheveux blancs, maintenant », plaisanta la rouquine, avant de baisser les yeux et de prendre une inspiration. « Tu sais, pour mes parents... Je leur ai été retirée par les services sociaux, quand j'avais douze ans. Ils ont perdu ma garde pour maltraitance, je suis restée un an dans un foyer avant d'être adoptée par un couple gay ». Et elle n'irait pas dans les détails, sauf s'il demandait. Il avait le droit de savoir. Il avait le droit de savoir ce qu'il s'était passé et avec qui elle avait grandi par la suite.

Il y avait beaucoup de chose à dire et ils étaient arrivés à l'endroit idéal pour discuter. L'enseigne était peu invitante, il faut dire qu'elle visait un type de client en particulier. Il y avait parfois des intrus qui venaient, mais ils étaient peu nombreux, même si on les servait quand même.
Mercy eut une immense satisfaction à la réaction de sa nièce lorsqu'elle réagit sur leur salutation. Il était vrai que c'était peu commun, mais les bikers étaient vraiment soudés entre eux et avaient leur rituels. Ils n'étaient pas comme tout les groupes de bikers qui existaient, ils avaient fondés leur propres codes d'honneur, dans le respect et la sympathie.
Puis, au moment de commander, Mercy avait plaisanté en lui suggérant un jus de pomme, Charlotte lui donna un coup à l'épaule en lui rappelant qu'elle avait vingt cinq ans et qu'elle avait passé l'âge pour ça. Mais elle n'était pas très chaude pour de l'alcool alors elle se contenta bel et bien d'un jus de pomme. Les boissons ne tardèrent pas à arriver et Mercy commença à boire à la bouteille directement sa bière. En attendant, Charlotte lui fit de drôle de révélations. Enfin, si on pouvait les considérer comme drôle. Surprenante, serait plus juste. Apparement, elle avait été retirée de ses parents pour maltraitance et ensuite adoptée par un couple gay. Mercy manqua de peu de recracher ce qu'il était en train de boire tant il était surpris.

"Quoiiiiiiiiiiiiiiii?" avait-il dit, pour être certain de pas avoir mal entendu. Il faut dire qu'il était sourd d'une oreille, mais il était à peu près certain d'avoir compris le sens des phrases de Charlotte.
"Mais, je. Whouaouh."

Il ne savait plus quoi dire là tout à coup. Il avait l'impression soudaine que c'était sa faute parce qu'il n'avait pas été là et que si ça avait été le cas, ce serait lui qui l'aurait adoptée.

"Maltraitance? Carrément? Et qu'est ce que tes parents te faisaient exactement?"

La question était sortie toute seule. Il était bien trop ahuri pour s'arrêter en si bon chemin.

En voyant l'étonnement de son oncle, Charlotte su qu'il n'était pas au courant. Elle n'en avait pas douté, mais ça lui confirmait à cent pour-cent, qu'il ne savait rien de toute cette histoire. Et, il en voulait plus. Pour le plus grand malheur de Charlotte, parce qu'en parler, c'était toujours douloureux. Même après tout ce temps. « Je... Quand j'étais petite, ils étaient extrêmement exigeants, avec moi. A la maison, s'il y avait une moindre petite erreur de commise, je devais réciter la Bible, à genoux dans le placard de ma chambre. Ça pouvait passer d'une mauvaise position à table ou d'une note en dessous de A, à l'école. Et plus l'erreur était grosse, à leurs yeux, plus ça allait loin. J'en ai eu jusqu'à avoir des coups de ceinture dans le dos... ». Elle baissa les yeux, c'était toujours difficile d'en parler parce que ça lui avait causé beaucoup de traumatismes. La claustrophobie, par exemple. Ou le fait de ne jamais être assez parfaite, peut-être lié à un manque de confiance en elle. « C'était toujours à l'abris des regards, pour qu'ils puissent garder leur merveilleuse réputation et que mon père puisse rester pasteur. Il y tenait à ce statut, à ce pouvoir. Et puis... ». Elle n'osait même plus regarder son oncle, ayant trop honte et trop mal. « Un jour, ils m'ont surpris en train d'embrasser une fille et ils m'ont battu, presque à mort. Le lendemain, je me retrouvais à l'hôpital et ma garde leur était retirée. J'ai été adoptée, un an plus tard et ce couple, les Mills, ils m'ont sauvé la vie. C'est eux, mes parents... Je leur dois absolument tout ». Elle eut un léger sourire, en parlant de ses pères. Ils étaient ses sauveurs. Sa famille. Elle avait beaucoup de rancune, lorsqu'elle parlait de ses parents biologiques et beaucoup d'amour, lorsqu'elle parlait de sa famille adoptive.

La rouquine but une gorgée de son jus de pomme, reposant son verre sur la table. Elle regarda, du coin de l'oeil, la fille au bar, avant de reporter son regard sur son oncle. « Je n'ai pas voulu garder contact avec ma famille, parce qu'à ce moment là, je croyais que tout le monde était au courant et m'avait laissé avec eux. J'avais tellement de colère et de tristesse en moi...et plus tard, je me suis rendu compte qu'ils avaient fait ça dans le dos de tout le monde et c'était trop tard pour reprendre contacte avec qui que ce soit. Je pensais qu'on m'avait oublié. »

Fut un moment où Mercy n'avait plus eu de contact avec sa soeur et sa famille. Ils avaient disparu dans la nature soudainement, et Mercy n'avait pas cherché plus que cela à les retrouver. Il avait pensé que sa soeur lui en voulait de quelque chose au point de ne plus vouloir lui adresser la parole ou quelque chose dans ce goût là. D'ailleurs, leur père n'avait pas eu de nouvelles plus que cela non plus. Cela avait été bien triste parce que Mercy s'était attaché à sa soeur ainsi qu'à la petite Charlotte qu'il appréciait comme sa fille. Mais la vie avait été ainsi faite et comme il avait eu une vie à mener, il ne s'était pas penché plus que cela.
Seulement voilà, les révélations que lui fit Charlotte le mit hors de lui. Il avait cessé de boire tout en l'écoutant raconter ses malheurs et il l'observait avec intérêt. Bien sûr, il comprit à quel point c'était difficile pour sa nièce de lui dire tout cela parce que cela l'obligeait à se plonger dans des souvenirs douloureux. Mais maintenant, Mercy se rendait compte à quel point il était passé à côté de quelque chose. A quel point la vie de sa nièce avait pu être un enfer. Elle avait été maltraitée tout le long de sa vie jusqu'à ce que les services sociaux n'agisse enfin. Et il ne pouvait que la comprendre sur ce point là. Mercy n'avait pas eu cette chance là, lui, avec son père. Personne n'était venu à son secours lorsqu'il s'était reçu des coups. Tout comme Charlotte, ça avait été fait dans le secret le plus total.

"Renard.. Charlotte... Je..."

Il ne savait pas quoi lui dire. Il l'avait écoutée tout le long sans l'interrompre, essayant d'accuser la nouvelle sans se fâcher. Il était plutôt calme mais intérieurement, il bouillonnait.

"Je suis désolé pour ce qui a pu t'arriver ma puce. Si j'avais été là... Ca ne se serait pas passé ainsi. J'espère que tu me pardonneras."

Il se sentait coupable soudainement d'avoir perdu contact avec sa sœur et le reste de sa famille. Il aurait pu prendre Charlotte sous son aile durant tout ce temps.

"Je vais entretenir une conversation sérieuse avec ma sœur. Je ne garanti pas que je serais très calme à ce moment là. Ma soeur est... enfin. Elle devrait savoir c'que c'est. J'ai du mal à comprendre" dit-il en serrant le poing. Il but une nouvelle gorgée de bière avant de reposer la bouteille sur la table. Il observa par là où Charlotte regardait tantôt, puis il sourit et lui demanda, curieux :

"Qu'est ce qui t'intrigue comme ça?"

« Non, ne t'en veux pas », répondit Charlotte en posant sa main sur celle de son oncle, ne rompant pas le regard entre eux. « Personne n'a réussi à le voir, ils étaient très forts pour le cacher. Je t'en ai voulu à l'époque, c'est sûr... mais plus maintenant ». Elle soupira, elle s'était sentie trahie, lorsqu'elle n'était qu'une enfant. Quand Mercy passait à l'improviste et qu'il l'emmenait en week-end chez lui, la laissant s'amuser aux côtés de sa cousine, Charlotte était la plus heureuse. Il n'y avait pas d'endroit plus apaisant et reposant pour son corps et son esprits martyrisés par des tyrans...mais à chaque fois qu'il la ramenait à ses parents, ça avait été une trahison de plus. Il la ramenait à ces monstres, en pleine conscience de ce qu'il se passait. Ce n'est que plus tard, lorsqu'elle y avait vu plus clair, qu'elle avait compris qu'il n'était pas au courant à cette époque. Parce qu'elle avait fini par comprendre qu'il l'aurait emmené loin, s'il l'avait su.

Charlotte serra sa main dans la sienne, un sourire triste étirant ses lèvres. « S'il te plait, n'en parle pas. Je ne veux pas qu'ils sachent où je suis, que je suis en contact avec toi. Je ne veux plus avoir à faire avec eux... ». Ça serait la pire des tragédies, si elle se retrouvait nez à nez avec eux. C'était quelque chose qu'elle ne voulait pas, parce qu'elle ne savait pas comment elle réagirait, mais surtout parce qu'elle avait réussi à construire sa vie sans eux et qu'elle voulait qu'ils en sortent. Définitivement. « Par contre, je pourrais te présenter mes parents adoptifs », ajouta-t-elle avec un regard plus doux et plus calme. Elle aimait parler d'eux.

Quand il lui demanda ce qui l'intriguait, ses joues se mirent à prendre une couleur légèrement rosée, un petit sourire gêné étirant ses lèvres pâles. « Euh », hésita-t-elle, avant de reposer son regard sur la barman. « C'est qui cette fille, au bar ? ». Oh merde. Pourquoi, elle avait demandé ça, à son oncle ? Mais...Cette fille lui plaisait vraiment beaucoup. Même de loin, sans lui avoir adressé la parole et sans la connaître.

Avoir appris toutes ces choses qu'avaient subie Charlotte par sa soeur et son mari lui donnait des frissons partout dans le corps. Comment c'était possible qu'une telle chose avait eu lieu sans même qu'il ne s'en rende compte? Pourtant, il était bien placé pour savoir c'que c'était. Et sa soeur avait été au courant à l'époque. Alors pourquoi? Ca lui échappait totalement. Il se disait que son fichu métier l'avait fait rater bien des choses et que s'il pouvait retourner en arrière, il ferait sa vie autrement. Mais ainsi étaient faites les choses, il était impossible de remonter dans le temps désormais. Aussi, il n'était pas surpris que Charlotte lui en ai voulu autrefois, lui même se culpabilisait.

"Je ne sais pas si je me le pardonnerais. Mais d'accord" dit-il.

Aussi, lorsque Charlotte lui fit part de son envie de ne plus avoir rien à faire avec ses parents, Mercy ne pouvait que comprendre. Pourtant, Mercy avait vraiment envie d'en découdre avec sa soeur, de ne pas laisser cette histoire en suspens, mais il respectera la volonté de sa nièce avant tout.

"D'accord, si tu veux. Il faut que tu saches que je ne comprend moi même pas ma soeur. Elle sait... elle sait c'que c'est. Tu n'es pas la seule à avoir subi des atrocités tu sais" dit-il d'une petite voix avec un regard déterminé.
Il se souvint de lorsqu'il était beaucoup plus jeune, avoir subi les coups de son père, se faire insulter en permanence et tout ce qui allait avec. Ca n'avait pas été une période facile pour lui mais il avait appris à tourner la page. Être entré dans un camp militaire l'avait adoucit et permis de trouver sa voie. Aujourd'hui, il n'avait plus du tout de nouvelle de son géniteur et c'était mieux ainsi.
Ainsi, lorsque Charlotte proposa de le présenter à sa nouvelle famille, Mercy secoua la tête.

"Ce serait avec plaisir." répondit-il avec un sourire sur les lèvres.

Puis, voyant que Charlotte semblait perturbée, il lui demanda ce qui l'intriguait tout en se tournant vers là où Charlotte semblait regarder. Alors, Charlotte lui demanda qui était la fille au bar, Mercy réprima un fou rire.

"C'est Tallulah. Un joli brin de fille, je l'accorde. Pourquoi?" demanda-t-il, amusé.