La tête lui tournait mais aucune mauvaise pensée n’occupait son esprit, simplement cette euphorie qu’elle ne cessait de rechercher en consommant sans compter. Une soirée qui aurait dû s’arrêter après deux bons verres, mais l’idée de rejoindre son appartement vide de toute chaleur humaine lui avait saisi les tripes et elle avait fini par faire marche arrière. Il était ridicule de conserver cette peur d’enfant, cette peur d’un abandon et d’une solitude non souhaitée, Soledad n’avait jamais demandé pareil châtiment. Alors elle avait saisi son téléphone pour appeler ses amis habitués du bar, son doigt planant de longues minutes au-dessus du nom de celle qu’elle désirait, mais elle avait fini par se raviser à la dernière seconde. Les verres s’étaient alors enchaînés sans qu’elle ne prenne le temps de les compter et la voilà dans un taxi pour rejoindre la blonde. Qui aurait pu croire tout ceci ?

Elle avait été rassurée lorsqu’Hope avait gobé le mensonge de l’erreur d’appel. Parce que oui, dans un élan de courage, Soledad avait eu la stupide idée de la joindre pour lui donner le fond de sa pensée. Heureusement pour elle, un charmant latino l’avait invité à danser et l’avait empêché de se brûler les ailes. Et puis vint les messages et là, clairement, elle avait perdu toute notion de raison pour laisser son cœur ivre s’exprimait. La tête lui tournait mais aucune mauvaise pensée n’occupait son esprit. Il n’était plus question de se préoccuper de ce qu’il se passerait quand elle foulerait à nouveau le sol. Elle avait simplement eu cette envie dévorante de la voir, de combler ce vide qui la rendait malade, il était ridicule de sa part de penser ainsi, mais Hope était celle qui avait su la faire sourire.

La voiture ralentit doucement et le chauffeur se tourna dans sa direction. D’un geste presque raté, Soledad lui donna quelques billets – sûrement trop – mais son esprit était bien trop embué pour qu’elle ne le remarque. Une fois dehors, elle inspira profondément l’air souillé du Queens et s’étira de tout son long dans un rire bête mais surtout nerveux. L’ivre Soledad n’avait plus qu’à foncer tête baissée vers cette fille qui la rendait bête non ? La tête lui tournait mais aucune mauvaise pensée n’occupait son esprit. Un sourire béat étirait ses lèvres alors que la latina se tournait vers la magnifique femme aux cheveux d’or. « Hoooooooooope j’ai survécu ! » brailla-t-elle en brandissant les poings en l’air. Dans de grandes enjambées, elle la rejoignit.

Elle entendit à peine sa deuxième phrase qu’elle lui bondit au cou pour une étreinte. Hm chaleur, c’était plutôt agréable avec ce froid de canard. « T’en fais pas… Je suis la discrétion incarnée. » murmura-t-elle avant de pouffer de rire, rire qu’elle étouffa contre l’épaule de son amie. « J’ai soif. » Ajouta-t-elle, plantant son regard dans le sien avec un sourire malicieux. « D’eau. J’ai soif d’eau. » Oui, malgré son amour pour la tequila, l’envie de vomir l’empêchait d’en désirer plus pour ce soir.

Si ça allait ? Elle avait presque envie de rire à cette question mais c’était ruiner le tympan de son amie qui se trouvait là alors Soledad se contenta de pouffer et d’acquiescer timidement contre elle.  Il était fini le temps de la grande adulte indépendante et raisonnable lorsque l’alcool coulait dans ses veines, revenait l’adolescente qui avait toujours ce besoin de tester les limites pour intéresser la galerie. C’était pas comme si elle avait déjà fait de la garde à vue pour avoir ruiné la maison de ceux qui l’embauchaient parce que leur fille avait refusé ses avances.

Elle suivit alors la blonde au sein du Hall de l’immeuble et son regard s’amusa à découvrir le nouveau lieu comme s’il s’agissait d’un musée. « Bien chef. Direction l’appartement du chef. » pouffa-t-elle en faisant bien attention à mettre un pas devant l’autre, manquerait plus qu’elle se vautre devant elle telle une baleine échouée. Hors de question qu’elle se ridiculise face à cette beauté des îles, ça serait ruiner toutes ses chances. Bon, certes, il y avait le fiancé, mais c’était un détail mineur pour son cerveau embrumé par l’alcool. Elle n’avait même pas pris la peine de demander si monsieur serait là ce soir, au pire, elle roulerait des épaules pour montrer qui était le chef. Oui, Soledad avait définitivement abusé de la tequila. Un pas devant l’autre et les voilà dans l’ascenseur où elle s’empressa de s’appuyer contre le mur pour cesser de tanguer un minimum. Fêter ? Tiens qu’est-ce qu’elle avait fêté ce soir ?

« Les retrouvailles avec Debbie ! » lâcha-t-elle sans se rendre compte qu’elle n’avait pas forcément envie de divulguer cette information. « Une amie du Outpost. » continua-t-elle pourtant, ne sachant pas encore qu’elle se haïrait le lendemain. « C’était super sympa même si je savais plus trop où elle était à la fin de la soirée. » Fallait dire que la soirée n’avait pas tardé à dégénérer pour la latina qui n’avait eu qu’une seule envie. Boire. Bon, elle avait été raisonnable au début, se disant qu’elle nourrirait son chat en rentrant et ronflerait devant une télénovela, mais rapidement, elle avait perdu la notion du temps et du nombre de verres engloutis. De ses pouces, elle appuya sur ses paupières pour calmer les quelques vagues tournis puis sourit à la blonde comme si de rien n’était. « J’espère que je te dérange pas trop dans ton planning de soirée. » Ses yeux parcoururent la tenue de la pauvre Hope dans un haussement de sourcils. « Sympa ton pyjama, tu me le prêtes ? »

Il n’y avait clairement pas qu’une Debbie dans toute la ville, donc pas de stress, il suffisait simplement d’esquiver la potentielle question. Ce qu’elle fit avec un large sourire des plus innocents, sourire qui finalement la trahissait énormément mais elle ne ferait aucun commentaire sur la chose, tout était à mettre sur la faute de trop nombreux shots de tequila ingurgités. D’ailleurs, Hope lui fit remarquer mais Soledad se contenta de lui tirer la langue comme tout argument et glissa son regard sur les étages qui défilaient. Si ça pouvait aller plus vite, elle commençait sérieusement à galérer à tenir sur ses jambes et Hope n’allait sûrement pas accepter de supporter son poids plume très longtemps. « Dommage, mais merci pour le pyjama. » conclua-t-elle, lui donnant un petit coup d’épaule comme remerciement. Si Soledad était d’ordinaire tactile, l’alcool faisait d’elle un ours en peluche ingérable. Mais pour l’instant, elle arrivait à se contenir. Enfin, surtout parce que la blonde ne lui donnait pas simplement de câlins platoniques. Oups. Grillée.

Elle jeta un regard curieux dans le couloir avant de suivre les ordres de son hôte et de quitte – à sa suite – l’ascenseur. C’était clairement calme à cette heure et Soledad devait contenir son envie de chanter pour réveiller tout ce beau monde. Ses dents mordirent l’intérieur de sa joue pour contenir les quelques paroles espagnoles qu’elle avait en tête. « Merci jolie demoiselle ». répondit-elle non sans balancer çà et là des coups d’œil curieux dans le logement. Enfin pourrait-elle poser son museau sur la face de son concurrent. Le méchant fiancé. L’envie de se jeter dans le canapé fut balancé dans un coin du cerveau pour être remplacé par la forte envie d’enquêter.

Elle put entendre la jolie blonde lui servir un verre d’eau, génial parce qu’elle avait la gorge sèche et pas qu’à cause de l’alcool. Malheureusement pour elle, la latina avait fait main basse sur une photographie d’un couple tout sourire et visiblement heureux. Et merde, en plus, cet inconnu était loin d’être un laidron, il était même carrément joli garçon. Son cœur se recroquevilla sur lui-même alors que le regard ne cessait de fixer cet homme qu’elle ne connaissait pas mais qui était bien plus chanceux qu’elle. « Mal. » Oui. Elle se sentait mal dans tous les sens du terme. Presque sèchement, elle reposa la photo et se tourna vers son amie, un sourire amer plaquait sur le visage. Elle détestait ce gars qui l’empêchait de connaître le bonheur. Elle détestait ce gars qui lui donnait l’impression de faire quelque chose de mal. Elle le détestait tout court.

Soledad attrapa le verre d’eau et rejeta la tête en arrière pour le boire d’une traite. « Mais je suis loin d’être fatiguée, tu veux vraiment dormir ? » Bon certes, elle était en pyjama et n’avait pas passé sa soirée à danser et à boire comme elle, donc oui logiquement, elle avait envie de dormir. Mais franchement, elles étaient toutes les deux, chose rare depuis leur repas composé de pizza et Soledad avait rêvé de l’avoir pour elle une nouvelle fois. « D’ailleurs. » Une idée assez brumeuse, mais une idée quand même. « C’est pas moi qui ai gagné notre stupide compétition ? t’es pas genre obligée de regarder She Ra avec moi ? » Elle posa ses deux mains sur les épaules de la blonde – après avoir posé le verre- pour plonger son regard dans le sien.

Passer une bonne soirée. Voilà l’objectif qu’il fallait se fixer. Soledad devait voir l’absence d’Owen comme une merveilleuse opportunité et non songer à son royal fessier posé dans le même lit que cette fille qu’elle appréciait un peu trop. Voilà. Positif. L’alcool aidait à penser positif. Pas mal. Alors, il n’était pas question de se glisser tout de suite dans les bras de Morphée, mais de tâter le terrain, de frôler les crevasses et voir si la pierre s’effritait à son toucher. La latina jouait avec le feu, elle le savait très bien mais qu’est-ce qu’elle se foutait du regard du Divin sur ses actions ? Elle ne croyait plus en son bon cœur de toute manière.

Elle brandit les poings en signe de victoire et regarda son amie s’éloigner, un sourire bête sur les lèvres. Jamais elle n’aurait pensé finir la soirée avec cette fille-là. D’ordinaire, elle aurait fait main basse sur une jolie inconnue pour imaginer un tout autre visage pour parvenir au paroxysme de son plaisir. Sinon pleurer de sa solitude avec la pauvre Catra dans ses bras. Mais finir dans le canapé d’Hope à regarder leur dessin animé, non franchement, un scénario fraichement improvisé. Elle sifflota en attendant et attrapa le pyjama qu’on lui tendit. « Merci joli cœur. » lâcha-t-elle en lui glissant un baiser frivole sur la joue. « Autre chose ? Pourquoi pas un petit verre et de quoi grignoter ? » proposa-t-elle en lui offrant un clin d’œil. « Et ne viens pas m’espionner ! » Une phrase jetée comme ça alors qu’elle fermait la porte derrière elle.

Les mains se posèrent sur le lavabo et les yeux fatigués se posèrent sur le reflet du miroir. Elle se rassura de sa  beauté, s’attacha les cheveux et trouva de quoi se démaquiller. Elle avait de quoi plaire physiquement Soledad, mais qu’en était-il de sa beauté intérieure ? La fameuse que l’on complimentait à ceux peu à l’aise physiquement ? Elle ne voulait pas l’avoir pour une nuit. Elle ne voulait pas se contenter d’embrasser et chérir son corps. Non. Elle voulait la voir sourire, la voir rire, la voir intéressée par des sujets qu’elle partageait. « Bordel Soledad, fais pas l’enfant. » Elle s’aspergea un peu le visage d’une eau glaciale puis rejoignit Hope. Enfin.

Soledad bondit par-dessus le canapé, se vautra royalement par terre à cause de son équilibre précaire et redressa la tête l’air de rien. Bon. Elle vint s’asseoir sagement sur le canapé et tapota à côté d’elle. « Allez viens Adora, n’aie pas peur de moi. » se moqua-t-elle.

Personnellement, Soledad avait déjà oublié sa chute pour se focaliser entièrement sur sa comparse. L’effet de l’alcool n’était pas prêt de s’estomper et n’aidait en rien à calmer ses pensées passionnées. Si elle s’écoutait réellement, ses lèvres seraient déjà sur celles de la blonde pour y goûter maladroitement, mais il y avait toujours cette peur de se faire rejeter qui grondait dans son ventre et elle prenait son mal en patience, encore et encore. Un ricanement fit vibrer sa gorge et elle ne répondit pas à la question de son amie, laissant planer le doute sur la raison de ladite peur qui l’habitait.

Il fut obligatoire de se faire violence de ne pas râler en remarquant la distance qu’imposait Hope, elle trouverait très bien un moyen de s’en rapprocher de nouveau. C’était une persévérante Soledad. « J’adore beaucoup ta voix. » Par contre, il n’était pas dit qu’elle retienne ses mots. Déjà moulin à paroles d’ordinaire, il était impossible de laisser les phrases patienter sagement jusque la fin de soirée, oh ça non. « Et je suis bien contente d’avoir gagné. » Nouveau tirage de langue dans sa direction et elle attrapa le verre d’eau pour le vider d’une traite. Elle ne put réprimer une grimace, il aurait été plus agréable de déguster un peu de tequila pour se donner une nouvelle dose de courage. « Merci de te soucier de mon futur mal de crâne. »

Son regard chercha la télécommande afin de débuter le premier épisode de la série et son corps vint faire le mort pour que sa tête puisse s’écraser sur les genoux de la blonde. On ne peut plus agréable. Son odeur chatouillait doucement ses narines, lui offrant la plus agréable des sensations. Il sera difficile de se contenir, mais Soledad était d’avis de tenter le diable. Sa main se posa nonchalamment sur un genou dans une tentative d’équilibre. « Dis toi déjà que t’as pas dû chanter le générique miss. » Pas qu’elle n’aimait pas la musique, mais elle n’était pas fan de ce genre-là. En tout cas, elle était prête à camper sa position et à ne pas bouger. « Maintenant, chut et lance l’aventure. » Ou plutôt la torture.

Il était si étrange pour la solitaire de découvrir une proximité et une chaleur telle sans partager les draps d’une inconnue. Depuis sa rupture, elle peinait à ouvrir son cœur aux autres, passant pour une belle garce auprès de ses diverses amantes, une situation qui commençait sérieusement à la peser mais jamais elle ne demanderait de l’aide, c’était avouer sa faiblesse. Alors elle faisait taire les voix et se contenter de fermer les yeux pour savourer cet instant de flottement. Il était difficile d’expliquer le pourquoi de son attirance pour la blonde, tout comme il était difficile d’expliquer pourquoi elle la respectait contrairement aux autres qui avaient croisé sa route. Peut-être était-ce la fatigue ? L’envie d’en finir avec ce quotidien destructeur ? Un rire saisit sa gorge alors que l’épisode continuait de dessiner ses actions sur l’écran.

Elle ne voulait bouger pour rien au monde mais la question de la belle blonde fit éclater la bulle qu’elle venait à peine de gonfler et ses muscles se tendirent comme pour dresser une véritable muraille autour de son petit cœur fragile. Le rejet, personne n’aimait ça, c’était une évidence, mais Soledad en avait la phobie et le peu de courage qu’elle avait trouvé pour se rapprocher venait de se transformer en cendres dans sa bouche. L’envie de fuir étreignit ses pensées mais elle se fit violence pour ne pas se retirer dans sa tanière. Ce n’était plus une enfant, c’était fini de fuir les conflits, de courber l’échine.

Alors – presque brusquement- sa main abandonna la chaleur de sa cuisse et sa tête se tourna pour se planter dans son regard. Il brûlait un feu de défi dans les yeux de la latina, mais les mots furent prudents et n’affluèrent pas en armée, loin de là. « Hope. » Un ton franc, sûr de lui alors que le cœur tremblait comme une feuille à l’idée de créer un déchirement entre elles-deux. « Qu’est-ce qu’il y a franchement ? » Les lèvres se pincèrent et les bras se croisèrent sur la poitrine. L’euphorie de l’alcool n’était plus et s’était vu devenir amère, presque de trop alors que Soledad avait trimé pour parvenir à ce doux effet qu’elle aimait tant quand elle buvait. « Fallait me le dire si tu voulais pas que je vienne. »

Cette peur de l’abandon, du rejet, finirait par avoir raison d’elle, elle le savait mais n’avait pas encore le pouvoir de reprendre sa vie en mains. Victor avait été son ancre pendant trop longtemps et le savoir à ses côtés avait été une sorte de thérapie, mais ça n’avait jamais été la réelle solution à son problème et elle s’en était bien rendu compte quand il avait dégagé de sa vie sans prévenir. Mais là n’était pas la question, il faisait désormais partir du passé et ne devait plus servir d’excuse et encore mins d’exemple à suivre.

Mais là, actuellement, n’était-elle pas en train de faire la même erreur à s’éprendre d’une fille dont elle ne connaissait presque rien ? L’ombre du mystérieux fiancé ne cessait de planer par-dessus son épaule comme un avertissement et pourtant, Soledad ne cessait de s’enfoncer de plus en plus dans ce marécage de sentiments qu’elle ne pouvait contrôler. L’envie de boire de nouveau lui saisit les tripes, il fallait taire les mauvaises pensées, faire taire la douloureuse vérité. Soledad tombait doucement amoureuse d’une fille qui ne voulait sûrement pas d’elle. « Je comprends. » Les réponses à ses questions n’étaient en rien suffisantes, mais elle n’avait pas plus de courage pour insister et ce fut presque comme une furie qu’elle quitta le canapé. Elle avait besoin d’air, de respirer, de sentir la chaleur de l’alcool dans ses veines.

Elle se passa une main dans les cheveux et ignora sa voix qui surgissait à travers l’écran, cette fameuse Catra qu’elle interprétait et qui ne la représentait que trop bien malheureusement. Faire toujours les mauvais choix dans une quête d’attention, d’affection qui lui manquait tant. Son regard se perdit une nouvelle fois sur une photographie et l’envie de vomir lui prit. « En effet, on ferait mieux de dormir. » Elle croisa les bras et osa enfin se tourner vers elle, un véritable masque sur ses séduisants traits. « Mais je ne devrai pas rester ici, je n’ai pas le droit de désirer… » Les mots se bousculèrent et ne purent former une fin de phrase compréhensible. « … Être lui. »

La douleur avait été trop forte sur le coup pour qu’elle puisse faire taire sa peine, mais à quel prix ? Venait-elle réellement d’avouer son attirance à la blonde sans vraiment s’en rendre compte ? Comprenait-elle l’impact d’une telle chose ? Soledad n’avait pas envie de réfléchir, de prendre du recul, elle était fatiguée, tout simplement.

Ce fut la réaction de Hope qui lui fit comprendre que les mots n’étaient pas simplement dans sa tête, mais s’étaient échappés de sa bouche. Ses yeux s’écarquillèrent face à une telle révélation et la peur lui tabassa les tripes. Comment avait-elle pu dire une telle chose sans le remarquer à la seconde ? Comment allait-elle agir désormais ? L’envie de boire devenait de plus en plus forte, tout comme cette envie de disparaître six pieds sous terre. Elle ne voulait pas se faire rejeter ce soir et pourtant, Soledad venait de se jeter la première pierre.

Ses doigts se perdirent dans ses cheveux comme pour y trouver un ancrage, comme pour ne pas perdre pieds. Mais le mal était déjà fait et la latina ne pouvait qu’assumer les conséquences. Les questions fusèrent aussitôt et les dents attaquèrent l’intérieur des joues pour empêcher la panique de s’exprimer. Bien sûr qu’elle voudrait être à la place d’Owen, tout serait bien plus simple en cet instant. Il n’y aurait pas de rempart pour venir baiser ses lèvres tentatrices, pour enserrer sa taille et basculer avec elle dans un monde rien qu’à elles, mais ceci n’était que rêverie. Il n’était pas possible de devenir cet homme qui avait capturé la seule femme à animer son cœur d’une telle manière. Comment Hope pouvait-elle balayer un tel sujet du revers de la main?

Le reste des phrases n’était que brume dans cette tempête qui habitait son crâne. Les pensées étaient tels des éclairs qui se fracassaient sur des envies qui refusaient d’être contenues et la raison se laissait emporter par les pulsions qui se montraient bien trop fortes. Le silence vint poser son royal postérieur sur son trône et fit taire les bruits de sa couronne. Soledad vint jeter un coup d’œil par-dessus son épaule alors que les dernières vapeurs d’alcool inspiraient ses dernières actions. Lentement, elle fit face au dossier du canapé, une drôle de flamme dans le regard. « Owen. » murmura-t-elle, dans un souffle presque désespéré.

Ses doigts se posèrent sur les joues presque brûlantes de sa comparse alors qu’elle venait doucement faire basculer sa tête vers elle. Les regards se rencontrèrent dans un éclat de pure surprise dans un instant de flottement qu’aucune ne pouvait interpréter. « Je le jalouse terriblement. » conclut-elle avant de se pencher vers la blonde dans un dernier élan de courage, scellant cette révélation d’un baiser volé.

Elle aurait voulu que l’instant soit éternel. Elle avait tant espéré connaître le goût d’interdit de ses lèvres et voilà qu’il n’était plus question de le rêver, mais de la réaliser. La peur d’un rejet continuait de vriller dans son cœur, mais elle préférait royalement l’ignorer dès lors qu’elle sentit la main d’Hope se perdre contre elle. Son épiderme frissonna sous ce brûlant toucher et elle crut bien prendre la chose pour acquise.

Ses songes avaient été créatifs, imaginatifs pour créer ce petit monde où elle aimait se perdre lorsqu’elle avait sommeil. Il n’était pas toujours question de parcourir son corps de sa bouche ou de ses doigts avides, mais de simplement connaître la forme de son corps contre la sienne quand elle ne voulait pas quitter le lit. Soledad n’avait pas osé placer des barrière pour se protéger de ses envies bien trop envahissantes et peut-être qu’elle le regretterait amèrement.

Le froid vint embrasser subitement ses lèvres et la peur l’étreignit puissamment pour l’empêcher de fuir trop brusquement. Le rejet, la chose qu’elle craignait le plus au monde se déroulait alors qu’on lui avait offert l’aperçu d’une vie souhaitée. La chute fut plus que douloureuse et elle put sentir les larmes emplir ses yeux fatigués d’admirer une femme qu’elle ne pouvait aimer. « Je… »

Quelques pas en arrière, les mains tremblantes se réfugièrent dans les poches de son pantalon et les dents mordillèrent la lèvre pour empêcher les mots de s’en échapper trop violement. « Je suis désolée… ». Comment avait-elle pu ? Les images de son ancien fiancé lui revinrent en mémoire et les larmes finirent par inonder ses joues. Elle finissait toujours par tout gâcher et il n’était plus possible de revenir en arrière. Pourquoi avait-elle eu la bêtise de contacter son amie alors qu’elle savait pertinemment qu’elle ne pourrait pas s’empêcher de tenter quelque chose ?

Le regret gonfla dans sa gorge alors qu’elle cherchait désespérément son téléphone et sa veste. Il n’était pas possible de rester ici, pas après qu’elle eut violé la pérennité d’un couple heureux. Non. Qu’avait-elle fait ? Elle qui avait failli ne pas survivre au départ de son fiancé, voilà qu’elle venait détruire des fiançailles par pur égoïsme. « Ca…Ca n’arrivera plus. » Elle ne laissa aucun instant à Hope pour répondre et claqua la porte derrière elle. Elle se précipita dans les escaliers, manquant de se casser la figure à plusieurs reprises à cause de la tristesse qui inondait ses joues. Elle avait tout gâché.