Mon cœur bat rapidement alors que je prends la porte de la colocation. Je m'en vais chez ma cousine, Henley, qui habite, apparemment dans le même building que moi. C'est marrant comment le destin fait les choses, je fuis ma famille du Minnesota pour partir à New York, une ville immense, où des milliers de gens résident en appartement. Et je choisis la résidence où se trouve ma cousine, sans le savoir. C'est en se croisant dans le hall d'entrée qu'on s'est rendues comptes de la coïncidence, et j'avoue que ça me fait un peu peur. Je ne sais pas trop la relation que son père a avec mes parents, on ne s'est jamais croisées, Henley et moi, donc je ne pense pas qu'ils se parlent souvent. Mais j'espère qu'ils ne sont pas proches, ou bien, que Henley n'a encore pas parlé de ma présence à New York à son paternel, sinon, je suis dans de beaux draps. J'ai voulu partir pour me retrouver loin d'eux, et je ne veux pas qu'ils sachent où je me trouve. Pas tout de suite. Je ne suis pas encore prête. Je toque à la porte de l'appartement numéro 8, et les mains dans les poches de mon jean, j'attends. Je ne me suis pas embêtée à mettre un manteau ni une écharpe, puisque c'est dans le même bâtiment que l'on habite. Mais je me suis cachée derrière un gros pull en laine beige, et j'espère ne pas faire tâche à côté d'elle. « Salut, » je lui adresse avec un timide sourire lorsque la rousse ouvre la porte. A peine l'entrée de son appartement dévoilé, je regarde partout autour d'elle, la décoration, les meubles, un peu comme pour me familiariser à l'endroit. « comment ça va ? » une question banale, posée avec une voix qui se veut bien plus confiante que je ne le suis réellement. Je ne sais pas trop quoi dire de plus, il faut que je me détende. Je sors mes mains de mes poches, croise les doigts, les décroise, tout cela en l'esprit de quelques rapides secondes. Je trahie ma nervosité toute seule avec ce genre de gestes, mais je ne peux pas le contrôler. « j'aime bien ton appart, c'est mignon. » La complimenter, tenter de briser la glace. C'est tout ce que je peux faire.

L'appartement est rangé, propre, net, il ne semble pas y avoir le moindre grain de poussière qui se balade sur une étagère. Et très franchement, je suis admirative de ma cousine, car j'aimerais savoir tenir ma simple chambre de la même manière. Pour le reste de l'appartement, ce qu'il y a de pratique, c'est que puisque je suis en colocation avec deux filles, on se relaye les tâches à trois, donc je n'ai pas à m'occuper de tout toute seule. Je ne sais pas si j'en serais capable en ce moment, pour être très franche. « Ca va bien aussi... » je lui réponds, mon sourire toujours timide plaqué sur le visage. Ma nervosité transparaît certainement sur mon visage, mais tant pis, j'ai toujours un peu de mal à cacher ce que je ressens. En plus, je vois bien que ma cousine fait de son mieux pour me mettre à l'aise, alors je m'assois à la table comme elle me dit, les mains jointes sous la table. Mon sourire est un peu moins crispé quand elle m'annonce l'entrée, et ma voix se détend légèrement. « J'adore les avocats ! C'est un super choix. » les mots sortent toujours un peu rapidement d'entre mes lèvres, mais je fais de mon mieux pour paraître aimable, je ne veux pas qu'elle pense que c'est de l'impolitesse, bien au contraire. « J'avoue qu'un verre de blanc serait pas de refus. » Pour briser la glace, rien de mieux qu'un petit verre de vin, l'alcool va peut-être m'aider à paraître moins stressée. « En tout cas merci de m'avoir invité, ça me fait plaisir d'apprendre à te connaître. » Puisque nous sommes encore des inconnues aux yeux de l'autre, je suis sincère dans ce que je dis. Même si je me demande bien si elle est au courant de tout ce qu'il s'est passé chez les O'Connor il y a quelque mois.

Henley nous apport les verres de vin, et je suis contente de les voir arriver. L'alcool a tendance à m'aider à discuter avec des personnes que je ne connais pas, et j'en ai grandement besoin vu comme je suis nerveuse. J'ai envie de lui poser mille questions, mais surtout, je ne veux pas qu'elle m'en pose en retour. Je ne veux pas à avoir à parler de l'accident, je ne veux pas trop parler d'Iris ni du reste de ma famille. J'ai fui le Minnesota pour me retrouver loin de tout ça, et pourtant, j'ai l'impression que chaque pas que je fais pour apprendre à connaître ma cousine me ramène un peu plus près de cette histoire. « Merci, bon appétit à toi aussi. » Je lui réponds en l'imitant. Maintenant la cuillère à la main, je me pince les lèvres en entendant sa question. Mes doigts glissent le long de l'ustensile, je joue avec le manche, trahissant de ma nervosité. « Je suis game master dans un escape game de la ville. » Je porte la cuillère de potage à ma bouche, et après avoir goûté la bonne soupe concoctée par ma cousine, je lui retourne la question, un léger sourire aux lèvres, tenter d'être agréable, être la meilleure version de soi-même pour faire bonne figure. « Et toi ? Tu travaille dans l'immobilier, ou la décoration, non ? Il me semble avoir vu des photos de maisons sur ta page facebook. » Je ne pense pas qu'avouer avoir été regarder ses dernières publications sur le réseau social semble étrange à ses yeux, après tout, quand on apprend à connaître quelqu'un, on fait tous ça, consulter ses réseaux. « Super, le potage, d'ailleurs. » Je la complimente en reprenant une cuillère, appréciant réellement le mets.

Je ne sais pas si c'est une impression, mais Henley a l'air bien plus posée que moi, plus calme, plus à l'aise avec la situation. Peut-être n'a telle pas un secret à cacher à toute la famille, contrairement à moi. J'aimerais pouvoir être moins calme, moins nerveuse, plus douce. Mais à chacun de mes gestes, j'ai l'impression d'être un robot rouillé. « Oh, tu sais dans lequel vous allez ? Ca serait drôle que je sois votre game master. » Je tente de lui répondre naturellement, avant de prendre une gorgée de vin. « Tu... » je me pince les lèvres, fais quelque tours avec ma cuillère dans le potage avant de poursuivre ma phrase. « as toujours vécu à New York ? » parce que je ne sais rien d'elle, et que c'est un moyen subtile de ramener le sujet de conversation que je cherche sur le tapis. Il faut que je lui fasse promettre de ne rien dire à personne.
« j'avoue que je me débrouille mieux avec le sucré que le salé, mais j'aime bien tenter quand même. » on parle de cuisine ensuite, ça détend un peu l'atmosphère, me permet de souffler un coup. De penser à autre chose qu'à l'idée qu'il ne suffirait que d'un seul mot de la part d'Henley à ses parents pour que ma présence à New York se fasse connaître dans la famille. Je ne veux pas qu'on me retrouve. Je suis venu pour être tranquille et je compte bien le rester.

« Tu verras, c'est pas si compliqué. T'as déjà joué à Professeur Layton ? » Que je demande à ma cousine, afin de lui ré-expliquer rapidement comment ça marche, parce qu'après tout, un escape game, ça ressemble généralement à ces jeux auxquels je jouais quand j'étais plus jeune sur ma Nintendo DS. Je me dis qu'en faisant cette comparaison, ça allait paraître assez clair, du moins, si Henly a déjà joué à ce jeu vidéo, ce qui n'est pas certain.
On change de sujet, et en discutant, je me détends un peu plus. J'ai bien l'impression qu'elle ne sait pas grand chose de moi, et il semblerait qu'elle n'ai même pas entendu parler du décès d'Iris, puisqu'elle ne sait même pas d'où je viens vraiment. « D'une petite ville paumée dans le Minnesota... Pas très très loin de Minneapolis et à côté de Saint Cloud si ça peut t'aider... » Quelques minutes auparavant, j'aurais carrément eu envie d'éviter le sujet de conversation, et de slalomer entre les questions en rapport avec la famille. Pourtant, une petite voix dans ma tête ne fait que me répéter que si j'étais Henley, j'aimerais que l'on me le dise, si ma cousine est décédée. « Dis moi, tu n'es au courant de rien n'est-ce pas ? A propos de la maison, ou d'Iris ? » Après tout, on fait partie de la même famille, et je me dis qu'il faut qu'elle sache.

Mes yeux s'écarquillent probablement quelques secondes alors que j'entends Henley me décrire les nouvelles assiettes qu'elle vient de poser devant nous. Un léger sourire sur mon visage, je hoche la tête en écoutant sa description avant de reprendre une gorgée de vin. « T'as pas fait les choses à moitié ! Un vrai cordon bleu, dis moi ! » Quelque part, ça me fait plaisir de voir qu'Henley s'est un peu tracassée pour ce repas, c'est comme si il était aussi important pour elle que pour moi.

Et voilà, je me rends bien compte qu'Henley n'est au courant de rien. Je sais que je vais plomber l'ambiance avec mes nouvelles, mais à sa place, j'aimerais savoir, alors je suis obligée de lui expliquer. Même si ce n'est que rapidement. Je commence à couper ma viande avant de lui répondre, laissant le silence prendre place entre nous deux. « Et bien voilà, je suis désolée de te l'annoncer comme ça... après vous ne vous connaissiez pas non plus donc ça va mais... » je me stoppe net, parce que je ne peux pas tourner plus longtemps autour du pot. Je dois me lancer. « Il y a quelques mois, il y a eu une fuite de gaz dans notre maison. » Je bois une gorgée de mon verre de vin pour me donner la force de continuer, comme si c'était du carburant et que je devais remplir mon réservoir. « La maison a prit feu. Mon frère, Eren et ma mère sont sortit de la maison sans trop de difficultés. Ils n'ont pas eu de séquelles. » Les yeux rivés sur mon assiette, je tourne ma fourchette au milieu des tagliatelle. « Mon père a aidé Iris, ma soeur à sortir. Mais quelques jours plus tard, Iris nous a quitté. » Je me pince rapidement les lèvres pour éviter une triste grimace, et enfourne ma fourchette de pattes dans la bouche. Je me dépêche de mastiquer, ça me force à me concentrer sur autre chose quelques instants. « Voilà, maintenant tu sais. Je suis désolée de gâcher l'ambiance... ton repas est super bon, d'ailleurs. » Je change de sujet, un peu gênée par la situation. J'espère qu'elle ne rejettera pas toute sa pitié sur moi, comme le faisaient les voisins dans le Minnesota. C'est pour éviter ce genre de choses que je me suis enfuis.

Je ne me voyais pas continuer le repas comme si de rien était, à partir du moment où je me suis rendu compte qu'Henley n'était absolument pas au courant de ce qu'il s'était passé dans la famille. Je prends une bouchée du plat préparé par ma cousine, comme pour me concentrer sur autre chose, chasser les tristes pensées de mon esprit. « Merci. » que je réponds à ses condoléances, des mots que j'ai trop entendu dans ma vie, des mots que j'ai voulu fuir en partant du Minnesota, et je n'ose même plus regarder ma cousine dans les yeux, par peur d'y lire de la pitié. « C'est gentil. Bon, je ne t'ai pas raconté ça pour me lamenter sur mon sort, je voulais simplement te tenir au courant. » Une gorgée de vin de plus, pour m'aider à penser à autre chose. Ne pas rester sans rien faire, toujours bouger une partie de mon corps pour garder l'esprit occupé. « Je comprends pourquoi c'est ton plat favori, » parce que oui, je préfère changer de sujet, pour ne plus avoir à parler d'Iris, à moins qu'elle ne me pose des questions. Je veux juste penser à autre chose, comme par exemple au Destin, qui a décidé de nous réunir Henley et moi alors que nous ne nous fréquentions même pas avant. « Tu cuisines beaucoup ? » La question sur elle, sur sa vie, ses passions. Pour éloigner la conversation de ma propre personne, de la tragédie qui s'est abattu sur les O'Connor en 2020.