13/02/2021

Quand Solveig était revenue de son dîner professionnel la veille, la lueur qui brillait dans son regard était sans équivoque. Il n’y avait eu besoin d’aucune parole. Tous les deux avaient besoin de se retrouver. Et ce matin au réveil, il pouvait encore sentir l’odeur de leur amour. Un sourire se dessina sur les lèvres du Danois alors qu’il observait les mouvements de la respiration de la jeune femme. Il soupira d’aise avant de finalement se lever. Il avait prévenu  Solveig, il était bien décidé à rattraper le temps perdu durant le week-end.  Alors oui, elle avait rendez-vous chez le médecin et ils avaient prévu un déjeuner avec les Svenssen mais il y avait largement de quoi faire entre les deux.

Il ne se laisserait certainement pas dire qu’ils étaient un vieux couple. Mais la jeune femme profitait rarement d’une grasse matinée et il préférait la laisser dormir un peu plus longtemps quand l’occasion se présentait. Pendant ce temps, il se rendit dans la cuisine pour préparer un petit déjeuner digne de ce nom. Il avait préparé un plateau à emmener dans leur chambre. Il avait horreur de ça mais il savait que Solveig aimait l’idée. Pour des raisons de confort ou de romantisme, il n’était pas tellement sûr. Mais il avait envie de lui faire plaisir. De l’amadouer aussi peut-être.

C’était sans compter sur son téléphone qui se mit à vibrer annonçant l’arrivée d’un nouveau message. Aleksej reposa le plateau pour y jeter un coup d’œil. Il avait proposé à Calliopée il y avait quelque temps de prendre Jaime une journée et lui permettre de passer un peu de temps avec son aîné. La proposition n’était finalement pas tombée dans l’oreille d’un sourd et il semblait que Brayon avait vraiment besoin d’un tête à tête avec sa mère sans quoi Callie ne lui aurait jamais demandé de prendre le bambin à la dernière minute. Il répondit rapidement par l’affirmative.

Il fit une moue en regardant son plateau, le week-end ne se déroulerait pas exactement comme il l’avait souhaité. Mais il ne pouvait, ou du moins ne voulait pas refuser son aide à son amie. Elle avait toujours été là pour lui. Il se glissa dans leur chambre et posa le plateau sur le lit avant de venir caresser la nuque de la jeune femme. Il frotta son nez contre celui de Solveig avec tendresse pour la réveiller avec douceur.

“Bonjour Mlle Lazzari…”

13/02/2021

- Tu ne la trouves pas un peu trop…
- Américaine ?
- Exactement. Ça ne colle pas.
- Il va se lasser.
- C’est évident.

J’ouvre les yeux en entendant une voix qui ne colle pas avec celles de mon rêve. Aleksej se trouve devant moi, l’air charmeur comme il l’a toujours avec une nuit de complicité et d’amour. Je m’étire et lui souris. Je n’en peux plus de ces rêves qui ne cessent de tourmenter mes nuits. Alice me dit que c’est normal, je ne fais qu’imaginer le pire vis-à-vis de la future rencontre avec ma “belle-famille”. Je ne sais pas trop quoi en penser, il ne me semble pas avoir été aussi stressée lorsqu’il avait été question de rencontrer les parents de William.

- Bonjour, dis-je, répondant enfin au Danois tout en me redressant doucement dans le lit.

Impossible de ne pas sourire quand je vois ce que l’homme m’a apporté au lit ce matin. Il est très rare qu’Aleksej accepte de céder à mon petit plaisir du petit-déjeuner au lit. Il n’aime pas manger autre part que dans la cuisine (et il a raison) mais parfois, il craque juste pour me faire plaisir. En soi, je ne suis pas particulièrement fan des miettes de pain sous les draps non plus, et c’est bien pour cela que je change les draps à chaque fois que nous y mangeons. Encore une fois, c’est assez rare pour que l’occasion prête à sourire.

- Tu es bien matinal pour un jour de repos. On fête quelque chose ?

A ma connaissance, aujourd’hui n’est pas une date particulière et comme Aleks sait que je n’aime pas le 14 février, il ne va pas se risquer à jouer la carte de la Saint-Valentin en avance. C’est une des choses dont nous avons dû parler l’année dernière quand j’ai vu la date approcher. Je ne pouvais pas simplement prendre la mouche le 14 février sans lui expliquer la raison à cela. Quand je lui ai tout expliqué, il a très bien compris et m’a dit que de toute manière, il ne ressentait pas le besoin d’un jour en particulier dans l’année pour me montrer son affection. Autant dire que j’ai d’autant plus apprécié cette réaction. Soyons honnête, je n’en attendais pas tellement moins de la part d’un homme comme Aleksej.

13/02/2021

Le premier sourire de Solveig au réveil n’avait pas de prix. Il faisait littéralement fondre le cœur du Danois. Il avait déjà pensé à la possibilité de se réveiller plus tôt rien que pour avoir le luxe de la voir sourire mais la jeune femme aussi était matinale et plus prompt à sortir du sommeil que lui. L’un des désavantages aux dix années qui les séparaient. Mais lorsqu’ils avaient passé une partie de la nuit à s’ébattre, c’était toujours lui qui se réveillait plus tôt, emplit d’une énergie débordante. Une raison de plus pour vénérer ces moments d’intimité.

“Rien de particulier… je suis juste de très très bonne humeur… et j’avais envie de te faire plaisir… je me suis dit que tu serais probablement affamée étant donné toutes les calories que tu as brûlées…”

Il lui adressa un sourire malicieux en tirant le plateau vers elle. Il en profita pour piquer un morceau de pomme qu’il avait soigneusement coupé. Il s’était également amusé à couper quelques kiwis en forme de cœur. Il tendit une tasse de café à Solveig et attrapa la sienne. Il s’assit au bord du lit, adossé au montant et passa un bras autour de la jeune femme avant de poser en baiser sur sa tempe.

“Je t’ai promis un week-end d’amour, il va falloir reprendre des forces…”

Il était tout à fait sérieux. Il l’était toujours quand il s’agissait de ça. Même s’il avait déjà eu cette conversation avec Solveig, il avait toujours des choses à se prouver. Il avait toujours l’impression que leur différence d’âge ferait un jour une différence et que le sexe serait le premier rempart à céder. Il était plutôt de nature à vivre sainement, de corps et d’esprit. Il avait toujours aimé courir mais c’était réellement depuis qu’ils avaient commencé à se fréquenter sérieusement qu’il allait à la salle de gym plus régulièrement.

“Il ne manque plus qu’une fournée fraîche d’Aebelskiver… ça tombe bien, Callie va en ramener en déposant Jaime tout à l’heure…”

Aleksej ou la subtilité au ras des pâquerettes… Comment vous faire débuter la journée en beauté ! Il frotta doucement son nez contre la nuque de Solveig avant d’y déposer un baiser tendre. Il mordit ses lèvres en attendant de voir la réaction de la jeune femme.

13/02/2021

J’aurai dû m’en douter, c’était évidemment trop beau pour être vrai. Depuis quand un être humain fait-il quelque chose purement gratuit ? Je n’en ai jamais vu et je pense que cela n’arrivera tout bonnement jamais. Dès qu’on entreprend quelque chose de gentil à l’égard de quelqu’un, c’est qu’on en attend - d’une manière ou d’une autre - quelque chose en retour de la part de ce quelqu'un en question. Ce petit-déjeuner au lit n’échappe visiblement pas à la règle.

- Répète-moi ça, dis-je en fronçant les sourcils.

A-t-il oublié que je dois aller chez mon oncologue aujourd’hui ? Et pourquoi Calliopé dépose-t-elle son cher bambin si soudainement ? Je ne connais certes pas encore très bien la jeune femme mais si j’ai bien compris quelque chose à son sujet c’est qu’elle est aussi organisée que moi. Elle est accrochée à mes mômes comme personne. “Déposer Jaime” ne fait pas partie de ses habitudes, du moins pas avec nous. Donc il y a autre chose, c’est évident.

- Svendsen, je peux savoir ce que tu as dit à Calliopé ?

Pas la peine d’avoir été sur les bancs des plus grandes écoles américaines pour comprendre qu’Aleksej n’est pas innocent face à la soudaine demande de sa celle qu’il considère comme sa meilleure amie.

13/02/2021

Aleksej se gratta la gorge quand Solveig lui demanda de répéter. Les yeux baissés vers sa tasse à café, il savait que ce n’était peut-être pas la meilleure des façons d’amener le sujet sur la table. Dans le lit, au sens littéral. Peut-être qu’il aurait dû attendre la fin du petit-déjeuner. Mais il n’était absolument pas capable de garder ce genre de chose pour lui. Il faisait tellement d’effort pour s’ouvrir à la jeune femme que la moindre information retenue semblait être une omission éhontée, même la plus petite information.

“Brayon traverse une période un peu difficile en ce moment et il fait parfois la vie dure à sa mère… J’ai proposé à Callie de prendre Jaime une journée pour qu’ils puissent passer du temps juste tous les deux... “

Aleksej ne s’attendait pas non plus à ce que son amie prenne une décision aussi spontanée concernant la garde de Jaime. Callie était une jeune femme organisée et elle savait parfaitement qu’Aleksej avait des difficultés à gérer les changements de plans dans sa routine. Mais il lui avait proposé en connaissance de cause.

“Je pense que ça à avoir avec le départ de Jens et peut-être aussi l’attention que demande Jaime… La dernière fois que j’étais chez eux, j’ai trouvé Callie fatiguée et préoccupée… je me suis dit que ça leur ferait probablement du bien à tous…”

Il poussa un soupir. Il réalisait qu’il n’était pas en train de gérer la situation de son mieux. Son discours sonnait comme une justification. C’était un peu le cas. Solveig lui demandait de plus amples explications.

“Je pense qu’ils ont dû avoir des mots ce matin… Elle ne m’aurait jamais demandé de garder Jaime à la dernière minute si la situation ne demandait pas toute son attention…”

Il caressa le lobe de l’oreille de Solveig avant de mettre une mèche de cheveux derrière son oreille. Aleksej aimait particulièrement le matin. Quand elle le regardait avec son regard encore endormi et ses cheveux qui venaient embrasser son visage de manière hasardeuse. Il adorait qu’elle ne soit pas tirée à quatre épingles. Il était follement amoureux de ses imperfections.

“Je sais qu’on avait plus ou moins dit qu’on essayerait de se donner un peu plus de temps ce week-end… et qu’on doit discuter de notre voyage… mais ça n’empêche pas… on peut garder Jaime tous les deux…”

Il lui adressa un sourire timide et l’observa avec un regard plein d’espoir. Il aimait passer du temps avec Jaime et peut-être bien qu’une partie de lui avait envie de partager ça avec elle. Mais à la seconde où cette pensée avait traversé son esprit, une autre l’avait suivi de très près. Solveig n’avait plus jamais reparlé de l’opération après leur discussion un peu difficile. Pourtant les mots qu’elle avait prononcés s’était gravé dans la tête du Danois. Solveig ne partageait pas souvent ses doutes et ses peurs. Quand elle le faisait, il ne pouvait pas passer à côté. Il ne voulait pas lui donner l’impression d’attendre quoi que ce soit.

13/02/2021

Ne nous méprenons pas, je connais Jaime. Je sais que c’est un bon petit bout de vie qui n’est pas particulièrement chiant (j’entends par chiant: qui passe son temps à pleurer) mais cela ne change rien au fait qu’Aleksej vient de me prendre de court, au réveil. On peut dire qu’il sait y faire avec les femmes, décidément. Je lève les yeux au ciel et essaie de ne pas m’enflammer. Il a apporté à manger, je ne peux pas oublier ce détail. L’enfoiré sait me brosser dans le sens du poil. Mon amour de la nourriture me trahira toujours, c’est officiel. Et puis, je ne peux pas rester totalement insensible à ce qu’il me dit. Si Calliopé passe par un moment de trouble avec son aîné, je ne peux pas faire comme si de rien n’était non plus alors qu’elle est toujours la première à venir en aide à Aleks s’il en a besoin.

Je soupire et bois une gorgée de café, pesant le pour et le contre de ma réponse. Enfin, je dis “réponse” mais je n’ai plus mon mot à dire. Impossible pour le danois de revenir en arrière et je n’ai aucune envie de passer pour la garce de service en disant que je n’ai pas envie d’avoir à m’occuper d’un enfant de moins de deux ans.

- Tu m’exaspères mais d’accord.

Oui, là encore, je dis d’accord pour être polie plus qu’autre chose. Je n’ai pas tellement à être d’accord, de toute façon, je le sais pertinemment. Aleks veut rendre service à sa meilleure amie et je n’ai pas à me mettre en travers de son chemin à ce sujet. Je suis dure mais pas au point de mettre en péril une amitié qui ne me concerne pas.

- Je ne serai pas là entre quatorze et quinze heures, c’est l’heure de mon rendez-vous avec le médecin. Tu t’en sortiras avec un bébé et deux chiens ?

Quoi ? Ma question semble légitime, non ? Je n’ai pas franchement l’instinct maternel mais j’ai aussi du mal à me dire qu’Aleksej ne risque pas d’être totalement dépassé par la présence d’un enfant entre nos murs en plus des chiens.

13/02/2021

Aleksej savait qu’il avait mis Solveig devant le fait accompli mais pouvait-il vraiment faire autrement ? Il savait qu’elle détestait ça mais une partie de lui c’était dit que faute avouée était à moitié pardonnée ? Et quand elle verrait la frimousse de Jaime, elle oublierait immédiatement la moindre rancune. Avec son sourire d’ange, on pourrait lui donner le bon dieu sans confession. Ou peut-être simplement qu’Aleksej n’avait pas du tout un point de vue objectif sur la question. Le contexte qui avait entouré la grossesse de Callie, la naissance de Jaime, le fait même qu’elle l’ait nommé ainsi. Le Danois avait une affection particulière pour le bambin.

“Tu pourrais être surprise… on pourrait passer un bon moment…”

Il se pencha vers elle, enfoui son visage dans le cou de la jeune femme et l’embrassa à plusieurs reprises.

“Merci…”

Il ne lui avait pas vraiment demandé son autorisation mais d’une certaine manière, elle l’avait tout de même accordé. Solveig comprenait la relation qu’il entretenait avec Callie et il lui en était reconnaissant. Depuis le début, elle avait toujours respecté leur amitié et ne s’était jamais offensée du fait qu’Aleksej ressente le besoin de partager certaines choses avec la jeune femme. C’était plutôt lui qui se sentait parfois gêné. Même si Callie lui apportait parfois un point de vue nouveau, il préférerait ne pas en avoir besoin. Être capable de discuter de tout avec Solveig.

“Je trouve ça très mignon que tu t’inquiètes pour moi mais j’ai déjà fait face à pire… et puis Jaime fait la sieste en début d’après-midi alors je ne m’en fais pas trop... “

Il ne s’en faisait pas trop pour les chiens non plus. Jaime était une petite pile électrique et il comptait bien sur le fait qu’ils allaient se divertir réciproquement. Si Maroon était plutôt habitué aux enfants, Boule n’y avait jamais été réellement confronté. Mais Aleksej avait le pressentiment qu’il serait enchanté. Étant un jeune chien, il adorait jouer et être le centre de l’attention, ce qu’il n’avait pas toujours de la part de Maroon qui préférait manger ou faire la sieste ou du couple qui n’avait pas toujours autant de temps à lui accordé qu’il le souhaiterait. Il planta son regard dans celui de Solveig en ce mordant la lèvre inférieure.

“Mais Callie ne le déposera pas avant une bonne heure…”

13/02/2021

- Ce qui me laisse amplement le temps d’aller prendre une douche bien chaude et de me préparer pour la journée donc, dis-je en me détachant de son emprise. J’attrape ma tasse de café que j’avais précédemment posé sur la table de chevet et m’échappe des draps pourtant si chauds. Je ne laisserai pas à Aleksej le plaisir de m’avoir contre lui alors qu’il vient de me prendre de court avec rien d’autre qu’un bébé. Même s’il s’agit d’un bébé appelé Jaime.

Je regarde le danois encore sur notre lit, tout penaud, et lui adresse un sourire amusé. Oui, je viens de mettre un terme à notre “week-end d’amour” comme il semble tant enclin à l’appeler. Après tout, il n’est pas le seul à pouvoir prendre l’autre de cours.

- Je vais finir mon café dans la salle de bain. Ne t’avises pas de piquer mes fruits, Svendsen.

Quand je ressors de la salle de bain une demie heure plus tard, je suis maquillée, habillée et clairement prête pour affronter cette journée devenue encore plus compliquée que prévu. Il faut dire que je n’étais pas déjà très emballée à l'idée de devoir revoir mon oncologue aujourd’hui mais puisque cela fait partie de la procédure à suivre dans un cas comme le mien, je prends sur moi et remplis mes devoirs sans poser de questions.

- Aleks ?

Il n’est plus dans la chambre mais cela ne me surprend pas tellement. Aleks n’est pas le genre d’homme à attendre que le temps passe. J'attrape quelques morceaux de fruits que j'avale à la va-vite avant de quitter la pièce. Je me rends dans le salon et regarde autour de moi.

- Elskede?

Oui, je m’essaie aux petits mots doux à la danoise.

13/02/2021

Aleksej poussa un grognement alors que Solveig se glissait hors du lit en le narguant. Bon, il devait bien admettre que c’était un peu osé de sa part mais on ne savait jamais, sur un malentendu. Il se laissa tomber dans le lit en soupirant. Il serra un instant l’oreiller de Solveig qu’il respira a plein poumon avant de finalement se résoudre. Avant de quitter la chambre, il jeta un dernier coup d’œil au lit vide et leva les yeux au ciel. Qu’il aurait été doux de se recoucher auprès de sa brune et de profiter de cette matinée de congé pour se papouiller. Il était ravi de passer la journée à s’occuper de Jaime mais ce n’était pas pareil, bien évidemment.

Solveig était encore dans la salle de bain quand la sonnette de l’appartement retentit. Aleksej descendit accueillir Callie avec un certain enthousiasme. C’était la première fois qu’elle lui laissait Jaime une journée entière et c’était un pas important pour tous les deux. Il était content qu’elle lui fasse assez confiance, fier aussi. Il ne put s’empêcher de lâcher un léger rire en voyant la jeune femme sortir la moitié de leur appartement du coffre de sa voiture. Poussette, réhausseur, sac de langes, jouets et divers doudous...

“Tu sais qu’il ne reste avec moi que jusqu’à ce soir, hein ?”

Le regard que lui lança la jeune femme le remis légèrement à sa place. Il pencha la tête pour regarder à l’intérieur de l’habitacle où était assis Brayon l’air renfrogné.

“Je vois que ça ne rigole pas trop là-derrière…”
Crois-moi, tu ne veux pas savoir…

Il se contenta d’acquiescer avant d’embrasser doucement la tempe de la jeune femme. Elle lui expliqua en détail tout ce qu’il devait savoir et il l’écouta très attentivement avant de lui assurer plusieurs fois que tout irait bien.

“Tu te souviens que j’ai élevé un enfant, n’est-ce pas ? C’est comme le vélo, on n’oublie pas…”

Évoquer sa fille ou le fait qu’il est été père était devenu l’arme secrète d’Aleksej. Calliopée ne savant pas où elle mettait les pieds, elle évitait en général de s’étendre sur le sujet si le Danois n’en faisait pas expressément la démarche. Il prit le bout de chou dans les bras et ils firent de grands signes à la voiture jusqu’à ce qu’elle soit hors de vue. Jaime était bon public et semblait content de se retrouver avec Aleksej. Quand il ouvrit la porte de l’appartement, le bambin et le doudou dans un bras, le sac d’affaire sur l’épaule, le rehausseur dans l’autre main et le chapelet de tétines coincé entre ses dents, il se fraya un chemin tant bien que mal.

“Regardez qui voilà…”

Il posa les affaires près du plan de travail et s’approcha de Solveig avec le petit garçon. Jaime tenait serrer entre ses mains un sachet en craft marron.

“On va donner ta surprise à Solveig ?”

Un grand sourire se dessina sur les lèvres du petit garçon et il tendit fièrement son paquet vers la jeune femme. Il articula une phrase qui semblait totalement cohérente pour l’enfant, dans laquelle on pouvait principalement comprendre “Solveig” et “gâteau”.

13/02/2021

C’est en voyant la porte d’entrée s’ouvrir que je réalise que Calliopé est arrivée encore plus tôt que prévu. Je suis quelque peu surprise de constater qu’elle n’est pas montée ne serait-ce que quelques minutes mais je décide de ne pas poser de questions à ce sujet.

La vision qui s’offre à moi me prend de court, que je veuille bien l’admettre ou non. Aleksej portant un enfant dans les bras ne peut pas ne pas m’émouvoir un minimum. Même si je n’ai jamais eu de véritable instinct maternel avec les enfants. Voir William tenir Saaed m’émouvait également à l’époque.

- Une surprise ? dis-je, surprise, ayant déjà oublié cette histoire d’æbleskiver.

Je m’approche lentement de Jaime et Aleksej et souris tendrement à l’enfant pour lui montrer que je ne représente aucun danger. Je ne suis pas douée du tout avec les enfants de manière générale mais j’aime parfois penser que leurs réactions peuvent être similaires à celles des chiens, notamment, ils se méfient de tous ceux qu’ils ne connaissent pas (à juste titre).

- Bonjour Jaime, dis-je cette fois en prenant le petit paquet de ses doigts. Enfin, du moins, j’essaie. “Tu veux bien me le donner ?” demandai-je poliment mais l’enfant semble bien décidé à garder son précieux paquet encore quelques instants.

Je lève les yeux vers le Danois et ne peux m’empêcher de rire de bon cœur. On dirait que cet enfant tient particulièrement à ce paquet. Et comme je ne vais pas le lui arracher des mains, je me contente de sourire à Aleks et de hausser les épaules.

- J’imagine que j’y aurai le droit plus tard. Calliopé va bien ?

13/02/2021

Est-ce que Jaime savait ce que contenait le sachet. Évidemment. Et même s’il n’avait pas arrêté de prononcer le nom de Solveig et le mot gâteau tout le temps où Aleksej s’était évertué à monter les escaliers, il semblait moins prompt à présent à partager les petites douceurs que sa maman lui avait confié.

“Allez… Elle a besoin d’un peu d’encouragements aujourd’hui…”

Le Danois agita le doudou et les tétines devant le visage de l’enfant, un petit sourire goguenard au coin des lèvres. Jaime ne réfléchi pas une seconde à échanger son paquet contre ce précieux réconfort. Il se colla l’une des tétines directement dans la bouche et serra sa peluche en se collant contre Aleksej. Ce dernier tendit les aebelsikver à Solveig en lui adressant un clin d’oeil complice.

“Je ne sais pas ce que Brayon a bien pu faire ou lui dire mais l’atmosphère était électrique…”

Callie n’était pas du genre à perdre son calme si facilement mais il avait bien remarqué qu’elle était tendue la dernière fois qu’ils s’étaient vu. Il semblait qu’elle avait plus de mal à gérer les déplacements professionnels de Jens ces derniers temps. Ce qu’il pouvait comprendre, son compère danois ne devait pas revenir avant le mois d’avril.

“Je pense qu’ils ont besoin de se retrouver un peu… retrouver un équilibre… ces deux dernières années n’ont pas été évidentes pour eux, si on y pense…”

Aleksej et Solveig n’était pas les seuls ayant traversé des hauts et des bas. Callie avait encaissé un certain nombre de choses elle-aussi. Mais ce n’était pas le moment de se sentir morose. Son amie profiterait de la journée pour prendre le temps dont elle avait besoin avec son aîné.

“Et pendant que Maman et Brayon profitent de leur tête à tête, toi et moi on va s’amuser comme des petits fous, pas vrai bonhomme ? Et peut-être même que Solveig voudrait bien jouer un peu avec nous…”

Jaime n’écoutait déjà plus Aleksej. Il venait d’apercevoir Maroon assoupi dans son panier et Boule assis, alerte, qui observait ce petit étranger avec attention. La Danois posa le petit garçon au sol et celui-ci s’emprassa de se diriger vers les deux boules de poil sous le regard vigileant d’Aleksej.

13/02/2021

Je n’ai jamais connu le fond de l’histoire dont Calliopé a été le centre d’attention, il y a un an. Tout ce que j’en sais, et ce qui m’a marqué le plus, c’est que cette affaire a réuni William et Aleksej qui, jusqu’alors, ne pouvaient pas vraiment se piffrer. Cette enquête et l’envie de protéger Calliopé et les enfants les aura rapprochés si bien qu’ils vont maintenant boire des verres ensemble jusqu’à parfois finir au poste de Police. On ne reviendra pas sur cet épisode pourtant marquant de nos vies.

Tout en ouvrant le sachet contenant les précieuses pâtisseries danoises dont tous savent que j’y suis accro telle une camée à l’héro, je jette un oeil vers Aleksej qui vient de déposer le petit bout de vie au sol après avoir sous-entendu que je pourrais éventuellement jouer avec eux dans l’après-midi. Je ne sais même pas comment on joue avec un enfant. Même avec les enfants de mes amis, je n’en fais rien. Oui, je me suis tellement détachée de ce côté-là que je suis incapable d’interagir avec un enfant comme la plupart des adultes le feraient.

- Tu crois qu’il va être doux avec eux ?

Oui, ceci est la démonstration parfaite de ce que je disais. Actuellement, je m’inquiète plus pour mes chiens que pour le petit Jaime dont je sais qu’il ne risque strictement rien avec Maroon et Boule. Même si Boule devenait un peu trop aventureux dû à son très jeune âge, Maroon le recadrerait en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, protéger Jaime au passage de la tornade que peut parfois être notre dernier arrivant à quatre pattes.

- Qu’est-ce qu’il va manger ?

Vu tous les trucs qu’a déposé Aleksej dans l’entrée de l’appartement, j’imagine que Calliopé a prévu le coup mais je préfère tout de même poser la question. J’espère qu’il ne faut pas préparer quoique ce soit, je ne sais pas ce que je suis censée faire pour un bambin. Je pourrais éventuellement passer à la supérette du coin pour trouver deux ou trois petites choses.

- Il a besoin d’un truc en particulier ? dis-je avant d’engouffrer mon premier æbleskrive.

13/02/2021

En entendant la question de Solveig, Aleksej mordit sur sa lèvre inférieure pour retenir un léger sourire. Elle n’avait jamais été particulièrement à l’aise avec les enfants. Il avait pu s’en rendre compte en la voyant interagir avec Lizzie, la fille d’Alice et Marc ou bien même avec Saeed, le fils de William. Pour Solveig, il y avait deux mondes bien différents, l’un de lequel évoluaient les adultes et l’autre dans lequel évoluaient les enfants. Elle ne franchissait pas la ligne qui les séparaient. Très peu d’adultes la franchissait d’ailleurs. C’était pourtant l’un des plus grands plaisirs d’Aleksej, se mettre à leur hauteur et voir le monde à travers leurs yeux.

“Il n’a que vingt mois, je ne crois pas qu’il se rende vraiment compte… mais il doit avoir l’habitude avec Thanos…”

Par acquit de conscience, Aleksej se rapprocha du petit garçon qui était à mi-chemin. Il s’accroupit entre Jaime et le panier des chiens et attira le bambin entre ses jambes, gardant un bras autour de lui par mesure de précaution. Il tendit sa main vers le museau de Boule qui le renifla et le lécha avec enthousiasme.

“Tu vois, d’abord on se présente… On lui laisse le temps de renifler et après c’est lui qui te montre s’il est d’accord ou pas…”

Sa voix était douce et bienveillante. Jaime imita Aleksej et tendit sa main vers le chien. Après l’avoir reniflé, Boule s’empressa de le lécher aussi. Le bout de chou laissa échappé un petit cri d’excitation et regarda Aleksej en souriant de toutes ses dents. Sourire qu’Aleksej lui rendit en acquiesçant. Le rituel fut le même avec Maroon mais ce dernier ne sembla pas apporté plus d’attention que cela au bambin. Le Danois ramassa une vieille balle dans le panier et la jeter de l’autre côté de l’appartement. Boule démarra au quart de tour, Maroon leva à peine un sourcil. Jaime lâcha un nouvel éclat de rire avant de se lancer aux trousses du chien. Aleksej se releva et rejoint Solveig près du plan de travail.

“Il doit probablement y avoir un sac de croquettes dans les affaires que Callie a laissé…”

Il éclata de rire en voyant le regard circonspect de la jeune femme. Il caressa doucement sa joue avant d’y déposer un baiser tendre.

“Tu sais, c’est juste une version miniature d’un être humain normal… basiquement, il mange à peu près la même chose que toi… Ne t’inquiète pas, il y a largement de quoi faire dans le frigo et je vais m’en occuper… Il y a quelque chose qui te ferait plaisir ce midi ?”

Après tout, c’était aussi son jour de congé. Il ne voulait pas qu’elle voit la présence de Jaime comme une accumulation de corvées en plus. Il ne l’obligerait évidemment pas à endosser une obligation dont il était à l’origine. Tout en attendant la réponse de la jeune femme, il avait rejoint le petit garçon qui tendait de récupérer la balle d’un chiot bien trop excité pour arrêter de courir dans tous les sens. Aleksej s’assit sur le sol et attrapa Boule pour tenter de le calmer un peu. Il récupéra la balle qu’il donnait au petit garçon pour que ce dernier la jette à son tour. Il riait de bon cœur à cette situation pour le moins cocasse. Il ne savait plus vraiment si Jaime courait après le chien ou après la balle mais ça amusait tout le monde.

13/02/2021

Autant dire que je rêve de lui arracher les yeux quand je le vois se fiche de moi ouvertement. J’ai bien conscience qu’un bambin mange des choses concrètes mais justement, je ne sais pas jusqu’à quel point Calliopé a préparé son coup avant de nous déposer son fils. Comment suis-je censée savoir ce que ça mange, moi, un enfant de bientôt deux ans ? Ça ne se nourrit que de biberons ? Ça mange des petits pots ? Impossible de le savoir. Ce n’est pas exactement le genre de recherches Internet que je fais, le soir, quand je m’ennuie.

- Tu es prié de ne pas te foutre de moi, merci, dis-je, un poil vexée.

Il me demande ce que je veux manger ce midi. C’est une question à laquelle je ne sais pas quoi répondre, c’est à peine si j’ai pris mon petit-déjeuner qui m’attend encore dans la chambre à coucher.

- Je vais finir le plateau que tu m’as concocté, ce matin, dis-je en haussant rapidement les épaules. “On verra sur le tas, après.”

Tout à coup, je réalise que dans mon esprit, Jaime devient la priorité même si je ne sais pas quoi faire de lui. Soudainement, c’est un petit bout de vie qui occupe tout l’espace et toutes mes pensées. Je prends conscience qu’il faut le protéger de tout. Les coins des meubles, les chiens, les trucs qui pourraient être à portée de ses petites mains potelées. Ça craint d’avoir un truc aussi innocent chez soi quand le chez soi en question n’est pas préparé.

- Il pourrait se blesser avec les meubles, dis-je, le regard dans le vide. “Qu’est-ce qu’on fait s’il se blesse ?”

Tout, autour de moi, devient potentiellement dangereux pour le petit garçon. Je jette un oeil à la table basse dans le salon. Elle a des coins bien trop pointus. Il y a des placards bas dans la cuisine, Jaime pourrait les ouvrir. Que se passerait-il s'il tombait sur un produit dangereux pour sa santé ?

Beaucoup trop d'informations virevoltent dans mon esprit si bien que ça m'en donnerait presque le tournis.

13/02/2021

Aleksej se pinça les lèvres en réalisant que Solveig s’était vexée. Ce n’était pas son intention. Ils se taquinaient souvent, mais il réalisait que parfois elle n’aimait pas plus que lui quand elle le faisait marcher. Peut-être que ça mériterait une discussion quand le moment serait plus approprié, quand ils seraient juste tous les deux. Elle mettait parfois le doigt sur des sujets sensibles et apparemment, c’était ce qu’il venait juste de faire. Le ton de sa voix ne laissait aucun doute quant à son état d’esprit. Dans ces cas-là, mieux valait laisser retomber un peu la pression avant d’intervenir.

Le Danois allait reprendre ses activités ludiques avec le petit garçon quand il entendit Solveig commencer à s’inquiéter pour la sécurité du bambin. Il fronça les sourcils en l’écoutant avant que son visage se détende en observant la jeune femme. Un nouveau sourire vint se dessiner sur ses lèvres qu’il frotta doucement du bout des doigts en réalisant ce qui était en train de se passer. Il s’approcha de la jeune femme et l’attira vers lui avant de lever doucement son visage et de l’embrasser tendrement.

“Je t’aime…”

Il caressa sa joue en souriant, en signe d’encouragement. Il savait qu’elle ne serait pas ravie à l’idée d’avoir à jouer les baby-sitters pendant une journée mais il s’était plutôt attendu à de l’indifférence. Solveig montrait rarement de l’intérêt envers les enfants, que ce soit ceux de ses amis ou en général. Le fait qu’elle se préoccupe à ce point de Jaime l’attendrissait profondément, même si c’était complètement disproportionné.

“Il ne va rien lui arriver… Tant qu’on garde un œil sur lui, tout ira bien.”

Son regard se tourna vers le garçonnet qui avait préféré retrouver l’aisance de la marche à quatre pattes plutôt que le déséquilibre d’être debout. C’était beaucoup plus rapide pour courir après la balle. À force de jeu et d’excitation, il avait bien fallu que les choses dérapent à un moment donné. Dans son élan, Boule avait récupéré la balle des mains de Jaime avec un peu trop d’empressement, assez pour effrayer le petit garçon bien trop agité qui éclata en sanglots sans être trop sûr des raisons. Le Danois s’accroupit et le petit garçon vint se glisser entre ses bras. Aleksej sera Jaime contre lui et caressa doucement ses cheveux en le consolant.

“Ça va, mon bonhomme… Ce n’est pas grave, tu as eu un peu peur, c’est tout. Boule veut seulement joué mais tu sais c’est encore un bébé, il ne se rend pas compte…”

Jaime se calma rapidement. Les chagrins des enfants ne duraient jamais longtemps si on prenait le temps de les réconforter. Boule de son côté avait bien compris qu’il était responsable des pleurs et étaient allé se cacher derrière Maroon dans leur panier. Le Danois souleva l’enfant et s’approcha du panier avec lui. Tout en gardant Jaime contre lui il tendit la main pour caresser le chien.

“Viens là mon Boulet… Tu n’as rien fait de mal, Jaime a juste eu peur… On va se calmer un peu et puis ça ira mieux…”

Boule s’approcha d’Aleksej et du petit garçon avec prudence, les oreilles baissées. Aleksej caressa doucement le dessous de son cou et incita le bout de chou à en faire de même. Après quelques caresses, l’orage était passé et les deux étaient complètement réconciliés. Il était temps de faire retomber un peu l’agitation et le Danois récupéra les livres qu’avait laissé son amie avec les affaires de son fils et s’installa avec lui sur le canapé. Jaime pointa Solveig du doigt un regard interrogateur.

- Soveig auti hitoire ?
“Je ne sais pas. Solveig, tu veux écouter des histoires avec nous ?”

13/02/2021

Voilà de quoi je parlais. A peine a-t-on la tête tournée que le petit garçon commence à partir à l’aventure. Peu importe la présence des chiens, il pourrait arriver n’importe quoi avec ou sans mes compagnons à quatre pattes. Le pire pourrait se produire en un rien de temps. Cette fois, le Danois est là et gère la crise qui est sur le point d’éclater mais… Il pourrait ne pas être là à temps, à la prochaine.

L’aisance d’Aleksej avec Jaime est folle. Bien qu’il connaisse le petit (nommé après lui, ne l’oublions pas), je ne m’attendais pas à ce qu’il soit aussi à l’aise avec le petit garçon. Quand il le voit au café, c’est encore autre chose. Nous sommes entourés d’autres personnes et, surtout, de la mère du petit. Là, il n’y a littéralement que nous. S’il arrive quelque chose, ce sera à nous de gérer et je crois que cela m’inquiète un peu plus que je veux bien l’admettre.

Est-ce qu’il vient d’appeler encore une fois Boule “Boulet” ? Ce n’est pas la première fois que j’entends ça. La toute première fois, je croyais avoir simplement mal entendu. La seconde fois, j’ai serré les dents. Cette fois, je tomberai volontiers sur le Danois pour non-respect d’un nom canin mais comme il y a un petit enfant à côté de lui, je ne me sens pas la force de le faire. Je ne dis donc rien. Pour cette fois, encore.

Tout à coup, Aleksej m’embarque contre lui dans une nouvelle aventure : lire une histoire à Jaime. Qu’on me sorte de là, je ne sais pas gérer ce genre de trucs. Ce n’est pas pour moi. Je ne le dirai jamais assez : je n’ai pas la fibre maternelle.

- Aleks te la racontera très bien, dis-je au petit garçon.

Je suis prête à inventer absolument n’importe quoi pour me dépatouiller de là.

13/02/2021

Aleksej avait posé la pile de livres sur le canapé à côté de lui et installé Jaime de l’autre. Un bras autour du petit garçon qui avait récupéré son doudou et son chapelet de tétines, il avait tout de même les mains libres pour tenir le livre et tourner les pages. Aleksej observa la jeune femme qui était en terre inconnue. Solveig qui était d’habitude si sûre d’elle, semblait complètement dépassé par la situation. Encore une fois, il n’avait pas imaginé que les choses se passeraient de cette manière. D’ailleurs à aucun moment le regard de la jeune femme ne croisa le sien et ce n’était pas une coïncidence.

“Je crois que Jaime voulait savoir si tu veux venir aussi sur le canapé et écouter aussi… Il est d’accord pour me partager avec toi...”

Aleksej n’allait pas insister. Il ne voulait pas que Solveig se sente mal à l’aise ou obligée de quoi que ce soit. Jaime était sa responsabilité pour la journée pas celle de la jeune femme. D’ailleurs elle avait probablement prévu d’occuper son temps autrement avant que le Danois ne la prenne en embuscade.

“Mais si tu as des choses à faire, ce n’est pas grave, hein…”

Jaime avait commencé à tapoter la main du Danois qui tenait le livre, signe d’impatience. Aleksej grattouilla le coin de l’oreille du petit garçon qui se mit à rigoler mais se calma rapidement retapota le livre. Tétine en bouche, il était plus facile de se faire comprendre par les gestes que par la parole. L’adulte ouvrit donc le livre et lu le titre à voix haute.

“La petite taupe à qui on avait fait sur la tête…”

Alekej aimait bien ce livre qu’il connaissait pour l’avoir déjà lu à Jaime. C’était l’un de ses préféré et Callie ne manquait jamais de l’emporter avec elle. Même si le titre et le propos n’était pas des plus gracieux, il fallait bien l’avouer. Le Danois commença dont à lire les premières lignes des péripéties de la petite taupe qui cherchait qui avait bien pu lui faire sur la tête. Avec détermination, elle allait voir les autres animaux les uns après les autres pour savoir qui avait commis ce méfait. À chaque page, chaque créature se dédouanait en montrant ses propres excréments.

Aleksej lisait le petit texte qui accompagnait les images et laissait à Jaime le temps d’observer les dessins. Parfois le petit garçon montrait un détail ou posait une question. Souvent il restait silencieux et faisait simplement un signe d’acquiescement pour indiquer à Aleksej qu’il était prêt à ce qu’il tourne la page. Comme un petit rituel, Jaime penchait la tête et le danois savait qu’il pouvait passer à la suite. Le grand blond mettait du cœur à l’ouvrage, changeant de voix en fonction des animaux interrogés. Une fois plus aigu pour la souris, plus grave pour l’éléphant.

Une fois l’histoire terminée et la dernière page tournée, Jaime leva son visage vers Aleksej et lui sourit avec satisfaction. Il retira ça tétine de sa bouche pour articuler un “un aute”. Non sans lui rappeler d’utiliser le mot magique, Aleksej ouvrit un nouveau livre et le même rituel recommença.

13/02/2021

Il ne me faut pas très longtemps pour m’éclipser du salon où se trouvent Aleksej et Jaime, fin prêts à lire une histoire. Je ne sais pas comment fait Aleks mais là, encore, je ne saurai le juger. Après tout, l’homme a été père, il a déjà fait ces choses qui ne lui sont donc aucunement étrangères. Tout cela est très différent de ma propre situation, évidemment.

Je retourne dans notre chambre à coucher pour manger les restes d’un petit-déjeuner trop peu honoré alors qu’il le méritait. A demi allongée sur notre lit, je ne peux m’empêcher de garder une oreille attentive vis-à-vis de ce qu’il se passe dans le salon. J’entends Aleksej mettre ce qu’on appelle du cœur à l’ouvrage pour raconter une histoire au petit garçon de bientôt deux ans.

Mon téléphone, encore sur la table de chevet, se met à sonner. Je tourne la tête pour regarder l’écran qui m’affiche un nouveau sms de la part d’Alice. On peut dire qu’elle a le don du timing, celle-là. Dois-je lui dire que Calliopé a laissé Jaime ici ? Qu’en pensera-t-elle ? Me dira-t-elle de faire un effort et d’aller lier des liens avec le petit garçon ? En serai-je seulement capable ? C’est la question que je me pose. Je ne suis pas douée avec les enfants, tout le monde le sait. Ce que peu savent, cependant, c'est qu’au-delà de ne pas être douée avec eux, c’est surtout qu’ils me fichent une pétoche monumentale.

Tu veux que je t’emmène chez le médecin ou Aleks s’en occupe ? -A
C’est gentil mais je gère. -S
Sol… - A
Alice, je gère. -S

A peine mon dernier message envoyé, je repose le téléphone et prends la décision de me bouger. Mon rendez-vous n’est pas pour de suite et je n’ai pas besoin non plus de sortir deux heures avant. Je sais très bien où je vais, je ne risque pas de me perdre. Je sais où est l’hôpital et je sais exactement combien de temps il me faut pour m’y rendre. Tout est donc sous contrôle à ce sujet. Ce qui l’est beaucoup moins, ce sont les coins de meubles de la maison. Ni une, ni deux, je me lève et vais dans le bureau pour ouvrir un tiroir dans lequel je trouve du gros scotch de déménagement. J’attrape le rouleau et une paire de ciseaux avant de retourner dans le salon où les “hommes” sont toujours.

Ma première victime : la table basse.

13/02/2021

Aleksej tendit l’oreille pour suivre le départ de la jeune femme. Peut-être que c’était mieux comme ça. Il avait dit à Callie qu’il s’occuperait de Jaime et cela impliquait également que son attention soit toute tournée vers le bout de chou. Les pensées diverses et variées qui traversaient son esprit à cet instant précis n’avait probablement pas leur place. En lui faisant confiance avec son petit garçon, la jeune femme lui avait également fait un beau cadeau. Jaime était une bouffée d’air frais et il devait profiter de ce moment privilégié avec lui. Juste tous les deux. Pas besoin de se couper en deux pour divertir un bambin et un pré-ado.

Pas non plus la sensation de sentir dans son dos le regard de Callie, même s’il était bienveillant la plupart du temps, il sentait que parfois elle hésitait de peur qu’il se replonge dans un passé bien trop tumultueux. Ce qui n’était jamais le cas. Les enfants lui apportaient cet élan de spontanéité. Profiter de l’instant présent et voir le temps se dilater de manière particulière. Se mettre à leur rythme à eux. Aleksej y trouvait une certaine sérénité. Dans ces moments-là il était capable de s’extraire des responsabilités de sa vie d’adulte et de se contenter de recevoir ce que les enfants voulaient bien lui donner. Et c’était toujours plus que ce qu’il espérait.

Les garçons étaient déjà allés au bout de trois histoires quand Solveig fit son retour dans le salon. Alors ils l’observèrent s’affairer autour de la table avec son rouleau de scotch. Le regard circonspect, Aleksej prit une grande inspiration en attendant Jaime lui poser une question “est cassé la table ?”. Le Danois haussa les épaules un peu hagard.

“Fais quoi Soveig ?”
“Je ne sais pas, bonhomme, il faut le lui demander. Qu’est-ce que tu fais exactement, Solveig ?”

13/02/2021

- Je protège la zone ! Ou plus exactement, je protège Jaime dans la zone de danger.

Autant dire que je suis déterminée à faire en sorte que tout soit totalement sécurisé avant que je parte pour l’hôpital en début d’après-midi. Il y a tant de possibilités de blessures… Je ne sais déjà plus où donner de la tête. Je viens de terminer les quatre coins de la table. C’est moche au possible mais au moins, il n’y a plus vraiment de risque de traumatisme crânien. Enfin, je crois.

- Il fait quelle taille ? Un mètre, un truc comme ça ?

J’ai besoin d’informations et de données concrètes. Inutile de faire les bords du plan de travail de la cuisine si je sais que Jaime ne peut pas atteindre ce meuble.

- Boule, Maroon, va falloir manger maintenant les gars, dis-je à mes chiens qui relèvent tous deux la tête vers moi d’un air suspect. “Si Jaime mange vos croquettes, on est morts.”

Ma journée est passée d’un temps de repos à un pur commando de guerre. Impossible de risquer la vie d’un petit enfant qui n’est pas le mien. Non pas que, si c’était mon enfant, cela serait moins grave mais...disons que ce serait entièrement de ma faute. Là, s’il venait à arriver quelque chose à Jaime, Aleksej et moi nous nous en voudrions mais Calliopé se reprocherait d’avoir laissé son fils ici. Autant éviter ça au maximum.

13/02/2021

Aleksej donna un livre à Jaime et le cala au fond du canapé en lui adressant un sourire. Parfois les enfants avaient un don inexplicable pour comprendre des situations qu’on arrivait soi-même difficilement à évaluer. Il s’installa avec son livre et commença à feuilleter les pages tout seul. Le Danois se leva pour arrêter Solveig dans son élan. Il attrapa ses hanches et la tira doucement vers lui avant de passer ses bras autour d’elle.

“Tous les enfants mangent des croquettes un jour ou l’autre… ils essaient et crois-moi, ils ne recommencent pas… Et puis réfléchi à l’appartement de Callie, il n’y a pas de protection sur le moindre meuble ou sur tous les coins des pièces…”

Il la poussa à se tourner vers lui et plongea son regard dans les yeux bruns de la jeune femme.

“Ne te ronge pas les sangs comme ça. Tout va bien se passer… Je gère.”

Il l’embrassa doucement  au coin des lèvres avant de défaire son étreinte. Il jeta un coup d’œil à la montre du four qui indiquait que le temps passait plus vite que ce qu’il ne le pensait.

“Bon mon p’tit lapin, si on veut manger à l’heure il va falloir se mettre au boulot…”

Il n’était pas tellement tard mais Aleksej était bien décidé à faire participer Jaime à la préparation du repas, dans la limite de ses possibilités évidemment. C’était presque une tradition pour lui. Il avait beaucoup cuisiné avec sa mère, avec sa femme et puis avec sa fille. Il appréciait particulièrement cuisiner pour et avec Solveig et Jaime n’allait pas faire exception. Il installa le rehausseur contre le plan de travail, face à l’endroit où il préparait généralement le repas et installa Jaime dedans, prenant bien soin de l’attacher correctement.

“Aujourd’hui ce sera du poisson !”

Il mima la bouche du poisson qui s’ouvre et se ferme et plaça ses mains autour de son visage pour mimer les nageoires. Jaime sourit et tenta de l’imiter. Aleksej laissa échapper un petit rire avant de se tourner vers le frigo pour sortir tout ce don il avait besoin. Solveig ne lui avait pas répondu tout à l’heure mais il savait qu’elle aimait le poisson, il connaissait relativement bien ses goûts alimentaires depuis le temps.

Il montra au bout de chou chaque ingrédient qu’il prononça bien distinctement avant de laisser Jaime toucher ou sentir les choses qu’il lui présentait.

13/02/2021

- Je n’ai jamais mangé de croquettes étant enfant, dis-je en fronçant les sourcils.

Du moins, je n’en ai pas le moindre souvenir. Et connaissant mes parents, autant dire que je le saurai si j’avais mangé de la nourriture pour animaux. Quoique...nous n’avions pas de chiens à la maison. Mon père n’en voulait pas. Etant petite, je ne comprenais pas pourquoi mais en grandissant j’ai fini par comprendre : quand vos parents ne sont jamais à la maison à cause de leur travail, un chien est impensable.

Je n’ai pas le temps d’embrasser Aleksej en retour qu’il file déjà retrouver Jaime pour le prendre dans ses bras. Monsieur a décrété que le jeune Winshop était son commis. Je croise les bras contre ma poitrine et viens m’appuyer contre le mur le plus proche en les observant attentivement.

- Tu comptes lui donner un couteau, aussi ? demandai-je, amusée.

Evidemment, Aleksej n’en fera rien et je le sais pertinemment. Cependant, je ne résiste pas au fait de lui lancer une petite blague, juste pour le tester. Il va avoir besoin de beaucoup de patience avec un enfant autour de lui mais connaissant le Danois, je ne suis pas particulièrement inquiète à ce sujet. S’il était question d’autre chose, je ne dis pas qu’il en serait de même mais là, avec un enfant, il s’en sortira très bien.  

Il s’en sortira si bien qu’il gardera un formidable souvenir de cette journée et il voudra un enfant lui-même, me chuchote une petite voix dans la tête.
Je ferme les yeux un très bref instant pour chasser cette voix. Je refuse qu’elle me tourmente aujourd’hui. Ce n’est pas le moment. Je n’aurai pas la force de gérer ça en plus de tout ce qu’il y a déjà à faire aujourd’hui.

- Ça mange vraiment du poisson un enfant de deux ans ?

Ma question est légitime. Je ne sais sincèrement pas ce qu’est censé manger un enfant d’un âge si bas. Alice a pourtant nourri sa fille de nombreuses fois devant moi mais dans mon esprit, je n’ai visiblement imprimé que les petits pots. Les petits pots et les seins de mon amie, ce qui est un peu étrange dit comme ça.

13/02/2021

Aleksej sourit en entendant la réflexion de Solveig. Évidemment que non. Connaissant un peu son passif, il n’avait aucun doute sur le fait que l’enfance de Solveig avait été réglée au cordeau. Il s’abstint bien évidemment de faire le moindre commentaire. La famille de Solveig et son enfance restaient des sujets sensibles et il n’avait aucune envie de s’aventurer dans ces eaux troubles. Il savait aussi que si les choses avaient été aussi faciles pour lui, c’était uniquement parce que Lena avait choisi de faire un certain nombre de sacrifices. Elle avait mis sa carrière de danseuse entre parenthèse pour pouvoir consacrer plus de temps à sa famille et donner l’opportunité à Aleksej d’avancer dans sa carrière. Un luxe que ne pouvait pas se permettre tout le monde.

Il jeta à Solveig un regard de provocation quand elle le défia de donner un couteau à Jaime. Il savait parfaitement qu’elle le taquinait et il voulait lui rendre la pareil. Il ouvrit donc le tiroir et y sortit l’un des couteaux de l’argenterie de sa mère, l’un de ceux qui n’avait pas de dents et le tendit au petit garçon qui l’examina avec attention.

“Plutôt ils apprennent et moins tu prends de risque. Il faut simplement rester pragmatique.”

S’il y avait bien une leçon qu’il avait appris de son expérience de père, c’était que les enfants sont bien plus malins et apprennent bien plus vite que ce qu’on veut bien admettre. Il suffit d’être patient et de comprendre leur rythme et de les laisser mettre en place eux-mêmes leur processus d’apprentissage, sous bonne surveillance, évidemment. C’est en forgeant qu’on devient forgeron, il n’y avait pas plus vrai comme adage. Il faudrait que Jaime tient un certain nombre de fois un couteau afin d’évaluer sa forme, son poids, d’observer les adultes s’en servir et de s’y essayer à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’il finisse par maîtriser l’usage.

“Ça me rend toujours dingue les parents qui décident du jour au lendemain que leurs enfants doivent apprendre à faire quelque chose… “Demain tu iras au pot..” “Mange avec des couverts…” Comme si les enfants pouvaient juste choisir d’intégrer des pratiques du jour au lendemain... “

Aleksej se parlait autant à lui-même qu’en réponse à Solveig. Ce n’était pas le genre de discussions qu’ils avaient l’habitude d’avoir. Certes, il était plus à l’aise pour évoquer ses souvenirs avec Rebecka mais en général, il relatait souvent une anecdote. Il était rare qu’il donne son avis ouvertement sur l’éducation en général. D’ailleurs il s’était toujours abstenu de faire la moindre remarque que ce soit à Callie ou aux amis de Solveig. Ce n’était pas son rôle.

“À deux ans, il peut manger comme un adulte. Il faut seulement le lui coupé assez petit et éviter de saler la nourriture de manière général. Enfin, tu me diras, on devrait tous éviter de manger trop salé. C’est plutôt simple, à partir du moment où ils ont des dents...”

Aleksej avait sorti tous les légumes et s’attelait à la tâche de les préparer pour la blanquette. Il tendit une carotte à Jaime qui la colla directement dans sa bouche.

“La plupart des parents font très attention les premières années et une fois que leur enfant mangent comme eux, ils oublient complètement les bonnes pratiques… Toi par exemple, tu n’aurais pas besoin de changer beaucoup tes habitudes, tu as déjà une alimentation super saine… ”

Il se mordit la lèvre en réalisant qu’il avait peut-être implicitement impliqué l’idée qu’elle puisse être dans ce cas-là. Les mots n’avaient résonné dans sa tête qu’une fois qu’il les avait dit. Il n’ajouta rien à ce sujet en espérant que Solveig ne relèverait pas sa remarque. C'était effectivement étrange de parler de tout ça avec la jeune femme.

13/02/2021

Je sais qu’Aleksej en connaît un rayon sur les enfants mais...à ce point-là, c’est presque de l’obsession. Est-ce le fait d’avoir été père par le passé qui l’a rendu comme cela ou cherche-t-il inconsciemment à me faire passer un message ? Je ne sais pas quoi en penser, cependant je tâche de rester calme face à ce flot d’informations nouvelles et quelque peu incongrues pour moi.

Ne pas manger salé pour un enfant, d’accord, c’est noté. Impossible pour moi de dire pourquoi je décide de retenir cette information mais c’est fait. Dorénavant, je saurai qu’un petit enfant ne doit pas manger salé. Je n’ai aucune idée quant à savoir pourquoi mais si c’est comme ça, alors c’est comme ça. Pas de sel, point barre.

A partir du moment où ils ont des dents, c’est plus simple. Ca aussi, je retiens. Je n’ai toujours aucune idée de pourquoi je décide qu’il est important de retenir cette information mais, là encore, voilà qui est. Je hoche la tête pour que mon interlocuteur sache que je l’écoute et que j’essaie d’être aussi attentive que possible. Pourtant, toutes ces informations vont trop vite pour mon esprit. Malgré tout, je tiens le cap. Ça semble important.

- Toi par exemple, tu n’aurais pas besoin de changer beaucoup tes habitudes, tu as déjà une alimentation super saine…

Ses mots me heurtent de plein fouet sans que je ne puisse rien y faire. J’avale difficilement ma salive et commence à me demander s’il faut que je réponde à ça. Probablement pas. Il y a eu une erreur de langage de la part du Danois, c’est tout. Ca ne peut être que cela, de toute façon. Ce n’était qu’une manière de donner un exemple, j’imagine.

- Je vais aller vérifier que j’ai bien toutes mes affaires pour mon rendez-vous, dis-je subitement avant de fuir dans le bureau, une nouvelle fois.

C’est à mi-chemin que je réalise que j’ai laissé le scotch de déménagement et les ciseaux dans le salon. Je fais donc demi-tour et récupère le tout pour aller les ranger là où je les ai pris.

13/02/2021

Aleskej venait une fois de plus de mettre les pieds dans le plat. Il n’était pas habitué à voir Solveig prendre la fuite de la sorte et quand ça arrivait ce n’était jamais un bon signe. Il n’y avait aucun doute sur le fait que sa réflexion avait fait l’effet d’un pavé dans la mare. Déjà, il sentait un élan de culpabilité le saisir. Quand Solveig prétexta avoir des affaires à préparer pour son rendez-vous chez le médecin, il souscrit à son excuse ne voulant pas tourner le couteau dans la plaie mais le mal était peut-être déjà fait. Une fois la jeune femme hors de vue, il soupira en regardant Jaime.

“Ne grandit jamais, Jaime, reste un enfant toute ta vie…”

Le bambin acquiesça plus par réflexe que parce qu’il comprenait vraiment les paroles d’Aleksej mais le ton solennelle du Danois devait probablement lui indiquer que c’était la meilleure réaction. Il se replongea dans sa préparation, détaillant chacun de ses gestes au petit garçon qui répétait parfois des bouts de phrases ou certains mots qui devaient lui plaire. Les choses prenaient plus de temps mais ils n’étaient pas pressés et Jaime semblait se divertir du spectacle. Il appréciait également se servir de nourriture, chipant là un bout de carotte, trempant ses doigts dans la farine avec passion. Ce contre Aleksej n’avait aucune objection. Cela faisait partie de la découverte des goûts et des textures.

Avant de passer à la dernière étape de cuisson du poisson, il s’attaqua au nettoyage des ustensiles et du plan de travail. Il tendit une éponge au petit garçon qui l’imita en frottant énergiquement le bout de table à sa disposition. Évidemment, il y en avait plus sur lui, sur le rehausseur et sur le sol mais là non plus, ça ne dérangeait pas le danois. C’était l’intention qui comptait. Cuisiner, c’était aussi nettoyer. Quand il eut fini de tout nettoyer, il libéra le petit garçon qui commençait finalement à s’impatienter et le laissa vaquer à ses jouets. Midi était déjà passé et il ne fallait pas trop traîner s’ils voulaient que Solveig ne soit pas en retard pour son rendez-vous.

Il se posta dans l’encadrement de la porte du bureau, ne voulant pas envahir son espace. Un espace qu’elle avait déjà dû restreindre à cause de la présence de Jaime.

“On pourra manger d’ici une dizaine de minutes si ça te va…”