13/02/2021

Il ne me faut pas très longtemps avant d’avoir réuni tous les papiers qui me seront nécessaires pour mon rendez-vous avec l’oncologue de cet après-midi. Cependant, je ne trouve pas la force de rejoindre Aleksej et Jaime dans la cuisine. Pourtant, je les entends et je sais qu’ils passent un bon moment. Malheureusement, je ne parviens pas à trouver le courage de faire face au Danois pour l’instant. Il va me falloir encore quelques minutes pour me remettre de ce qu’il a dit. Je connais suffisamment l’homme pour savoir qu’il n’a pas dit cela pour me faire de la peine ou pour me mettre mal à l’aise, ce n’est pas son genre. Il a parlé sans réfléchir. Au fond, Aleksej voulait juste me donner un exemple concret. Il s’est simplement trompé de cible. Il a choisi la mauvaise personne pour illustrer l’exemple, voilà tout.

Je ne sais pas trop combien de temps s’est écoulé depuis l’incident quand j’entends Aleksej arriver devant le bureau pour me prévenir que nous pourrons déjeuner d’ici quelques minutes. Tournant mon fauteuil vers lui pour pouvoir le regarder, je lui souris faiblement. Je ne suis vraiment pas douée pour cacher mon malaise, actuellement. J'acquiesce et me lance.

- Tu ne l’as pas fait exprès, dis-je pour mettre un terme au malaise qui s’impose entre nous. “On oublie.”

Cela dit, je me lève et vais l’embrasser tendrement. Je veux qu’on arrête de se prendre la tête sur mon “terrible secret” même si cela n’est pas toujours évident.

- Où est Jaime ? demandai-je, soudainement inquiète.

Il l’a laissé tout seul ? Evidemment que oui, il n'y a que nous dans cet appartement. Nous et les chiens. Ce n'est pas comme si Maroon pouvait jouer les babysitter.

13/02/2021

En voyant Solveig lui sourire, Aleksej fut soulagé mais pas complètement serein. La preuve en était bien qu’elle venait de passer tout ce temps réfugiée dans le bureau alors que cuisiner était une activité qu’elle appréciait généralement. Il baissait les yeux au sol en l’entendant lui confirmer qu’elle avait bel et bien relevé sa remarque, dans le sens où il craignait. Cela n’avait pas été très subtil mais il n’avait pas réalisé la portée de ses paroles avant de les entendre sortir de sa bouche.

Il savait qu’elle ne voulait pas créer de conflit entre eux et dissiper le malaise mais il savait également que ni elle ni lui ne pourrait juste “oublier”. Ces derniers temps, certains sujets remontaient à la surface que ça leur plaise ou non. Certaines remarques anodines se transformaient en sous-entendu et ils ne pourraient pas continuer à les ignorer éternellement. Ils en parleraient. Mais pas aujourd’hui. Tacitement, c’était un point sur lequel ils s’accordaient probablement.

“Il doit probablement être en train de mettre ses doigts dans une prise… les enfants adorent faire ça…”

Il espérait que cette boutade serait assez grosse pour ne pas la vexer et pour dissiper l’éléphant qui était dans la pièce. Il lui adressa un sourire espiègle avant de lui rendre son baiser. Un baiser rapide parce que oui, il fallait garder un œil sur Jaime. D’ailleurs quand le petit garçon réapparu dans son champ de vision, il était en train de sortir toutes les pochettes de vinyles de l’étagère.

“Pop, pop, pop, ma petite crapule…”

Aleksej se précipita auprès de l’enfant et lui retira délicatement celui qu’il avait entre les mains et qu’il était sur le point de sortir de l’emballage.

“Doucement, c’est très fragile… regarde…”

Aleksej posa le disque sur la platine et souleva Jaime pour lui montrer comment il la mettait en marche. Les premières notes d’un morceau de Jazz retentirent alors dans l’appartement sous le regard ébahi du petit garçon qui commençait à taper des mains en cadence.

“Tu vois la musique est écrite dans les petits traits… alors si on les abîme la machine ne pourra plus les lire correctement.”

Alors que Solveig les rejoignit dans la pièce principale. Le Danois décréta qu’il était temps de passer à table. Il installa le petit garçon dans son rehausseur et entreprit de dresser la table.

13/02/2021

Je rêve de lui hurler dessus en disant que ce n’est pas drôle et que Jaime pourrait vraiment être en train d’explorer les quatre coins de la maison jusqu’à aller trouver des petits trous fascinants dans lesquels il chercherait à glisser ses petits doigts potelés. Et Dieu sait ce qui arriverait s’il faisait une chose pareille ! Ce qui est certain, c‘est que je ferai un arrêt cardiaque.

Il quitte finalement le bureau et trouve le très jeune membre du clan Winshop en train d’explorer non pas les prises électriques mais les vinyls auxquels un certain Aleksej Svendsen tient tout particulièrement. Pas peu fière de réaliser qu’au fond, je n’avais pas totalement tort quant à mes inquiétudes, je croise les bras contre ma poitrine et observe de loin la scène qui suit. Aleksej ne dispute pas Jaime, bien évidemment, l’enfant ne faisait qu’explorer après tout. Il lui montre ce qu’il avait entre les mains et lui explique même à quoi ça sert. Je ne suis pas certaine qu’un enfant de deux ans soit en mesure de comprendre l’utilité d’un vinyle mais je ne cherche pas à arrêter Aleksej dans sa leçon.

Finalement, je me décide à les rejoindre pour aller déjeuner. Je sens que ça va être un joyeux bordel, comme on dit. Pas sûre que Jaime sache gérer sa nourriture tout seul vu son jeune âge. Je demande à voir.

- Je vais le faire, dis-je à Aleks qui s’apprête à mettre la table.

Il en fait assez comme ça aujourd’hui. C’est dorénavant à moi de mettre la main à la pâte. De plus, ça m’évite de devoir véritablement interagir avec Jaime. Même si je ne l’avouerai pas à voix haute, la seule idée de devoir occuper le petit garçon me fiche une pétoche monumentale mais ça, Aleks le sait. Il me connait.

13/02/2021

Aleksej laissa volontiers la jeune femme s’occuper de mettre la table et repris place derrière ses fourneaux pour finir la cuisson. Il attrapa l’assiette que la jeune femme avait sorti pour le bambin et y déposa un petit bout de poisson et une variété de légumes qu’il coupa en tout petits dés. Il y ajouta un peu de sauce. Une fois l’enfant servit, il était à présent possible de rectifier l’assaisonnement au goût des adultes. Aleksej aimait les plats qui avaient du goût mais c’était peut-être un peu beaucoup pour un enfant de deux alors mieux valait ne pas tenter le diable et se retrouver avec un Jaime qui refuse de toucher à son assiette. Il ne savait pas trop qu’elles étaient les habitudes de Callie à ce niveau-là. Il servit Solveig puis se servit à son tour.

“Installe-toi… c’est meilleur chaud.”

Solveig et Aleksej s’asseyait généralement face à face, le Danois avait donc installé le petit garçon au bout du plan de travail pour pouvoir s’en occuper plus facilement. Il récupéra l’assiette du petit garçon sur laquelle il se mit à souffler.

“est saud ?”
“Mmm… non ce n’est plus chaud regarde, c’est tiède. J’ai bien soufflé dessus.”

Il posa l’assiette devant le bambin et lui tendit une petite cuillère. Il adressa un sourire à Solveig en l’observant prendre sa première bouchée. Aleksej ne commençait jamais à manger en premier. Du moins pas quand il cuisinait. Il attendait toujours de voir la réaction de Solveig. Non pas qu’il doutait de la qualité de sa cuisine, il la gouttait tout au long de la préparation, mais il s’inquiétait toujours de savoir si ses plats étaient au goût de la jeune femme.

“Tu prends un taxi cet après-midi ?”

Ils avaient parlé son rendez-vous mais pas vraiment l’organisation de la journée. Entre temps, Aleksej avait accepté de prendre Jaime et il n’en avait pas reparlé. Avant d’accepter, il s’était demandé si Solveig avait en tête qu’il l’accompagne. Mais à aucun moment elle n’avait évoqué cette possibilité. Il savait que ce n’était qu’un contrôle mais ça ne l’empêchait pas d’être stressé. Étant donné la manière dont ça s’était passé quand elle lui avait appris qu’elle était malade, il s’efforçait de ne pas faire une montagne dès la moindre inquiétude et de rester positif.

Alors qu’il écoutait la réponse de sa brunette, son regard bifurqua sur le côté, attiré par Jaime qui était en train de tester la gravité en lâchant minutieusement des bouts de carottes sur le parquet.

“Ah non Jaime ! La nourriture elle va dans l’assiette ou dans la bouche, mais pas sur le sol.”

Sa voix n’avait absolument pas augmenté de volume mais son ton s’était fait ferme. Jaime observait Aleksej droit dans les yeux, essayant de jauger jusqu’où il pourrait aller. La main toujours tendue au-dessus du sol, il écartait ses petits doigts avec lenteur. Aleksej fronça les sourcils et fit les gros yeux. Il pointa son index bien droit en direction du petit garçon. Il s’agissait de savoir lequel des deux allait baisser le regard en premier. Si ça pouvait marcher avec d’autres adultes, Aleksej était bien trop carré pour se laisser avoir. Sans parler de son expérience d’avocat à toute épreuve.

“Ne t’avises pas de faire ça… si tu ne veux pas manger, tu n’es pas obligé. Mais on ne gâche pas la nourriture… Attention… Si je dois compter, je vais me fâcher et je n’ai pas envie de me fâcher avec toi.”

Il fallait croire que Callie aussi utilisait la méthode de compter jusqu’à trois car le petit garçon rabattit son bras et remis la nourriture dans le bol sous le regard toujours vigilant d’Aleksej. Ma foi, il avait essayé. Le bambin trouva un intérêt soudain à sa cuillère et passa complètement à autre chose en un claquement de doigts. Aleksej prit une grande inspiration et détendit un peu ses épaules. Voilà une situation à laquelle il n’avait pas été confronté depuis très très longtemps.

13/02/2021

- Oui, je t’avouerai que pour le coup, je ne me sens pas de prendre les transports en commun alors que je n’ai pas la tête au clair.

Impossible de nier que ce rendez-vous ne me laisse pas de glace. Je suis quasiment certaine que le médecin en charge de mon dossier va me dire que tout va bien parce que je le sens au fond de moi mais malheureusement, une petite crainte persiste. J’imagine que tous les patients ayant connu la même pathologie que moi ont eu, eux aussi, cette appréhension lors des premiers rendez-vous post-opération.

- Je sais que tout va bien se passer mais je vais m’accorder le droit à un chauffeur, aujourd’hui. Rassure-toi, c’est exceptionnel.

Aleksej et moi avons mis en place de nouveaux principes de vie depuis que nous avons officialisé notre histoire. L’un de ceux-ci est de ne pas prendre de voiture si cela n’est pas obligatoire. Les transports en commun sont devenus une habitude dans nos vies mais aujourd’hui n’est pas un jour comme d’habitude.

Jaime décide tout à coup de jouer au gros dur, ce qui ne manque pas de me faire sourire. Je me retiens pour ne pas rire parce que j’ai déjà entendu dire que ce n’était pas une bonne idée qu’il y a un bon flic et un mauvais flic. Non pas que nous représentions d’une quelconque manière qu’il soit les parents de Jaime mais l’idée ne manque pas de m’effleurer l’esprit.

Je n’ai jamais eu l’occasion d’observer Aleksej dans la peau de l’adulte en charge d’un enfant. Quand nous sommes entre amis et que ces derniers amènent leurs enfants, il joue avec eux mais n’a pas besoin de se conduire comme une figure d’autorité. Là, aujourd’hui, c’est différent car Calliopé n’est pas présente. Il faut que quelqu’un encadre Jaime et je ne suis clairement pas en état de le faire.

- Tu sais y faire avec les enfants.

C’est un constat. Un constat dont j’avais déjà conscience, bien évidemment.

13/02/2021

Aleksej avait acquiescé aux paroles de la jeune femme. Même s’ils essayaient au maximum de prendre les transports en commun, l’idée que Solveig prenne un taxi le rassurait un peu. Ni l’un ni l’autre n’était tranquille à l’idée de ce rendez-vous et chacun essayait de convaincre l’autre qu’il ne s’agissait que d’une formalité. Aleksej ne voulait pas en faire toute une histoire et mettre encore un peu plus de pression sur les épaules de la jeune femme. Il ne pouvait pas prendre sa place et il devait se contenter de la soutenir du mieux qu’il pouvait.

Il haussa les épaules quand elle lui dit qu’il se débrouillait bien avec Jaime. Il faisait ce qu’il pouvait en essayant de tenir ses principes. Évidemment, il avait l’expérience de son passé. Il connaissait également les règles de Callie pour l’avoir observé s’occuper de son fils et à cela s’ajoutait ses propres valeurs. Aujourd’hui, il était responsable du petit garçon et il ne pouvait pas le laisser faire tout ce qu’il voulait. Ce n’était pas son rôle préféré mais il savait que c’était nécessaire. Les enfants avaient besoin de repère, de règles et de limites à ne pas dépasser.

Il se coupa avant de répondre quoi que ce soit. Il allait dire que ce n’était pas si compliqué, qu’il suffisait de faire preuve de bon sens mais sa phrase aurait pu être mal interprété. En aucun cas il ne voulait rabaisser Solveig en lui disant qu’elle ne savait pas y faire ou la mettre un peu plus mal à l’aise. Peut-être bien qu’il y avait des personnes à qui ça venait plus naturellement mais il avait simplement l’impression que c’était une vieille habitude. Il avait appris à s’occuper de sa fille, il avait aussi à s’occuper de Jaime. Apprendre n’était pas malaisé quand le sujet nous intéressait. Ou du moins quand on se sentait à l’aise.

Aleksej récupéra la petite cuillère et s’attela à donner à manger au petit garçon qui avait suffisamment expérimenté par lui-même et qui frottait déjà ses yeux. Jaime mangea sans histoire, bien content que le Danois prenne le relais. Ce dernier félicita chaleureusement le bambin quand il eut terminé son assiette. Le bonhomme montrait des signes de fatigue et Aleksej n’avait pas l’intention d’insister. Il avait passé un bon moment à courir après Boule et avait était particulièrement concentré pendant la préparation du repas, pas étonnant qu’il pique du nez.

Le Danois se leva pour sortir le petit garçon de la chaise haute et s’approcha de Solveig dont il caressa doucement la nuque.

“Je ferais la vaisselle quand il sera endormi comme ça tu peux prendre encore un café et te mettre en route tranquillement. Tu m’envoies un message dès que tu as finis ? Allez mon grand, on dit à tout à l’heure Solveig…”

Aleksej embrassa doucement la brune sur le sommet de la tête et prit le chemin de la chambre, non sans avoir ramassé tétines, doudous et livres indispensable pour le rituel de la sieste, même s’il ne doutait pas que le bout de chou allait sombrer assez rapidement.

13/02/2021

Nous finissons notre déjeuner de manière relativement paisible puis, l’heure sonne pour moi. Il est temps que je quitte l’appartement et que je me rende à mon rendez-vous médical. L’effet post-déjeuner me frappant évidemment de plein fouet, j’ai encore moins envie d’y aller que précédemment. Cependant, n’ayant pas le choix, je me force à bouger et à me motiver (un peu).

Jaime commence à flancher, obligeant Aleksej à prendre les devants. Il va s’agir de préparer le petit homme à la sieste. Je les regarde interagir et me retiens de froncer les sourcils en écoutant le danois et en remarquant son comportement à mon égard, un comportement différent de ce dont j’ai l’habitude. Je ne suis plus le centre de son attention et je réalise brutalement que cela ne me convient pas. Voilà peut-être une nouvelle raison de ne plus être triste quant à ma stérilité médicalement confirmée. Je ne veux pas voir un être humain se mettre entre nous. Je tiens trop à ce qu’Aleks et moi nous représentons à deux. Je ne l’avais simplement jamais remarqué.

- Je peux la faire en rentrant aussi, dis-je simplement tandis que l’homme est déjà en train de filer dans la chambre à coucher. Il ne m’a probablement pas entendu.

C’est non sans un soupir que je me fais violence et m’en vais mettre mes chaussures et mon manteau non sans oublier de récupérer les essentiels de mon voyage : téléphone portable, clés, portefeuille et papiers nécessaires au rendez-vous.

Un instant plus tard, je me suis envolée.

Il ne me faut pas longtemps avant de mettre la main sur un taxi libre qui m’emmène à l’hôpital où j’ai été opérée en décembre dernier.

A|S

Contrairement à ce que je pensais, le rendez-vous s’est prolongé mais rien de négatif n’en est ressorti. Le médecin en charge de mon dossier a été ravi de constater lors des examens effectués que tout semble aller au mieux, qu’aucune récidive ne semble avoir fait son apparition. Je ne suis pas encore sortie d'affaires car il faut rester extrêmement vigilant, m’a-t-il dit. Cependant, il m’a aussi dit que j’aurai bien besoin de vacances, ne serait-ce que pour reprendre des couleurs. Je n’ai pas trop su comment prendre ça alors j’ai fait comme si de rien n’était. Je lui ai parlé des billets d’avion offerts par Aleks pour mon anniversaire et lui ai demandé s’il voyait une contre-indication quant à ce que je voyage en Europe sous peu. Le médecin m’a donné son accord mais pas plus de dix jours sans quoi nous ne pourrions pas nous voir comme nous devons le faire tous les mois pendant un certain temps. J’ai promis de tout faire pour éviter ça et je compte bien tenir ma promesse. Il n’y a plus qu’à trouver des dates avec Aleks et en informer mes supérieurs qui, je l’espère, ne me refuseront pas un congé sans solde.

Je trouve l’appartement particulièrement calme quand je rentre. Le calme s’explique par l’absence de toute présence humaine (ou animale) chez moi. Aucun mot n’a été déposé et je n’ai pas reçu de sms de la part d’Aleks qui a dû penser que cela ne serait pas nécessaire.
Lessivée, je me débarrasse de mes affaires aussi proprement que possible puis file me laver les mains dans la cuisine (où je constate que le danois a fait la vaisselle) avant de partir à la recherche des æbleskiver que je n’ai pas mangé quand ils m’ont été rapportés, plus tôt.

Le sachet bien en main, je file dans le salon et m’affale sur le canapé comme une loque. Le silence environnant me fait un bien fou.

13/02/2021

Au moment d’ouvrir la porte de l’appartement, Aleksej aperçu la lumière et le fait que les chiens se ruent l’intérieur lui confirmèrent la présence de Solveig. L’étau qui enserrait sa poitrine se relâcha un peu. Il avait du mal à contrôler son rythme cardiaque ce qui rendait sa respiration malaisée. Il aperçut enfin la jeune femme installée sur le canapé et il poussa un long soupir. Il n’avait pas pris la peine d’enlever ni son manteau ni ses chaussures. Malgré une once de soulagement, sa mâchoire était serrée. Il s’avança vers le salon d’un pas prudent, il n’ouvrit la bouche que lorsque la jeune femme leva la tête dans sa direction.

“Tu… Tout va bien ?”

À quinze heures, quand Jaime s’était réveillé de la sieste et l’avait sorti lui-même de son sommeil, il inspecta son téléphone pour voir qu’elles étaient les nouvelles de la jeune femme. Aucun message. Peut-être qu’ils avaient simplement pris du retard. Ça arrivait fréquemment quand on avait des consultations à prendre à l’hôpital. Il envoya un texto pour lui dire que le petit garçon était réveillé et qu’ils pouvaient l’attendre pour aller faire une balade avec les chiens. Jaime et lui jouèrent encore un peu avant de prendre le goûter. Vers 15h30, toujours pas de nouvelles de Solveig. Aleksej envoya un nouveau texto. Sans réponse.

Il avait commencé à sentir ses muscles se tendre sans qu’il ne puisse rien n’y faire. Il observait Jaime manger sa compote et une boule se formait au creux de son estomac. Le Danois avait tapoté nerveusement sur l’écran de son téléphone jusqu’à ce que l’enfant ait terminé sa collation. Quand le bambin lui proposa de partager, il refusa poliment en tentant d’esquisser un sourire au petit garçon. Il composa finalement le numéro de Solveig. Toujours pas de réponse et les minutes semblaient tourner comme la lame d’une scie tranchante. Il sentait la pression monter en lui et sa rationalité s’envolait proportionnellement.

“Tu ne répondais pas…”

13/02/2021

Quand j’entends la porte s’ouvrir et que je vois mes deux chiens me sauter dessus, je n’ai pas besoin de constater quoi que ce soit: Aleksej vient de rentrer à la maison et ramène avec lui toute la bande.
C’est quand je croise le regard perdu et alarmiste du Danois que je réalise qu’il y a quelque chose qui m’échappe totalement. Il me demande si je vais bien sans même prendre le temps de se débarrasser de ses chaussures, chose qu’il fait normalement par automatisme. Aucun scandinave ne marche avec ses chaussures en intérieur, c’est mal vu. Ils sont très proches des japonais sur ce point mais je n’en ai jamais fait la remarque.

- Répondu à quoi ? demandai-je, dans l’incompréhension la plus totale.

Je garde tout de même certains réflexes comme celui d’attraper mon iPhone posé sur la table basse. J’en allume l’écran qui ne m’affiche rien de plus que mon fond d’écran habituel : une photo de nous deux, à Montauk.

- Je n’ai rien sur mon téléphone, regarde, dis-je en tournant l’écran vers l’homme pour qu’il constate de ses propres yeux que je n’invente rien. “Je trouvais ça bizarre aussi que tu sois sorti sans m’envoyer un message pour me prévenir.”

Tout en fronçant les sourcils, j’observe l’appareil technologique sous toutes ses coutures avant de prendre la décision suivante : l’étreindre pour ensuite le rallumer. Je n’ai encore jamais rencontré de problèmes de réseau mobile mais quelque chose me dit qu’aujourd’hui pourrait être le commencement.
Pas manqué.
A peine l’appareil de nouveau prêt à l’emploi, celui-ci m’affiche plusieurs SMS et appels manqués. Je lève les yeux au ciel et lance ensuite un regard navré à Aleksej.

- Il a totalement buggé, je suis désolée, søde.

C’est en lui souriant tendrement que je me lève et viens l’embrasser sur les lèvres.

- J’ai le feu vert du médecin pour voyager.

Il sait ce que cela veut dire. Malheureusement, je sais que nous ne pourrons pas avoir cette conversation de suite. Jaime est là et il faut l’occuper.

- Vous êtes allés vous promener au parc ?

13/02/2021

Elle ne répondait pas à sa question. Il n’avait pas la moindre idée de l’état dans lequel elle était, pas la moindre idée de ce qu’avait dit le médecin. Il ne pouvait que grappiller les indices à sa disposition. Elle ne semblait pas alarmée. Et peu à peu, il réalisait qu’il avait complètement perdu le contrôle de sa raison pendant les heures qui venaient de passer. Elle n’avait pas eu ses messages. Il s’agissait seulement d’un malentendu. Il revoyait soudain toute son après-midi redéfiler devant ses yeux et le ridicule de la situation. Ce n’est que quand elle lui demanda où ils étaient allé que son cerveau réactiva quelques connections. Jaime. La poussette.

“Euh oui… au parc oui…”

Son regard balaya rapidement l’appartement alors qu’il essayait de reprendre ses esprits. Il attrapa le sac que lui avait donné Callie et commença à remettre dedans les affaires de l’enfant qui étaient éparpillées dans la pièce. La sonnerie de son téléphone retentit deux fois. C’était son signal.

“Callie est en bas… je vais vite lui ramener les affaires… et Jaime…”

Aussi chargé que lorsqu’il était entré dans l’appartement ce matin avec le petit garçon, Aleksej entreprit le trajet inverse. Quelques minutes plus tard, il était de retour dans l’appartement. Il se laissa tomber sur le fauteuil et frotta fébrilement son visage. Il aurait eu toutes les raisons de se maudire, mais la vérité était qu’il était bien trop fatigué pour ça. D’ordinaire, il aurait cherché à analyser la situation, à essayer de comprendre le pourquoi du comment. Pourquoi la peur était le premier sentiment qui s’était emparée de lui et dans quelle mesure il avait perdu le contrôle à ses dépens. Pas aujourd’hui. Pas ce soir. Solveig semblait aller parfaitement bien, c’était tout ce qui comptait. Du moins, il se sentait trop las pour ne pas s’en contenter.

13/02/2021

- Oh, dis-je, surprise. “Elle le récupère déjà ?”

Bien que j’ai à parler avec Aleksej d’une multitude de choses, je ne m’attendais pas pour autant à ce que Calliopé passe récupérer son plus jeune fils aussi tôt. Je ne sais pas trop à quoi je m’attendais ; peut-être à ce qu’elle passe sur les coups de sept ou huit heures du soir. Maintenant que j’y réfléchis un peu, c’est vrai que c’est totalement idiot. Aucun parent ne viendrait récupérer son enfant aussi tard. J’imagine que Jaime doit être couché à huit heures le soir.  

Je tourne rapidement la tête vers la poussette dans laquelle se trouve le petit garçon.

- Attends, dis-je au Danois pour qu’il n’emmène pas le petit de suite. “Donne moi deux minutes.”

C’est rapidement que je me dirige dans l’entrée pour récupérer mon sac à main lâchement abandonné lors de mon retour quelque temps plus tôt. J’ouvre le sac et en sors une petite peluche lion que je tends ensuite au petit garçon, à moitié endormi dans la poussette.

- Tiens, Jaime. C’est pour toi.

Maintenant tout éveillé sous l’effet de la surprise,  le petit bonhomme attrape la peluche, l’ausculte sous tous les angles avant d’avoir une petite étincelle dans le regard pour finalement serrer la peluche fort contre lui.

- Mici, me dit-il simplement sans plus quitter la bête des bras.
- A bientôt ?
- Vi, bentot.

Je me redresse et lance un regard vers Aleksej.

- C’est de la fibre non traitée chimiquement issue de ressources éco-responsables et c’est adapté aux enfants mêmes en bas-âge. J’ai demandé. Tu pourras le dire à Calliopé, qu’elle ne pense pas que j’essaie de tuer son fils.

13/02/2021

Solveig semblait surprise que Callie viennent déjà récupérer le petit garçon. Ce n’était effectivement pas tout à fait ce qui avait été prévu au départ. Il avait tenté de garder son calme. Il était sorti avec le bambin et les chiens et s’était rendu au parc. Mais au bout d’un quart d’heure les yeux fixés sur son téléphone, il avait fini par craquer. Solveig aurait dû être sorti de son rendez-vous depuis un moment maintenant et il n’arrivait toujours pas à la joindre. Elle devait lui envoyer un message quand elle avait fini. Alors il avait appelé Callie. Quelque chose clochait, il avait un mauvais pressentiment. Et si son amie avait tenté de le réassurer, elle avait compris qu’il ne servait à rien d’essayer de raisonner Aleksej. Il n’aurait l’esprit apaisé que lorsqu’il aurait reçu des nouvelles de Solveig et qu’il serait certain que tout allait bien.

Il s’était donné rendez-vous à l’appartement du couple, le temps que Callie fasse le trajet et que le Danois rentre avec la troupe et rassemble les affaires de Jaime.

Il s’arrêta sur le pas de la porte comme Solveig le lui avait demandé. Il l’observa faire ses adieux au petit garçon. Elle lui avait acheté une peluche. Décidément cette journée était pleine de surprises. Mais le plus important, elle allait bien. Tout allait bien. Tout cela n’avait été qu’un terrible cauchemar dont il était en train de se réveiller. Il sourit tendrement à la jeune femme en entendant toutes les précautions qu’elle avait prises pour choisir le jouet, puis il prit le chemin de la sortie. Il discuta encore quelques minutes avec Callie qui était au volant de la voiture, jusqu’à ce que les garçons commencent à s’impatienter sur la banquette arrière.

Quand il remonta dans l’appartement, Solveig avait repris sa place sur le canapé. Il se laissa tomber à côté d’elle et embrassa doucement sa joue avant de lui piquer un Aebelsiker. Il était inutile de demander la permission, elle avait du mal à partager ces petites gourmandises. Il se laissa glisser contre elle et posa sa tête sur ses genoux avant de fermer les yeux.

13/02/2021

J’attends patiemment qu’Aleksej remonte à l’appartement et lorsqu’il le fait, il me rejoint sur le canapé en venant posant la tête sur mes jambes sans un mot dit. Alors qu’il ferme les yeux sous l’effet de ce qui semble être un soudain soulagement, je fronce mes sourcils et passe une main dans ses cheveux quelque peu en bataille.

- Tu m’expliques ?

Impossible que son état soit dû à la présence de Jaime chez nous, il était beaucoup trop content de l’avoir aujourd’hui. De plus, il est habitué à avoir le petit garçon autour de lui quand il va chez Calliopé. J’en conclus sans difficulté aucune que le petit garçon n’a donc rien à voir avec son état. Et si ce n’est pas Jaime alors...

- Tu as eu peur pour moi, dis-je sans même attendre qu’il daigne me répondre quelque chose.

Evidemment qu’il a eu peur. Quelle idiote je fais ! Je ne répondais ni à ses SMS ni à ses appels. Je ferme les yeux et soupire.

- Je suis vraiment désolée que mon téléphone ait buggé comme ça, Aleks. Ce n’était vraiment pas mon intention de te faire peur, tu le sais, ça, n’est-ce pas ? Le médecin m’a confirmé que mes résultats étaient bons. Ça va aller, je le sens au fond de moi et j’ai besoin que tu y crois, toi aussi. S’il y avait le moindre risque, il ne m’aurait jamais donné l’autorisation de voyager en Europe. D’accord ?

Mes doigts lui caressent le cuir chevelu avec douceur. Ce genre de gestes le rassurent, je le sais parce que lui et moi, nous avons nos habitudes maintenant. Malheureusement, il semble que je ne sois pas encore totalement en mesure de lire entre les lignes avec le danois sans quoi j’aurai de suite compris le problème à peine était-il rentré, quelques instants plus tôt. J’aurai dû le prendre dans mes bras et l’enlacer si fort qu’il aurait à peine pu respirer normalement. Mais étant qui je suis, je n’en ai rien fait. Cela lui pose-t-il problème ? Cela fait-il partie des choses qui “posent problème” dans mon comportement vis-à-vis de notre relation ?

- Est-ce que tu me trouves trop froide à ton égard ?

Je sais que cette question nous fait quelque peu passer du coq à l’âne mais j’ai besoin d’en avoir le cœur net. Ai-je besoin de m’améliorer ? Suis-je réellement devenue un cœur de pierre ?

13/02/2021

Aleksej soupira en sentant les doigts de Solveig venir caresser doucement sa tête. Sa tête balança d’avant en arrière alors qu’elle s’excusait et qu’elle le rassurait. Il ne voulait pas lui donner l’impression qu’il ne croyait pas en sa rémission, c’était vraiment la dernière chose qu’il souhaitait. Il avait besoin d’y croire, autant qu’elle. Mais Aleksej étant Aleksej, le chemin que suivait son cerveau était la ligne droite vers le pire. Mais il s’agissait seulement d’un malentendu, d’un téléphone qui n’avait as été mis à jour. Il s’était emballé, il voulait bien admettre que sa réaction était disproportionnée. Mais tout ceci était terminé maintenant. Ils étaient juste tous les deux à la maison et c’était la seule chose qui importait.

Il se redressa vivement quand Solveig lui posa une question qui non seulement le surpris mais le déconcerta encore plus.

“Qu’est-ce que tu racontes ?”

Leur relation était parfois compliquée. Ils n’étaient pas les deux êtres humains les plus simples de la planète, c’était une évidence. Mais à aucun moment, il n’aurait pu avoir une telle pensée. On trouvait froid un chauffeur de taxi, une vendeuse ou éventuellement un collègue mais pas sa petite amie. Il fronça les sourcils et prit le visage de la jeune femme dans sa main pour le lever vers lui.

“Où est-ce que tu vas chercher ça, hein ?”

Il colla son front contre celui de la jeune femme et frotta son nez doucement contre le sien. Ses yeux cherchaient ceux de la brunette. Évidemment, ils n’étaient qu’au balbutiement de leur relation, mais ils en apprenaient un peu plus chaque jour l’un sur l’autre. Et pour des personnes qui n’étaient ensemble que depuis un peu plus de deux ans, le Danois trouvait qu’il avait fait un sacré chemin. Il n’y avait personne en qui il avait plus confiance. Personne d’autre contre qui il voulait se réveiller le matin ou s’endormir le soir.

“Tu n’es pas froide… Tu es sensible et prudente en matière de sentiments. Sauf peut-être quand il s’agit de moi…”

Son sourire espiègle réapparu sur le visage du Danois. Aleksej avait toujours voulu aller plus vite que la musique depuis leur premier baiser. Mais c’était elle qui leur avait fait franchir les étapes importantes de leur vie de couple.

13/02/2021

Sensible et prudente en matière de sentiments. Ces mots n’ont pas pour effet de me rassurer. Cependant, les toutes dernières paroles du Danois parviennent malgré tout à étirer le coin de mes lèvres. Il a probablement raison à ce sujet, je ne suis pas toujours des plus raisonnables quand il s’agit de notre histoire. Quand on y réfléchit avec un peu de sérieux, j’oserai même dire que je suis du genre à foncer tête baissée. N’était-ce pas moi qui l’avais embrassé la première dans Central Park ? N’était-ce pas moi qui avais proposé de vivre ensemble ?

- Je veux que tu me promettes une chose pour l’avenir : si je deviens distante ou pas suffisamment investie dans notre couple, il faut que tu me le dises.

C’est important et le timbre de ma voix ne laisse aucune place au doute. Aleksej doit avoir compris sans que je n’ai besoin de lui marteler le cerveau avec la notion d’importance.

Cela n’est une surprise pour personne de savoir que mon cancer a eu un effet très brutal sur mon état psychologique. Du jour au lendemain, j’ai cru tout perdre. Le break entre Aleksej et moi n’a rien arrangé mais je considère cela comme secondaire. C’était nécessaire, inévitable même. Je savais au fond de moi qu’il me reviendrait. Je voulais simplement lui donner la possibilité de se focaliser sur lui-même. Comment pouvais-je attendre de lui qu’il s’occupe de moi alors qu’il n’était pas capable de s’occuper de lui-même en tout premier lieu ? Beaucoup de nos proches n’ont pas compris le pourquoi de notre break et, passé un moment, j’ai arrêté d’essayer de me justifier. Je savais ce que je faisais, je savais que c’était nécessaire. J’avais raison. Notre couple ne s’est jamais aussi bien porté. Bien-sûr, beaucoup de choses sont encore à régler du côté du Danois (peut-être aussi de mon côté) mais cette fois, je sais qu’il ne s’agira pas de choses qu’on ne peut pas affronter ensemble. Je commence même à assumer certaines de mes limites, des limites que je n’avais pas avant. L’une d’elles étant une certaine jalousie. Je n’ai jamais été jalouse par le passé mais depuis Aleks, je me méfie. D’accord, j’extrapole un peu car, au fond, je ne me méfie que d’une seule femme : la sienne. Son ex-femme.
Au début de notre histoire, je ne pensais pas que ça marcherait. Je ne saurai pas l’expliquer précisément mais je pensais que nous étions là pour nous soigner mutuellement. Lui de son passé dévastateur, moi d’une relation échouée. Mais cela ne s’est pas du tout passé comme je le croyais. Je suis tombée amoureuse de lui à un point que je suis incapable d’expliquer. Après William, je ne pensais pas pouvoir un jour ressentir de nouveau un tel amour pour quelqu’un. Il aura fallu Aleksej Svendsen, mon ennemi professionnel pour réaliser à quel point j’avais eu tort. A quel point j’avais encore le droit d’aimer malgré certaines grosses déceptions du passée.

Confortablement installée dans les bras de l’homme, je relève la tête pour le regarder dans les yeux.

- Ce soir, on commande. Demain, on reste au lit. On annule le déjeuner en s’excusant auprès de Charles et Denise.

Il est temps que nous passions du temps ensemble, comme nous l’avions prévu vendredi. Il est effectivement temps pour Aleks et moi de nous retrouver un peu seuls.

13/02/2021

Aleksej ne savait pas bien d’où venait cette soudaine hantise. Est-ce qu’il se montrait trop insistant ? Il savait qu’elle n’était pas du genre tactile et qu’il lui fallait parfois du temps pour s’autoriser ou se découvrir des envies de tendresse. Elle lui avait déjà cédé pas mal de terrain de ce côté-là et il en était bien conscient. Mais après l’opération, il ne s’était plus focalisé que sur elle. Il avait eu tellement peur de la perdre qu’il ne voulait plus manquer une miette, pas une seule seconde. Et son comportement s’en était ressenti. Il était toujours demandeur malgré le fait qu’il savait qu’elle avait besoin d’espace.

“Je ne veux pas que tu dises ce genre de choses… Je ne veux pas que tu te sentes obligée de coller à une certaine image du couple. Je t’aime comme tu es et tu m’apportes déjà beaucoup plus que ce que je ne pourrais souhaiter. Et je veux que TU me promettes que tu ne te forceras jamais à faire des choses qui ne sont pas dans ta nature ou dans ton caractère simplement parce que tu crois que c’est ce que tu es censée faire… Vivre ma vie à tes côtés, c’est tout ce dont j’ai besoin.”

Aleksej déposa un baiser sur son front avant de lui adresser un sourire d’encouragement. Un sourire qui voulait effacer les doutes et les incertitudes. Alors qu’elle venait s’installer contre lui, il poussa un nouveau soupir de soulagement. Il ferma les yeux quelques secondes, se laissant le temps de profiter de cet instant en pleine conscience. Le monde autour d’eux s’évaporait. Il ne restait plus que la chaleur de son corps, l’odeur de ses cheveux et le mouvement de sa respiration sur lequel se calait celui du Danois. En entendant la jeune femme, un large sourire se dessina sur ses lèvres avant même qu’il ne rouvre les yeux.

“Hum… j’aime quand tu parles comme ça… Je t’avoue que je n’ai absolument pas le courage de cuisiner ce soir. J’adore Jaime et je suis ravi d’avoir pu donner l’occasion à Callie et Brayon de se retrouver, mais avoir à tenir de tels seuil de patience et de tolérance… et devoir être dans un état d’attention permanent… Je ne suis plus habitué à ça…”

Et pour cause. Aleksej ne s’était pas occupé d’un enfant en bas âge depuis presque vingt ans. Et à l’époque, il était dans la force de l’âge. Son corps et son esprit pouvait encaisser beaucoup plus. Il était aussi plus naïf et imprudent. Avec l’âge, il avait appris à être raisonnable. Du moins jusqu’à ce que Solveig fasse irruption dans sa vie.

“On pourrait commander à emporter chez Smor… ça nous mettrait dans le bain…”

Si son esprit avait été un peu éparpillé depuis qu’il était rentré, les paroles de la jeune femme ne lui avait pourtant pas échappé. Elle avait demandé à son médecin s’il n’y avait pas de contre-indications pour voyager. Aleksej attendait cela depuis le jour de son anniversaire où elle avait décacheté l’enveloppe dans laquelle il avait glissé les billets d’avion.

13/02/2021

La soirée est encore meilleure que ce que j’avais pu imaginer. Nous discutons du futur voyage, nous nous mettons d’accord sur des dates tout en gardant à l’esprit deux choses : notre séjour ne pourra pas être plus long que dix jours et mes supérieurs doivent me donner leur aval pour partir. Sans l’une de ces deux choses, le tout est compromis. Aleksej l’a compris.

Le reste de notre week-end, nous le passons comme convenu au lit, cachés sous les draps (quand nous ne les faisons pas tomber sur le sol). Évidemment, nous nous forçons à sortir les chiens deux fois dans la journée comme il est normal de le faire quand on possède deux chiens comme nous. Et encore, autant dire que les bêtes ont été particulièrement sympathiques avec nous car sortir deux fois, au final, ce n’est vraiment pas grand-chose.

Etonnamment, nous n’évoquons pas la présence de Jaime à la maison. C’est comme si Aleks avait senti le malaise que cela m’avait apporté. Non pas que je lui en veuille d’avoir accepté d’aider son amie qui était en galère, loin de là. Mais impossible pour autant de prétendre que je n’ai pas été perturbée par la présence du petit bout d’homme de deux ans à peine entre nos murs. Disons que parce que je n’y étais pas préparée, je n’ai pas su réagir de façon correcte. Oui, c’est bien ça, j’estime ne pas m’être très bien comportée pendant que le petit était là. Je crois que c’est ce qui m’a fait m'arrêter dans cette rue où était le magasin dans lequel j’ai acheté la petite peluche de lion pour Jaime. C’était un geste pour me faire pardonner bien que je ne sois pas certaine qu’un enfant de deux ans puisse tenir rigueur de quoique ce soit à un autre être humain.

Tout cela pour dire que ce week-end m’aura fait réaliser bien des choses mais la plus importante restant qu’il n’y a que dans les bras d’Aleksej que je me sens bien et en droit d’être moi-même.

Fin.