Jules, aurions-nous le plaisir de te voir au brunch dominical ce midi ? Peut-être que tu pourrais amener ton petit ami ? Laisse moi savoir ce que tu comptes faire que je sache si je dois ajouter un couvert. » Jules roule des yeux devant le message de sa belle-mère qui joue les hypocrites et elle lève les yeux au ciel, elle a mal à la tête. Faute du gin tonic qu'elle a bu hier, elle roule sur le côté, attrape la bouteille d'eau qui trône sur sa table de nuit et en boit une grande gorgée avant de répondre que oui, elle sera là, bien évidemment qu'elle sera là. Elle est toujours là pour faire criser son père mais elle est dans une impasse, elle doit prévenir Castiel, et est-ce qu'elle lui envoie un message ? Oui, non ? Elle s'humidifie les lèvres et tape un message rapide. N'attend pas une réponse avant de repousser les draps de ses pieds pour enfiler sa robe de chambre en satin, passant une main sur son visage avant d'aller dans la salle de bain pour se glisser sous la douche, sans réfléchir si Castiel sera là ou non, elle cherche déjà une excuse intérieurement, la gastro, la grippe, une bronchite, un cours d'aquaponey elle en a des dizaines d'excuses. Mais elles ne sont toutes pas valables pour les Ainsworth, son père ne manquera pas de voir là une occasion de faire du fiancé potentiel, un réel fiancé. Elle souffle Jules, elle ne sait pas. Elle enfile un jogging et descend faire une course, la musique dans les oreilles. Quand elle remonte, elle reprend une douche — vive l'écologie — et descend attendre voir si Castiel est en bas. Elle attendait, ses bras croisés le long de sa poitrine, elle aurait dû mettre une veste. Mais non. Elle fait les cent pas sur le trottoir, pince ses lèvres parce qu'elle sent qu'il ne viendra pas, puis quand elle rentre, elle se retourne une dernière fois et il est là. Elle pourrait l'embrasser si ce n'était pas bizarre. « Merci d'être là. » S'il savait à quel point. Elle l'attire alors jusque l'ascenseur et se tourne vers Castiel « Je suis désolée de vous avoir envoyé un message maintenant, mais ma belle-mère m'a demandé si vous veniez et du coup, j'ai paniqué, je me suis dit que le coup de la gastro c'était gros et ... mon père aurait cru qu'on était séparés. » Est-ce qu'ils étaient vraiment ensemble ? Non. Mais il faut que ce soit crédible. « J'ai trouvé votre numéro dans le registre des invités de la soirée. J'aurais peut-être pas dû. » C'est bien la première fois que Jules se sent si gênée, mais elle a besoin de cet homme. Elle a besoin de lui et c'est bien la première fois que ça lui arrive, d'avoir besoin de quelqu'un;.

Ce message, il ne s'y était pas attendu. Il ne pensait même pas avoir des nouvelles de cette jeune femme qui lui a demandé de se faire passer pour son petit-ami le temps d'une soirée. Un service qu'il lui a rendu parce qu'elle semblait vraiment en avoir besoin. Ce n'était que le temps de quelques heures parce qu'en réalité, Castiel est fiancé. Et il aime la femme qui partage sa vie. Il espère qu'elle n'en saura rien de tout ça.
Et d'ailleurs, elle n'a aucune raison de connaître quoi que ce soit de cet épisode. Sauf si ça commence à durer un peu trop longtemps. Je... J'ai un travail très urgent à terminer avant demain. Qu'il annonce à la jeune femme en se tournant vers elle dans le lit conjugal. Elle le regarde, un peu attristée par cette annonce certainement. Ce n'était pas prévu et sûrement qu'elle avait prévu des petites choses pour la journée ensoleillée qui s'annonce.
Il s'excuse d'un simple regard parce qu'entre eux, il n'y a pas tout le temps besoin de communiquer avec des mots. Je fais au plus vite, promis. Il l'embrasse et s'extirpe des draps pour se rendre dans la salle d'eau et prendre une douche.
Quand il est prêt, il revient une fois de plus auprès de sa fiancée et quitte son domicile pour se rendre à l'adresse qu'elle lui a donné. Jules est là, elle semble être tout juste arrivée puisqu'elle se trouve sur le pas de la porte. Ou alors, l'attendait-elle ?
Il se gare et sort de son véhicule avant de la rejoindre. Face à elle, il culpabilise un peu en pensant à sa fiancée qui l'attend chez lui. Il n'aime pas lui mentir ou lui cacher quoi que ce soit mais il sait qu'il ne peut pas lui en dire un mot. Ça compromettrait tout.
Elle le remercie et s'excuse aussi de le prévenir à la dernière minute avant de lui donner les raisons. C'est un soucis s'il pense que l'on est plus ensemble ? Il tente de comprendre la situation parce que la dernière fois, les choses sont allées très vite et ils ont à peine pu discuter. Puis quand il a quitté la soirée, il ne pensait pas la revoir de si tôt. Il ne pensait pas la revoir du tout, pour être honnête.
Elle semble gênée lorsqu'elle lui explique comment elle a obtenu son numéro de téléphone. À vrai dire, il ne s'était même pas posé la question. De nos jours, c'est tellement simple d'obtenir un numéro ou une adresse. Avant qu'on entre, il y a des choses que je dois savoir ? Sur vous ou votre famille ? Il est là maintenant, autant jouer le couple à fond face aux personnes présentes.

Elle n’a pas voulu le faire, au fond, elle n’osait pas. Pour la première fois, Jules hésite, elle réfléchit bien trop et pourtant, elle ne peut pas s’empêcher d’hésiter parce qu’elle ne lui a pas reparlé depuis cette soirée catastrophique, cette soirée où pour la première fois, elle a voulu tenir tête à son père et elle n’était pas seule dans cette connerie. Elle a impliqué un Homme qu’elle ne connaissait ni d’Eve, ni d’Adam. Elle se dit que faire la comédie de la sorte va lui apporter des ennuis. Enfin, un ennui de plus, un ennui de moins, elle s’en fiche un peu Jules, elle a d’autres chats à fouetter et pourtant. Elle ne peut se résoudre à le laisser partir. Son coeur bat un peu trop fort quand elle se dit qu’il ne viendra pas, puis elle se sent soulagée quand il est là finalement, elle pourrait courir près de lui si elle n’avait pas envie de perdre sa dignité. Alors elle reste droite comme un I et se mord l’intérieur de la joue après s’être confondue en excuse. S’humidifie les lèvres un instant, et elle le regarde « Non, mais disons que… s’il apprend que nous ne somme plus ensemble, il risque de me ramener l’homme avec lequel il a envie que je me fiance pour me forcer à le faire. » Elle grimace et se dirige jusque l’ascenseur, s’insère dedans en appuyant sur le bouton et elle croise ses bras sur sa poitrine quand elle prend enfin le temps de lui répondre. Qu’est-ce qu’il doit savoir ? Qu’est-ce qu’il ne doit pas savoir ? Est-ce qu’elle lui avoue à quel point sa fille est dysfonctionnelle ou est-ce qu’elle lui dit que tout va bien dans le meilleur des mondes ? Elle n’en sait rien. Elle a un peu peur, Jules. Qu’il parte, qu’il s’en aille, et la laisse dans la panade. Elle se tourne solennellement vers lui et le regarde en souriant un peu. « Mon frère est … décédé dans les attentats du 11 Septembre donc les photos que vous verrez de lui datent d’il y a longtemps. Ma mère a quitté mon père pour une femme, et mon père s’est remarié avec celle qui est ma belle-mère aujourd’hui et comme toute bonne fille qui se respecte, je ne l’aime pas. » Elle a l’impression qu’elle récite une pauvre leçon. Mais ils ont le temps, l’ascenseur prend son temps et s’arrête pour laisser entrer des voisins. Elle regarde les chiffres « Je suis étudiante en marketing et je suis … un électron libre, si on peut appeler ça comme ça. » Après tout, comment appelle t-on une fille qui préfère les plaisirs de la chair à se trouver quelqu’un de politiquement correct ? Elle avait assez donné avec Aidan quand on voit le résultat qui en a découlé, ça l’a sevré bien vite. Un nouvel étage et les portes qui se rouvrent, Jules penche un peu la tête pour saluer une nouvelle fois ses voisins et elle souffle de soulagement. « Je n’ai pas envie que mon père me force à me fiancer à quelqu’un. Il veut que j’assure la descendance des Ainsworth, mais je suis jeune. Et je… ce n’est pas mon intention. Quand je vois comment le couple de mes parents a fini. » Sa main attrape celle de Castiel quand elle voit qu’ils arrivent presque à l’étage de son père. « Prêt pour la grande mascarade ? 

Face à la jeune femme, il se sent un peu gêné mais affiche une mine détendue pour qu'elle se sente plus à l'aise dans cette situation pour le moins, atypique. Ce n'est pas tous les jours que Castiel joue au petit-ami pour une demoiselle en détresse face à sa famille. Il a bon cœur, le trentenaire, c'est sûrement ce qui lui retombera dessus un jour ou l'autre. Mais il préfère penser que cette situation sera passée d'ici là.
Quand il entend le discours de Jules, il se pose quelques questions. Il ne comprend pas pourquoi ce serait si horrible que son père pense qu'ils ne sont plus ensemble. Peut-être parce qu'il ne le connaît pas justement. Et elle lui explique qu'il avait des plans pour elle avant qu'elle ne débarque avec Castiel, que son avenir était plus ou moins tout tracé par son père. Et il trouve ça plutôt triste. Je vois... Et si vous lui parlez, il ne changera pas d'avis ? C'est de votre vie dont il s'agit. Si ça ne vous rend pas heureuse, ça devrait le toucher. Enfin normalement. Il y a des pères spéciaux, peut-être en fait-il parti.
Ils s'avancent et entrent dans l'ascenseur alors qu'il lui demande ce qu'il a à savoir sur elle et sa famille. Il ne voudrait pas paraître con devant sa famille ou massacrer les plans de la demoiselle. Même si pour lui, ça ne changerait pas grand chose.
Il l'écoute attentivement, notant chaque petit détail dans un coin de sa tête, hochant à chaque parole qu'elle lui dicte. Peut-être auraient-ils dû préparer tout en amont et peut-être qu'ils devraient le faire pour la prochaine fois. S'il y a une prochaine fois, évidemment. Il ne fait même pas attention aux voisins à côté d'eux. Très bien, je pense que ça va aller. Et... Désolé pour votre frère. C'est délicat, il ne sait jamais quoi dire parce qu'il n'y a rien à dire dans ces moments là. Rien ne pourra ramener l'être en question.
L'ascenseur s'arrête au bon étage et avant que les portes ne s'ouvrent, Jules lui prend la main. Il emmêle ses doigts aux siens, la serrant délicatement dans la sienne. Prêt ! Enfin je l'espère.. Ce n'est qu'un jeu et pourtant ça l'angoisse un peu, Castiel. Il a l'impression de revivre la rencontre avec ses beaux-parents alors que ça n'a rien à voir aujourd'hui.
Les portes s'ouvrent et l'appartement se dessine face à lui. Il prend un grande inspiration comme pour se donner le courage nécessaire pour affronter la situation. Allons-y ! Qu'il dit avant de la suite à l'intérieur.

« Ohlala non, vous ne connaissez pas mon père aussi bien que je le connais. » Elle ne sait pas sur quelle planète il a débarqué quand sa femme l’a quitté mais Jules a la nette impression que depuis qu’il est avec sa belle-mère, il n’y a que les profits et la descendance Ainsworth qui l’importe alors peut-être pensait-il qu’en collant un fiancé dans les pattes de son seul enfant, elle lui offrirait un descendant digne de ce nom. Peut-être se croyait-il dans les fourberies de Scapin, mais Jules n’était pas docile, on lui prétendait même un caractère de lion, ce qu’elle avait. Évidemment. Elle finit par conclure en haussant les épaules « Tant que je lui assure potentiellement une descendance, il se fout un peu du reste. » avoue t-elle, une grimace tordant son visage avant qu’elle ne passe une main dans ses cheveux. Quand il lui demande des détails sur sa famille, la rousse ne tergiverse pas longtemps et lui raconte tout ce qu’il y a potentiellement à savoir, peut-être qu’il pensera que sa famille est disloquée, que sa famille est en carton mousse, mais elle s’en fiche Jules, elle a juste besoin de lui sur l’instant, demain il aura sûrement oublié. Et elle préfèrerait en vérité, qu’il oublie, même si elle ne sait pas combien de temps la mascarade va durer. Une semaine, deux ? Un mois ? Six mois ? Elle serait égoïste de faire miroiter son père autant, mais elle n’a pas envie de se battre pour le moment. Elle a l’impression que sa vie est digne d’une Rom-com de Noël mais elle s’en contente, après tout, sa famille dysfonctionnelle, elle l’aime un peu quand même. Même si des fois, elle aimerait que son frère revienne, qu’il fasse croire à une blague mais la blague dure depuis trop longtemps pour que ce soit réel. « Vous n’avez pas à être désolé. Ce n’est pas vous qui avait commandités cet acte ignoble. Mais merci. » lui répond t-elle avec un sourire, le coeur qui manque un raté comme à chaque fois qu’elle parle de lui, comme à chaque fois qu’elle évoque son nom. Elle a l’habitude maintenant de vivre avec le coeur en partie nécrosé par le perte de son frère adoré. La sensation est étrange quand les doigts se mêlent et elle se mord l’intérieur de la joue « Ne vous ne faites pas, je suis sûre que vous serez parfait. » Et elle serre un peu sa main quand les portes s’ouvrent, un coup d’oeil sur le côté avant d’entrer dans l’appartement. Jules avance d’un pas décidé dans le grand salon du penthouse de son père avant de sourire, et d’offrir de faire la bise à sa belle-mère — mais uniquement sur une joue — et de répondre à l’accolade de son père. « Papa, Louisa, voici Castiel. » Et elle serre un peu plus la main de Castiel pour lui donner du courage avant de déposer ses lèvres contre sa joue, timidement. Qu’est-ce qu’il lui prend ? « Castiel, mon père et ma belle-mère. » Pas de fioritures, faire comprendre que ce n’est pas une famille aimante, qui s’aiment, mais plutôt une famille qui n’hésite pas à se tirer dans les pattes. Un regard autour d’elle, elle a la désagréable impression que sa belle-mère a une fois de plus mit les petits plats dans les grands, comme si ça allait faire quelque chose de se faire bien voir. « Enchanté Castiel, nous nous sommes déjà vus en dehors de la soirée non ? Vous n’êtes pas dans l’immobilier ? » Elle sait ce que fait son père à l’instant T, montrer qu’il est bien renseigné, il montre qu’il est bien renseigné sur les fréquentations de sa fille. Toujours avoir une longueur d’avance. « Tu es bien renseigné Papa, mais je pense que Castiel n’a pas vraiment envie de parler de son boulot aujourd’hui, c’est dimanche pour tout le monde n’est-ce pas ? » Ses lèvres s’attardent une fois de plus sur la joue de Castiel et elle lui murmure au creux de l’oreille « Si jamais il t’importune trop, on peut toujours s’en aller. » Aller ou ? Lui pour rentrer chez lui, et elle pour rentrer chez elle. Chacun chez soi.