en retard.
c'est tout ce qu'il arrive à se dire après avoir assommé son téléphone, histoire de l'empêcher de continuer à sonner, et réveiller blaise. c'est que ce n'était pas prévu cette histoire, c'est que rien de toute cette nouvelle rocambolesque n'aurait vraiment dû arriver. à neuf heures, il montait dans l'ascenseur, à trois, il aurait dû être dans son appartement, prêt à s'endormir pour éviter exactement ce qui arrive là - les cernes jusqu'à la moitié du visage et l'air d'un mort-vivant. mais à la place, il s'y est retrouvé coincé comme un idiot jusqu'à minuit - quelque chose du genre. mais toute chose à ses avantages, et il n'aura au moins pas passé la soirée seul, à devoir réapprendre à respirer. c'est plus simple quand on est pas en tête à tête avec soi-même ces choses-là. c'est plus simple dans des bras amis.

et heureusement qu'il s'était préparé, juste a minima, avant tout ça. que son kit est près, pas bien loin de la porte. et il ne cherche même pas à faire attention à ce que ses fringues aillent ensemble. si la couleur de sa veste ne va pas trop avec les étoiles de sa chemise, peu importe. les deux sont confortables, et il ne cherche pas grand-chose d'autre pour sauter dans un avion. et juste histoire de rendre le tout présentable, il file un coup de pied dans un monticule de trucs et de machins - histoire de laisser un chemin dans cette chambre pas vraiment rangée. que l'endormi puisse s'en extraire, au réveil. c'est qu'il n'avait pas prévu de recevoir. mais là, il n'a pas vraiment le temps d'y penser. juste de voler un dernier regard, avant de se décider à dévaler l'escalier. hors de question de s'approcher de nouveau de l'ascenseur.

l'air est froid dehors. une écharpe - pas le temps de remonter. en retard. puis, la météo sera sûrement plus clémente que le gel de cette aube, sur l'autre côte. poches. billets. passeport. rien oublié, à part peut-être de se donner l'air présentable. il pourra toujours finir sa nuit dans l'avion. et il y a bien un taxi, à l'arrêt. à l'attendre. axel dedans. valise dans le coffre, et il est là. à bout de souffle, comme s'il retenait sa respiration depuis là-haut. depuis la première sonnerie de son téléphone. « désolé-je. » inspire. une seconde. « on peut y aller. bonjour, je veux dire. et-ouais, désolé. j'ai eu-j'voulais pas être en retard et-... » et pourtant si. pas plus de dix minutes, mais quand même. on l'a attendu. et ses mains en tremblent un peu. il en oublierait presque une habitude nécessaire. pilulier au fond de sa poche, qu'il ouvre sans trop oser regarder à sa droite, histoire d'avaler quelques milligrammes. de quoi le tenir éveillé. « j'ai eu une nuit compliquée. »

C'est dans le lit d'Aimé que tu te réveilles ce matin-là. Ton excuse de la veille pour dormir avec lui ? Facile : ta peur de prendre l'avion pour la première fois, toi qui n'a jamais quitté ta ville natale. Tu trouves à chaque fois un prétexte pour finir la nuit dans sa chambre juste histoire que votre relation ne paraisse pas trop... étrange à tes yeux. Alors qu'elle l'est. Mais aucun de vous deux n'a l'air prêt à l'assumer complètement alors autant continuer de jouer à ce jeu-là. Pas d'étiquette sur une relation, pas de danger. Il fait ce qu'il veut, tu fais ce que tu veux. Et tu luttes comme tu peux pour fermer les yeux sur la réalité et surtout ne pas l'affronter en face. Il est tôt. Beaucoup trop tôt mais tu dois te préparer pour le départ à LA. Pour une fois, tu as fait tes affaires à l'avance et non au dernier moment donc tu te contentes de prendre une douche, remettre de l'ordre dans tes cheveux et te voilà prêt pour t'envoler. Le taxi est déjà là quand tu descends devant ton immeuble et tu t'empresses de mettre ta valise dans le coffre avant de t'installer à l'intérieur, sortant ton portable histoire de t'occuper un peu en te baladant sur les réseaux sociaux. Tu ne t'inquiètes pas vraiment du retard de Felix pour le moment. De toute façon, tu pourras toujours aller sonner chez lui si ce dernier décide de ne pas montrer le bout de son nez. L'avantage d'avoir découvert que vous étiez voisins... Heureusement, tu n'auras pas besoin d'aller jusque-là car le jeune homme décide enfin de se montrer de lui-même. Tu lèves le nez de ton portable lorsqu'il entre dans le taxi à son tour, lui souriant avant de le saluer à ton tour. « On peut y aller. » dis-tu à l'égard du chauffeur qui démarre la voiture et commence à rouler. Tu reportes alors ton attention sur Felix et hausses un sourcil en l'observant prendre des médicaments. « Effectivement, ta nuit a eu l'air assez mouvementée. Mais je dois avouer que c'est une très bonne excuse pour arriver en retard alors dans ma bonté... Je te pardonne. ». Un sourire railleur vient étirer tes lèvres, et tes doigts se mettent à pianoter sur ta cuisse avec impatience. Le trajet risque d'être long et toi, il ne te tarde qu'une chose : quitter enfin New-York. « J'espère que tu ne te moqueras pas de moi si je commence à avoir peur dans l'avion. C'est la première fois que je le prends et le seul conseil que j'ai eu de la part de mes colocataires, c'est de dévaliser un bar avant de monter. ». Autant lui avouer tout de suite que tu risques de ne pas être de bonne compagnie au moment du décollage tant tu risques d'être tendu à l'idée de quitter la terre ferme. Non, pour une fois, tu es loin d'être serein et cela se ressent rien que dans tes propos. « Promis, je m'accrocherais au bras de l'autre personne à côté de moi. ». Bon, tu n'espères pas en arriver là mais avec toi... sait-on jamais.