Chez les Marks, la famille est sacrée, si bien qu’il est devenu plus qu’une tradition qu’ils se retrouvent tous une fois par semaine dans la demeure familiale où les filles ont grandi. Maman Marks prépare alors son fameux pudding aux raisins secs qu’elle croit que tout le monde adore alors que Malina la première en est tellement écœurée qu’elle a envie de se rendre aux toilettes dès la première bouchée avalée… Mais soyons honnête, jamais elle ne l’avouera à la femme qui l’a élevée et en bonne fille, elle mange toujours sa part avec un sourire, se contentant de dire qu’elle n’a plus faim lorsqu’on lui propose de se resservir. Papa Marks se renfrogne quand il se rend compte que l’ainée de la fratrie n’est pas venue avec son mari, et qu’il n’aura donc personne avec qui regarder le match et partager une bière – pas d’excuse, c’est bien dommage, mais il ne manque pas de déposer de longs baisers sur les joues de l’asiatique car il l’aime malgré tout et qu’il est toujours heureux de la revoir.

Malina chérit ces moments de vie, et encore une fois aujourd’hui, alors que le repas se termine et qu’elle vient de finir sa tasse de café. Toutefois, quelque chose la chiffonne dans le regard de sa cadette. Elle ne semble pas comme d’habitude, sans que la coréenne ne sache définir avec précision ce qui pourrait ne pas aller. Il y a encore quelques semaines, Leela était au comble de la joie alors que les choses avançaient avec Nino. Peut-être qu’elle se fait des idées en sœur surprotectrice qu’elle est, mais elle préfère toutefois en avoir le cœur net.

« Tu viens avec moi, faire un tour à la cabane ? »

Leur cabane, cet endroit où elles passaient tant de temps, enfants. Souvent pour ne rien y faire, juste papoter ou être loin de leurs parents – parce qu’on traverse toujours cet âge ingrat où les êtres qui vous ont élevés vous semblent être les pires démons du monde. Malina se lève et se dirige en silence sur la terrasse. Quand sa sœur la rejoint, elle lui chuchote : « Tu penses que j’arriverais à lui dire un jour que j’en peux plus de son pudding ? » Elle se met à rire. Elle ne prendrait sans doute pas le risque de faire quoi que ce soit qui pourrait effacer l’éternel sourire de la matrone de maison.

Une fois arrivées à la cabane, Malina s’assoit à sa place habituelle. Elle est toute menue et plutôt petite, ce qui est bien pratique dans ce genre de situation.

On ne pouvait pas dire que c'était une bonne période pour Leela, bien au contraire, la brune passait son temps libre, dans les cartons à essayer de ne pas trop penser à sa soudaine solitude. Elle, qui était un peu comme la "maman" de la coloc, avait vu ses amis partir pour évoluer dans leurs carrières respectives.. . Loin d'elle et de leur appartement, mais le pire était sans doute sa relation avec Nino qui à peine commencé devait se terminer.

Cependant, ce jour-là Leela gardait le sourire pour sa famille, la réunion hebdomadaire chez les Marks, c'était sacrée et bien qu’elle soit obligée, comme à chaque fois, d'avaler le pudding aux raisins secs de Maman Marks elle n'échangerait ces moments pour rien au monde.

Son petit thé de fin de repas terminé, Leela se leva pour débarrasser la table avec son père, l'esprit ailleurs malgré ce bon moment en famille, Malina alors lui proposa d'aller à la cabane... La cadette esquissa un sourire et hocha la tête, elle termina de débarrasser les couverts, remplissant ainsi le lave-vaisselle avant de rejoindre sa grande sœur sur la terrasse. « C'est trop tard, nous sommes condamnées à éternellement faire semblant de l'aimer. »

Leela observa la fameuse cabane de son enfance, cette cabane dans laquelle elle ne pouvait grimper seule avant ses 13 ans, avant sa greffe ça lui était quasiment impossible. Leur père avait fabriqué une sorte de monte-charge pour l'y hisser. À présent, elle pouvait y monter bien plus facilement, sa petite taille ne l'embêtant facilitant beaucoup les choses, les deux sœurs étaient toutes deux des petits gabarits. La plus jeune regarda alors son aînée se demandant si elle avait remarqué... Il était fort probable que lui, Malina avait l’œil pour ça... « Tu dois t'en douter, je ne suis plus avec Nino, on a dû se séparer... » Elle n'allait pas tourner autour du pot, pas avec sa grande sœur, car après tout, elle était sa confidente de toujours.

Malina laisse échapper un petit rire. Elle sait parfaitement que sa cadette a raison, mais pour sa mère, elle le fera sans aucun problème. Cette femme a toujours été là pour ses enfants. Ils avaient tellement envie d’en avoir sans y parvenir qu’ils s’étaient dirigés vers l’adoption et avaient ensuite tout fait pour le bonheur de leurs deux filles. A leur tour de leur rendre la pareille désormais.

Une fois installées dans la cabane, la brune se tasse à sa place habituelle, poussant quelques affaires qui trainent ici et là. Elle s’est toujours dit que plus tard, ce serait leurs propres enfants qui viendraient s’adonner aux confidences ici, mais pour l’instant, malgré la trentaine passée, ni l’une ni l’autre des sœurs ne semblaient pressée de procréer. Un jour peut-être, chaque chose en son temps. Puis, elle pose les yeux sur Leela, attendant qu’elle révèle ce que Malina appréhende. Ça ne met pas longtemps à venir et aussitôt, l’ainée attrape la main de l’autre brune, bien consciente de ce qu’elle doit ressentir. Après la joie qu’elle pouvait lire dans le regard de Leela il y a encore quelques semaines, la voici avec un grain de tristesse qui risque de ne pas la quitter tout de suite.

« Je suis désolée ma belle. Je sais à quel point tu tenais à lui. J’avais bien remarqué que tu étais ailleurs, mais j’espérais que ça n’était pas à cause de ça. » Une grimace vient se loger sur la bouche de la coréenne. « Tu veux ou as besoin d’en parler ? Ou bien tu préfères que je te remonte le moral avec autre chose ? » Si Malina est très douée dans son métier, dès que l’aspect affectif vient toucher à la situation, elle a bien plus de mal à prendre du recul pour savoir quelle stratégie adopter. Elle préfère donc demander à la principale intéressée ce dont elle a besoin.