Ton plus gros problème à l’heure actuelle ? Comment le décrire en quelques mots. Ma famille ? Mon orientation sexuelle ? L'impossibilité de m'afficher au grand jour avec l'amour de ma vie ? Oh, je n'ai aucun problème avec ma sexualité. Je suis homosexuelle et c'est comme ça. Je l'assume totalement vis-à-vis de moi, de mes partenaires, de mes amis les plus proches... Mais ma famille est importante, mon père est un juge fédéral, un homme politique et juridique, un républicain, catholique,... Difficile d'être sa fille déjà en temps normal. Impossible en tant que lesbienne. Mon père ambitionne d'obtenir une place au Congrès et mène déjà campagne pour y parvenir. Révéler mon orientation, l'existence de mon couple... Cela ruinerait ses aspirations, l'image modèle de la bonne famille blanche américaine... Il ne le supporterait pas et moi... J'ai trop peur de perdre ma famille pour prendre ce risque. Et pourtant... J'aime ma petite amie. Je l'aime à la folie depuis quatre ans maintenant et je veux faire ma vie avec elle, qu'elle soit officiellement mienne, qu'on puisse fonder une famille. Je voudrais pouvoir afficher devant le monde entier mon bonheur et je sais qu'elle le voudrait aussi. Nous cacher devient de plus en plus difficile et les tensions sont fortes. Parfois, j'ai peur que cela finisse par détruire notre couple et si je sais une chose, c'est que je ne supporterais pas de la perdre.

Une addiction à déclarer ? Sans doute à ma femme. Je suis raide dingue d'elle. Ne pas lui sauter dessus la première année a été une torture insupportable et aujourd'hui encore, ne pas la toucher, l'enlacer ou l'embrasser comme je le désire est une torture. Elle est ma douce drogue et je suis une addict heureuse, à tel point que je pourrais sécher l'école pour rester au lit avec elle le matin. Et le pire, c'est que je suis sûre qu'elle le sait très bien. L'aguicheuse sait comment me rendre dingue et par chance pour elle, son corps tonique est son outil de travail. Un outil qu'elle maitrise à la perfection et qu'elle sait comment habiller et bouger pour me faire tourner la tête. Je dois bien l'avouer, j'aime passer mes heures de pauses à feindre de travailler dans les gradins pour pouvoir observer son joli fessier, si bien moulé dans son... humm... Okay, je me calme.

Comment s’est terminé ta dernière relation ? Ma dernière "relation" est le fruit d'une histoire assez drôle. Amoureuse de ma chérie, j'avais tous les symptômes de l'amour, au point que ma famille a commencé à se poser des questions. Pour me sauver la mise et m'aider à justifier mes week-end en amoureuse, mon meilleur ami a joué les doublures officielle durant deux ans, avant qu'on ne décide, il y a six mois d'arrêter ce petit jeu qui commençait à nous dépasser vis-à-vis de nos familles. Nous avons donc fait l'écho d'une séparation tranquille, ayant décidé que nous étions définitivement plus des amis que des amants. Comme si je pouvais même envisager d'avoir été un jour dans son lit.

Le dernier texto que tu as envoyé ?

envoyé à Mom a écrit:J'arrive dans dix minutes, mais je ne sais pas si je resterais longtemps, je ne me sens pas très bien...

Un mensonge, bien sûr, mais ce vernissage n'avait plus le même intérêt sans la femme que je voulais à mes côtés et notre dispute par texto tournait encore dans ma tête. Je voulais juste m'écrouler sur le canapé, supplier Gabriele de me pardonner, la trainer dans notre chambre et lui faire l'amour tendrement. Je ne voulais plus ni jouer la bonne petite fille parfaite, ni prétendre que tout ça n'est pas lentement en train de me tuer. De toute manière, ma tête dans le rétroviseur trahissait que je n'allais pas bien, autant en profiter pour se libérer d'obligations peu attrayantes et pouvoir avoir une chance de mieux conclure cette soirée avec ma chérie.

Ta relation avec tes parents on en parle cinq minutes ? C'est un vaste sujet. La plupart du temps, je les aime autant que je les déteste. Je suis fille unique, alors, forcément, j'ai toujours été leur princesse. Ils m'ont élevé selon leurs fortes valeurs. Patriotes, riches, j'ai reçu une éducation stricte, mais juste, pour devenir une femme forte, indépendante, polie, portant haut mes propres valeurs... Enfin presque toute, parce que ma famille m'empêche de porter haut l'une des parties les plus importantes de ma vie : mon histoire d'amour. Famille républicaine, conservatrice et catholique, l'homosexualité est bien évidemment vu comme un pêché. Un pêché que j'acceptais pleinement de vivre dans le plus grand des secrets - après tout, je sais que personne n'est parfait et que même les hautes sphères du pouvoir ont leurs petits et plus horribles vices. Être une lesbienne au placard ne me dérangeait pas, devoir leur présenter de faux petits-amis était parfois drôle, parfois plus agaçant... J'ai même dû prétendre vivre des relations stables pour pouvoir échapper à des prétendants savamment choisis par ma mère ou mon père. A cause de l'avis de mes parents sur l'homosexualité et des ambitions de mon père, n'acceptant aucun scandale, j'ai dû passer ma vie à mentir à propos de ma vie amoureuse et parfois, je leur en voulais énormément pour ça. C'est encore pire aujourd'hui, alors que j'ai rencontré la femme de ma vie. Parfois, je suis vraiment à deux doigts de tout leur dire, de lancer la bombe en me fichant des conséquences, mais chaque fois, je prends peur. Parce que j'aime mes parents. Parce que malgré le poids de ma sexualité, ils m'aiment et ils ont toujours tout fait pour m'offrir le meilleur et ce sont de bons parents. Étroits d'esprits, mais ils sont ma chair, mon sang et j'ai terriblement peur de les perdre. Alors je me tais, prends le risque de perdre la femme sans qui je ne me vois plus vivre et perds chaque jour un peu plus le sens de tout ça. Mes parents, je les aime déraisonnablement et ma femme me demande aujourd'hui de choisir entre eux et elle. Elle ne le fait pas volontairement, mais moi, je me sens tiraillé ainsi et je sais que si j'avouais tout à mes parents, ils feraient la même exigence. Ils me demanderaient de choisir, entre mon cœur et mon sang. Entre eux et elle. La voilà, la vérité qui me torture chaque jour. S'ils savaient tout, je devrais choisir. S'ils savaient, alors je perdrais quelqu'un. Parce que si je choisissais de rester avec elle, contre leur avis, ils couperaient les ponts avec moi et si je choisissais de préserver les liens familiaux, de rentrer dans le moule, alors je devrais dire adieu à celle qui partage ma vie... Un choix impossible...

En dehors du boulot, des études, tu fais quoi ? Netflix and chill est un concept que j'adore. Parce que passer du temps avec ma moitié est mon passe-temps favori et parce que j'aime l'avoir dans mes bras. Et puis, même si je déteste l'avouer, rester tranquillement à la maison nous permet d'être nous-même, sans besoin de se cacher et sans inquiétude. Avant, ma vie était essentiellement composé de sortie représentatives. Soirées mondaines, vernissages, meeting politiques, brunch, etc. Mes seules sorties de pur divertissement se résumaient à celles faites avec mon meilleur ami et parfois quelques amis tout aussi coincé que nous sommes censé l'être. Bref, ma vie était une prison. A l'époque, elle me semblait bien, mais depuis que j'ai commencé à fréquenter Gabriele, je sais que c'était vraiment des activités chiantes, mes moments avec mes amis les rares bulles d'oxygènes dans une vie faites de faux semblants permanent. Mais Gabriele est loin de tout ça. Elle est instinctive et impulsive, courageuse et amusante. Elle adore faire des choses non prémédités et elle se fiche de son image. Elle m'a entraîné dans ce mode de vie. Pas contre mon gré, loin de là. En vérité, elle m'a juste appris à devenir plus moi-même que je ne l'avais jamais été. Un jour, mon meilleur ami a ri en disant qu'elle m'avait "enfin sorti le balai du cul". Il avait toujours été d'un genre plus naturel que moi, loin des regards du monde. Avec elle, j'aime sortir, danser, m'amuser, faire des sports que je n'aurais jamais envisagé avant. J'aime faire tout un tas de choses et j'aimerais pouvoir en faire plus souvent en public, en étant moi-même avec elle. J'aimerais que l'on ait pas à s'exiler loin de New York pour vivre ouvertement nos moments à deux. Parce que c'est le seul moyen pour nous de nous afficher en public sans crainte : loin de New York. Même si elle déteste ce que ça veut dire, j'adore, donc, l'emmener en week-end ou en vacances, loin de New York, pour pouvoir simplement l'embrasser sur la plage ou caresser sa cuisse en consultant le menu au restaurant.

Un fait peu glorieux à nous raconter ? J'en ai tout un tas. Une liste immense de choses que je ne trouve ni glorieuse, ni courageuse, mais honteuse. Des choses que je déteste regarder en face. J'aimerais pouvoir être drôle et parler de la fois où, au bal des débutantes, j'étais si saoul que j'ai vomis sur le portier ou de mon premier baiser, laborieux et peu ragoûtant à mes yeux, malgré le fait qu'il ait été échangé avec l'homme que j'aime le plus au monde... Mais le fait le moins glorieux que j'ai à mon actif n'est à la fois qu'une anecdote et un horrible choix que j'ai fait pour cacher ma vie amoureuse. J'habitais encore dans mon appartement de l'Upper East Side et nous étions un week-end. Gabriele était donc chez moi pour un week-end en amoureuse quand ma mère est venue à la maison, sans prévenir (heureusement, nous n'étions pas en train de faire quoi que ce soit de répréhensible, comme la douche que nous avions partagé le matin). Prise au dépourvue, j'ai dû expliquer à ma mère pourquoi ma petite amie (officiellement simple collègue de travail) était en pyjama dans mon salon. Nous avons prétendu à un dégât des eaux dans son appartement et j'ai expliqué à ma mère que je l'hébergeais en attendant que cette histoire se règle. Cela a bien sûr été à l'origine d'une dispute une fois ma mère partie. Je ne suis pas fière d'avoir menti et d'avoir une nouvelle fois mis ma moitié dans une situation désagréable, mais en même temps, ce moment fut un moment clé dans notre histoire, car après ce jour, Gabriele est venue vivre à la maison (pour être raccord avec le mensonge). Cette cohabitation a été un renouveau dans notre histoire et quelques semaines plus tard, nous avons décidé d'emménager définitivement ensemble. Une nouvelle fois, j'ai dû mentir, au grand damne de ma femme. Prétextant un besoin de me rapprocher de mon lieu de travail pour gagner du temps de trajet et un appartement définitivement insalubre pour Gabriele, nous avons officiellement démarré une colocation à Staten Island. Hormis dans le processus d'inauguration de chaque pièce de la maison, je n'ai jamais dormi dans "ma chambre", qui n'est qu'un décor pour ma famille. Consciente qu'ils n'entreraient jamais dans la chambre de ma petite amie, c'est "la sienne" qui est en fait notre chambre. Une autre chose qui me laisse assez honteuse chaque fois que le sujet des chambres est abordé dans une conversation.