Noé n'a jamais voulu entendre ni même comprendre ce qu'on lui avait rapporté concernant Samia. Elle avait simplement penser qu'elle avait eu besoin de temps, peut-être était-ce de sa faute, peut-être pas. Mais la dernière fois qu'elle l'avait vu, elle avait été ignoble avec elle. Du moins c'est ce qu'elle pensait quand elle pensait à Samia, parfois. Le coeur qui bat à tout rompre quand elle lui envoie ce message, elle ne s'attend pas à une réponse au fond. Parce que ça fait longtemps, que les messages sont restés sans réponses. Elle pourrait jeter son téléphone sur son lit pour ne pas attendre une réponse, mais elle n'y arrive pas. Les yeux rivés sur les notifications, le bordereau qui lui indique un nouveau message, Noé se mord la lèvre et soupire. Une tasse de thé. Bien évidemment. Rendez-vous pris, elle finit de se brosser les dents et elle se couche avant de gamberger, sûrement un peu trop. La journée du lendemain passe trop rapidement, si bien qu'elle n'a pas le temps de voir la matinée passer. Elle se prépare, regarde l'heure, parfait. Elle passe chez le fleuriste, récupère un joli bouquet de fleurs, les préférées de Samia et elle se met en route. Elle a peur Noé, au fond, peur de la revoir. Peur de voir que c'est vrai, qu'on ne lui a pas raconté de mensonges. Elle a peur de voir la détresse de celle qu'elle a aimé en premier, celle qui a capturé son coeur de façon inédite pour la première fois. Quand elle se retrouve devant la porte, le bouquet de fleurs au bout de la main, elle humidifie ses lèvres, lisse les pans de sa robe et regarde dans son téléphone si elle n'est pas décoiffée. Bien évidemment que non. Elle sonne à la porte, elle attend Noé, ses doigts qui jouent nerveusement entre eux, ce pauvre bouquet qui est trituré dans tout les sens et quand elle ouvre la porte, son coeur s'arrête. C'est encore pire que ce qu'elle pensait. La tristesse a contaminé son regard. Et elle aimerait rallumer l'étincelle dans ses yeux, Noé. Elle lui tend les fleurs avec un petit sourire en coin et d'une voix fébrile elle prononce « J'ai une thermos de thé dans mon sac, deux mugs et tiens. Des fleurs. » tente t-elle, en engageant la conversation « C'est toujours tes préférées ? » ose t-elle demander avec une petite voix.

Pour la troisième fois, Samia fixe son téléphone sans vraiment le regarder, écrit quelques mots puis les efface avant de verrouiller l’appareil avant de retourner ranger quelque chose qui n’était pas dérangé. Elle n’a jamais été du genre organisée, ou encore moins fée du logis. Mais ces derniers temps, elle n’a rien eu envie d’autre que de ranger et nettoyer. De quoi s’occuper l’esprit. Et dans la maison, il n’y a plus aucune trace du déménagement, qui avait pourtant traîné. Tout est rangé. Tout est organisé. Et pourtant, rien ne va. Parce qu’il y a cette porte, qu’elle n’ouvre plus. Cette pièce dans laquelle elle s’imagine avoir caché tout son chagrin. Caché, mais toujours bien présent, qui pèse sur son cœur à chaque seconde. A nouveau, elle déverrouille son téléphone, relit l’échange entre elle et Noé, et écrit les premiers mots pour annuler, se trouver une excuse. N’importe laquelle. Mais elle les efface à nouveau. Se dit qu’elle doit être forte. Qu’elle doit s’ouvrir à nouveau. Et quelle meilleure personne pour commencer cela que Noé ? Sans doute que d’autres auraient préféré leur fiancé. Celui qui a aussi été touché par le drame, avec qui on le partage. Mais Samia ne sait pas comment lui en parler. A vrai dire, elle n’a même pas envie d’en parler. Elle pleure déjà assez sans ça. A quoi bon en rajouter ? Mais elle ne peut pas rester terrée dans sa maison de Staten Island pour toujours. La vie continue. Comme elle avait continué après la mort de son père. Et à l’époque, ç’avait été Noé qui avait été là. Même si elles n’ont plus la même relation qu’à l’époque, Samia se dit que ça ne peut pas lui faire de mal. Ou en tout cas, pas plus de mal qu’elle en a déjà. Alors elle installe tout ce qu’il faut pour le thé. Plus qu’à appuyer sur la bouilloire. Et elle attend. Regarde encore une fois son téléphone, avant que la sonnette ne l’empêche définitivement de reculer. Elle ouvre la porte avec un sourire qu’elle espère au moins un peu crédible. Sourire qui pourrait presque être sincère quand elle voit que Noé a tout prévu, même des fleurs. Presque. « Oh merci… elles sont très jolies. » Dit-elle doucement. « Ça me fait plaisir que tu t’en sois souvenue. » Mais est-ce que ça l’étonne vraiment ? Elle constate depuis qu’elles se sont retrouvées qu’elles se connaissent toujours, malgré les années qui les ont séparées. « Entre, entre. Mais tu sais, j’ai des mugs aussi, ici. Et du thé. Tu n’avais pas besoin de tout amener. » Certes, c’était Noé qui avait proposé mais comme c’était chez Samia, elle avait considéré qu’elle était l’hôtesse et qu’elle devait préparer. « Mais maintenant que c’est prêt, on peut s’installer. » Dit-elle en désignant le canapé sur lequel les coussins sont tous bien alignés.

Elle aimerait revenir en arrière Noé, pour lui dire de ne pas partir, de ne pas s’en aller loin d’elle, qu’elles trouveraient une solution. Mais ça n’avait pas été fait. Maintenant, elle aimerait revenir en arrière pour lui dire que tout ira bien, qu’elle sera là, qu’elle est là. Malgré les mois qui passent sans réponses, malgré les textos auxquels Samia n’a jamais répondu. Elle est là pour elle. Quoiqu’il se passe, quoiqu’il arrive. C’est même sûrement pour ça qu’elle a prit son courage à deux mains pour la retrouver, pour la prendre dans ses bras et apaiser sa peine et sa tristesse. Noé avait ce lien si spécial avec Samia qu’elle avait envie qu’elle aille bien tout le temps, que le sourire contamine le regard à chaque fois qu’elle passait du temps ensemble autour d’une Tasse de café, ou d’une tasse de thé. Noé avait peur de ce qu’elle allait voir, de comment elle allait la retrouver. Allait-elle être triste ? Allait-elle avoir cette lueur de mélancolie dans le regard ? Quand elle sonnait à la porte, elle aurait voulu prendre ses jambes à son cou, fuir. Mais non, Samia ne méritait pas ça. Samia ne méritait pas quelqu’un qui ne savait pas ce qu’il voulait. Et quand la porte s’ouvre, elle est presque soulagée de voir que Samia reste Samia, toujours aussi jolie bien qu’un peu triste. Noé lui offre un sourire sincère « Comme si j’allais oublier tes fleurs préférées. » rétorque avec un petit rire gênée. Noé entre après avoir eu l’autorisation et se défait de ses affaires avant de rire franchement « Tu me connais, tu sais que j’allais tout faire pour que tu n’es rien à faire, toi. » Et elle la suit jusque dans la maison où la vie ne semble pas avoir prit le dessus, sa gorge se noue et elle s’humidifie les lèvres devenues subitement sèches parce qu’elle se sent mal. Mal pour Samia, mal de ne pas avoir insister pour la voir alors qu’elle était certainement au plus mal. Elle s’installait et sortait le nécessaire de son sac avant de servir deux tasses d’eau chaude et elle lui tend sa boîte de sachet de thé. Elle est trop silencieuse Noé. Elle ne sait pas quoi dire Noé. Elle a peur. Peur de mal faire, peur de dire quelque chose qu’il ne faut pas. Elle s’éclaircit alors la gorge et sans la regarder elle prononce « Je n’ai pas voulu croire David quand il me l’a dit. Parce que je me suis dit que ça ne pouvait pas t’arriver. Pas à toi. » commence Noé, la voix tremblante, les mains qui entourent la tasse de thé pour ne pas trembler. « Je suis désolée. Désolée de ne pas avoir été là, désolée de ne pas avoir voulu venir plus tôt… Je suis désolée de ne pas avoir été là pour te remonter le moral, pour apaiser ta peine et ton chagrin. » conclut finalement Noé en prenant doucement la main de Samia dans la sienne après avoir déposé sa tasse sur la table basse.

En effet, Samia ne devrait sans doute pas s’étonner que Noé ait tout prévu. Mais elle n’y avait même pas réfléchi. Peut-être parce qu’elle n’avait pas envie de penser qu’elle pourrait être traitée autrement. Et qu’elle ne voulait pas l’être, justement. Elle a déjà connu tout ça, mais elle était encore adolescente. Alors pourquoi cela serait-il plus difficile maintenant ? Certes, la situation est différente, mais elle s’en relèvera, avec le temps. Sauf que ce temps peut paraître bien long. Mais à force de tenir à distance ses proches, pour éviter d’y penser, elle réalise que ça n’aide pas. Elle a besoin de reprendre une vie à peu près normale. Et voir du monde en fait partie. Même si ces personnes peuvent être un peu trop attentionnées. « D’accord, ça fera un peu de répit à ma bouilloire au moins. » Elle sourit, tentative d’humour. A être presque tout le temps chez elle, elle boit souvent du thé pour ses vertus apaisantes. Mais ce n’est pas forcément de paix qu’elle a besoin. Samia s’assoit dans le canapé et observe Noé remplir deux tasses d’eau chaude. Elle sélectionne un thé à la menthe dans la boîte, et met le sachet dans l’eau. C’est étrange mais elle ne sait pas vraiment ce qu’elle doit dire. La dernière fois qu’elles se sont vues, tout ne s’était pas vraiment bien passé. Mais maintenant, ça semble tellement loin tout cela. Comme si c’était arrivé à quelqu’un d’autre. Sa vie a tellement changé depuis. Elle prend la tasse de thé dans ses mains, pour souffler sur l’eau chaude, quand Noé reprend la parole. Samia hausse un sourcil. Pourquoi cela n’aurait-il pas pu lui arriver ? S’il y a bien quelque chose qu’elle a compris, c’est que ça aurait pu arriver à n’importe qui. Et que ça arrive d’ailleurs à beaucoup de femmes. Elle ne saura jamais si elle a fait quelque chose de mal, ou si c’était simplement de la malchance. Mais c’est arrivé, c’est tout. Elle observe la main que Noé pose sur la sienne. Elle ne s’attendait pas à ce qu’un tel geste lui fasse tant de bien. Finalement les gestes sont plus importants que les mots dans ces moments. « Tu n’as pas à être désolée… » Aucune raison, non. Rien de tout ça n’est de sa faute. « Tu n’aurais pas pu m’aider, j’avais besoin d’être seule et… triste justement. » Les mots sortent alors qu’elle réaliste à quel point ils sont vrais. Être triste est normal dans ces moments. Et rien n’aurait su la réconforter. « Mais ça me fait plaisir que tu sois là, vraiment. » Elle sourit alors que sa main se retourne pour serrer celle de Noé. Quelques secondes, puis elle la récupère, venant la poser sur sa tasse pour en boire une gorgée. « Alors dis-moi, comment tu vas ? »

Ça lui faisait le plus grand bien de la retrouver, de la voir, même si elle semblait si triste, si peu elle-même. Noé était heureuse dans un sens de la voir, même si ce n’était pas ce qu’elle imaginait. Qu’est-ce qu’elle imaginait au juste ? Elle n’en savait rien. Elle ne voulait pas voir Samia abattue, au point d’être allongée dans son canapé et de ne pas prendre la peine de se lever. Elle voulait que Samia soit toujours Samia… Sa samia. Celle qui la faisait sourire, qui la faisait rire et qui avait capturé son coeur il y a des années, gardant avec elle un bout de son coeur, un endroit bien caché au fond du coeur de la rousse où elle serait éternelle. Noé rit un peu à la remarque de Samia « Oui, parce qu’il paraît qu’une bonne tasse de thé fait passer un peu la tristesse alors bon, je pense qu’elle a dû marcher à fond les ballons. » a fond les ballons Noé, sérieusement ? Elle se rend compte de ce qu’elle vient de dire et baisse un peu la tête, gênée, se gratte la nuque avant de soupirer. Pourquoi est-elle si étrange ? Leur discussion de la fois dernière a été oublié, Noé ne lui en veut pas. Elle ne lui en a jamais voulu au fond. Parce que c’est Samia, parce qu’elles ne se sont jamais rien promis. Alors elle n’avait pas à lui en vouloir. Elle a l’impression qu’elle s’enfonce Noé, que les mots sont dérisoires et compliqués. Qu’elle marche sur un fil tendu entre deux immeubles, qu’un seul coup de vent peut la faire basculer. Elle se noie dans sa tasse de thé avant de poser sa main sur celle de la brune. Elle ne savait pas parler alors elle allait faire des gestes c’est ce que à quoi elle était le plus douée quand elle ne savait pas vraiment où se mettre. Un triste sourire en coin né sur les lèvres de Noé alors qu’elle garde sa main sur celle de la brune et elle la regarde « Parfois, il vaut mieux être triste un bon coup que ressasser sans cesse. » Elle a l’impression de sauter les deux pieds dans le plat Noé et ça la fatigue un peu. « Et ça me fait plaisir d’être ici. » Ce geste l’électrise un instant et elle calque ses gestes sur ceux de Samia pour boire une gorgée de sa tasse de thé. Et elle essaie de se donner une contenance quand elle lui demande comment ça va. « Je vais bien. J’aime toujours autant ce que je fais mais j’ai peur qu’un jour ça se termine » avoue t-elle, finalement. « Je sais que ce n’est pas demain la veille, mais peut-être qu’un jour, ils voudront me remplacer. » Et ça la rendra triste Noé. « Mais je vais bien. Après tout, je ne peux qu’aller bien ! » Qu’elle dit. Mais c’est compliqué dans sa tête, parce que le coeur est tiraillé par des sentiments qu’elle aimerait oublier. « Je suis réellement contente d’être ici. » Parce qu’elle lui avait manqué après tout.

Samia esquisse un sourire en entendant l’expression d’un autre temps qu’utilise Noé, mais le cœur n’y est pas vraiment. En effet, elle a bu beaucoup de thé ces temps-ci, mais la tristesse n’est pas complètement passée. « Ça ne coûte rien d’essayer en effet. Enfin si, mais un thé ne coûte pas si cher que ça. » Elle aurait pu se trouver une boisson bien plus coûteuse – et moins bonne pour la santé. Le seul problème, c’est qu’elle a l’impression de passer son temps aux toilettes, et ça lui fait parfois repenser à sa grossesse. Pas ses moments préférés, autant le dire. Mais en même temps, c’est normal d’y penser. Sain. En parler, c’est plus compliqué. Mais elle essaye, et c’est la raison de la présence de Noé aujourd’hui. Un premier pas vers le monde extérieur. Elle s’était demandé, si elle devait prétendre qu’elle allait bien, ne pas parler de ce qu’elle ressentait pour ne pas souffrir davantage. Mais toutes les conversations qu’elle avait pu avoir avec d’autres personnes concernées lui avaient dit la même chose : il faut en parler pour faire son deuil. Ou au moins pour commencer. Elle prend la tasse donnée par Noé, sans en boire le contenu pour l’instant. Elle est honnête concernant son besoin de solitude. Elle en a encore besoin, sans doute, mais elle a aussi besoin de recommencer à vivre. Caleb n’avait pas vraiment compris, qu’elle veuille se retrouver seule, alors il avait accueilli avec joie la nouvelle comme quoi Samia allait avoir de la visite. Chacun fait son deuil à sa façon, mais Samia et Caleb ne s’étaient pas vraiment retrouvés dans cette épreuve qu’ils ont pourtant partagée. Mais ce n’est pas avec Noé qu’elle va en discuter. Au lieu de ça, elle préfère l’écouter parler. Ça, c’est simple. Et elle peut être heureuse pour elle. Voir un peu de bonheur, ailleurs. Même si elle ne semble pas tout à fait à l’aise. « Tu l’as déjà dit. » Dit Samia en souriant derrière sa tasse de thé, dont elle prend une gorgée. « Mais au moins, je suis sûre que tu le penses. » Non pas qu’elle en ait douté. « Je suis contente que tu ailles bien en tout cas. Et il faudrait être fou pour vouloir te remplacer, tu as encore une longue carrière devant toi. » Samia n’est pas experte là-dedans, mais même quand la carrière de Noé se terminera, elle trouvera forcément de quoi rebondir. « Par contre, je suis étonnée… Il doit bien y avoir des potins dans les coulisses de Broadway, mais tu ne m’en as jamais racontés ! » Diriger la conversation vers Noé lui parait plus simple. Parler de ses sentiments, on repassera.

Noé elle aimerait plaisanter, faire des blagues, voir le sourire de Samia sur son visage, un sourire réel. Et elle essaie, elle sort les rames, tente discrètement de faire des blagues mais elle n'y arrive pas. Elle a l'impression de mettre les deux pieds dans le plat, à répétition. A chaque seconde qui passe, elle a l'impression de marcher sur des oeufs, un pas de travers et elle casse tout. Et une fois de plus, elle le fait quand elle se répète, elle ne peut pas en vouloir à Samia de le lui faire remarquer parce qu'au fond, ça a toujours été ainsi. Samia qui la faisait se canaliser. « Oh oui, bien sûr que je le pense. » rétorque Noé, sentant ses joues qui se colorent de rouge comme si elle était prise la main dans le sac pour un vol ou autre chose. Et elle hausse les épaules, peut-être qu'on ne voudrait pas la remplacer mais elle sent que Frozen touche à sa fin, peut-être qu'il lui reste encore des mois à vivre dans la peau d'Anna. Mais elle a peur que ce temps arrive trop vite, trop rapidement. « Peut-être. Mais en tout cas, Broadway ne se débarassera pas de moi comme ça » explique t-elle d'un ton assuré. Elle a mit trop de temps à atteindre le niveau qu'elle voulait attendre, elle a mit trop longtemps à devenir celle qu'elle avait toujours voulu devenir. Elle aimerait parfois écrire à la petite Noé qui a six ans, qui doute d'elle, qui se fait moquer par ses camarades, qui chante dans sa chambre, pour que ses parents ne lui montre pas qu'ils ne croient pas en elle. Elle aimerait lui dire qu'elle sera une célébrité, que Broadway lui tendra les bras et qu'elle les enserrera avec bonheur. Que les petites filles auront leurs yeux qui brilleront en la regardant. Mais elle ne peut pas le faire parce que ce n'est pas le moment, puis même. Ce n'est pas elle qui est dans la tourmente. Une gorgée de thé qu'elle prend, elle rit derrière sa tasse avant de réfléchir. Elle ne sait pas si elle peut dire les potins mais les rumeurs des coulisses, elle peut peut-être lui dire « Hum, il y a des rumeurs comme quoi des collègues du show s'envoient en l'air mais rien ne filtre. Enfin ce n'est pas des acteurs mais des danseurs. » prononce t-elle en haussant les épaules « On les a vu sortir de la loge de la demoiselle avec un air gêné de croiser du monde. Mais ce n'est que des bruits de couloirs. » prononce t-elle en haussant les épaules avant de reprendre une gorgée de thé et elle réfléchit un instant « J'ai une amie qui est revenue du west end aussi ! Je suis si contente. » explique t-elle avec un ton bien plus qu'heureux. « Tu veux aller marcher un peu ? » demande Noé en déposant une main sur celle de Samia, le contraste de leur chaleur de leur peau qui dénote à chaque fois « Promis, je ne change pas de sujet pour qu'on ne parle pas de moi, mais je me dis que peut-être que ça te ferait du bien de sortir... avec moi ? »

Au fond, elle regrette en partie d’avoir mis tant de temps à accepter de s’ouvrir au monde. Certes, elle en avait besoin, mais peut-être qu’en s’isolant, elle ne s’était pas laissé la chance d’aller mieux. Le fait de voir Noé le lui prouve bien. Ça ne résout pas tout, mais elle se sent déjà un peu plus sereine. Pouvoir parler d’autre chose. Pouvoir voir le sourire de Noé. Mais ça, c’est peut-être juste parce que c’est Noé. Elle préfère l’écouter parler, même si elle se doute que Noé aurait des questions pour elle. Mais elle n’a pas envie de parler d’elle pour l’instant. Elle préfère penser à autre chose. Elle aura bien d’autres occasions d’en parler. Elle est contente d’apprendre que les choses ont l’air d’aller bien pour la rousse. « Tu ne risques pas d’abandonner sans te battre. Ça ne serait pas toi. » Après tout, c’est son rêve, c’est normal de vouloir qu’il dure. Mais vu le talent de Noé, Samia ne se fait pas trop de souci. Et la brune est contente de pouvoir l’entendre en parler. C’est un monde qu’elle ne connait que par son amie, et elle est forcément un peu curieuse. En plus, ça lui permet de penser à autre chose, donc elle ne peut qu’y gagner. Non pas qu’elle soit particulièrement intéressée par des potins, mais elle veut juste continuer d’écouter Noé. Et visiblement, elle a des choses à raconter sur les coulisses, ce qui amuse Samia. Elle imagine bien le couple qui n’a pas envie d’être remarqué, mais qui a du mal à être réellement discret. Surtout qu’à moins qu’un des deux soit en couple, ils ne doivent pas avoir de raison de se cacher. « Comme quoi, les lieux de travail créent toujours des nouvelles relations. Même à Broadway. » Passer beaucoup de temps avec les autres, ça crée toujours des liens. Et quand Noé évoque une amie revenue du West End – il semble à Samia que c’est à Londres – elle se demande si ce n’est qu’une amie. Elle ne sait pas pourquoi. Peut-être parce qu’elle en parle après avoir parlé d’un couple. Ou juste parce qu’elle n’est pas habituée à entendre Noé parler d’autres personnes. Mais elle a pourtant une vie en dehors de Samia. Et heureusement pour elle. Elle change rapidement de sujet – même si elle dit que ce n’est pas le cas – ce qui rend d’autant plus curieuse la brune. Mais ça serait déplacé de l’interroger plus là-dessus. Et l’idée de sortir lui plait bien. Elle n’a pas terminé son thé, mais ce n’est rien de grave. La tournure de phrase de Noé la fait tout de même sourire. Adolescente, elle aurait adoré entendre ça de la bouche de sa meilleure amie. Aujourd’hui, elle parle tout simplement de sortir dehors. Mais c’est bien aussi. « Avec plaisir, il fait beau aujourd’hui en plus. » Et ça lui fera du bien de prendre un peu le soleil. De bouger aussi, parce qu’elle ne le fait pas tellement. Elle se remet à vivre doucement. « Je pourrais te montrer un peu mon quartier du coup. Non pas qu’il soit exceptionnel, mais c’est calme et ça commence un peu à fleurir. » Détail pas très important, mais elle ressent le besoin de parler. Le besoin de ne pas laisser le silence s’installer. « On peut laisser le thé comme ça, on rangera après. » Elle se lève rapidement, suivie de Noé, puis enfile un manteau et des chaussures et rapidement, elles sont dehors et empruntent un petit chemin qui passe entre les maisons. Samia l’a découvert peu après avoir emménagé ici, et elle aime prendre le temps de s’y promener, même seule. « Tu sais, toi… si tu voudrais avoir des enfants un jour ? » Elle ignore pourquoi c’est cette question qui lui vient maintenant. Elles n’en ont jamais vraiment parlé quand elles étaient jeunes. Mais à l’époque, Samia n’aurait même pas su dire si elle en voulait ou non. Il lui a fallu longtemps pour le savoir.

Un joli sourire se naît sur les lèvres de Noé quand Samia lui montre qu’elle croit en elle, elle aimerait croire en elle autant que Samia ne le fait. Mais parfois, elle doute, parfois, elle se dit qu’elle ferait mieux de tout arrêter, mais elle ne le fait pas. Parce qu’elle aime ce qu’elle fait, elle aime être sur scène tout les soirs (ou au moins 6 soirs sur 7), elle aime voir les yeux des petites filles qui brillent quand elle les croise à la stage door. Alors jamais elle n’abandonnera, jamais elle ne laissera Broadway de côté parce que Broadway lui a beaucoup trop apporté pour qu’elle ne daigne l’abandonner. Et elle sait que Samia croit en elle, ou du moins, avant elle croyait en elle. Noé espère au plus profond de son coeur que c’est toujours la vérité, que l’espoir que Samia mettait en Noé, ne s’était pas étiolé avec le temps. Pour finir par ne plus exister. Noé voulait, égoïstement, que Samia croit toujours en elle. Noé ne veut cesser de penser que Samia croit en elle, malgré tout ce temps qui est passé. Et Noé comprend que Samia ne veut plus parler d’elle, qu’elle veut parler d’autre chose et elle la comprend. Elle comprend cette envie de parler d’autre chose et elle l’accepte alors elle essaie de lui changer les idées, de refaire sourire Samia, que le sourire contamine les yeux et le regard. Noé acquiesce face à l’affirmation de Samia « Oh oui, j’ai des anciens collègues qui se sont rencontrés sur un ancien show, et ils sont toujours ensemble. Ils se sont mariés l’année dernière. » continue Noé, elle aurait pu rajouter qu’ils attendent un enfant mais ce n’était pas le moment. Elle ne voulait pas remuer le couteau dans la plaie la rousse. Puis Noé n’a pas envie de continuer à parler de Broadway, elle pourrait en dire des choses mais elle voulait garder ça pour une autre fois, à la manière d’un jour, une histoire. Noé est heureuse que Samia accepte d’aller se balader un peu, non pas qu’elle ne veut pas passer du temps en intérieur avec elle, mais ça leur ferait du bien à toutes les deux de sortir à l’extérieur. « On peut oui ! Ça me ferait plaisir de découvrir ton nouveau quartier. » Enfin nouveau, pas tant que ça. Mais nouveau parce qu’elle n’était jamais vraiment venu ici. Parce qu’elle n’avait jamais mis un pied ici. Et Noé se lève avant de se rhabiller, son écharpe qu’elle noue autour de son cou avant de passer une main dans ses cheveux pour les remettre bien. Elle suit Samia, son bras qu’elle crochete timidement au bras de sa brune, alors qu’elles avancent et elle marche silencieusement, seul bruit de leurs pas qui brisent le silence. La question de Samia la perturbe, et elle s’humidifie les lèvres, se pince les lèvres et réfléchit un instant « Je n’y ai pas vraiment réfléchi. » avoue Noé d’une petite voix. Elle aurait voulu, avoir un enfant, peut-être mais elle n’était pas sûre de pouvoir et de vouloir entamer les démarches. Ce serait long, trop long et puis, elle n’était pas sûre que ça marcherait du premier coup et elle n’avait pas envie de subir déceptions sur déceptions. « Je veux dire… j’adore mon neveu. J’adore ma soeur, mais j’aime encore plus mon travail. Alors je me dis que peut-être je pourrais avoir un enfant, mais je ne sais pas quand. Je ne sais pas si je suis prête. Tu sais, je n’ai personne dans ma vie alors pour le moment, la décision ne revient qu’à moi et je n’en ressens pas l’envie. Je… j’espère que je ne te blesse pas. » Elle se sent égoïste Noé, et elle espère que Samia ne le prendra pas mal. Parce que Noé n’a jamais eu de relations si sérieuses, au point de vouloir fonder une famille. La seule personne avec qui elle aurait pu lui a demander de choisir entre Broadway et elle, et ce n’était pas possible. On ne pouvait pas lui enlever Broadwayy à Noé.