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We are not friends, let's face it - Janet

@ Invité

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Ven 16 Juil - 18:22
« Janet est revenue ». Voilà le sms qu’il avait reçu, quelques jours auparavant. Il avait failli ne pas y croire, mais Elior ne plaisantait pas au sujet de sa femme. De son ex-femme ? Wes ne savait même plus vraiment comment la considérer. C’était peut-être ça le plus terrible, ce flou qu’elle avait laissé derrière elle, ce brouillard de questions sans réponses. Ce même brouillard qui, omniprésent, empêchait totalement d’oublier son absence, de passer à autre chose. Que Janet se tire, c’était une chose. Qu’elle parte sans laisser à son mari la possibilité de tourner la page, de faire le deuil de leur relation, c’en était une autre. Et ça énervait Wes. Beaucoup. Alors il avait bitché. Beaucoup aussi. Il s’était moqué d’elle, bêtement, assez méchamment même, comme si ses persiflages allaient combler le vide. Ça n’avait servi strictement à rien 一 voir Elior toujours aussi amoureux le désespérait.

Wesley avait donné rendez-vous à la jeune femme, choisissant le café le plus impersonnel qu’il connaissait. Le plus intelligent aurait été de ne pas se mêler de cette histoire. Pour qui se prenait-il, si ce n’est pour le parrain d’Adam ? Mais allez savoir pourquoi, il se sentait investi d’un devoir envers Elior. Le musicien l’avait ramassé à la petite cuillère et essuyé son torrent de larmes. Le récupérer dans un tel état s’était révélé insupportable. Il en avait tiré la conclusion suivante : on ne touchait pas à Elior. On ne touchait pas non plus à son fils, en toute logique.

Il se pointa en avance, pour la première fois depuis des lustres. Il s’assit en terrasse et commanda un déca en l’attendant. Il était suffisamment tendu comme ça, pas la peine de rajouter une couche de caféine. Que lui voulait-il, à Janet ? Lui-même ne savait pas vraiment. Wes souhaitait comprendre. Et puis (et c’était bien moins noble de sa part) il voulait la confronter, lui renvoyer à la figure la peine qu’elle avait imposée à Elior et Adam. L’audace dont elle faisait preuve en réapparaissant, la gueule enfarinée, lui paraissait intolérable. C’était le mot : intolérable. Il craignait qu’Elior ne lui retombe dans les bras avec tout son optimisme et sa candeur. Il suffisait qu’elle se barre à nouveau pour le détruire complètement et ça, Wes ne le permettrait pas.

Il en était là de sa réflexion lorsqu’il l’aperçut se diriger vers lui, à l’autre bout de la terrasse. « Salut Janet. » Malgré tout ce qu’il reprochait à Jay, le musicien fit un effort pour être aimable et ne pas sembler trop tendu. Autant ne pas se braquer tout de suite, ç’aurait été stupide. Cela dit, il ne l’appela pas « Jay » non plus, ça ne servait à rien de jouer les hypocrites. L’avocate devait bien se douter qu’il ne l’appréciait pas. Il l’observa s’asseoir. « Écoute, on va s’épargner les banalités, c’est pas la peine de s'infliger ça. » Patient malgré tout, il la laissa commander avant de lui déballer ce qu’il avait à lui dire. Et lorsque le serveur s’éloigna, il pivota vers elle : « J’aimerais vraiment que tu m’expliques. »

@ Invité

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Sam 17 Juil - 11:28
S'il y avait bien un rôle dans lequel Jay excellait, après des années d'entraînements — et, il fallait bien l'admettre, d'exploits — c'était celui de Janet The Jerk. La protection parfaite pour survivre aux repas de famille dominicaux et autres galas auxquels ses parents avaient pu les traîner, Kate et elle, durant leur enfance et leur adolescence. Une armure faite de sarcasme glacial, couronnée par un sourire figé qu'elle enfilait sans effort chaque fois que c'était nécessaire. Et aujourd'hui, ça l'était, ça l'était terriblement.

Revenir à New York impliquait revoir une ribambelle de gens qu'elle n'appréciait pas outre mesure, mummy dearest en tête, et si elle n'était pas spécialement préparée à cette éventualité, cette dernière était toutefois inévitable. Wesley comptait parmi ces personnes-là, coincé entre son patron et Mary Ann from accounting sur la liste des Retrouvailles-Reproches que Jay aurait préféré éviter. Mais Wesley faisait aussi — et surtout — partie de la vie d'Elior et d'Adam, et elle savait pertinemment qu'elle ne pouvait pas fuir indéfiniment. Si elle avait été un peu courageuse, elle aurait probablement pu se dire, pour se remonter le moral, qu'elle en avait fini avec la fuite. Mais Jay n'était rien, sinon une lâche, et elle ne fonctionnait pas à la motivation dégoulinant d'optimisme. Non, c'était aussi résignée qu'une bête qu'on envoie à l'abattoir qu'elle avait quitté l'appartement, un peu trop à l'aise sous la côte de maille sarcastique de Janet The Jerk.

Elle parvint au café où Wesley lui avait donné rendez-vous sans mal et s'installa face à lui en silence, avec l'élégance et la retenue que lui avait inculqué sa mère.  Because appearances were everything et si elle paraissait calme et en pleine possession de ses moyens — ce qui était loin d'être le cas — elle pouvait, théoriquement, garder la main proverbiale sur la situation. Peu importait que ses véritables mains soient agitées d'un tic nerveux et qu'elle ait désespérément envie de courir s'enfermer dans une chambre sombre en se passant en boucle son épisode préféré d'X Files, non, non. She could do this, she could do this, she could do this. Si obsédée qu'elle pouvait être par l'image qu'elle renvoyait aux autres, l'opinion — et la colère, certainement — de Wesley ne comptait guère mais elle était disposée à faire un effort. Pour Elior, pour Adam. Par honte, aussi, peut-être, parce qu'elle savait, en son for intérieur, qu'elle n'était pas en position de force ni de contrôle.

Elle haussa un sourcil devant son manque évident d'envie de faire semblant. Compréhensible, certes. Il ne lui avait probablement pas donné rendez-vous pour lui offrir un café et la féliciter avec une tape dans le dos. Préférant ne pas commenter, dans un souci de ne pas engager les hostilités avant même d'avoir avalé son énième dose de caféine de la matinée, Jay se tourna vers le serveur, le besoin pressant d'un double expresso serré se pressant contre ses lèvres. Que je t'explique ? répéta-t-elle en se tournant de nouveau vers Wesley, impassible. Parce que tu as l'intention de prétendre d'en avoir quelque chose à faire ? Vraiment ? Elle se retint de lever les yeux au ciel, vaguement agacée. Soyons un peu honnêtes, d'accord ? Croisant les jambes, elle dégaina le paquet de cigarettes qu'elle avait réussi à ignorer ces derniers jours. But not today, Satan, not today. Tu ne m'apprécies pas beaucoup et ça ne date pas d'aujourd'hui. Ni d'il y a neuf mois, ajouta-t-elle après une seconde, prenant grand soin de l'ignorer en allumant sa cigarette, et en même temps, qui pourrait t'en vouloir ? Je ne suis pas quelqu'un de très sympathique et je ne dis pas ça pour t'attendrir, j'ai parfaitement conscience d'être une connasse rigide mais c'est pas le problème. Jay s'arrêta, fumée sur la gauche et sourire bref sur la droite pour le serveur qui déposa son café sans un mot. Elle s'autorisa une gorgée, grimaçant devant la hâte qui lui brûla la langue. Je ne pense pas que tu veuilles des explications, parce que ça ne changera rien, ni pour toi, ni pour moi. Non, je pense plutôt que tu meurs d'envie de me faire passer une sale quart d'heure. Which, fair, I more than deserve it. Lâche-toi, vas-y, conclut-elle avec un bref geste de sa main libre.

@ Invité

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Jeu 29 Juil - 0:49
Non. Non, ça n’était vraiment pas possible d’être aussi dédaigneuse. Wes n’en revenait pas. Un peu plus et il allait finir par croire que c’était lui le fautif dans l’histoire. Fucking unbelievable. Il la trouvait insupportable de froideur, pourtant sans s’en rendre compte, il s’arma du même sarcasme dégoulinant de sous-entendus qu’elle. « Franchement ? T’as à moitié raison. Je me fiche pas mal de savoir pourquoi t’es partie, Janet (et il appuya sur son prénom avec un ton empreint de toute l’acidité dont il était capable). Par contre, j’aimerais bien comprendre pourquoi t’es revenue. » Wes ne s’énerva pas, Wes ne s’énervait jamais, parce qu’il était placide par nature. Il n’était pas du genre à faire de grandes scènes, à gueuler, à taper du poing sur la table. Par contre, il savait être à la fois parfaitement calme et parfaitement infect. Et il ne se priverait pas de le démontrer.

Janet insinua qu’il l’avait toujours eue dans le nez. Le musicien ne chercha pas à démentir. D’aussi loin qu’il se souvienne, il ne s’en était jamais caché. Il avait fait le minimum vital pour ne pas mettre Elior mal à l’aise lors des quelques dîners qu’ils avaient partagés, mais ça s’arrêtait là. Mais ça c’était avant, quand il n’avait rien d’autre à reprocher à Jay que son air vaguement supérieur. Il se fendit d’un sourire en coin des plus désagréables. « Je reconnais que dès le début, j’ai pas eu un bon feeling. Mais t’as pas vraiment prouvé que j’avais tort par la suite. » Coup bas et en même temps pure vérité. Il ne fallait pas qu’on oublie qui d’eux deux avait merdé, tout de même. Puis Janet se qualifia elle-même de « connasse rigide » mais le musicien s’empêcha de tomber dans la facilité de l’injure gratuite. Il avait passé l’âge, même si l’envie ne lui manquait pas. « J’ai pas envie qu’on s'insulte, on est un peu plus intelligents que ça. »

Mettant fin à leur petit concours d’orgueil, Janet l'exhorta à balancer ce qu’il avait à dire. Il ne se fit pas prier. Le brun se recula dans son siège de bistrot métallique. Il commença par fixer sa tasse de déca, puis releva les yeux vers Janet, mais son regard semblait un peu ailleurs, comme si la fixer lui demandait un effort trop important. « Ça fait 9 mois qu’il consacre toute son énergie à reconstruire un monde sans toi. Jour après jour. Pierre après pierre. Honnêtement, il m’impressionne, parce qu’à sa place j’aurais pas tenu, mais non, lui, il a tout fait tout seul. » Pas besoin de préciser l’identité du « il », de toute façon il n’y avait qu’une seule personne au monde qui pouvait les mener à prendre un café ensemble. Wes se frotta la joue, pensif une seconde, avant de poursuivre. « Et là, au moment où il commence à stabiliser son monde, à avoir des opportunités artistiques dont il n'osait même pas rêver, tu débarques. » Tu débarques et tu ruines tous ses efforts, tu le détruis une seconde fois, égoïste !, voilà ce qu’il voulait signifier entre les lignes. Enfin, entre les lignes… À ce niveau-là de subtilité, c’était comme s’il avait pris un mégaphone pour le hurler à la figure de la blonde. « Alors oui, j’aimerais comprendre pourquoi tu décides de lui faire ça. » Il avait envie de lui crier : you had your chance, let another girl take your place. Une autre fille qui ne le laisserait pas tomber avec un enfant en bas âge sur les bras et des rêves déchus plein la tête. Par exemple.

@ Invité

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Jeu 5 Aoû - 17:54
L'avantage d'allier de grandes capacités d'anticipation et un profond dégoût de soi résidait, dans cette situation très précise, dans le fait que même le plus cruel des piques que pourrait lui servir Wesley restait fade en comparaison avec ce qui pouvait bien passer dans la tête de Janet. Pire encore, elle trouverait probablement le moyen d'être d'accord avec lui, voire même d'étoffer son argument, exemples et preuves à l'appui. Ironiquement, ça ne l'aiderait sans doute pas — y avait-il move plus petty que d'aller dans le sens de quelqu'un décidé à vous descendre ? — non pas qu'elle ait le moindre espoir de sortir de cette entrevue en l'ayant convaincu de changer d'avis à son sujet. Elle n'en méritait pas tant et elle était tout à fait prête à le laisser profiter de son quart d'heure d'honnêteté brutale. Après tout, il n'avait peut-être que peu d'importance dans sa propre vie mais il comptait suffisamment aux yeux d'Elior pour qu'elle le laisse faire. Ça ne changerait rien ou pas grand-chose. Il repartirait peut-être soulagé et elle aurait trouvé quoi dire à son thérapeute pour leur prochaine session. A win-win situation really.

Calquant son attitude sur celle de l'homme qui lui faisait face, Jay se garda bien de tout commentaire quant à son intelligence et se contenta de hausser un sourcil lourd de jugement. Il avait certainement plus qu'un qualificatif en tête pour exprimer ce qu'il pensait d'elle et elle n'était pas en reste mais elle n'avait certainement pas l'intention de lui offrir la moindre munition supplémentaire en s'adonnant à de telles bassesses. It was unbecoming, aurait dit sa mère qui l'avait élevée pour être bien plus subtile que ça. La subtilité, en revanche, n'était manifestement pas la spécialité de Wesley. Elle avait attendu avec une hâte malsaine le compte-rendu des neufs derniers mois du point de vue de Wesley, si prévisible dans ses reproches, pour le comparer aux idées cruelles criantes de culpabilité qui s'étaient entrechoquées dans sa tête chaque fois qu'elle se retrouvait seule et désœuvrée. Le bruit constant avait aidé, les longues journées passées au fond de son lit face à un écran qui lui desséchait les yeux aussi. Se perdre dans ces pixels l'avait empêchée de se perdre totalement dans ses pensées, le danger qu'elle n'avait pas su gérer ni affronter. Elles avaient fini par l'étouffer pourtant, ces images de la vie qu'elle avait laissé derrière elle, ces questions incessantes de où, quand, avec qui, et si elle était suffisamment bien dressée — merci papa, merci maman — pour ne rien laisser paraître, leur rappel, même dans la bouche d'un type à qui elle n'accordait que peu de crédit, lui glaçait le sang. Elle ravala le sarcasme qui lui montait aux lèvres sans pour autant pour retenir un rictus amer qu'elle ne chercha même pas à dissimuler. C'était presque drôle, d'entendre quelqu'un dresser un tableau d'elle-même si similaire à la vision qu'elle portait sur sa propre personne. Presque impressionnant aussi. Le seul détail qui la dérangeait, c'était l'image peu flatteuse d'Elior que tout ça peignait en miroir. Ironique, pour quelqu'un qui s'en voulait défendeur. Lui faire ça, vraiment ? C'est un peu paradoxal de présenter ça comme ça après avoir noté sa force de caractère. Ou est-ce que tu la prends en compte uniquement quand ça t'arrange ? Elle avait son petit avis là-dessus mais là n'était pas la question. Ça doit être fascinant de voir le monde à travers tes yeux, d'être si accroché à ses petites certitudes en noir et blanc qu'on s'imagine tout savoir sur tout et être en droit de s'immiscer dans ce qui ne nous regarde absolument pas, continua-t-elle en écrasant soigneusement sa cigarette à moitié entamée. Parce que c'est exactement ce que tu es en train de faire, que ça te plaise ou non. And it's fine, I'm willing to entertain it, as long as we're being honest and not just manipulating facts as we see fit. Et dans un souci d'honnêteté, permets-moi de te rappeler que tu ne les as pas tous, les faits. Que clairement, ça ne t'intéresse pas de les avoir parce que tu n'es pas là pour m'écouter, ni pour poser les bonnes questions et encore moins pour avoir des réponses à celles que tu n'es pas en droit de te poser. Si c'était vraiment le cas, ce n'est pas moi qui serais assise en face de toi mais je doute sincèrement que tu ailles voir Elior avec la même énergie moralisatrice et le même manque de confiance en son jugement. Les reproches sur son comportement, elle pouvait — devait, if we wanted to get technical mais c'était une autre histoire réservée aux oreilles de son psy — les encaisser, les tentatives mesquines de l'atteindre aussi. Ça ne pesait guère dans la balance mais Jay avait ses limites. Elles étaient rares et les derniers mois les avaient clairement repoussé mais elles existaient bien. Navrée de te décevoir mais je ne me suis pas réveillée un bon matin en décidant de ruiner sa vie. Oh, je sais prendre des décisions, je fais ce qu'il faut, c'est même ce que j'ai toujours fait. Et si tu étais vraiment là pour comprendre quoi que ce soit, je te dirais que c'est tout le problème, que j'ai toujours fait ce qu'on attend de moi parce que c'est la seule chose que je sache faire, que c'est épuisant de rentrer perpétuellement dans un moule sans savoir à quoi on ressemble, que réaliser qu'on a construit sa vie entière sur les attentes des autres est terrifiant. But for the sake of argument, let's pretend I'm just a selfish bitch out to ruin him. Tu crois vraiment que je serais encore à New York s'il ne voulait pas que j'y sois ? Ou est-ce que tu t'imagines que tout le courrier qu'il m'a fait suivre, tous les dessins de notre fils qu'il a réussi à m'envoyer était juste une manière de me garder à l'écart ? Était-il seulement au courant ? Ou Elior le lui avait-il caché ? Toute à sa préoccupation, elle réalisa avec un temps de retard qu'elle n'avait pas utilisé le prénom d'Adam — mais ce n'était pas le moment d'avoir une révélation sur ses problèmes quant à sa maternité. Elle aurait tout le temps, plus tard, pliée dans un coin du canapé, d'avoir une crise existentielle sur le sujet. Pas maintenant, pas ici, pas devant quelqu'un qui sauterait sans doute sur le premier signe de faiblesse pour l'exploiter. Est-ce que tu t'es demandé une seule seconde ce qu'Elior voulait, reprit-elle, la voix tremblante, au lieu de te focaliser sur ce que toi, tu estimes qu'il devrait désirer ? L'envie de le planter là lui taraudait le ventre, dévorante et lourde, mais elle ne bougea pas, s'exhortant mentalement au calme. Ce n'était pas une question de fierté, ni même de tenir à Wesley. Non, il s'agissait surtout d'elle et de savoir si oui ou non, elle pourrait se repencher sur ce moment et ne pas avoir envie de se répandre en insanités pour se faire payer sa propre faiblesse.

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Dim 8 Aoû - 18:16
Le ton sec de la jeune femme attira quelques regards curieux venant des tables voisines. Wes se retourna brièvement, ce qui suffit aux indiscrets pour sursauter et plonger le nez dans leurs tasses. Qu’est-ce qu’ils s’imaginaient ? Qu’ils étaient un couple sur le chemin du divorce ? Ew, quelle angoisse. Il pivota à nouveau vers Janet lorsqu’il fut certain que tout le monde avait rangé ses oreilles. « Donc ta ligne de défense, c’est de me faire passer pour un ami indigne ? Je peux pas t’en vouloir, c’est audacieux de ta part, c’est même très technique, a classic lawyer move. Perfectly dishonest. » Ah, les avocats et leur immoralité chronique, il ne pouvait pas blairer la profession, a fortiori parce que c’était celle de Janet.

Lui, s'immiscer ? Il s’attendait à ce qu’elle le lui reproche, parce qu’il avait parfaitement conscience qu’il s'immisçait. Et il n’en éprouvait aucune culpabilité. Personne n’osait confronter Janet parce que tout le monde avait peur de passer pour un inquisiteur. Qu’il en soit ainsi, le musicien s’en fichait. Il ne pouvait pas laisser Elior gérer ça tout seul, puisqu’il perdait manifestement son discernement lorsque sa femme se trouvait dans les parages. Elior, mon vieux, être amoureux te rend vraiment con comme un balai. Tel un chien de garde en rogne (d’habitude il tenait davantage du labrador placide et affectueux), Wesley aboya : « Ça t'arrangerait bien que personne ne se mêle de tes histoires, pas vrai ? Ce serait tellement plus simple pour toi. How funny that you talk about manipulating facts… Je suis pas sûr que ce soit moi le plus manipulateur autour de cette table. Je suis prêt à parier qu’il t’a accueilli sans te faire le moindre reproche, quand il s’agit de toi, il est tellement candide. Tu vois, c’est comme si tu profitais de ses sentiments pour pouvoir retrouver ta petite place confortable à ses côtés, parce que tu savais avant même de revenir qu’il te pardonnerait. Mais mes petites certitudes et moi, on doit se tromper, n’est-ce pas ? » Wes était vraiment mauvais, comme rarement ça lui arrivait, mais il aurait tout le temps de s’en vouloir plus tard. Après tout, son interlocutrice ne mâchait pas ses mots, il ne voyait donc aucune raison de se censurer. Tout à coup, il eut envie de sortir une cigarette lui aussi, ne serait-ce que pour occuper ses doigts. À défaut d’en avoir une (il ne s’abaisserait pas à demander à Janet, plutôt mourir foudroyé sur place), il pianota sur le bord de sa tasse, ses ongles tintant contre la porcelaine, émettant un bruit très irritant.

Wes serra les dents tandis que Janet survolait les raisons qui l’avaient poussée à partir. Le musicien ne voulait pas entendre, il refusait de comprendre. À ses yeux, il était impensable qu’on puisse être malheureuse en étant l’épouse de l’homme le plus gentil du monde. Pourtant, une phrase de Janet transperça son hermétisme : « C'est épuisant de rentrer perpétuellement dans un moule sans savoir à quoi on ressemble. » La réflexion eut un certain écho, pour lui qui avait passé toute une vie à fuir le moule sociétal standard 一préférant celui de l’artiste marginal et torturé, Wes était un cliché sur pattes et il ne s’en rendait même pas compte, mais c’était un tout autre sujet. Il se secoua intérieurement. Non, l’avocate ne l’aurait pas avec ses techniques oratoires. Il lui suffit de se remémorer la douleur sur le visage d’Elior, le jour où elle s’était évaporée, pour raviver sa colère et chasser cet instant de flottement. C'était trop facile de se justifier comme elle le faisait. À la limite, ça excusait le fait d'avoir disparu, mais pas celui d'être revenue avec un angélisme puant. « Je ne doute pas que tu as d'excellentes raisons d’être partie. Tu n’as pas le monopole des inner demons, Janet, désolé de te l’apprendre. Vu la piètre estime que t’as de moi, je suppose que tu t’en doutes : ça m’est déjà arrivé de flinguer mon couple. Mais la différence entre nous deux, c’est que j’ai eu la décence de m’excuser et de faire profil bas. Avoir l'honnêteté de reconnaître que les gens sont parfois plus heureux et plus sereins sans nous, tu vois le genre. » D’ailleurs, c’était plus ou moins ce qui lui était arrivé avec Debbie. Le brun détourna le regard. Là où Janet avait l’air parfaitement maîtresse d’elle-même, lui commençait à sérieusement fulminer, au point de perdre la notion de qu’il était bon de dire ou non. « Alors finalement, tu les recevais, les dessins d’Adam ? Tiens, je ne savais pas, comme tu n’as jamais répondu... » Jusqu’ici, il avait évité d’évoquer son filleul, parce qu’il ne voulait pas se servir de lui pour alimenter la dispute. Il regretta aussitôt d’avoir franchi cette limite. Le voilà qui pointait le bout de son nez : le pire de lui-même.

Cela dit, ça tombait vraiment bien. Wes envisageait de consulter un psy mais la perspective de ne pas savoir quoi lui dire au premier rendez-vous le freinait. Merci Jay, grâce à toi, Jean-Sigmund-Freud et moi on aura de super trucs à se raconter. « Tu me demandes ce qu’il veut vraiment ? Parce que toi, tu le sais ? Une chose est sûre, ce qu’il veut, ce n’est certainement pas être rongé tout le reste de sa vie par la peur que sa femme se barre à nouveau ! » Était-il seulement possible pour eux de reconstruire une relation saine ? Wes était persuadé que non et que penser le contraire revenait à se bercer d’illusions. À croire que tout à coup, comme par magie, les relations amoureuses épanouies n'avaient plus de secret pour lui.

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Lun 9 Aoû - 20:38
TW: MAL-ÊTRE, MENTIONS DE SUICIDE

A lawyer is a shark, avait-elle entendu une fois à la fac, dans la bouche d'une TA certainement un peu trop obsédée par Legally Blonde et pas suffisamment sûre d'elle pour vendre la référence autrement que sur le ton de l'humour. Vautour, harpie, vendue, elle avait déjà tout entendu et s'amusait plus qu'autre chose de la vision étriquée et ô combien idéaliste que pouvaient avoir les gens sur sa profession. It was all fun and game to pretend to have the moral high ground until you actually needed one of those perfectly dishonest bastards. Jay laissa glisser la réflexion, peu intéressée par un autre débat stérile à l'intérieur de celui qu'ils étaient déjà en train d'avoir.

Parce que c'était bel et bien ce qui se passait. Wesley ne descendrait pas de son petit piédestal de brave pote pédant et prétendument animé par les meilleures intentions du monde et elle n'avait aucunement l'intention de lui céder le moindre morceau de terrain. Dans ce cas, il vaudrait peut-être mieux que tu t'abstiennes de parier sur quoi que ce soit. Si tu es aussi calé en sports qu'en nature humaine, tu risquerais d'y laisser des plumes, se contenta-t-elle d'observer sans prendre la peine de dissimuler sa lassitude. Yes, yes, she was a terrible, terrible person, she'd already gotten there without anyone's help. Surtout pas celle d'un type à l'opinion si caricaturale qu'elle en était presque drôle. De toute évidence, il n'avait pas abordé le sujet avec Elior, n'avait pas non plus posé de question, soit parce qu'il n'avait pas osé ou parce qu'il pensait avoir déjà toutes les réponses. Probablement un peu de deux, à en croire l'insupportable suffisance avec laquelle il s'exprimait, si englué qu'il était dans ses idées très arrêtées de ce qui pouvait se passer derrière la porte close d'un appartement où il ne vivait pas. Si elle n'avait pas été élevée par quelqu'un d'aussi peu respectueux de la vie privée d'autrui — sa mère était un peu plus subtile, cela dit, un peu plus chic et mordante aussi — Janet aurait presque été étonnée de ce mélange de curiosité et de certitudes. Presque, oui, sauf qu'elle n'était pas née de la dernière pluie et n'avait pas attendu de remettre les pieds à New York pour dresser une liste quasiment exhaustive des avis très tranchés qu'auraient les proches et les moins proches sur son comportement. Because, really, how could she leave her perfect life, with her perfect husband and her perfect son? How could she be so selfish that she'd willingly hurt them? Elle savait qu'ils allaient tous se poser ces questions, se l'étaient tous posés d'ailleurs, principalement parce qu'elle y avait pensé à l'instant même où elle avait réalisé ce qu'elle avait fait. Ça n'avait pas grande importance, le mal était déjà fait. Elle n'était pas sûre de la réponse, pourtant étalée with excruciating details par son psy — et, dans une moindre mesure, bien plus simpliste et cliché, par des gens comme Wesley, dont l'avis lui importait peu. Paradoxalement, c'était avec ces gens-là qu'elle parvenait sans mal à tomber d'accord. Quelle grandeur d'âme, railla-t-elle, par pur esprit de contradiction, c'est intéressant, vraiment, cette dualité, avoir autant de recul sur soi et n'en accorder aux autres que quand ça t'arrange. And I'm the dishonest one, ajouta-t-elle avec un bref ricanement sec avant de s'emparer de sa tasse, plus pour occuper ses mains et son esprit que par réelle envie. Ce n'était pas son sens aigu de la justice qui avait mené Jay vers le droit, loin de là, et elle avait appris à accepter de ne pas toujours avoir raison, officiellement du moins. Cela dit, il y avait quelque chose de profondément frustrant dans un tel étalage volontaire de mauvaise foi sans substance aucune et elle ne pouvait décemment pas lui balancer son café au visage, principalement parce qu'elle était bien trop accro à la caféine pour en gâcher la moindre goutte. Et Elior n'apprécierait sans doute guère le geste. Maybe he'd yell this time, songea-t-elle brièvement et, le temps d'une seconde ou deux, considéra sincèrement l'idée avec une curiosité perverse. How broken did she have to be to crave that? Et, pire encore, d'avoir tant besoin d'un déferlement de colère qu'elle était prête à le chercher n'importe où, auprès de n'importe qui.

Malgré un effarant manque de créativité — étonnant pour un musicien, maybe she'd tell him and fuck, when did she decide to provoke him again? — Wesley n'était pas une si mauvaise option. Désireux de bien faire, certainement animé de bonnes intentions et suffisamment attaché à Elior et Adam pour flirter avec le cynisme et la cruauté en leur nom. Presque l'option parfaite, oui, et le temps d'une pique, l'option parfaite tout court, le parfait déclencheur des souvenirs qu'elle gardait sous clé dans un petit coin de sa tête. Le tas d'enveloppes qui n'en finissait pas de grandir et la voix de Greer, si douce, si compatissante, qui lui annonçait chaque nouveau courrier avec une peine bien pâle face au gouffre que chaque nouvelle journée de fuite creusait à l'intérieur de Jay. L'envie, dévorante, qu'il l'avale toute entière à la manière d'un trou noir, le désir, terrible et violent, que toute cette souffrance dont elle était seule responsable la happe pour de bon — une autre décision qu'elle était incapable de prendre, pour une foule de raisons, ce qu'elle considérait comme sa faiblesse chronique en tête, loin de s'estimer courageuse de n'avoir pas su, pas pu. Il y avait sans doute de l'ironie là-dedans, une ou deux blagues cruelles à faire mais Janet n'avait jamais été très drôle, plus douée pour l'honnêteté brutale qu'autre chose. Et qu'est-ce qu'il aurait fallu que je réponde, um? Thanks baby, mommy wants to die a little more every time you sent something but don't worry, she doesn't have the guts to do it? Yeah, that would've gone well lâcha-t-elle avec un sourire tremblant qu'elle finit par mordre, détournant le regard, sentant les larmes arriver. C'était stupide, vraiment, et si incroyablement irritant qu'un type qui n'avait pas d'enfant parvienne à lui balancer sans mal l'échec de sa propre maternité au visage. Un échec qui, de surcroît, l'obsédait de manière maladive. Wesley ne lui apprenait rien, n'avait même pas trouvé ça tout seul, se contentant de rebondir sur l'offence qu'elle lui avait offert sur un plateau. How stupid.

Avec un soupir, livide, elle se redressa, les épaules douloureuses d'une tension familière, la même qui lui tordait les nerfs chaque fois qu'elle passait la porte de son thérapeute. Il y avait une différence pourtant. Il lui avait fallu du temps mais Jay avait fini par accepter qu'il y avait une raison, un cheminement et des progrès potentiels et substantiels qui justifiaient qu'elle s'inflige ces visites-là. Ici, face à quelqu'un qui avait décidé de se faire juge et juré tout en se portant partie civile, ce n'était rien d'autre qu'un processus vide, rien qu'un mauvais moment à passer, un de plus. C'était dérisoire, comparé aux neuf derniers mois. God knew she deserved worse. Ce n'est pas ce que j'ai dit, reprit-elle d'une voix monocorde, luttant pour ignorer son envie de se lever sans un mot de plus, je t'ai demandé si, toi, tu t'étais posé la question. Pas parce que la réponse m'intéresse, I may be a bitch but I'm a smart one, I know where to get information when need be. Elior, en l'occurrence, et je t'accorde bien volontiers que la communication n'est clairement pas mon fort mais c'est une conversation que je suis parfaitement capable d'avoir avec mon mari et seulement avec lui. Maintenant je ne nie pas que tout ça part d'une très bonne intention, et dans le fond, je suis même heureuse qu'il ait quelqu'un comme toi dans sa vie — the poor man clearly needed someone to get a little mean on his behalf, case and point the Breakfast Incident — même si le ton moralisateur et la mauvaise foi, c'est un cocktail qui m'emmerde profondément. Cela dit, j'espère que c'est pas ta recette miracle pour faire fuir the wicked bitch of the Bronx or something, parce que c'est clairement pas très efficace. Je suis revenue malgré tout ce que j'ai dans la tête et believe me, of the two of us, I'm clearly the meanest one. Probably the most fucked up too mais elle se serait bien gardée de lui dire, peu désireuse de déclencher un autre laïus inspiré par son prétendu égoïsme and what a bad, bad, bad person she was — she already knew, perks of a good memory and self-hatred. Donc tu peux remballer tes reproches et toutes les bonnes petites excuses dont tu te sers pour justifier d'être là, à t'étouffer dans ta bonne conscience dans le dos du pote que tu t'obstines à défendre contre la vilaine sorcière que je suis. Si tu espères me voir m'effondrer ou disparaître, tu vas attendre un moment. I don't care enough about you and what you think for that. Plus, every single vicious little thing about me you might throw in my face? I've probably already been thinking about it for a while, in great details at that. C'est tout le bon côté de la lucidité, une fois qu'elle a pris le pas sur le déni, ajouta-t-elle avant de vider le reste de son café d'une traite. Ça valait sans doute mieux qu'un shot d'alcool, nul besoin d'ajouter pareille addiction à la longue liste de ses problèmes. Elle reposa la tasse vide sans grande délicatesse, la main hésitant un instant au-dessus de son paquet de cigarettes. Mais non, pas maintenant. Si tu as vraiment besoin de convaincre quelqu'un que je fais tâche dans le paysage, c'est à Elior que tu vas devoir t'attaquer, conclut-elle, se retenant d'ajouter un 'good luck with that' pour la forme.

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Lun 6 Sep - 0:01
Il supportait mal qu’elle le prenne de haut. Son mépris faisait écho à une faiblesse d’estime de soi dont Wes avait conscience, mais qui le rendait particulièrement sensible à ce genre de comportement. En d’autres termes, il n’arrivait pas à s’en foutre, contrairement à ce qu’il voulait laisser croire. Il laissa échapper un rire jaune. Que Janet le prenne ouvertement pour un con avait quelque chose de comique. C’est vrai, lui n’avait pas étudié le sacro-saint droit, lui n’était ni brillant, ni particulièrement éloquent, mais cela dit, lui n’avait pas abandonné sa famille. Il voulait bien être stupide si cela signifiait ne pas saccager son entourage. Mais au-delà de ses problèmes d’ego, il y avait ce discours larmoyant et autocentré de Janet, auquel il ne parvenait pas à adhérer. À faire pleurer dans les chaumières, vraiment. C’était peut-être ça le pire, cette façon de se regarder le nombril en évinçant les autres. Le musicien trouvait ça éminemment indécent.

Et puis il y eut cette phrase de Janet, celle qu’elle prononça alors qu’il lui parlait d’Adam, cette phrase d’une tristesse et d’une violence infinie. Wes resta interdit, incapable de réagir, ébahi par la brutalité des mots. Était-il allé trop loin en évoquant Adam ? La question fit son chemin dans son cerveau, se faufilant à travers l’amas compact de colère. Il y eut comme un déclic et il saisit. Ça lui avait pris du temps, aveuglé par le ressentiment comme il l’était, mais maintenant, il le comprenait : tout ce qu’il pourrait dire glisserait sur Janet, puisque la jeune femme était infiniment plus violente envers elle-même qu’il ne saurait jamais l’être. Rien ne servait de continuer dans cette escalade de la mesquinerie, c’était peine perdue, ça leur faisait un mal inutile à tous les deux. Janet avait raison, ils ne partageraient pas de discussion constructive. D’une part parce que lui était trop braqué et d’autre part, parce que tout ce qu’elle daignait faire, c’était se lover dans sa propre fustigation. C’était ça qui empêchait Wes de la plaindre vraiment, cette contemplation du soi qui ressemblait à de la psychanalyse, mais qui pour Wes ne tenait que du pur narcissisme. « D’accord, j’ai compris. Tu sais déjà tout ce que j’ai à te reprocher. Tu y as réfléchi, tu l’as ressassé, bref, tu as fait un super travail d’auto-analyse, bravo. Tu as raison, je ne peux pas prétendre comprendre ne serait-ce qu’1% de la situation, ce serait incroyablement stupide de ma part. Mais maintenant, après avoir disséqué chacun de tes états d’âme, il faudrait peut-être que tu te rendes compte que ça ne change rien au mal que tu as fait. C’est facile de s'auto-flageller, c’est même agréablement malsain. Il y a un côté très intellectuel là-dedans, je dirais même baudelairien si j’étais un mec cultivé. Mais le fait est que ça ne t’excuse en rien. C’est bien beau de s’épancher à grand renfort de métaphores pour expliquer à quel point tu es quelqu’un de mauvais, mais ça ne te rend ni meilleure ni pardonnable. Encore faut-il se bouger pour réparer les dégâts qu’on a causés, si tant est que dans ton cas il soit possible de réparer quoi que ce soit. »

Il se tut le temps de les observer, elle et sa posture élégante (élégante ou austère, il ne savait pas très bien). Pour la énième fois, il se demanda comment Elior avait pu en tomber amoureux. Il n’y avait rien de perfide dans cette pensée, le comportement de Janet lui avait toujours paru si froid, si arrogant… À croire qu’il était impossible qu’elle noue une relation de complicité avec quiconque. Cet instant de silence au cœur de la tempête, le premier depuis le début de la conversation, lui permit de respirer et de remettre ses idées en place. Et lorsqu’il reprit la parole, son ton se fit étrangement moins sévère (sans devenir sympathique pour autant, ç’aurait été trop beau).. « Tu vas me dire que rien ne t’oblige à me répondre 一 et tu aurais parfaitement raison 一 mais j’ai quand même envie de te poser la question : tu te sens capable d’éloigner tes démons de ton fils et d’Elior ? Parce que c’est bien ça qui importe, non ? » C’est vrai, pris par la dispute, ils en avaient presque oublié les principaux concernés, ceux pour qui Wes, réunissant le peu de courage qu’il avait, avait décidé d’affronter l’une des situations qu’il redoutait le plus : le conflit.

Wes soupira. Il se sentait épuisé, nerveusement parlant. De cette altercation, ce soir, et les soirs suivants aussi, il allait réexaminer chaque mot, chaque phrase. Il passerait des heures, dans un demi-sommeil agité, à repasser en boucle ce qu’il avait dit et ce qu’il aurait pu dire de mieux. Il doutait qu’il en soit de même pour Janet (ce qui prouvait qu’il ne la comprenait pas). Wes passa un doigt sur l’arrête de son nez, signe que la migraine commençait à poindre et qu’il ne tiendrait pas beaucoup plus longtemps dans cette ambiance tendue. Il eut soudain envie d’en finir, de mettre fin à l’auto-plaidoyer de la jeune femme et de lui laisser ce dernier mot auquel elle avait l’air de tant tenir. « De toute façon, je te l’accorde, les gens qui se méprisent n’arrivent jamais à une conclusion pertinente. Aussi hypocrite que ça puisse te paraître, j’espère sincèrement que tu ne seras pas à jamais celle qui a fait leur malheur. Et que tu es aussi attachée à Elior que t’as l’air de le prétendre, qu’il ne te sert pas uniquement de prétexte pour montrer au monde entier à quel point tu es quelqu’un de supérieurement tourmenté.  »

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Lun 28 Mar - 10:18
Plutôt crever que courir après l'approbation d'un type comme Wesley Takagi mais il était difficile de trouver une autre raison susceptible d'expliquer pourquoi, après tout ce qu'il lui avait craché au visage avec la suffisance des gens bien-pensants, elle était toujours assise là, le cul vissé à une chaîne aussi inconfortable que son interlocuteur était désagréable. De manière générale, Jay n'appréciait pas grand-monde et les amis d'Elior n'échappaient pas à la règle. Pas que les fréquentations de son mari lui semblaient mauvaises, loin de là. Sur le papier, elle n'avait rien à reprocher à qui que ce soit, surtout pas à des personnes capables de voir — et d'apprécier — à quel point Elior était extraordinaire. Des gens très bien, tous autant qu'ils étaient, sympathiques et fun — everything she wasn't. Et elle avait beau être suffisamment lucide pour admettre que ça en disait plus long sur elle-même que sur eux, elle n'avait jamais particulièrement fait d'effort pour aller au-delà du basic small talk. Ce n'était clairement pas aujourd'hui qu'elle allait commencer, encore moins avec Wesley. She knew how she came across and she was fine with it. The cold bitch role was safe, it came with a set of rules and an arsenal she'd learned to master very early on. Ça n'avait pas fait fuir ses rares amis et ça n'avait pas non plus empêché Elior de tomber amoureux, tout en tenant le reste du monde à bonne distance. Et peut-être que c'était ça, finalement, la vraie raison de sa présence. Plus que l'acceptation irréaliste de quelqu'un qui s'était fait une idée relativement juste et arrêtée sur elle, plus que l'envie malsaine de recevoir enfin la raclée verbale que personne ne semblait vouloir lui offrir — un soupçon de normalité. Un instant où on ne la traiterait pas avec la délicatesse réservée aux gens fragiles, une dose d'honnêteté brutale à laquelle elle pourrait répondre avec la même véhémence. In some weird, roundabout way, Wesley was almost doing her a favor. Les coins de sa bouche frémirent à l'idée et elle s'éclaircit la gorge pour masquer son hilarité passagère, hochant mollement la tête avec le mépris qui accompagnait un clair manque d'intérêt pour son interlocuteur. All jokes aside, they would never get on the same page and she felt strangely fine with it. Évidemment, l'envie de réfuter son petit laïus plein de jugement — and, yes, she could see the irony in it, the bitchy snob being on the receiving end of that — était difficile à ignorer mais ils avaient suffisamment tourné en rond jusque-là, cimenté l'un comme l'autre dans leurs propres convictions, pour que Janet parvienne à résister à la tentation. She'd done it her whole life anyway. Well, you're not wrong, elle haussa les épaules nonchalamment, cela dit, j'étais pas au courant que tu vivais avec nous. À moins que tu ne sois omnipotent et que tu arrives à savoir ce qui se passe chez tout le monde une fois que la porte est refermée. Si l'attachement de ses parents pour les apparences lui avait appris quoi que ce soit, c'était bien qu'elles pouvaient être trompeuses. You could never know what was happening behind closed doors. Manifestement, ça ne s'appliquait pas à Wesley Takagi the Almighty. What a fucking joke.

Agacée par son observation silencieuse, la tête remplie des probables commentaires qu'il devait se faire à lui-même, Janet s'efforça de garder la tête haute. La tension qui courait le long de ses épaules avait fait naître un point douloureux dans son dos mais elle ne comptait pas se laisser abattre. Tout pétri de jugement et de bonne conscience qu'il était, Wesley n'arrivait pas à la cheville des desperate housewives et autres filles à papa avec lesquelles elle avait grandi. Il n'était pas le premier à la prendre de haut, pas le premier à se demander ce qui ne tournait pas rond chez elle, pas le premier à remettre en doute l'équilibre mental de son entourage — parce que, vraiment, comment pouvait-on être attaché à quelqu'un d'aussi froid ? Dieu savait qu'elle se posait la même question depuis qu'Elior était entré dans sa vie et avait décidé d'y rester. Mais ça ne regardait pas Wesley, ni sa mère, ni personne d'autre. Malheureusement, il n'avait pas l'air d'avoir reçu le mémo. Jay fronça légèrement les sourcils devant sa question. Rationnellement, dans un petit, tout petit coin de sa tête, elle savait que ça ne partait pas d'une mauvaise intention. Qu'il aimait Elior et Adam, qu'il ne voulait que leur bien. Et elle n'était clairement pas la bonne personne pour le job. On that, they could agree but, God, she wanted to be. Et ça non plus, ça ne le regardait pas. Pas que ça ait grande importance, elle était prête à parier que rien de ce qu'elle pourrait dire ne parviendrait à le convaincre. Derrière la froideur du ton, pâle imitation des professeurs avec lesquels elle ne pouvait s'empêcher de débattre au lycée, Janet entendait la réponse à la question posée. He didn't believe she could. Elle avait flanché une fois, s'était effondrée et personne ne l'imaginerait capable de se relever maintenant. But she'd show them. Oui, répondit-elle simplement, la mâchoire crispée.

Il eut ensuite l'audace de soupirer, semblant las. Jay dut se faire violence pour retenir les remarques acerbes qui lui montaient aux lèvres, variantes cyniques de I can do this all day toutes plus mesquines les unes que les autres. Secouant la tête doucement, elle échangea son paquet de cigarettes sur la table pour un billet de vingt. Ils avaient fait le tour, du moins le pensait-elle jusqu'à ce que Wesley ouvre à nouveau la bouche alors qu'elle s'apprêtait à se lever. De toute évidence, l'inspiration ne lui manquait pas. En matière de sermon bien-pensant, en tout cas. Amusée par son culot, elle éclata de rire, sèche et brutale, avant de quitter sa chaise. Ajustant sa veste avant de la boutonner, elle le considéra un instant en silence. Tu as raison, finit-elle par dire, hochant la tête pensivement, ça me paraît tout à fait hypocrite mais ne t'inquiète pas, je prends bonne note de ton bon sentiment. Bonne note de l'oublier, surtout. Ça n'avait pas d'importance, pas lui, ni tout ce qu'il pouvait penser à son sujet. Tout ce qui importait, c'était Adam et Elior.

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