Les dernières vingt-quatre heures et quelques ont été riche en émotions. Très riche. Presque trop riche. J’ai vécu une vraie montagne russe d’émotions beaucoup trop intense. Et je sais d’avance qu’elle est loin d’être fini. Entre l’appel du médecin alors que j’étais à San Diego, mon arrivée à l’hôpital où j’ai appris tellement de choses sur Joachim que je ne me serais jamais douter, son attitude envers moi et ma « visite » chez mes parents dans pas longtemps pour récupérer les choses de Jo, c’est de loin les plus longues et intenses montagnes russes émotionnelles que j’ai vécu dans ma vie. J’ai de quoi mériter une petite vie tranquille pour plusieurs années après ça. Bref.

Il est 6h du matin et je suis déjà douché et habillé alors que Stanley va être là que pour 7h. Je n’ai pratiquement pas dormi de la nuit tellement mes pensées ne voulaient pas s’arrêter. Tout se bousculait dans ma tête. Tout ce que j’ai appris sur ce que Jo a du vivre et endurer sans que je n’en sache rien n’a pas arrêté de tourner dans ma tête, m’empêchant de dormir ou, quand j’y arrivais, de bien dormir puisque ça finissait par me réveiller. Alors, oui, j’ai fini par me lever avant le soleil pour commencer à me préparer. J’ai même profité de ça pour faire un petit déjeuner à Jo qui sera tout aussi bon lorsqu’il va se lever puisque je lui ai fait un bol de yogourt remplis de fruit. Heureusement que mon frigo était encore plein puisque je n’étais pas supposé être parti longtemps à San Diego ! Sinon ça aurait été une catastrophe. Et je m’en suis fait un petit parce qu’il fait bien que je mange un peu puisque je n’ai pas dormi. Une fois le bol pour Jo dans le frigo et un petit mot placer à son attention sur le frigo – pour lui expliquer où j’étais parti au cas où il se lèverait avant mon retour, ce que je n’espérais pas, je m’installe à la table de la cuisine pour manger le mien avec ma tasse de café. Je sens que ça va être mon meilleur ami pour la journée celui là !

Sept sonne et Stanley cogne à la porte. Toujours aussi ponctuel celui-là. Je vais lui ouvrir pour qu’il m’aide à apporter les sacs de sport et valises que j’ai rassemblé dans l’entrée qui vont me servir à ramener les choses de mon frère chez moi. Après un trajet qui me sembla aussi interminable que bien trop court, je suis devant chez mes parents. Je toque et, dès que ma mère m’ouvre la porte, je passe à ses côtés suivis de Stanley pour me rendre dans la chambre de Jo.

- Tu veux bien me dire ce que tu fais ici? De si bon matin et avec ses valises ? Et qui est cet homme ? Tu pourrais me répondre pour l’amour de Dieu Khaled !

Je m’arrête sur le pas de la porte de la chambre qui m’intéresse, heureux de voir qu’elle n’est pas déjà vide. Je me tourne vers ma mère laissant Stanley rentrer dans la pièce pour commencer à ramasser tout son linge.

- Je viens chercher les choses de mon frère puisque tu ne veux plus rien savoir de lui. J’aurais pas du vous laisser gagner. J’aurais dû rester là, malgré vos commentaires désobligeants, pour veiller sur lui puisque vous en êtes incapable de toute façon. Si on ne suit pas le chemin que vous nous avez tracer à la naissance, on est bon pour déguerpir de votre vie de toute façon. Vous allez être en paix maintenant puisque ni Joachim, ni moi ont va rester dans votre vie. Vous allez arrêter de nous faire sentir comme des moins que rien. Il est gay et moi bi, et alors ? On n’est pas des monstres ou contre nature. C’est totalement normal. C’est vous qui n’êtes pas normal de ne pas aimer vos enfants sans aucune limite et sans condition. Alors, je suis là simplement pour emballer toutes les choses de Jo pour qu’il s’installe chez moi où il pourra être qui il est réellement sans aucune limite et condition. Et j’aurais dû faire ça bien plus tôt. Ah ! Et cet homme, c’est Stanley, un employé de la femme qui m’a sauvé de la pire des descentes en enfer dans laquelle vous m’avez lentement poussé depuis que je suis né. Sans elle, je serais surement mort comme Jacob et pas d’une crise cardiaque comme vous me l’avez fait croire pendant si longtemps. Vous ne nous voulez pas comme fils, qu’il en soit ainsi, mais vous n’êtes plus nos parents non plus. Vous n’êtes que des inconnus pour nous maintenant. Et essayer même pas de m’empêcher de faire quoi que ce soit ici, vous n’y arriverez pas.

Dis-je en finissant par regarder mon père dans les yeux pour le dissuader de m’empêcher de faire quoi que ce soit. Je ne pensais pas réussir à garder autant mon calme que ça en leur parlant alors je suis le premier surpris de ma voix froide, mais pas énerver. Et même par le fait de ne pas m’être énerver et avoir été odieux avec eux. Je finis par me tourner rapidement pour aider Stanley a emballé les choses de mon frère alors qu’il commence à faire des voyages pour mettre des sacs pleins dans sa voiture. Commode vidé. Étagère vidé. Garde-robe vidé. Bureau vidé. Je fouille chaque recoins de sa chambre pour être sûr d’avoir trouvé toutes ses cachettes. Moi-même, lorsque j’habitais ici, j’avais des cachettes puisque je savais que ma mère fouillait régulièrement nos chambre pour être sur qu’on ne lui cachait rien. Alors je veux être sûr de ne rien oublier. Les meubles, je vais pouvoir lui en racheter sans problème, mais un petit objet remplis de valeurs sentimentales pour lui, ça je ne pourrais pas. Après avoir vérifier trois fois chaque recoin de sa chambre, je ne peux que me dire qu’il n’y a plus rien ou qu’il est meilleur que moi pour trouver une cachette. Prenant la dernière boîte qui se trouve dans sa chambre – merci à mes parents d’y avoir placer des boîtes dans l’optique de la vider aujourd’hui, ça nous a été bien utile, je la quitte pour ensuite quitter la maison qui m’a vu grandir. Je lui jette un dernier coup d’œil, un soupire rempli de pleins d’émotions contradictoires se fait entendre, puis j’embarque dans la voiture pour retourner chez moi.

La route, cette fois-ci, m’a semblé bien longue. Le stress qui est tombé et un poids qui a quitté mes épaules n’ont surement pas dû aider à ce que le trajet semble rapide. Une fois rendu à mon immeuble, on a appelé l’ascenseur pour y déposer sac et boîte alors qu’on se relayait pour tenir les portes et vider la voiture. Une fois chose faite, on a fait le même manège pour apporter le tout chez moi. Lorsque ce fut terminé, je remercie grandement Stanley qui quitta l’immeuble et, moi, je m’effondre dans mon canapé dans un grand soupire. Mon salon était rempli de carton et de sac, mais ça m’était égale puisque ça signifiait que mon frère était libéré de l’emprise de nos parents et qu’il était enfin en sécurité.

Je du m’assoupir sur le canapé puisque c’est la sonnette qui me tire d’un sommeil sans rêve. Je me lève pour laisser la personne rentrer dans l’immeuble me disant que c’est très certainement Jevanna qui est là. Je ne sais pas exactement quelle heure il est et si Joachim s’est réveillé entre temps, je sais juste que je mets de l’eau à bouillir attendant que sa toque à la porte. Et lorsque ça arrive, je vais répondre un petit sourire sur les lèvres en voyant cette femme a qui je dois tant. Sans pouvoir m’en empêcher, je lui fais un gros câlin qui me fait un bien fou.

- Merci d’être venu Jevanna…


@Jevanna Thorvaldsen-Skar

Je ne sais pas si la petite sieste que je viens de faire m’a fait du bien ou m’a magané plus que je ne l’étais déjà. Je ne sais pas si je me sens un peu moins fatigué ou encore plus fatigué qu’avant. Après tout, une heure de sieste après les dernières 48h que je viens de vivre, ce n’est clairement pas assez pour rattraper toutes les heures de sommeil que j’ai manqué. Ou encore toutes la fatigue que les émotions vécues au cours des dernières heures m’ont infligée. Non définitivement, ça n’a rien changé. Et sans la sonnette, je crois que j’aurais dormi encore plusieurs heures. Après avoir mis l’eau à bouillir, j’attends que Jevanna monte les trois étages pour arriver à mon appartement. Je profite même de ces courtes minutes pour aller jeter un œil dans la chambre où se trouve Jo’ et ainsi m’assurer que tout est toujours ok de son côté. Et il dort toujours. Il devait être à bout de force. Je veux qu’il se repose alors je referme la porte doucement pour ne pas risquer de le réveiller et je retourne proche de l’entrée. À peine arrivé que j’entends des cognements contre la porte que je m’empresse d’ouvrir, mais je m’empresse encore plus de me fondre dans les bras de cette femme à qui je dois tant. Ma vie serait horrible si mon chemin n’avait pas croisé le sien il y a plusieurs années. Je serais surement déjà mort même. Alors je profite de ce câlin qui m’apporte réconfort et force, comme les accolades d’une mère. Pendant ce bref instant, j’oublie tout. J’oublie tout ce que j’ai appris sur mon frère. Ses addictions. Le centre de conversation. L’agression ! Que les parents l’ont renié. Que je viens de vider sa chambre chez nos géniteurs pour qu’il s’installe chez moi à l’abri. J’oublie tout pendant un court instant, le temps que ses bras me serrent contre elle. Et je la remercie pour sa présence. Je serais tellement perdue sans elle présentement. J’ai l’impression d’être à nouveau ce jeune garçon qu’elle a trouvé apeuré dans cette chambre. À ce garçon complètement paumé qui se reposait sur elle pour le guider sur le droit chemin à nouveau. Mais, je ne peux plus être ce jeune garçon complètement perdu. Je suis un adulte et j’ai maintenant la vie de mon petit-frère entre les mains. Encore plus que par le passé. Je dois être fort pour lui. Et pourtant, j’appuie ma joue en fermant les yeux contre sa main, un doux sourire sur les lèvres après son baiser sur ma joue. Je ne veux pas la perdre, jamais. Je ne pourrais pas me relever si elle n’est plus là pour m’aider. J’ouvre à nouveau les yeux pour la regarder lorsqu’elle me parle.

- On ne sait jamais… les personnes qui étaient supposées être là pour Jo et moi toute notre vie nous ont sorti de leur vie sans hésitation, tu pourrais te lasser toi aussi à force… J’amène que des problèmes j’ai l’impression…

Est-ce la fatigue qui me fait dire n’importe quoi ou je le pensais réellement et la fatigue m’a enlevé tout filtre ? Je ne sais pas et je suis trop fatigué pour réfléchir. Je finis par me reculer pour la laisser entrer dans l’appartement qui semble être dans un désordre sans non à cause de tous les cartons, valises et sacs qui se trouvent dans mon salon. J’hoche rapidement la tête à sa question, la fatigue me rend tellement lent et je déteste ça.

- Oui ! L’eau est même déjà chaude ! Tu peux t’assoir au salon, j’apporte ça.

Dis-je en me dirigeant vers la cuisine quoiqu’elle est presque totalement ouverte sur l’entrée et le salon, donc bon. Je prends deux tasses et deux poches de thé que je mets dans les tasses suivi par l’eau. À peine un instant plus tard, je reviens avec les deux tasses au salon que je dépose sur la table basse, puis je prends place sur le canapé. Qu’est-ce que je peux dire maintenant ? Je ne sais pas. Je triture même un coussin tellement je suis nerveux. J’ai presque l’impression que toute cette histoire est un cauchemar et que je vais finir par me réveiller soulager de réaliser que ce n’est pas vrai. En relevant les yeux vers la table basse, je remarque que j’ai fait deux tasses de thé. Pourquoi je me suis fais un thé et non un café ? C’est d’un bon café que j’aurais besoin pour tenir le reste de la journée. Quoique je suis déjà assez sur les nerfs comme ça, donc c’est surement mieux.

Alors que je profitais de ses caresses sur ma joue, elle finit par me donner une petite tape sur celle-ci. Je redresse donc la tête et la regarde en fronçant les sourcils. Mais pourquoi elle me tape comme ça ? Et pourquoi elle me pointe du doigt comme ça aussi en fait? Qu’est-ce que j’ai fait ? Puis, à ses paroles, une mine triste se dessine sur mon visage. J’hausse les épaules en baissant les yeux.

- J’ai l’impression que tout le monde fini par me laisser tomber… Je ne suis que quelqu’un de passage dans la vie du monde…

Dis-je d’une voix triste. Et je pense que je le crois quand même un peu, que ce n’est pas juste la fatigue qui parle. Après tout, Zeke est parti plusieurs années sans qu’on garde énormément de contact. Mon meilleur ami est parti aussi faire un long voyage et je n’ai presque pas de nouvelles. Et je ne parle même pas de ma famille. Et pour les clients… je ne suis qu’un escorte qui fait bien son boulot… Mais qui reste dans ma vie pour moi ? Vers qui je peux me tourner en cas de problème ? Il y a Jevanna, oui, mais jusqu’à quand ? Jusqu’à quand elle sera capable de me supporter moi et tous les problèmes que j’amène ? Est-ce qu’elle va rester proche de moi jusqu’à ce que j’arrête de travailler pour elle ? Je n’espère pas sinon que ferais-je sans elle ? Est-ce que c’est l’une des seules personnes sur qui je peux réellement compter tout le temps et toujours ? Je l’espère parce que perdre Jevanna serait comme perdre à nouveau une mère et je ne crois pas que je serais capable de surmonter cette perte. Et j’ai cette pensée qui passe rapidement dans ma tête. Est-ce qu’elle pourrait être un aussi grand soutient pour Joachim qu’elle a été pour moi ? Est-ce qu’elle pourrait devenir la mère qu’on aurait voulu avoir pour lui aussi ? Une petite vague de joie grandit en moi à cette pensée. J’ai hâte que Jo rencontre Jevanna maintenant ! Peut-être qu’elle aura le même pouvoir sur lui qu’elle a eu sur moi pour le remettre sur le droit chemin et remettre de l’ordre dans sa vie ? J’espère maintenant qu’il va se lever avant que Jevanna parte pour que je puisse faire les présentations.

Je rejoins quelques instants plus tard au salon, Jevanna qui m’y attendait et dépose les deux tasses sur la table basse devant nous. Je joue nerveusement avec les coutures d’un coussin alors que je me demande pourquoi je me suis pris un thé et non un café ? Je suis si perdu que ça ? Je sursaute presque lorsque Jevanna m’entoure de ses bras pour me serrer contre elle. Et c’est dans cette étreinte maternelle que mes dernières barrières se brisent et que je laisse toutes les larmes que j’ai retenu depuis hier tomber. On pourrait penser que j’aurais éclaté en sanglot, mais non. Les larmes roulent silencieusement sur mes joues. Faut croire que je suis trop épuisé pour sangloter. J’entoure sa taille de mes bras pour la serrer presque avec désespoir contre moi alors que je cache mon visage dans son cou ne pensant même pas au fait que mes larmes vont tremper son haut. Je recherche simplement du réconfort dans ses bras, comme un petit garçon rempli de désespoir. À ses paroles, je la serre un peu plus fort entre mes bras. Comment elle peut toujours trouver les mots juste pour me rassurer ? Comment elle peut toujours dire les mots que j’ai besoin d’entendre au bon moment ? Elle me connait si bien depuis toutes ces années ? Je secoue cependant la tête sans l’enlever de sa cachette. Je n’ai pas envie de quitter cet endroit si rassurant encore. Comment ça peut être un nouveau départ alors qu’il a fait une crise de panique en réalisant que j’habite dans cet immeuble où il s’est fait… je n’arrive même pas à penser le mot ! Pourquoi je n’ai pas été là pour le protéger ?! Pourquoi il n’a eu personne pour le protéger ?!

- Il a vécu l’enfer et j’étais même pas là… Je lui ai promis d’être toujours là pour lui et j’ai appris tellement de choses hier à l’hôpital sur lui que… que j’ai réalisé que je n’avais aucunement tenu ma promesse… Trop occupé avec Zeke ou le boulot que j’ai naïvement cru que tout était beau pour Joachim puisqu’il ne m’appelait pas pour me voir… J’ai été stupide et un mauvais frère pour lui… Je n’ai pas su le protéger de la vie qui m’attendait si tu n’étais pas arrivée dans la mienne… Mon petit frère ne voulait même pas que je le touche ! Il ne voulait même pas que je lui fasse de câlin ! Il ne voulait même pas que je l’approche ! Il me déteste parce que j’ai pas tenu ma promesse ! Et je me déteste de ne pas l’avoir tenu !

Et voilà que le désespoir laisse place à la colère. Ou c’est la même chose dans ce cas ? La colère du désespoir ? La colère du désespoir et de l’impuissance ? Peut-être. En parlant, je me redresse sous le coup de la colère, les poings serrer avant de passer mes mains dans mes cheveux bien trop long maintenant. Les coudes sur mes genoux et la tête dans mes mains, je laisse les larmes couler à nouveau. Les paroles de Jo’ tournent en boucle dans ma tête. Centre de conversion. Addictions. Il vit dans la rue. L’agression ! Il s’est fait violer putain ! Dans ce même immeuble ou je vis ! Je me retiens de justesse lorsque l’envie de donner un coup de pied dans la table basse me vient à cause de cette pensée. À la place j’agrippe simplement plus fermement mes cheveux. J’aurais juste envie de frapper quelque chose. Un mur ou un punchingball, peu importe tant que je peux frapper quelque chose. Le violeur de mon frère aussi ça m’irait. Il pourrait payer pour ce qu’il a fait à mon petit frère ! Je ne donne pas cher de sa peau si je le croise un jour. Et pourtant, je ne suis pas quelqu’un de violent de nature, mais lui ! Lui, je ne pourrais pas me retenir de lui défaire le portrait.