Réveil en sueur, atroce, les gouttes qui perlent sur le front, atroce, putain sa frange, elle avait lavé ses cheveux ce soir, elle pouvait bien recommencer au matin. Ce putain de cauchemar, encore, elle est bourrée à Vegas et elle se marie avec un type qu’elle a croisé trois fois à une table de jeu. Mais attends, non, c’est pas un cauchemar, c’est la réalité, sa réalité. Sa mère allait la tuer, c’était officiel. Une semaine qu’elle avait fait cette connerie lors d’un week-end bien trop arrosé avec des copines, et elle ne savait toujours pas comment régler le problème. Elle ne se rappelait même pas de son prénom… Elle avait consulté un avocat mais elle avait été claire avec Jahia : il fallait d’abord connaitre l’identité du gars avant de pouvoir démarrer n’importe quelle poursuite. Mais elle ne connaissait pas ce type, elle avait manqué à sa réputation de maniaque du contrôle, elle avait failli à sa réputation et elle ne savait pas comment faire pour arranger la situation.
Mais elle allait reprendre le contrôle, et ça impliquait de connaitre son identité pour commencer. Il faudrait qu’elle interroge ses copines dès le matin, peut-être qu’elles en sauraient plus qu’elle, peut-être qu’elles étaient dans un état moins avancé que le sien.

Lendemain matin, nuit courte, comme toujours depuis une semaine, tenue impeccable, robe estivale agrémentée d’un blazer, parce qu’il faut avoir l’air sérieux, brushing impeccable lui aussi, as always.
Porter un masque, prendre soin des apparences, ne surtout pas donner une impression de faiblesse, dans un univers comme celui du droit, les apparences sont tout. Jahia était arrivée au bureau de bonne heure, elle avait commencé à passer quelques coups de fil, elle avait rendez-vous au tribunal à quatorze heures pour une affaire et puis elle avait prévu de rencontrer Erwin, l’un de ses clients, pour discuter de son affaire autour d’un verre en fin d’après-midi. Elle en avait profité pour appeler quelques-unes de ses copines pour chopper des informations sur son… mari, même si le mot lui donnait l’envie de mettre sa tête dans un sac et d’étouffer, mais elle n’en ferait rien, bien trop forte, bien trop digne. Toute la journée, elle avait vaqué à ses occupations, courant d’un bout à l’autre du cabinet pour régler des soucis, mettre à jour des dossiers et le midi, elle avait avalé une salade sur le pouce avant de se rendre au tribunal pour plaider deux affaires. Comme toujours, elle y avait mis beaucoup de passion, elle s’était même un peu emportée, et finalement elle avait obtenu des ajournements pour effectuer davantage de recherches sur les cas à plaider.
L’après-midi était vite passée et il fut bientôt l’heure pour elle de sortir et de se rendre dans Manhattan, où elle avait donné rendez-vous à Erwin. Ils allaient se poser dans un bar mais pas question pour elle de boire de l’alcool. Plus une goutte ne se poserait sur ses lèvres.

Les talons qui claquent sur le sol, un salut de la main vers le bartender qu’elle connaissait de vue, trop de fois elle avait mis les pieds dans cet endroit. Chercher du regard et trouver son client devenu ami. Elle sourit et s’approcha, sa mallette à la main, mallette contenant les documents qu’il fallait passer en revue pour le procès qui approchait. Arrivée, elle prit place et le serveur lui demanda ce qu’elle prenait. Rien pour le moment, elle attendrait Erwin. D’ailleurs, il arrivait, et elle lança un sourire et un signe de la main pour l’accueillir.

Salut ! Je nous ai pris une table à l’écart pour qu’on puisse discuter tranquillement. Comment tu vas ?

Jahia avait toujours eu tendance à parler beaucoup, à faire de longues phrases sans ponctuation, sans doute une déformation professionnelle. Quoique non, déjà gamine elle voulait se faire entendre. Et ça marchait plutôt bien généralement.