Cela fait quelques mois désormais que Jupiter sort la tête de l’eau et tâche de retrouver une vie plus ou moins normale. Si son coeur demeure brisé, recollé de façon spartiate et chancelante, à coup de scotch et de glu, il essaye d’aller de l’avant. Il le faut, ne serai-ce que pour Amy. Retrouver un appartement, mais surtout, le temps de vivre. S’il possède une facette fataliste sous toute sa jovialité et que les méandres du coeur sont désormais source de traumatisme, il sait qu’il doit prendre sur lui pour avancer et se reconstruire. Alors, quelques âmes, dans les plus proches, ont retrouvées le chemin de son existence et la peuple de nouveau. Quelques âmes dont Klemen et cette complicité incroyable qu’ils partagent tous les deux. Il aurait dû être le témoin de son union avortée et s’est montré support depuis, malgré pourtant les humeurs sombres de Jupiter, sous le joug de son coeur brisé et de sa dépression post rupture, leur ayant valut quelques disputes. Vite regrettés, vite réglées parce qu’aucun des deux n’est apte à rester loin de l’autre trop longtemps. Les silences pèsent trop vite et si durant quelques semaines, Jupiter s’est coupé du monde, il a vite fait de retrouver le chemin de ceux lui étant vital. Dont le slovène.
Le message envoyé reçoit vite une réponse positive et alors qu’il est sur ses patins, déjà debout sur la glace, Jupiter sourit. Il sourit avant de ranger son téléphone dans la poche de son blouson léger lui permettant de conserver une liberté de mouvement tout en enseignant à ces enfants, désireux d’apprendre et de ce perfectionner. Son groupe réellement amateur et juvénile, qui tranche avec les adolescents et tout jeunes adultes qu’il coach en semi professionnel deux autres jours de la semaine. L’avantage que possède le milieu professionnel de Jupiter, c’est qu’il jouit d’une organisation lui étant propre. S’il dépend d’une grosse agence, il officie essentiellement en télétravail et organise donc son temps. S’élançant dans son activité du jour, il en oubli le temps qui défile trop vite, perdu dans les affres de cette passion du patinage qui le fait vibrer depuis toujours. Le fait d’enseigner lui est venu plus tard mais participe aujourd’hui à son épanouissement, trop conscient de ne pouvoir reprendre sa carrière.
« Je vous retrouve tous la semaine prochaine » Conclut-il sa séance alors que déjà, les parents patientent sagement dans les gradins, aux premières loges, en attendant de récupérer leurs progénitures. Jupiter, lui, relève les yeux pour apercevoir la silhouette de Klemen un peu plus loin et le gratifie d’un sourire pour insister sur le fait qu’il l’a vu. Juste quelques minutes pour achever cette séance avant de le rejoindre. « Bravo à tous pour aujourd’hui, je suis fier de vous » Relance t-il alors qu’il lance quelques applaudissements, vite répétés par tous les parents et les enfants pris par le jeu de gloire, rituel qu’il met en place à la fin de chaque séance. Déjà, l’instant achevé, les premières têtes blondes quittent la glace, alors que Jupiter se prépare à faire de même, surveillant qu’aucun ne perde l’équilibre. C’est cet instant là que choisissent Chloé et Sofia pour s’approcher de lui et tirer sur sa manche pour glaner son attention. Ses prunelles émeraude se posent sur les visages poupons, alors que déjà, l’une d’elle s’exprime. « Tu peux patiner un peu diiis ? » Entrouvrant les lèvres, surpris de la demande qui pourtant revient quelques fois, Jupiter sourit en coin, alors que Sofia a vite fait de s’élancer à son tour. « Un lutz comme la dernière fois ! S’il te plaiiiitttt » Son sourire grandit, alors qu’il accorde un regard à un Klemen au regard fixé en leur direction. « D’accord, allez rejoindre vos parents d’abord » Accepte t-il alors que Chloé l’enlace maladroitement et que les deux petites filles quittent la glace, expliquant à leur parents qu’il leur faut rester quelques minutes. Jupiter, déjà échauffé, s’élance alors sur la glace, de quelques foulées, de quelques glissades pour prendre son élan, sous les yeux curieux d’enfants, parents et de Klemen venu pour le voir. Passionné par la discipline, il est en pleine possession de ses moyens et ainsi, sur la glace, ne ressent aucune forme de nervosité. Comme un aparté, comme une bulle, loin de tout, surtout des réalités. Il s’emporte, s’élance et effectue un lutz, parfaitement maîtrisé, alors qu’un sourire nait sur son visage sous les applaudissements des présents, sous les regards conquis, alors qu’il rejoint la sortie de la glace, là où Klemen se tient, gratifiant de quelques au revoir les derniers restant. Petit à petit les voilà esseulés des parents et de leurs enfants, quittant le lieu pour les laisser à leur complicité. « Salut Klem » Lance t-il, de ce sourire large, qui ne le quitte pas, sous l’adrénaline de la performance et la joie de le voir. Regagnant la terre ferme, il s’approche pour l’affubler d’une accolade tendre et amicale, avant de s’échouer sur un banc pour retirer ses patins. « Tu as fait vite dis donc ou alors c’est moi qui ait été plus long que d’habitude ? » Taquine t-il. Si ses douleurs restent encore là, au creux de son coeur, avec le temps Jupiter a su retrouver de lui même. Ré-embrasser sa personnalité et sortir la tête de l’eau. « C'est moi où tu as mis du Armani ? » Les deux partageant les même gouts de luxe et ce parfum là, étant le préféré de Jupiter.
Tout en retirant ses patins et enfilant ses baskets, Jupiter sourit à la réflexion du slovène. « C’est justement parce que je te connais que j’ai dit ça, tu sais que je m’inquiète toujours quand tu roules comme un malade » Comme un grand frère inquiet ou un parent bienveillant. Jupiter tient profondément au jeune homme et ne peut s’empêcher de laisser l’inquiétude le gagner. Refaisant parfois le monde sous quelques « et si » qui ne riment à rien, mais qu’il ne peut canaliser. Les bribes de souvenirs douloureux de l’accident de Sasha, dans un autre contexte, ne font qu’appuyer sur ses craintes. Il ne veut pas revivre ça, ni avec l’ancien pilote, ni avec n’importe qui d’autre. Avoir cru le perdre pour de bon est une sensation bien trop douloureuse. « Oh c’est gentil, merci » Lance t-il, alors qu’il se saisit du café du distributeur qu’il sait relativement mauvais, mais qui lui fait du bien tout de même. L’attention, qui plus est, d’un Klemen toujours bienveillant à son égard. « Tu prends toujours trop bien soin de moi » Relance t-il en savourant la première gorgée du liquide qui n’a pas tellement de gout, mais s’avère tout de même réconfortant. Un fin sourire flotte sur ses lèvres, bien trop conscient de pouvoir aujourd’hui compter sur des êtres comme le slovène, pour peupler sa vie et l’aider à se reconstruire.
Réflexion qui ne tarde pas à passer la barrière de ses lèvres, sous sa naturelle franchise, alors qu’il parle de son parfum. S’il sait le brun toujours apprêté, lui n’est pas en reste et les deux hommes partagent sans aucun doute une passion fringante pour la mode et les atours. Pour la beauté en général. Quitte à s’enfermer un moment dans la salle de bain, pour des soins et autre rituels qu’ils partagent tous les deux, brisant les clichés de virilité mal placée. Il ne peut s’empêcher de rire de la réponse de Klemen, avant d’avaler une nouvelle gorgée de son café. « Tu en doutais ? » Ose t-il demandé, rhétorique, alors qu’il hausse les sourcils, mine amusée sur le visage. « Bon du coup tu sens meilleur que moi, désolé, je crois que j’ai vraiment besoin d’une douche » Déclare t-il avant de se redresser pour faire face au slovène, riant légèrement, ouvrant sa veste sur un t-shirt qui par endroit, affiche les relents musqué de l’effort de l’entrainement. Lui qui s’est perdu de quelques sauts et foulées, avant que les enfants n’arrivent. Rituel bien ancré dans ses habitudes retrouvées. Celles avec lesquelles il renouent, depuis qu’il ose reprendre un rythme et réapprendre à vivre. Seul, certes, mais ses habitudes de vie, elles, n’ont pas besoin d’un partenaire. S’il ressent parfois la douleur du vide, bien qu’il vive encore chez Amy, il fait en sorte de focaliser sur tout ce qu’il peut entreprendre seul, ou avec quelques amis. Se réhabituer, se forger de nouveau repère, après six longues années de vie commune. Ce n’est en rien aisé.
Soupir qui lui échappe à la question sur ce mariage lui donnant du fil a retordre, mais qui a le mérite de grassement le payer. C’est d’ailleurs ce qu’il fait qu’il tient bon. La réputation dont il jouira, plus grande encore, à la suite de cet évènement, ainsi que la prime, non négligeable, alors qu’il chercher à acheter un nouvel appartement. Seul, cette fois. S’il n’est pas à plaindre en terme de revenus, il est loin du train de vie qu’il menait avec Charles et ses salaires à cinq voir six chiffres. Aussi, tout bonus est bon à prendre. Terminant son café d’un trait, il en jette le gobelet dans une poubelle juste là, non loin d’eux, avant de se tourner de nouveau vers Klemen. « Alors oui, elle n’a pas lâché l’affaire. Je t’avoue que ce mariage est un sacré challenge mais bon » Il hausse les épaules, un sourire naissant au coin de ses lèvres. « L’appât du gain me fait tenir » Rit-il légèrement. « Non après c’est un bon projet, qui me donnera encore plus de visibilité, mais c’est aussi une grande dose de stress. Je suis bien content d’avoir le patinage et le sport à côté comm exutoire parce que gosh » Moue désapprobatrice sur les lèvres. « Enfin tu me connais, je suis plutôt patient » Sourire cette fois-ci, concluant ses dires. « Puis je compte bien sur la prime pour me servir pour l’achat du futur appartement, j’ai une visite demain d’ailleurs, si tu veux venir voir. Bon on est bien loin de mon ancien, mais il a l’air sympa » Ancien appartement vaste et somptueux, moderne et clair, qu’il occupait avec Charles mais revendu depuis. Conscient qu’il ne peut plus correspondre aux mêmes standards désormais. Lui, un brin matérialiste, regrette ce train de vie, mais sait aussi qu’il ne doit pas s’arrêter. Il a besoin de laisser sa jumelle vivre sa vie, de la même façon que lui même aspire à son intimité. Retrouver ses meubles, ses affaires, son espace. Plus le temps passe, plus le besoin s’en fait ressentir.
« Ah ? Tu trouves ? Je suis en fringue de sport et de patin, je pue la sueur et je dois probablement avoir les cheveux en vrac mais… » Il ne peut s’empêcher de rire de sa propre bêtise. « Ça doit me donner un côté sauvage » Plaisante-t-il en retour. « Tu as bien plus fière allure que moi ! Heureusement j’ai des fringues de rechange pour ne pas te faire honte lorsqu’on sortira d’ici » Relance t-il un sourire en coin, la mine amusée. Klemen lui fait toujours cet effet. Le pousse à être lui même, avec son franc parler, avec ses plaisanteries, son humour et ses bêtises. À retrouver de l’insouciance.