Déçue, c’est le sentiment qui s’était dégagé à la suite de ses échanges sms avec Dexter. Qu’est-ce qu’elle s’imaginait en même temps ? Qu’il abandonnerait ses obligations pour se belle petite gueule ? Il était clair dès le début que leur relation serait compliquée, qu’ils n’avaient pas le même âge, qu’il était dangereux, etc etc. Oui, elle avait entendu tout ça, mais comme pour toutes les choses qui la contrarient, c’était entré par une oreille et aussitôt ressorti par l’autre… Bloom préfère largement se bercer de douces illusions qui l’accommodent. Son égo en avait donc pris un coup ce soir-là, mais une fois la pilule plus ou moins digérée, elle avait décidé de ne pas se laisser abattre. Hors de question que son père gagne : elle ferait semblant de prendre plaisir à assister à cette soirée où il l’oblige à aller, quoi qu’il en coute.

C’est ainsi qu’elle se retrouve le jour J, toute pimpante dans sa tenue achetée la veille lors d’une virée shopping entre amies : une robe longue mettant en valeur ses courbes parfaites ; et accompagné par un garçon de sa classe à qui elle a proposé de venir. Il avait l’air sympa et particulièrement désespéré, assez pour n’avoir d’yeux que pour elle au cours de la soirée. Ce serait donc parfait, s’était-elle dit. Seul bémol : il est quelque peu ennuyeux à mourir, et donc se forcer à rire aux éclats sans en avoir envie devient irritant à la longue. Alors qu’il s’éloigne pour aller lui chercher l’énième coupe de champagne qu’il vient de lui demander, elle roule des yeux, avant de parcourir la salle à la recherche de quelques-uns de ses amis. Malheureusement, le public est principalement constitué par des personnes ayant dépassé l’âge de 40 ans, ou par des personnes qu’elle n’apprécie tout simplement pas. Un nouveau soupire lui échappe, mais son cavalier revient.

« Donc, tu me disais que tu rêvais d’aller faire un reportage dans le fin fond de l’Afrique ? » s’enquit-elle comme si ça l’intéressait vraiment. Ils ont au moins une chose en commun : leurs études, mêlée à l’envie de devenir journaliste. Manque de bol, ils ne voient pas tout à fait le métier de la même façon… Le fameux Maxim – elle a au moins retenu son prénom – s’envole alors dans une tirade qu’elle s’efforce à suivre mais qui semble n’en plus finir… D’autant plus que l’attention de la demoiselle est bientôt déviée à la vue d’une silhouette qui lui est familière. « Qu’est-ce que tu fais là ? » demande-t-elle à Dexter en guise de salutation, sur un ton qui ressemble plus à un reproche qu’au fait que ça lui fasse réellement plaisir. En réalité, c’est à cause de la surprise, et la déception de la semaine qui s’est accumulée.

Il a l'impression d'avoir hiberné, tellement longtemps que la lumière de l'extérieur aurait pu lui faire mal aux yeux s'il ne faisait pas nuit noire. Il lui arrive de sortir, pourtant, à Dexter. Parfois, il s'adonne à des expéditions loin du Casino. C'est plutôt de sa vie dont il a l'impression de s'échapper en cet instant - parce que depuis qu'il est rentré de San Francisco, on ne peut pas vraiment dire qu'il ait fait autre chose que gérer ce Casino - ou en tout cas, les affaires que l'on veut bien le laisser gérer. Dans un premier temps, il a d'ailleurs refusé l'invitation de Bloom, comme par paresse. Par peur de se confronter au monde - à un autre monde. Il n'a jamais été très doué pour les mondanités, même du temps où Evan était encore en vie. Ca ne s'est pas arrangé avec le temps.

Pourtant, plus les jours ont passé, plus il lui a semblé impensable de ne pas y aller. La curiosité, une espèce de jalousie - toutes ces choses qui se sont mêlées pour finir par le convaincre de sortir de sa zone de confort. Il a abandonné le navire et s'est offert quelques heures d'échappée belle. A enfilé un costume, écrit un gros chiffre sur un chèque et il a fait appel aux services du voiturier du Casino pour se faire transporter. Dans la voiture, les immeubles qui défilent l'amènent à réaliser qu'il a changé, fondamentalement. Moralement, physiquement. Il a changé.

Quand il arrive au Plaza, il abandonne son carrosse et se dirige à l'intérieur. La foule est dense, les cocktails coulent à flots. Tout le monde est sur son trente-et-un, des centaines de femmes et d'hommes qui avalent des mets de luxe sur fond de gala de charité. Il n'a même pas envie d'en penser quoi que ce soit ; la seule chose qui lui vient à l'esprit, c'est l'idée selon laquelle Evan aurait détesté cet endroit. Mais il appartient au passé ; c'est vers l'avenir que Dexter s'élance quand il reconnait Bloom dans la salle. Elle est accompagnée, ce qui le contrarie immédiatement. Peut-être qu'il aurait mieux fait de ne pas venir, finalement. Peut-être qu'il va se ridiculiser, à attendre là comme un idiot.

- Bonsoir, il lance, en tâchant de contrôler l'agacement qui pourrait faire trembler sa voix à la vue du Prince Charles boutonneux - en toute mauvaise foi, cela dit - à son bras. J'ai réussi à me libérer, mais je vois que tu es déjà en bonne compagnie. A qui ai-je l'honneur ?

Il penche un peu la tête, attendant d'être présenté à l'inconnu qui lui a bien rapidement piqué sa place.

Bloom est empli d’un moment très passager de doutes, tiraillé entre la joie immense de voir l’élu de son cœur s’être finalement donné la peine de venir pour la surprendre – enfin, elle pense que c’est pour ça qu’il est là en tout cas – et son égo démesuré qui a encore du mal à accepter le fait qu’il lui avait dit non dans un premier temps. Est-ce qu’il avait planifié le coup de la surprise dès le départ, ou est-ce par accumulation de regrets et de culpabilité qu’il a finalement pris la peine de libérer son agenda ? Elle se le demande bien, mais a trop d’orgueil pour oser formuler la question à ce stade des retrouvailles.

Elle mesure le regard que porte le gérant du casino à l’étudiant qui l’accompagne, et intérieurement, elle jubile. Ne serait-ce pas une once de haine envers le plus jeune ? Signe de jalousie, donc ? Elle aura au moins réussi à gagner quelques points et à contrarier Dexter autant qu’il l’a contrariée en refusant son invitation, se dit-elle. Que faire désormais ? Lâcher les armes et profiter ? Encore faudrait-il qu’elle soit capable de mettre de côté son orgueil et malheureusement, pour une Walton, ceci est quelque chose de très compliqué.

« Ce n’est pas dans mes habitudes d’attendre après les hommes. » lâche-t-elle sur un ton plus dur que ce qu’elle aurait voulu, et s’en voulant immédiatement, bien qu’elle n’en laisse rien paraitre. « Max… » Son camarade de classe tente de se présenter mais elle ne le laisse pas finir, lui coupant la parole. « Maxim Gates, partenaire de classe. » Elle insiste sur le mot partenaire, comme s’il avait une importance capitale. Le fameux Maxim semble enchanté par la tournure des événements, peu conscient de qui se dresse face à lui, et du peu d’intérêt que lui porte en réalité la fille des Walton. « Tu nous accordes un moment ? » lance-t-elle tout de même au dit Maxim. Celui-ci ne semble pas ravi, mais s’éloigne tout de même, laissant les deux tourtereaux seuls. « Tu aurais dû me dire que tu venais. »

Il n’a pas vraiment peur de la concurrence. Elle aurait sans doute pu trouver mieux. En tout cas, une chose est sûre ; ce n’est pas son style. D’ailleurs, le jeune homme est rapidement remercié - bien que l’effet d’annonce ne vaille que pour quelques instants - à peine les présentations faites. Il reste silencieux jusqu’à ce le Prince Charles - Maxim, de son prénom - ne se retire, et offre à Bloom un regard énigmatique. Passés les premiers jeux de séduction et l’adrénaline des rencontres impromptues, les voilà embarqués dans une espèce de guerre qui n’aura pas de vainqueur. Autrefois, il aurait aisément fait le dos rond pour lui laisser gain de cause. Il le faisait souvent, avec Evan. Mais il a changé, depuis ce temps là. Dexter n’est pas le même homme que celui qu’il a laissé - tant mieux, Bloom ne l’a pas connu. L’aurait-elle apprécié de la même façon lorsqu’il n’était qu’un dessinateur dans le lit de son agent ? Il n’en n’est pas certain.

- Ce n’est pas dans mon habitude de courir après les dames non plus, il finit par lâcher, à voix basse, une fois l’escorte de la soirée éclipsé.

Il ne sait pas s’il est en mesure de lui courir après. Si elle décidait là de le planter ici, il s’en irait sans doute sans tourner les talons. Son orgueil n’a pas diminué avec les grands changements qui ont animé sa personnalité ces derniers temps, malheureusement. Fréquenter Ornella régulièrement n’aide sans doute pas à garder une mesure dans l’égo, il faut bien le reconnaître.

- J’ai libéré mon emploi du temps, mais ce n’était pas chose facile. Je ne voulais pas entretenir de faux espoirs, il lâche, en attrapant au vol une coupe de champagne qui passe par là, sur un plateau posé entre les mains d’un serveur sous-payé. Et puis, loin de moi l’idée de te décevoir, mais je ne suis plus vraiment le genre d’homme à faire ce que je devrais faire...

Il hausse une épaule, sans détacher son regard d’elle, et avale une gorgée de sa coupe de champagne avant de s’éclaircir la voix.

- Si tu préfères passer la soirée avec Maxim, je peux toujours me débrouiller pour retourner d’où je viens. Les occupations ne manquent jamais.

Elle aurait bien critiqué cet aspect de la personnalité de Dexter, mais elle est bien trop intelligente pour ne pas se voiler la face : c’est une des choses qui l’a rendu si accroc à l’homme, son inaccessibilité. Ça l’ennuie de l’avouer, et elle ne le fera certes pas devant lui, mais elle ne pourrait pas lui demander de changer sur ce point car elle en viendrait sans doute à ne plus l’aimer de la même façon, si tant est qu’on puisse parler d’amour entre ces deux-là, l’idylle étant toute naissante. Pour tout autre homme, elle serait parti, le plantant là, tout net, mais elle n’en fait rien, ne bougeant pas d’un poil. Prendre le risque de l’humiliation et qu’il ne la suive pas ? Hors de question ! Tout ceci est bien trop nouveau pour elle pour qu’elle soit à l’aise, mais elle tente de faire bonne figure face à ses contradictions, pour s’accoutumer à la balance fragile de cette nouvelle relation dans sa vie. Ce n’est peut-être pas plus mal, dans le fond, quelqu’un qui lui tienne tête et qui ne se plie pas à ses moindres désirs. C’est ce que dirait sans conteste son père, en tout cas.

« Maintenant que tu t’es libéré, autant que tu restes. » baragouine-t-elle dans ses moustaches transparentes de femme, trop orgueilleuse pour lui faire réellement comprendre qu’elle a plus qu’envie de sa présence ici, dans le fond. « C’est… gentil d’avoir fait un effort. » Le deuxième mot de sa phrase met un peu de temps à sortir de sa bouche, tout simplement car elle n’a aucune intention de lui montrer l’emprise qu’il peut avoir sur elle. Après tout, c’est une belle surprise et la jeune femme innocente au fond d’elle est plus qu’heureuse et trépigne.

« Eloignons-nous un peu avant qu’il ne revienne. » Aucun scrupule, bien que l’autre garçon lui en voudrait sans doute. Elle pourrait toujours mentir et prétexter une urgence ou n’importe quoi d’autre. Joignant le geste à la parole, elle s’accroche au bras de Dexter pour déambuler avec lui sur plusieurs mètres, dans un coin un peu plus tranquille de la réception. Elle n’est pas sans noter les regards qui se tournent vers eux et sait déjà que dès le lendemain, les ragots iront bon train. Ça ne la gène pas le moins du monde et au contraire, elle est plutôt fière d’être au bras de cet homme, bien qu’elle en entendrait certainement parler dès qu’elle franchirait la porte de chez elle. D’ailleurs, elle l’embrasserait bien, l’envie la démange, mais ne sachant comment anticiper la réaction du brun, face à un public aussi dense, elle se retient. « Tu as réussi à avoir la permission de minuit, ou tu n’as que peu de temps ? » lui demande-t-elle.

Il n'a pas l'habitude de la lutte de pouvoir. Peu à peu, depuis son retour à New-York, il commence à en apprendre les contours ; mais ce n'est que le début. Sa relation avec Evan n'avait rien de semblable à celle qui est en train de naître entre Bloom et lui. C'est normal, et heureux, quelque part. Il ne cherche pas à remplacer Evan, ni dans sa tête ni dans son coeur. Cette relation appartient au passé, elle est classée dans un coin de son esprit. Il ne l'oubliera jamais, mais il ne souhaite pas y revenir. Aborder la question est trop douloureux, même si le temps s'est écoulé ; retrouver une complicité, une simplicité semblable aurait été trop difficile. Il n'a pas envie d'imposer à qui que ce soit - et en l'occurence, à Bloom - de vivre dans le fantôme de son mari. Ornella possède bien des défauts, mais elle lui aura au moins permis de comprendre qu'il était nécessaire de compartimenter son histoire. De revenir, parfois, sur ses décisions. Là où sa relation avec Evan était empreinte de simplicité, sa relation avec Bloom est pleine de sinuosité.

- Je t'en prie, il répond, machinal, alors qu'elle lui indique qu'il est gentil d'avoir fait un effort.

Il n'a pas envie de revenir sur ses remerciements, qui ont, sans aucun doute, dû lui coûter un effort. Elle cède du terrain, et ce qui aurait aisément pu se transformer en une dispute publique se tasse aussitôt. Ca ne lui a pas vraiment demandé d'effort, cela dit ; il a juste décrété qu'il ne serait pas là. Il se souvient aisément pourquoi quand il voit les regards qui sont braqués sur eux - sans doute pour elle, avec l'interrogation croissante de qui il est lui, car il n'est pas sûr qu'il puisse être identifié comme étant le fils d'Ornella Sciarra. Dexter n'est pas un homme de lumière.

- Le pauvre, il murmure en se laissant embarquer un peu plus loin, dans des endroits plus discrets de la réception. Sans affect particulier, car Dexter se fiche pas mal des états d'âme de ce pauvre Maxim.

Il termine sa coupe de champagne et la dépose aussitôt sur un plateau volant - les serveurs sont presque invisibles, ici. Il fait face à une Bloom radoucie, sans doute, et lui offre un sourire.

- J'ai libéré mon emploi du temps, il répète, en glissant une main sur sa taille pour l'attirer contre lui. Ses lèvres rencontrent les siennes l'espace d'un instant, pour un baiser léger, volé. Qui visiblement, interrogera les curieux. Alors, qu'est-ce qu'on fête, exactement ? il demande, une fois que la proximité de leurs corps leur donne un peu plus d'intimité.

Bloom ne relève pas réellement lorsque Dexter semble plaindre Maxim. Elle a un cœur, Bloom, mais pas ce soir, pas pour cet autre étudiant. Au pire, elle s’excusera lorsqu’elle le reverra. Elle inventera un mensonge, ou bien lui dira la vérité. A voir si elle a du temps à perdre avec lui ou pas. La suite des annonces, en revanche, ne la laisse pas de marbre. Elle a du temps avec Dexter, et rien que cela, c’est à fêter. Entretenir une relation avec un homme comme lui n’est pas chose aisée. Elle le savait par avance, elle était prévenue mais ce qui est le plus difficile est de ne pas être celle qui mène la barque et qui tire les ficelles. Si elle se plait à penser qu’ils sont à peu près sur un même pied d’égalité, la vérité est qu’elle a toujours peur de faire un faux pas et fait donc attention à ce qu’elle pourrait dire ou faire. C’est ça, de réellement tenir à quelqu’un, pour Bloom Walton ? L’idée lui semble étrange, elle qui n’a jamais réellement ressenti quoi que ce soit pour qui que ce soit.

Son sourire s’élargit et leurs lèvres se touchent bientôt, faisant naitre en elle une sensation de bien-être. Elle se sent mieux tout à coup, comme libéré du poids de ne pas savoir comment se comporter. Dexter a donné le mouvement. Peut-être qu’elle se pose juste trop de questions… « Notre première sortie officielle en public ? » C’est tellement con comme réponse, mais ça la rend heureuse. Sa main serre celle de Dexter. Oui, là, à ses côtés, elle a l’impression d’être une véritable princesse au cœur d’un conte de fée. « A moins que tu ne parles de la soirée… Et j’avoue que je n’en sais trop rien… Une œuvre caritative en lien avec la médecine… Une levée de fond pour on ne sait quelle maladie… Globalement, c’est toujours quelque chose du genre ; ou bien un truc autour de l’écologie, des animaux ou des personnes défavorisées… » Elle hausse les épaules. La vérité est qu’elle ne sait presque jamais pourquoi elle vient à une soirée et pourquoi elle donne. Elle sait juste qu’il est de coutume de donner à la charité. « On donne, peu importe la cause. Ça soulage la conscience des personnes riches. » Elle ne parle pas spécialement pour elle, car elle préfère mille fois aller faire du bénévolat, ce qui lui semble plus significatif. « Tu n’as pas l’habitude de ce genre de fêtes ? » Il est vrai qu’elle ne se souvient pas l’avoir croisé à ce genre d’événements, ou en tout cas pas souvent, mais ça l’étonne tout de même, car de par son nom de famille et sa situation financière…

Dexter ne s’occupe pas de la représentation familiale. D’ailleurs, il ne s’occupait pas de grand-chose jusqu’à présent ; mais peut-être que les choses vont devoir changer, sous peu. En tout cas, on ne peut pas dire qu’il ait l’habitude de ce genre de soirées. Il y a un peu plus d’un an, il était encore caché à San Francisco pour vivre sa vie, caché des membres de sa famille – et ce soir il parade. Sur un malentendu, on le prendrait pour un mécène de la famille. Aux yeux des autres, ils sont une famille riche, propriétaire d’un Casino qui tourne à plein régime. Il n’aura aucune difficulté à maintenir cette illusion ce soir, en faisant un chèque qu’il déposera dans l’urne gigantesque qui a été déposée dans la salle pour ça. Il peut entendre que ce genre d’apparition en public soit importante pour Bloom, qui a, elle aussi – pour d’autres raisons sans doute – un nom de famille à honorer et à faire briller. Elle semble à l’aise, elle. Elle a l’habitude d’être au centre de l’attention, ça se voit. Elle déclenche des regards en biais sur son passage, elle attise les convoitises. Dexter avale une gorgée de champagne et prend une inspiration.

- Je vois, il finit par dire, un sourire aux lèvres – pas pour la soirée de charité quelconque qui s’est organisée, mais pour leur première sortie officielle.

Ca fait longtemps qu’il n’attache plus d’importance à ce genre de choses, sans doute parce que depuis Evan, il n’a fréquenté personne, et qu’il était avec Evan depuis trop longtemps pour avoir encore besoin de le courtiser ou de faire des efforts pour le conquérir. Ces codes de drague, ces soirées, ces sorties – tout ça lui semble loin, un peu surréaliste.

- A notre première sortie officielle, alors, il lâche plutôt en trinquant. Non, je n’ai pas vraiment l’habitude de ce genre de soirées, comme tu peux le constater assez facilement. Je n’ai jamais été très doué pour porter les couleurs familiales ou m’occuper de la représentation.

Il lui offre un sourire et incline un peu la tête pour détailler sa tenue.

- Toi par contre, tu as l’air assez à l’aise, je dois dire.

Il ne doute pas vraiment du fait que le père Walton fasse confiance à sa fille pour porter ce genre d’évènement – même si Dexter garde volontiers à l’esprit que l’homme a l’air d’être aussi fourbe qu’il est influent.

Elle est heureuse de trinquer à leur première sortie officielle, heureuse de pouvoir s’afficher au bras de cet homme qui fait battre son cœur. Elle en oublie même que son père pourrait la surprendre ; chose qui dans le fond le ferait saliver si l’idée lui traversait l’esprit. Il est certain qu’il n’approuverait pas cette relation, et bien que tout son corps et son cœur soient persuadé que le fait qu’elle craque pour Dexter n’ait rien à voir avec les tensions avec son paternel, il y a tout de même fort à parier qu’au fond, ça a contribué à rendre le Sciarra encore plus attrayant aux yeux de l’étudiante.

Un petit rire vient se glisser sur ses lèvres lorsque Dexter regarde sa tenue. Elle n’est pas mécontente de son shopping ; et le regard du brun sur elle la fait frissonner. Elle s’imagine tout un tas de choses, à travers son regard. Des choses qu’il ne pense peut-être pas, mais dont elle se persuade. « On me traine dans ce genre de soirées depuis que je suis gamine. Je connais presque tout le monde, au moins de vue et de nom. Par contre, je n’en apprécie pas le quart… » Elle roule des yeux de cette manière qui lui est si propre. « Ils sont tous faux… Un masque bien trop lourd à porter la plupart du temps, crois-moi… » Lui n’avait pas l’air de devoir faire semblant. Il s’assumait comme il était et ne se forçait pas à faire des choses qu’il n’aimait pas, sauf peut-être pour être venu ce soir. « Chacun a peur de faire un pas de travers et d’être au cœur des prochains ragots… » Son regard se met aussitôt à pétiller de malice. La jeune femme pleine de fougue est là. « Mais quand on sait comment contrôler les ragots et en jouer, ça peut tout de suite être plus marrant. » Son sourire s’élargit. Elle a souvent joué à ça quand elle était plus jeune et ça lui arrive encore, pour tout dire. « J’étais devenue une pro pour ça, il y a quelques années. » Et elle en garde encore quelques traces… Soudain, ses sourcils se froncent. Dexter risque de la prendre pour une gamine si elle se comporte ainsi ? La blondinette se voit envahir d’un sentiment de peur tout à coup. « Je dirais bien que je suis une femme plus sage désormais, mais nous savons tout les deux ce qu’il en est. » Elle avait utilisé le mot femme exprès, mais pour le reste, ils ne se connaissent pas encore si bien que ça. M’enfin, il a le don de décrypter certaines parties de son caractère mieux qu’elle ne saurait le faire elle-même.

L’endroit est finalement assez surprenant, alors que les convives sont assez prévisibles. Bien habillés, de vêtements qui coutent sans doute individuellement plus chers que les enveloppes qu’ils glisseront tout à l’heure dans l’urne qui les attend. Dexter n’a rien contre les gens riches ; il serait bien malvenu de critiquer, surtout depuis qu’il est revenu profiter de la fortune familiale. Ce n’est pas qu’il dépense sans compter, c’est surtout qu’il n’a rien à payer à proprement parlé, en tout cas, pas quand il vit dans l’enceinte du Casino. Tout lui arrive dans les mains en un claquement de doigts. C’est si facile, d’être riche, de ne se soucier de rien, de perdre le fil... Pourtant, l’hypocrisie, ici, est palpable. Il est finalement assez hilarant de se vêtir d’une robe dont le prix contient plusieurs zéros pour venir mettre fin à la faim dans un quelconque pays du monde. Cela dit, c’est mieux que rien, c’est certain.

- C’est tout à fait passionnant, il rétorque, s’armant d’un sourire. Il n’arrive pas vraiment à cesser de la dévisager. Elle n’est pas différente du soir où il l’a rencontrée, au Casino - quoi que peut-être plus belle encore maintenant qu’il lui prête volontiers ce côté familier qu’ils ne partageaient pas avant - mais elle semble plus assurée. Plus grande. Je vois que tu connais ta copie. Qu’est-ce qu’ils ont à cacher, tous ces gens ? Une petite fraude fiscale de temps en temps ? Une double vie ?

Le regard de Dexter virevolte entre les convives. Une femme blasée qui descend verre sur verre, un homme aux yeux baladeurs. Plus loin, un homme qui drague au buffet - élégant. Il reporte son attention sur Bloom, qui n’a semble-t-il aucun mal à attirer l’attention des gens aux alentours - ou peut-être est-ce le duo qu’ils forment de manière un peu particulière.

- Qu’est-ce qui se murmure de Bloom Walton dans les couloirs des soirées ? il demande, dans un murmure.

Il n’est pas très doué pour tous ces ragots. Il ne maîtrise même pas tellement lui-même ce que les gens connaissent de lui - sans doute pas grand chose, car même s’il est le fils d’Ornella Sciarra, il a plutôt été aux abonnés absents cette semaine.

- Je pense que ma tête sera mise à prix dès demain, si l’on en croit les yeux jaloux qui te dévisagent, il ajoute non sans un sourire - quelque peu satisfait, c’est certain. Il glisse une main autour de sa taille et porte sa coupe de champagne jusqu’à ses lèvres pour la terminer, de l’autre. Comment est-ce que tu vas te jouer de ça ?

Comment lui vas s’en jouer, ça, c’est une toute autre histoire.

Le jeu semble convenir à Dexter, à moins qu’il ne fasse cela que pour passer le temps. Dans tous les cas, Bloom semble satisfaite de leur première apparition publique, c’est certain. « Oh oui… Rien de bien glorieux ou qui ne sortirait trop des sentiers battus… » Elle tourne la tête de droite à gauche pour mettre le doigt sur deux trois histoires qu’elle pourrait raconter à son petit-ami. Pointant du menton un homme d’une soixantaine d’années qui semble vouloir se faire discret, Bloom annonce : « Michael Buffet. Il aurait récemment été entendu par la police pour une histoire d’objets d’art volés et d’arnaque à l’assurance. A priori, il a dû payer une fortune pour pouvoir se blanchir les mains… » Son sourire s’élargit et elle montre bientôt une seconde personne, cette fois-ci une femme âgée de quelques années de plus qu’elle. « Sonia Fardell. Elle a retrouvé sa mère et son petit-ami au lit ensemble, il n’y a pas moins de deux semaines. Fiançailles rompues. Elle a tout fait pour que ça ne sache pas mais malheureusement pour elle, elle est devenue la risée du Gotha. Son agenda subit annulation sur annulation. D’ailleurs, c’est presque étonnant de la voir ici. » Elle hausse les épaules.

Un frisson la parcoure bientôt, alors qu’une pensée la traverse concernant sa propre déchéance si on venait à apprendre la vérité sur les affaires de son père. Certains ont déjà remarqué les tensions entre les deux générations de Walton, bien qu’ils tentent tous de faire bonne figure, et clairement, cela ne lui plait pas du tout. Impossible d’avoir le contrôle là-dessus, d’où l’importance encore plus grande de pouvoir être au centre de l’attention avec Dexter ce soir. Ça détournerait les regards et les mauvaises langues, aidera les gens à penser à autre chose. Ce n’est pas pour cela qu’elle avait souhaité qu’il vienne, bien sûr, mais disons que si ça pouvait aider sa cause, ce ne serait que bénéfique.

« En ce moment, des choses pas très joyeuses sur les relations obscurcies avec mon père… » avoue-t-elle tout de même. Il est l’un des rares à connaitre la vérité, ses soupçons mais elle n’a aucunement envie de noircir leur soirée. « Mais tu peux être sûr que dès ce soir, on s’intéressera davantage à mon charmant cavalier qu’à mes histoires de famille. » glisse-t-elle alors qu’un large sourire renait au coin de ses lèvres. « C’est ça de sortir avec une demoiselle convoitée. » Ça va les chevilles ? Bien sûr, elle se met à rire pour montrer qu’elle plaisante. Elle a conscience des regards sur elle, des hommes comme des femmes qui aimeraient partager un bout de chemin avec elle. Des propositions, elle en a régulièrement, bien que souvent, ce n’est qu’une envie passagère ou lié à sa fortune familiale. Il est nécessaire de faire la part des choses et d’arriver à démasquer les profiteurs, quand on nait Walton. Alors, toute l’attention qu’on pourrait lui porter n’a que peu d’importance à ses yeux et elle n’y prête guère d’intérêt. Sauf quand c’est Dexter qui lui parcoure la taille de sa main, un geste dont elle ne se lasse toujours pas. Elle se serre volontiers un peu plus contre lui. « Je ne me fais pas de soucis pour toi. Je pense que tu sais te défendre. » Si elle n’a pas conscience de la puissance du clan Sciarra, elle a tout de même compris rapidement que Dexter et le casino ont quelques secrets. « Et clairement, celui qui oserait te toucher aura à faire à moi ! » lance-t-elle, sûre d’elle. « Mais je pourrais aussi m’arranger pour ne pas te quitter de la nuit afin d’être certaine qu’il ne t’arrive rien… » Voilà une proposition qui lui plait énormément. Manière de joindre l’utile à l’agréable. « A moins que tu n’ais une meilleure idée ?! »

Bloom prend son rôle très à coeur, et a rapidement fait de donner à Dexter un tour d’horizon digne des plus grandes pièces de théâtre. Les anecdotes qu’elle a à lui livrer sont dignes des plus grandes comédies dramatiques, sans doute. Il scanne l’assemble des yeux, observant les personnes dont elle lui livre les noms avec attention. Dexter ne comprend pas bien comment toutes ces choses s’ébruitent ; il semblerait qu’une fois une personne au courant, les informations vivent leurs propres vies et tracent leurs propres chemins. Cette idée lui arrache un sourire ; chez les Sciarra, la discrétion est un sport qui se pratique dès le plus jeune âge. Il serait imprudent de laisser traîner une information quelconque - quand ce genre de choses arrive, ce n’est que pour détourner l’attention des uns et des autres de ce qui compte vraiment.

- Je vois, il lance en hochant la tête pour montrer qu’il l’écoute - et qu’il prend note, également. Après tout, si le destin le ramène vers d’autres soirées comme celle-ci, il doit connaître son public.

Quand elle aborde son père, il s’autorise une mine contrite de quelques secondes. Ils ne sont jamais vraiment entrés dans le détail, mais il se souvient avec force de la fois où elle est venue le rejoindre dans un bar abandonné de la famille Sciarra. Au delà de la tristesse qu’il a pu déchiffrer sur ses traits, et qui inhérente à toute difficulté relationnelle familiale, la peur ne lui a pas franchement plus. Il connait le père Walton de réputation, évidemment, mais n’aurait pas imaginé qu’il puisse faire peur à sa propre fille - ce qui n’est pas une mince affaire, considérant le caractère bien trempé de la jeune femme en question. Dexter ne craint pas les concurrents éventuels qui pourraient traverser les rangs de cette soirée - il voit bien, cependant, que Bloom attire les regards, il n’est pas idiot.

- Je ne me fais pas vraiment de soucis pour moi non plus, cela dit, il réplique, vaguement amusé. Ce n’est pas que sa filiation pourrait ressortir soudainement en cas de compétition trop virulente - mais enfin, il n’est pas très inquiet. Sans doute son coeur est-il habitué à l’idée que rien ne dure, d’ailleurs, et que si l’un de ces hommes venait à charmer le coeur de Bloom pour la détourner de lui, il se résignerait. Ce plan me va tout à fait, cela dit, mais je ne suis pas certain de passer toute la nuit ici. On s’ennuierait vite, non ?

L’ambiance est assez guindée, les lumières éblouissantes. Le champagne tinte et le bourdonnement des discussions et autres ragots résonne dans la grande salle richement décorée pour l’occasion.

- Tu me croiras sans doute si je dis que je suis habitué de lieux plus décontractés.

Il sourit un peu plus et attrape sa main.

- Cela dit, on peut toujours danser, ça les fera jaser.

Ce goût du scandale est un peu nouveau, mais il apprécie cette dynamique qui l’agite. La piste de danse est déserte, il est sans doute trop tôt pour qu’un de ces couples richissimes ouvre le bal avec une valse - ou quelque chose du genre.

Elle aime la confiance qu’il a en lui-même. Elle est inspirante et rafraichissante. Parfois, elle se plait à penser que sur certains aspects, il est son miroir et que ça l’aide à garder en tête les propres traits de sa personnalité durant ses périodes de doute – peu nombreux, on le concédera. Elle hoche bientôt la tête alors qu’il lui indique ne pas vouloir passer toute la nuit dans ce lieu. Ça tombe bien, ce n’était pas non plus dans les idées de la demoiselle. « Je n’avais de toute façon pas en tête de passer la nuit entière ici. » Son sourire s’élargit, malin et aguicheur. Un peu de temps en tête à tête, ça ne serait clairement pas de refus. Il faut dire que leur relation étant quelque peu atypique – et les deux concernés également, ils n’ont pas réellement eu de temps vraiment seuls, ou pas comme on pourrait l’entendre dans un couple lambda. « Il me semble qu’on peut trouver de biens meilleures occupations pour passer la nuit ! » Elle le regarde, s’approche et l’embrasse. Un de ces baisers à la fois appuyé et discret qui veut tout simplement dire que oui, c’est avec lui qu’elle a envie d’être, d’aller plus loin, de développer tout un tas de choses, de projets… Elle sait qu’elle s’emballe. Elle a bien pris conscience que sortir avec un Sciarra ne sera jamais aussi simple qu’avec n’importe quel Maxim qui la ferait passer en première et serait à ses pieds. A croire qu’elle aime la difficulté. Dans le fond, ne serait-ce pas pour ce côté inaccessible qu’elle a dans un premier temps craquer pour le brun, avant de découvrir ses autres traits qui ont fait battre son petit cœur ?

Un rire cristallin vient s’échapper de sa bouche quand il lui dit préféré les lieux plus décontractés. Aucune réponse verbale n’est nécessaire, son regard en disant bien trop long sur ce qu’elle pense de tout ça et ce sentiment amusé qui en découle. La proposition d’aller danser vient l’électrocuter d’un frisson de plaisir intense. Elle aussi vacille et vibre aux sons du scandale. Sans aucun doute bien plus que son petit-ami d’ailleurs. Un hochement de tête pour valider la chose dans un sourire qui s’étend de l’une à l’autre de ses oreilles, et la voici qui attrape la main de Dexter pour l’entrainer avec elle au milieu de la foule. Un signe de main suffit à ce que le chef de groupe de musique de la soirée comprenne ses intentions. Il faut dire qu’il doit commencer à bien la connaitre, vu le nombre de fois où elle a fait appel aux services de ces musiciens pour l’organisation de ses soirées. Un air de tango s’élève bientôt et elle se met à rire.

« Bon… Euh… Je m’attendais à un truc bien plus doux, mais bon… » Elle roule des yeux. Visiblement, le musicien ne la connait pas si bien, à moins qu’il ait fait exprès de lancer ce petit quelque chose dans le but que Bloom fasse un spectacle… Pour le coup, ils vont être servis s’ils comptaient réellement attirés l’attention. « Je… risque d’être un brin rouillé pour le coup. » Mais elle avait suivi bon nombre de cours de danse en tout genre pendant toute son enfance et adolescence donc ça devrait le faire. Pour autant, est-ce le cas de son compagnon ? « Essayons de faire sensation tout de même. A moins que tu veuilles faire marche arrière et attendre quelque chose de plus soft ? Il est encore temps… » Même si finalement, ça la tente bien de faire jaser au plus haut point.

Bloom annonce qu'elle a pour la nuit d'autres plans que de rester ici, et il s'en trouve immédiatement soulagé - parce qu'il faut tenir le rôle, ici, avec tous ces gens coincés qui les toisent, et il n'est pas sûr d'en avoir envie. Il préfère de loin trouver d'autres occupations, notamment celles auxquelles elle semble se référer sans sourciller. Il répond d'un sourire, lui rendant son baiser en caressant sa taille, avant de lui proposer de danser pour faire passer le temps.

S'il y a très certainement un endroit où les gens n'attendent pas Dexter Sciarra, c'est sans aucun doute une piste de danse. Avec ses airs taciturnes, parfois bourrus, son regard sombre, il n'est très certainement pas le genre d'homme que l'on imagine en train de danser, encore moins un tango qui s'élève de manière forte opportune au moment précis où il veut entrer en piste. Pourtant, malgré ces préjugés qui pourraient prévaloir au moment de le rencontrer, Dexter aime danser. Il a découvert les joies de la danse avec une amie, il y a fort longtemps, puis s'est entretenu avec Evan qui était lui même toujours volontaire pour quelques pas. Il n'est pas le meilleur des danseurs, il n'est pas parfait, mais il aime ça, suffisamment en tout cas pour ne pas se ridiculiser devant tous ces gens qui ont l'air particulièrement coincés et qui vont très certainement se délecter du spectacle. Quand la musique s'annonce, il offre à Bloom un sourire de défi.

- Faire marche arrière ? Ce n'est vraiment pas mon genre, je pensais que tu l'avais deviné.

Il sourit, amusé, et attrape sa main d'une main, glissant l'autre derrière sa taille pour la rapprocher de lui.

- J'adore le tango. Je ne dirais pas que je suis doué, mais... Si t'es rouillée, je devrais pouvoir suivre.

Il puise dans ses souvenirs, dans ce qu'il a déjà fait ou vu en matière de tango, pour entamer la danse sur les notes de la musique qui résonne. A dire vrai, il oublie le monde autour d'eux pour ne regarder qu'elle, sa main caressant doucement sa hanche quand les pas le permettent, sans se priver d'une extrême proximité qui pourrait paraître choquante. Les pas ne sont pas parfaits, mais la vision qu'ils lui offrent d'elle l'est, sans aucun doute.

Elle se doutait un peu qu’il lui dirait cela. Dexter Sciarra est un homme fier qui semble pouvoir tout affronter. Elle n’a encore que très peu vu la facette vulnérable de sa personne, voir pour ainsi dire jamais. Elle l’a devinée quand ils ont discuté la première fois car elle aurait pu jurer voir en lui une sorte de miroir de ses propres émotions. C’est une des choses qui l’avaient attirée d’ailleurs, bien qu’elle se refuse à convenir qu’ils n’aient que ça en commun, cela va de soi.

Son sourire s’étire. Oui, elle est fière d’être avec un homme qui assume les choses aussi futiles que des pas de danse en public. Les mecs de son âge lui auraient ri au nez, sans aucun doute. Tristan, sans doute, se serait pris au jeu si elle avait insisté, mais ça aurait été bien pour lui faire plaisir et pour aucune autre raison.

« C’est parti, alors. »

Son souffle se fait court, très rapidement. Ce contact si rapproché avec son petit ami est exquis. D’abord hésitante, elle ne tarde pas à trouver un rythme plus que convenable et accompagné par son beau brun, l’harmonie entre les deux ne tarde pas à se faire sentir. Elle en oublie où elle est, qu’ils sont entourés. Il n’y a plus qu’eux qui existent. Ses caresses la font frissonner d’un doux plaisir presque inconnu. Il faut dire que cet homme, sans parler d’intimité, lui faire ressentir tout un tas de sensations nouvelles à chaque fois qu’il la touche, sans aucun doute liées à quelques sentiments qui se forgent peu à peu.

« J’étais loin de me douter que tu saurais danser ainsi. » lui murmure-t-elle dans un pas qui permet la confession. « Et j’ai presque honte de dire que ça a clairement un côté excitant. »

Bloom, il ne lui faut pas grand-chose, quand même pour être au comble du plaisir. Disons qu’à cet instant précis, elle a tout ce qu’elle désire : son homme et l’attention de toute une assemblée qui a les yeux braqués sur elle, même si elle n’y songe même plus ; et cela suffit à la combler de bonheur. Elle s’accroche au brun dans les différentes positions qui s’enchainent, et elle aurait continué longtemps, si le temps avait pu être suspendu.

« Il semblerait qu’on en ait décidé plus d’un à se lancer. » bredouille-t-elle alors que son regard quitte brièvement les yeux de Dexter pour observer les alentours. « J’aimais bien, cette sensation de n’être que nous deux, comme si le temps s'arrêtait. » se confie-t-elle dans un de ces moments de vulnérabilités qui sont si rares chez l’étudiante.

Visiblement, Bloom apprécie ses talents de danseur, et l'idée arrache un sourire à Dexter, pas peu fier de ses exploits. Il n'a aucun mal à concevoir que la blonde ne l'attende pas forcément sur ce genre d'exercices, il ne s'est jamais montré très expansif, surtout face à un public, actuelle réuni autour de lui. Il fait lui aussi abstraction des gens autour d'eux, alors que ses mains caressent son corps au fur et à mesure des pas de danse, au rythme de la musique. Il l'approche quand elle confesse sa surprise, se parant d'un sourire amusé. Ca fait longtemps qu'il ne s'est pas amusé, Dexter, en réalité, avec qui que ce soit. Bloom allège le poids du deuil qui pèse sur ses épaules, et il parvient, doucement mais surement, à s'en défaire. Il n'oubliera jamais Evan, ne sera jamais complètement guéri - mais son esprit accepte, pour la première fois depuis des mois, de se concentrer sur autre chose.

- Ne me sous-estimez pas, Mrs Walton, j'ai des ressources insoupçonnées. Tu t'en rendras compte bien assez tôt, il répond, amusé, avant d'ajouter, l'air plus sérieux, mais dans un murmure : Et pourquoi est-ce qu'il serait honteux d'admettre que c'est excitant ? On a connu des danses bien plus chastes qu'un tango, entre nous....

Il la fait virevolter légèrement et l'attire à lui de nouveau, dirigeant son regard vers les autres couples de la piste de danse, qui les rejoignent peu à peu.

- Peu importe, qu'ils se joignent au mouvement, il lance, toujours à voix basse, avant de l'inciter à se pencher en arrière puis de la ramener à lui. Quand je te regarde, comme ça... Les autres disparaissent.

Il glisse ses mains contre ses hanches et ses lèvres rejoignent les siennes pour clôturer la danse par un baiser.