Elle a l'impression qu'elle revit Lou depuis qu'elle a eu ce travail, depuis qu'elle se lève pour une raison et qu'elle ne passe pas sa vie à errer dans les rues New-Yorkaises, CV à la main et sa motivation dans l'autre. Elle peut se lever et aller travailler le sourire aux lèvres. Même quand au fond, le coeur n'y est pas et qu'elle a juste envie de retourner se coucher. Comme aujourd'hui, aujourd'hui est un jour sans et il faut qu'elle fasse avec Lou. Parce qu'elle doit sourire pour servir les clients. C'est censé être sa période préférée de l'année. Noël, les cadeaux, l'odeur de la cannelle dans la cuisine de sa mère à l'époque, les chocolats chaud avec les marshmallows. La patinoire du Rockefeller Center et les innombrables chutes qu'elle a pu faire dessus. Les pulls moches de Noël. Elle aime tellement cette période de l'année et aujourd'hui, elle a mal au coeur. Elle sait bien qu'elle devrait avoir confiance. Mais Noam le sait aussi, qu'un petit rien peut se transformer en montagne, et il n'a pas prit ça en compte. Mais elle ne lui en veut pas, enfin si. Et c'est sûrement pour ça qu'elle ne l'a pas vu depuis les messages assassins. Elle a le coeur qui bat trop vite, trop fort mais elle s'applique à servir les clients avec cet éternel sourire sur le visage, son serre-tête en forme de bois de rênes sur la tête et avec des paillettes sur les yeux. Elle ne peut s'empêcher de sourire au petit garçon qui réclame un cookie spécial de Noël et elle le sert, tendant la tasse de café à la maman. La journée se passe si rapidement, qu'elle finit sur les rotules quand il est enfin l'heure pour elle de terminer sa journée. Une accolade à Ema, elle lui promet de lui ramener un serre-tête de Noël demain et elle salue son collègue qui est en train de faire une nouvelle fournée de cookies. Elle enfile son écharpe, son bonnet et s'emmitoufle bien dans son manteau avant de sortir pour tomber sur Noam. Pourquoi ? Ah, oui, ils auraient dû se retrouver. Lou avait oublié, ou plutôt, son cerveau avait occulté l'information parce qu'elle ne l'avait pas tenu au courant. Parce qu'elle se demandait même si ça en valait la peine. « Salut. » prononce t-elle, simplement. Le coeur au bord du gouffre, elle enfonce les mains dans ses poches avant de se mettre à marcher. Elle n'a pas envie qu'ils fassent une scène devant le café. Elle n'a pas envie d'en parler. Le travail reste le travail, même si l'ambiance est familiale. « Ta collègue va bien ? »

Peut-être qu'elle surréagit Lou, peut-être qu'elle ne devrait pas agir ainsi, être jalouse, avoir le coeur qui bat trop fort dans les tempes, le coeur qui bat trop fort et qui menace de s'extraire à chaque minute qui passe quand elle revoit cette dinde -jamais, elle ne pourra l'appeler autrement- qui ouvre la porte de chez Noam, sans se soucier de qui pourrait être derrière la porte. Lou a encore l'image en tête, d'elle, qui ne sait pas franchement quoi dire, comme une idiote qui reste bloquée parce que la situation la dépasse. Et pourtant, elle lui fait confiance, elle lui a servi sa confiance sur un plateau, l'autre soir. Alors qu'elle était vulnérable, alors qu'elle avait les yeux qui brillaient à cause du retour de son père et voilà que tout est gâché. Qu'elle a sûrement tout gâché par sa jalousie. Comme si elle ne s'était pas douté que tout finirait par se casser la gueule un jour, un jeu de cartes brinquebalants où un coup de vent peut tout faire basculer. Quand il est là, elle a envie de fondre contre lui, de pleurer un bon coup, de lui donner quelques coups le long du torse et que tout recommence comme en l'an 40. « J'ai jamais dit que tu étais con. Mais... un peu quand même. » Elle lève les yeux au ciel, ne cessant de marcher, son coeur qui bat trop vite, encore, trop fort. « Mais comment tu peux... penser que je le prendrais bien ? » Elle souffle un peu et s'arrête alors qu'elle est à une bonne distance du café « Je demandais pas grand chose, tu peux pas me dire que t'étais pas foutu de m'envoyer un texto ? Pour me dire "oh au fait, j'ai ma collègue qui est venu dormir à l'appart parce qu'elle était en galère". » Lou lui fait face et lève la tête, ses yeux se plantant dans ceux de Noam, alors qu'elle souffle se mordant l'intérieur de la joue « Je suis pas un monstre sans coeur, j'aurais compris. Imagine, le contraire, tu l'aurais prit comment que je dise à un de mes collègues de dormir chez moi parce qu'il est en galère, que je pars le lendemain au boulot et que tu pointes. Et il t'ouvre la porte. T'aurais réagi comment ? »

Le coeur trop lourd, l'âme trop pleine de questions voilà dans quel état se trouve Louisa Shacklebolt alors que les questions fusent et ne cessent de tourner dans son esprit. Pourquoi est-ce qu'elle prend tout à coeur de la sorte ? Peut-être parce qu'elle sent qu'un jour Noam finira par partir et est-ce qu'elle en a envie ? Non. Elle ne veut pas qu'il parte, elle veut être pour toujours dans ses bras, dormir contre lui, se réveiller au petit matin alors qu'ils ont passé une partie de la nuit à parler avant de s'endormir comme si de rien n'était, comme si la conversation n'avait pas eu d'importance, alors qu'au contraire c'était un sujet de la plus haute importance. Louisa n'a jamais ressenti cela pour quelqu'un d'autre qu'Eli, et Noam a réussi à panser ses blessures, à panser son coeur malmené par une rupture non officielle. Noam a su apaiser son esprit et depuis qu'elle est avec lui, c'est comme si elle était sur un petit nuage, rempli de tendresse. « Mais ça l'était pour moi ! » prononce t-elle, la voix un peu trop aigue, signe qu'elle n'a absolument pas le contrôle sur ses pensées et que les mots sortent trop vite, avant qu'elle n'est le temps de savoir si oui ou non c'était bien le moment de prononcer cela. Elle secoue la tête en riant nerveusement avant de le regarder « Je ne te demande pas de refuser, je n'aurais pas voulu que tu refuses parce que je sais ce que c'est d'être dans le besoin. Tu parles à une nana qui a dû retourner vivre chez son père en attendant de pouvoir reprendre un appartement. » Et vivement qu'elle regagne le Oak Complex, parce que ça lui manque de pouvoir se lever à l'heure qu'elle veut quand elle ne travaille, ça lui manque de n'être pas loin de l'endroit où elle travaille, plutôt que de devoir prendre le ferry à une heure où le soleil ne s'est même pas encore levé pour être sûre d'arriver à l'heure. Lou le regarde quand il dit être amoureux d'elle. Elle n'en croit pas ses yeux ni même ses oreilles, parce qu'ils ne sont pas du genre à faire des effusions de la sorte et elle s'humidifie les lèvres avec un petit sourire en coin sur le visage. Est-ce qu'elle se laisserait si facilement attendrir ? Elle ne dit rien et le laisse continuer à s'enfoncer un peu. Quand leurs mains se joignent, elle entrelace leurs doigts, par automatisme. Et elle plonge son regard dans celui de Noam, une moue sur le visage. Les mots tournent et retournent dans sa tête, le coeur manque de s'extraire de la poitrine tant il cogne fort. Elle a mal au coeur Lou. Et elle sait qu'il sera le seul à pouvoir y faire quelque chose. « T'es vraiment qu'un idiot. » prononce t-elle sans vraiment bouger. Alors qu'elle se rapproche de lui pour coller sa tête contre le torse, et ses bras qui entourent la taille de Noam « Je sais que tu penses que c'était rien mais... j'ai pas pu m'empêcher de me dire que t'en avais eu marre de moi. » prononce t-elle d'une voix basse alors qu'elle se mord les lèvres « J'ai toujours l'impression qu'un jour ou l'autre tu trouveras quelqu'un de mieux que moi. Qu'un jour ou l'autre, tu partiras et tu me laisseras toute seule. J'ai pas envie que tu partes, j'ai pas envie que tu me laisses parce que t'es l'une des seules personnes sur terre à savoir presque tout de moi. On m'a toujours dit qu'on avait qu'une seule âme soeur dans la vie et j'ai l'impression que c'est toi Noam. » Elle relève doucement le visage vers lui et elle pose ses lèvres sur celles du brun, les larmes incontrôlées qui glissent le long de ses joues, elle ne les empêche pas. Elle ferme les yeux et doucement, timidement, elle murmure contre ses lèvres « Je t'aime. »

Le brouillard se dissipe et Louisa y voit un peu plus clair. Le coeur est plus léger mais une lourdeur est toujours présente, là, dans un coin du myocarde quand il bat un peu plus irrégulièrement qu’à l’accoutumée. Elle aimerait pouvoir effacer ses doutes d’un seul claquement de doigts. Mais elle ne serait pas Louisa si elle le faisait. Alors elle lui explique, tente de trouver des mots doux, posés pour cesser de lui hurler dessus, rien de pire pour la pâtissière que d’hurler comme un charretier en plein milieu de la rue et d’offrir de l’animation aux passants « Tu le sauras pour la prochaine fois. » conclut-elle, le coeur battant trop fort dans sa poitrine. Et il l’aime, c’est évident. Il lui a déjà dit maintes et maintes fois. Il l’aime. Et elle l’aime aussi, malgré la peine qu’elle ressent, elle l’aime. Et quand elle est contre lui, elle l’aime plus fort encore. Le coeur tambourine toujours plus, alors qu’elle est tout contre lui. Elle trouve refuge dans ses bras, il n’y a que là que le monde lui semble plus beau, plus sécurisé. Mais elle ne lui dira sûrement jamais. Elle sait que les secrets ne sont pas bon pour les relations, mais pourtant, elle a besoin de garder ça pour elle, dans un coin du coeur. Ne pas lui dire, ne pas tout lui dire, parce que peut-être que ça ferait s’étioler la magie. Puis elle lui avoue tout de même ce qu’elle pense, ne serait-ce qu’un peu et son coeur se serre quand il rit. Elle s’humidifie les lèvres et le regarde et ouvre la bouche quand il dit être débile avant de secouer négativement la tête « Non, tu n’es pas débile. Je t’interdis de dire ça, même si je l’ai pensé, tu n’es pas débile. » Elle tape doucement son torse avant de le regarder, des perles salées qui arrive dans les yeux, petit à petit. « Et je ne te laisserais jamais tomber non plus, je n’aime pas être fâchée contre toi en plus… » prononce t-elle avec une petite moue avant de déposer ses lèvres contre celles de Noam pour lui offrir un baiser plein de tendresse « Tu sais que j’essaye de trouver des colocataires pour revenir au Complex ? » demande t-elle, elle ne sait plus si elle le lui a avoué « Maintenant que j’ai trouvé un boulot et des collègues super cool, j’ai hâte de pouvoir revenir dans le coin pour t’embêter touuuuut le temps. Du matin jusqu'au soir. Et même en pleine nuit quand j'arriverais pas à dormir et que je squatterais dans ton lit.  » conclut-elle en faisant un geste plus que dramatique mais qui a le mérite de la faire rire aux éclats alors qu’elle se blottit contre lui une nouvelle fois.