— Let's begin again —

Ce n’est que quand il entendit le moulin de la machine à café qu’Aleksej réalisa que Solveig était réveillée. Il ne savait pas combien de temps il était resté là, perché sur la terrasse à tenter de donner du sens à ses pensées, de donner du sens aux évènements de la veille. Ce n’était pas comme ça qu’il avait prévu que la soirée se passerait. Il détestait quand la situation lui échappait des mains, quand il perdait le contrôle. Il s’était donné un objectif cela devrait patienter encore un peu. Ce matin n’était pas un matin comme les autres. Et même s’ils venaient probablement de traverser une nouvelle crise, il devrait laisser ça de côté encore un peu.

Parce que ce matin était un matin spécial. De tous les jours de l’année, il était l’un de ceux qu’Aleksej estimait le plus. Un jour pour lequel il était infiniment reconnaissant. Son jour à elle. Il l’avait souvent taquiner sur la date de son anniversaire, se targuant qu’au moins il ne pourrait pas l’oublier. Il n’empêchait que ce matin, il avait cette désagréable impression de l’avoir manqué. Même s’il avait encore toute la journée. Il voulait que ce soit la première chose qu’ils feraient tous les deux. Une fois rentré dans le salon, il referma doucement la porte-vitré et tendit la main vers le petit guéridon qui se tenait juste à côté. Il ouvrit le tiroir et en sortit une enveloppe. Il s’était dit que la laisser sous ses yeux serait le meilleur moyen pour qu’elle ne la trouve pas.

Il s’était avancé vers la jeune femme qui était dos à lui. Il passa ses bras autour de ses hanches non sans une certaine appréhension. Il ne savait pas dans quel état d’esprit se trouvait Solveig ce matin. Il frotta doucement son nez contre sa nuque en signe de bonjour avant de caler son menton sur son épaule.

“Je pensais te donner ça hier soir, quand les douze coups de minuit auraient sonné mais la soirée ne s’est pas tout à fait passée comme je l’avais prévue… je suis désolé…”

Il l’était sincèrement. Il espérait juste que ça serait suffisant pour le moment. Il releva doucement l’enveloppe dans sa main pour la tendre à la jeune femme. Après l’opération, il  avait pris arbitrairement la décision d’annuler leur voyage en Europe, pensant que ce serait mieux pour elle. Il savait qu’elle était déçue mais elle ne s’était pas plaint. Lui ne voyait pas ça comme une opportunité ratée, seulement un projet repoussé. D’ailleurs il n’avait pas fait résilier leur vol, il les avait juste repoussé à une date ultérieure. Celle qu’ils choisiraient. En y ajoutant un petit bonus pour compenser.

Il rêvait de l’emmener dans toutes les capitales d’Europe, de parcourir le monde à ses côtés. Il avait bien fallu choisir et son dévolu s’était jeté sur Paris. Parce qu’il aimait la France, ses vins et sa gastronomie. Parce qu’il ne pouvait pas penser à un endroit plus romantique où emmener la belle. L’espace de deux jours, avant de s’envoler pour la mère patrie. Son Danemark. Et sa famille.

"Tillykke med fødselsdagen min elskede..."

— Let's begin again —

Quand je sens deux bras venir m’entourer la taille, je souris malgré moi. Comment ne le pourrais-je pas, après tout ? Malgré ce qu’il s’est passé hier, ce n’est pas comme si mes sentiments s’étaient envolés avec l’année écoulée, bien au contraire. Il me serre contre lui puis me tend une enveloppe que je prends.

- Je te trouve bien courageux d’entreprendre de telles choses avec moi avant mon café, Svendsen, dis-je tandis que mes doigts travaillent sur l’enveloppe pour l’ouvrir.

Ce que j’y découvre me prend de court. Je pensais qu’il avait simplement annulé nos billets pour Copenhague à cause de mon hospitalisation. Il ne m’était même pas venu à l’esprit qu’Aleksej ait pu simplement procéder à une modification de ceux-ci. Modifier des billets d’avion coûte un bras, je le sais pertinemment. Bien que nous ne soyons pas à plaindre financièrement, je ne veux pas que ce genre de dépense puisse ennuyer le danois.

- Tu m’emmènes à Paris ?

Je pose délicatement les billets sur le comptoir comme s’il s’agissait d’un objet fragile et précieux avant de prendre une brève gorgée de café pour enfin me tourner pour être nez à nez avec l’homme.

- Sûr de toi ? Pas de regret ? C'est dangereux une femme à Paris, tu sais.

Après tout, prendre le risque d’emmener une femme à Paris, la ville de l’amour (mais surtout du shopping) peut être un pari risqué pour un homme qui se pense sur la selette. Soyons clairs à ce sujet : il ne l’est pas. Mais il s’y croit.

- Tak, dis-je un peu tardivement avant de l’embrasser tendrement.

— Let's begin again —

Aleksej ne fit aucune remarque concernant le café, mais il n’en pensait pas moins. Cependant, il savait que ce n’était pas le moment de jouer avec le feu. La jeune femme ne l’avait pas repoussé, c’était déjà une victoire en soi. Même s’ils s’étaient couché ensemble la veille, qu’elle l’avait laissé l’étreindre, il ne pouvait pas agir comme si de rien était. Ils étaient à une nouvelle croisée de chemins et il devait les entraîner sur le bon. Au moins son cadeau d’anniversaire n’était pas complètement tombé à l’eau. Solveig semblait satisfaite.

Un sourire se dessina sur les lèvres du Danois alors que la jeune femme le taquinait gentiment. C’était de bonne guerre. Si elle était d’humeur à faire de l’humour alors il y avait peut-être encore de l’espoir pour lui. Ses yeux se fermèrent en sentant les lèvres de la jeune femme se poser sur les siennes. Il passa sa main derrière sa nuque et l’attira vers lui pour faire durer ce baiser un peu plus longtemps.

“Je pendrais le risque... “

Aleksej sourit et planta son regard dans les prunelles brunes de la jeune femme avant de prendre une profonde inspiration.

“Je suis désolé pour hier soir… j’aimerais pouvoir te dire que je serais un jour capable de mettre des mots sur cette douleur, mais en toute honnêteté, je n’en sais rien… je ne suis pas certain d’être capable de la comprendre moi-même… mais je veux que tu sois sûre d’une chose. Je ne cesserai jamais d’essayer…”

Il passa ses doigts dans ses cheveux et les glissa dernière l’oreille de la jeune femme, pressant doucement son lobe au passage.

“Si je t’ai parlé de mes entretiens avec Lena, ce n’était pas pour … ça… je t’ai dit qu’on avait beaucoup parlé des dernières années… de toi aussi… et de ce qu’on traversait…”

Il n’était pas sûr que Solveig soit complètement ravie de l’entendre lui dire qu’il avait parlé d’elle à son ex-femme.

“De ce que ça me faisait ressentir… le fait que j’avais peur de ce qui pourrait arriver…”

Ce matin, ses yeux ne fuyaient pas. Il ne s’agissait pas de Rebecka ou de l’accident mais d’eux deux. Sa voix avait retrouvé une certaine assurance.

“Elle m’a dit quelque chose que je n’étais pas capable d’entendre ce jour là… que je pouvais choisir la manière dont je réagissais aux évènements, au passé aussi… Que je pouvais choisir de continuer d’être triste ou en colère ou alors m’estimer chanceux pour ce que j’ai eu…”

Il inspira une nouvelle fois, profondément. Il espérait que son discours ferait sens et qu’il ne se perdrait pas dans toutes ses pensées.

“Rebecka me manque horriblement… mais tous mes souvenirs n’ont pas à être douloureux… Et je ne peux pas laisser la peur de tout perdre m’empêcher d’avancer non plus…”

La main s’était placée dans le cou de la jeune femme et il frottait son pouce contre son menton avec douceur.

“Je l’ai vraiment réalisé quand tu t’es réveillée à l’hôpital et ces dernières semaines également… chaque jour que je passe avec toi me rempli de gratitude.”

Il prit sa main dans la sienne et l’entraîna vers le salon ou il l’invita à s’assoir.

“C’est toi qui m’a fait réaliser ça et je ne pourrais jamais t’en remercier assez… mais je peux partager avec toi les choses pour lesquelles je suis le plus reconnaissant.”

Son regard se dirigea sur la table du salon sur laquelle était posé une boîte à chaussure abîmée. Solveig devait probablement savoir ce que c’était, même si elle n’avait jamais vu ce qu’il y avait à l’intérieur. Après tout, elle avait vécu assez longtemps dans son appartement alors que la boîte était entreposé dans le dernier tiroir de l’îlot central de sa cuisine. Quand ils avaient déménagé, Aleksej l’avait rangé dans le dernier tiroir de sa commode dans leur chambre. Elle n’avait jamais posé de question, respectant son intimité. Aujourd’hui, il était prêt à l’ouvrir.

“Ceux-là sont des souvenirs que je chéris profondément… et j’aimerais les partager avec toi… Si tu veux bien...”

Il prit la boîte sur ses genoux et retira délicatement le couvercle. Les dents de lait, les trésors amassés, son ancien insigne du bureau du procureur à l’époque où il n’était qu’un bleu, tous ces objets avaient une histoire. Son histoire.

— Let's begin again —

Je n’ai pas envie de l’entendre s’excuser car j’ai conscience que ce n’est pas sa faute à proprement parler. Quand on a souffert comme il a souffert, on ne peut que comprendre que des réticences à en parler soient présentes. Même à mon égard. Cela ne réduit pas la frustration ressentie mais celle-ci ne veut pas pour autant dire qu’Aleksej est dans l’obligation de s’ouvrir à moi. J’en rêve mais rien ne le force, même pas moi.

Cette fois-ci, le danois prend le temps de m’expliquer certaines choses dont ce qui a pu se dire avec son ex-femme quand ils se sont vus. Je ne suis pas jalouse, tout le monde autour de moi le sait, donc je ne ressens rien de particulier quand il évoque cette femme. Après, il est normal qu’il en parle, elle était la mère de leur fille, elle a aussi perdu cette enfant. Elle aussi souffre probablement tous les jours.

Soudain, Aleksej fait le parallèle entre ce qui est arrivé à sa petite fille et ce qu’il m’est arrivé en décembre. Je ferme les yeux un bref instant, attristée de réaliser que j’avais raison. Cette pensée n’a pas pu m’échapper mais je refusais de me focaliser dessus. Il semblerait que j’aurai dû.
Tout à coup, il me prend la main et m’entraîne dans le salon. J’ai à peine le temps de récupérer mon mug au passage. Tout cela ne me fait pas oublier mon café. Une boîte se trouve sur la table basse. J’ai déjà vu cette boîte mais je n’ai jamais cherché à savoir ce qu’il y avait à l’intérieur. Tout cela pour une simple question de respect. On ne fouille pas dans les affaires de l’autre, c’est une règle chez moi. Si on a un doute, on pose la question, peu importe que cela plaise ou non. Mieux vaut encore demander que de rester dans le doute et de se remplir le cerveau avec tout un tas de scénarios plus saugrenus les uns que les autres. Je le sais car je l’ai déjà fait.

Quand je comprends enfin de quoi il s’agit, je ne peux retenir un sourire chaleureux à l'égard du danois. Je dépose ma tasse sur la table et me rapproche d’Aleksej en venant placer mes jambes sous moi.

- Je serai honorée de les revisiter avec toi, répondis-je simplement avant de l’embrasser tendrement sur la joue.

— Let's begin again —

Un instant suspendu, de longues minutes, peut-être des heures. Aleksej n’en avait rien à faire. S’il avait été un peu hésitant en prenant le premier objet entre ses doigts, les souvenirs venaient à présent caresser son cœur avec une nostalgie douceâtre et peu à peu sereine. Sa langue se déliait et les anecdotes se succédaient. Il passait parfois du coq à l’âne, se rappelant un autre souvenir qui n’avait rien à voir. Une histoire à propos du cabinet, de Charles l’avocat ou de Charles le portier. L’évocation de ses amis, Graham et Hector, leurs enfants, les moments passés ici même, à Montauk.

Chaque souvenir le reliait non seulement à Rebecka mais à tout un monde dans lequel il avait gravité. Il revenait souvent à sa propre mère, à ses sœurs. À Mia, plus particulièrement. Elle avait partagé beaucoup de ses moments avec lui. Parfois, il revenait en arrière pour évoquer ses études au Danemark, établir un contexte. Et peu à peu s’installait dans ses yeux une petite lueur à mesure qu’il parlait plus librement de sa fille. À quel point il l’aimait. Il observait la jeune femme, tentant de lire ses réactions sur son visage, au coin de ses lèvres ou au fond de ses grands yeux bruns.

À mesure qu’il se racontait, il sentait un poids s’envoler de ses épaules. Comme si pouvoir enfin lui parler de lui était un soulagement. Nul doute que certaines choses prendraient un nouveau sens à la lumière des évènements du passé. C’était le résultat qui comptait. Lever le No Man’s land qui existait encore entre eux. Se rapprocher d’elle toujours un peu plus. Une fois chaque objet de la boîte énoncé, la discussion continua encore un peu. Pour Solveig, l’occasion était trop belle et elle avait toujours été curieuse de nature. Peut-être curieuse de lui en particulier. Si elle l’avait laissé faire l’étale de ses souvenirs au début, c’était ensuite elle qui avait mené la discussion, de question en question.

Quand le ventre de la jeune femme se mis finalement à grommeler, ce qui déclencha le rire du Danois, il décida qu’il était temps de faire un break pour nourrir ce petit bout de femme. Parce qu’ils n’avaient pas d’envie particulière, parce qu’ils avaient envie de tout, Aleksej se lança dans la confection d’un brunch digne des plus grands hôtels. Il s’était peu à peu remis à cuisiner depuis leur arrivée à Montauk et il aimait cuisiner pour elle. C’était sa façon de combattre ses démons tout en montrant à Solveig combien elle comptait pour lui.

“Le déjeuner de Mademoiselle est servi…”

— Let's begin again —

Les souvenirs semblent attendrir Aleksej et je ne peux que me réjouir d’une telle chose. L'entendre évoquer sa fille et son ancienne vie dans l’ancienne me fait particulièrement plaisir et, surtout, cela me rassure. Quelque chose me dit qu’il commence à faire la paix avec ce qu’il a vécu. Bien-sûr, j’ai conscience que tout n’est pas réglé et qu’il faudra sûrement encore beaucoup de temps au Danois pour qu’il se sente vraiment mieux. Au fond, tout ce que je souhaite, c’est être à ses côtés quand il trouvera la paix.

C’est mon estomac qui me trahit et qui interrompt le moment sans la moindre élégance. Un grondement gastrique comme on fait plus, pensais-je. Je n’arrive pas à croire que mon appétit se réveille à cet instant précis ! Il ne pouvait pas y avoir pire moment, vraiment.
Je rougis mais Aleks me fait vite comprendre que ce n’est pas grave et, qu’au contraire, nous devrions manger quelque chose ; ce que nous faisons.

La journée se passe bien. Très bien, même. Mon anniversaire dont je croyais qu’il n’aurait rien de fou se révèle être une belle journée aux côtés de mon compagnon. En fin d’après-midi, nous allons même nous promener au bord de la mer : mon activité préférée lorsque nous sommes à Montauk, Aleksej le sait. Nous n’évoquons pas sa fille ni les souvenirs qui ont été remontés aujourd’hui, je ne veux pas qu’il soit dépassé par un trop plein d’émotions, je sais qu’il ne les gère pas forcément très bien. Je ne peux pas le juger, je ne suis pas mieux à ce niveau-là.

Arrive le soir et nous voilà enlacés sur le canapé, deux tisanes fumantes sur la table basse.

- Aleks ? dis-je d’une voix presque ensommeillée. “Tu sais qu’il faut qu’on rentre à New-York, n’est-ce pas ?”

Le Danois a posé un congé à durée indéterminée. Pas moi. Il faut que je retrouve mon poste. J’ai besoin de bosser. J’ai aussi besoin d’un salaire, comme tout le monde. Et puis, qu’on le veuille ou non, nous n’allons pas pouvoir rester loin de tout le monde indéfiniment. Nous avons des amis à New-York. J’y ai ma mère, aussi.

— Let's begin again —

Si la journée avait suivi son cours normalement, il semblait bien que les deux amoureux avait franchi une nouvelle étape. Les évènements des dernières semaines leur en avait indéniablement appris plus l’un sur l’autre mais également sur eux-mêmes. À leur retour à New York, ils seraient deux personnes différentes du jour où ils avaient quitté la Grosse Pomme. Aleksej n’était pas particulièrement pressé de penser à leur retour et tentait avec ingénuité d’éviter le sujet. Mais c’était sans compter sur Solveig qui était bien déterminée à reprendre le cours de sa vie là où elle l’avait laissé.

Alors qu’ils étaient confortablement installés dans le salon à musarder au coin du feu, Solveig décida qu’il était temps de mettre le sujet sur la table. Même si le ton de sa voix exprimait la plus grande précaution, rien n’aurait été suffisant pour empêcher les sourcils du Danois de se froncer. Il aimait ce cocon dans lequel ils s’étaient réfugié ici à Montauk et s’il savait que ce n’était que temporaire, cela n’effaçait pas lé déception qu’il ressentait à l’idée de le quitter. Son regard se perdit dans les flammes dansantes du feu dans la cheminée. Il expira avec langueur avant de finalement prendre la parole.

“J’imagine que oui…”

Il vint frotter son visage contre la tête de la jeune femme tout en jouant machinalement avec une mèche de ses cheveux. Il n’était pas particulièrement ravi à l’idée de retrouver le rythme effréné de leur vie et n’était pas particulièrement doué pour le caché. Il n’arrivait pas non plus à se projeter plus en avant. Ils étaient partis en plein milieu des élections présidentielles, tous les dossiers du bureau du procureur avaient été suspendus jusqu’à l’institution du nouveau président et avec les évènements récents, et les polémiques qui se déclenchaient chaque jour, personne ne voulait prendre la responsabilité de signer le moindre papier. La bureaucratie s’était mise en pause jusqu’à ce que les directives politiques redeviennent claires.

“Est-ce que ça veut aussi dire que tu vas me refaire porter un pyjama ?”

S’il mordillait nerveusement sur sa lèvre inférieure, un léger sourire pouvait se deviner dans les yeux du danois ainsi qu’au coin de ses yeux ou de légères rides avaient pris place et s’accentuaient quand il souriait. S’il mordillait nerveusement sur sa lèvre inférieure, un léger sourire pouvait se deviner dans les yeux du danois ainsi qu’au coin de ses yeux ou de légères rides avaient pris place et s’accentuaient quand il souriait. Malgré l’espièglerie de sa question, elle en cachait une autre. Aleksej ne voulait pas revenir à leurs anciennes habitudes. Il ne pouvait simplement pas. La peur de perdre Solveig l’avait profondément marqué et il n’était pas prêt à gâcher des heures inutilement passé loin d’elle.

— Let's begin again —

Impossible de ne pas sentir toute la frustration dans sa voix quand il me répond que oui, il a conscience que nous allons devoir rentrer à New York. N’ayant encore rien dit à ce sujet, je me demande alors si Aleks croit que c’est une initiative de ma part pour lui faire reprendre le chemin du travail. Ce n’est pas mon intention. Il m’a expliqué avoir posé un congé “sans solde” pour pouvoir se focaliser sur lui et sa guérison. Considère-t-il seulement aller vraiment mieux ? Je ne veux que cela pour lui mais j’ai aussi pris conscience de ne pas pouvoir le presser dans cette guérison si particulière.

Parce qu’il reste lui-même jusqu’au bout, le Danois ne peut s’empêcher de me lancer une petite pique gentillette. Je sais et comprends le sous-entendu derrière ses mots. Un sourire malicieux se colle au coin de mes lèvres avant que celles-ci viennent trouver les siennes avec toute la tendresse dont je suis capable.

- Tu n’as pas besoin de pyjama, répondis-je finalement avant de me lever lentement en lui prenant la main.

Ce moment ne doit appartenir qu’à nous. Tant de choses ont commencé ici, à Montauk… Ce lieu sera encore, je l’espère, témoin de bon nombre d’épisodes marquants relatifs à notre couple. Tirant gentiment sur la main d’Aleksej, je lui fais comprendre que je souhaite qu’il se lève et me suive, ce qu’il fait sans poser de question. C’est aussi ça, être avec Aleksej : nous n’avons pas forcément besoin de mots pour être sur la même longueur d’onde.

Une fois arrivés, je laisse entrer le Danois avant de refermer la porte de notre chambre à coucher derrière nous. Personne n’a besoin d’être témoin de notre amour.