eva profite de la douceur des températures de printemps qui viennent réchauffer new york. assise sur un banc, elle lit tranquillement alors que tim joue sur l'herbe un peu plus loin. son regard fait l'aller-retour entre son fils et les écritures. pour une fois, elle se sent apaisée, les rayons du soleil caresse sa peau alors que d'une main elle joue avec l'alliance de son mari qu'elle porte désormais autour du cou. tim et elle avaient vraiment besoin de prendre l'air. le jeune garçon a tendance à se renfermer sur lui-même, comme elle. elle est heureuse de le voir s'amuser avec d'autres enfants. son fils a besoin de chaleur et de stabilité, elle fait ce qu'elle peut mais sa morosité finit souvent par les rattraper. et ça, ça la fait culpabiliser. le sourire aux lèvres, elle retourne aux aventures d'elizabeth et de mr darcy.

lorsqu'elle relève les yeux après avoir lu quelques lignes, tim n'est plus à portée de son regard. le sang d'eva se glace, elle sent son sourire quitter son visage qui blêmit. elle se lève d'un bond en laissant tomber le roman de jane austen dans son sac. les battements de son cœur résonne dans ses oreilles. eva revit l'enfer. ses yeux courent sur l'étendue d'herbe devant elle tandis qu'elle appelle son fils. elle n'aurait jamais dû sortir un livre, elle aurait dû garder les yeux fixés sur son fils en permanence. elle ne s'en remettrait jamais, s'en voudrait pour toujours s'il arrivait quelque chose au petit garçon. tim est toute sa vie, elle n'a plus que lui. il n'a plus qu'elle et elle vient de commettre une terrible erreur. les larmes aux yeux, eva respire fort, elle sent la crise d'angoisse venir la chercher. elle continue à appeler tim quand elle l'aperçoit enfin. il est avec un inconnu et eva se précite vers eux. arrivée en face de son fils, elle se laisse tomber à genoux en attirant tim vers elle. elle essuie ses larmes en serrant l'enfant contre cœur. « ¡tim! ¡dios mio, he tenido miedo! » elle est soulagée autant qu'elle est énervée et son esprit est embrumé. elle n'arrive pas à exprimer une pensée cohérente. « je t'avais dit de ne pas t'éloigner de moi, de ne pas parler à des inconnus ! tu vas bien ? » eva ne sait plus si elle est en train de gronder son fils ou de tenter maladroitement de le réconforter, de se réconforter. ses mains tremblent encore quand elle lève son regard vers l'homme qui est toujours présent. « je... je suis désolée... » il n'a pas l'air méchant et ne semble pas avoir voulu de mal à tim. « je veux dire... on ne sait jamais... »

Sortir, se sociabiliser. Depuis quand ces deux activités étaient devenues une corvée pour lui ? Archie n'était pas capable de s'en souvenir. Sûrement depuis longtemps, depuis qu'il avait dû mal avec le regard des gens, depuis qu'il se méfiait de chaque individu. Cet paranoïa incompréhensible lui pourrissait un peu la vie mais il la combattait. Il la combattait en sortant, en faisant des activités. Il luttait pour ne pas s'enfermer chez lui, dans ce cocon qu'il avait crée. Il avait en réalité deux cocons : Son appartement et sa cuisine au RabbitHole. Deux endroits où il se sentait en sécurité, chez lui. Mais alors qu'il était en jour de repos forcé, il avait décidé de sortir, de prendre l'air.

Vu le temps, il avait opté pour le parc et il n'était pas le seul à avoir eu cette idée. Les familles étaient de sorties, les jeunes aussi. Archie n'était pas plus vieux qu'eux et pourtant, il se sentait complètement déconnecté de ces gens. La solitude l'avait gagné et il luttait pour ne pas laisser son regard traîné sur le sol. Il ne fallait pas qu'il se laisse envahir par l'anxiété. Il était ici pour la combattre. Alors il se promena aux alentours de la zone des enfants. Voir leur insouciance lui faisait du bien. A cette période, on se fichait pas mal d'avec qui on discutait ou jouait, tant qu'on aimait la même chose. Il glissa une main dans sa barbe quand il sentit une main lui tirer la manche.

Ses yeux quittèrent l'aire de jeu pour voir un petit garçon qui ne semblait pas très vieux. Instinctivement, Archie regarda autour de lui. Est-ce que ce petit bonhomme était seul ici ? Impossible. « Salut toi ! Tu es perdu ? » Le petit garçon le regarda. Il semblait vouloir lui demander quelque chose. Un ballon perdu dans un arbre ? Retrouver une médaille ou un collier ? Un de ses jouets ? Archie aimait beaucoup les enfants, parce qu'il ne les craignait pas. Et ils le leur rendaient bien. Son physique, que beaucoup qualifiait d'ingrat, le rendait sympathique auprès des enfants. Il n'y avait qu'à voir au restaurant, quand il s'aventurait dans la salle ou avec les enfants de ses rares amis.

Et alors qu'il s'apprêtait à demander ce que voulait le petit garçon, une jeune femme arriva, affolée. Surpris, Archie se tut. Il recula d'un pas, pour laisser la jeune femme qui semblait être la mère de ce petit garçon - trop vieille pour être une nounou - le rassurer. Lorsqu'elle leva les yeux vers lui, Archie sourit, gêné. « Il n'y a pas de quoi... Je ne sais pas trop ce que votre fils me voulait. Mais je comprends. J'aurais pu être mal intentionné. » Il n'allait pas se vexer. Elle jouait son rôle.

« Peut-être qu'il a senti les odeurs des cookies que j'ai préparé ? » Et il sortit un sachet avec des cookies de sa poche. Il comptait les grignoter sur un banc et il se rendit compte de ce que ça pouvait sous entendre alors qu'il montrait le sachet à la mère du petit garçon. Ne disait-on pas que les kidnappeurs amadouaient les enfants avec des sucreries ? Archie s'insulta mentalement, qu'il pouvait être sot parfois...

le soulagement s'empare d'eva alors qu'elle retrouve son fils. la panique s'éloigne petit à petit alors qu'elle retrouve une respiration régulière. elle justifie sa peur comme elle peut auprès de cet inconnu. heureusement, il semble comprendre son accès de désarrois et n'a pas l'air de se vexer. « j'espère qu'il ne vous a pas dérangé. » reprend-elle en lançant à tim un regard à la fois mi réprobateur, mi soulagé. son cœur se remet à battre à un rythme normal depuis qu'eva a retrouvé la présence de son fils qu'elle serre à nouveau contre elle. « todo esta bien cariño » murmure-t-elle au creux de son oreille. elle essaye de ne pas penser aux nombreux malheurs qui auraient pu arriver à son fils en s'éloignant de la sorte. loin de vouloir lui faire la morale au milieu du parc, elle se dit qu'il faudra à nouveau discuter avec tim de la dangerosité de la naïveté et de la malveillance de certaines personnes à l'égard des enfants. elle aimerait ne pas être seule pour faire l'éducation de tim, pour le protéger et lui expliquer les comportements des individus qui croisent sa route. elle soupire, elle aimerait que john soit là pour voir grandir leur fils.

la maladresse de l'homme qui montre son sachet de cookies arrache un sourire à eva. encore peu à son aise elle commente le sachet de cookies « ils ont l'air réussis. tim est un grand fan de cookies. » elle lance un clin d'œil à son fils qui lui montre un groupe de garçons qui doivent avoir à peu près son âge et part jouer avec eux. eva se tourne à nouveau vers l'inconnu. « je suis désolée, j'ai tendance à surprotéger mon fils. » elle se garde bien de donner les raisons mais se sent obligée d'échanger quelques mots avec l'inconnu. « je lui ai dit plusieurs fois de ne pas s'approcher des inconnus, mais... il est curieux. » elle se présente finalement en tendant sa main. « eva. » elle laisse à nouveau son regard courir sur le parc et sur les enfants qui jouent. « vous avez des enfants ? »