Tu fais tourner la chaise dramatiquement et tu te penches avec celle-ci pour attraper la poignée du tiroir et l’ouvrir d’un coup sec, faisant tinter les couverts à l’intérieur. Tu en prends une pleine main, d’un coup de pied tu le fermes et tu te retournes à nouveau en lâchant bruyamment le tout sur le comptoir. « Désolé de ne pas avoir tes problèmes de confiance en toi, mon gros. » Tu trempes dans un des plats ta cuillère et t’en mets plein la bouche en soupirant d’aise, mastiquant bruyamment, un sourire mi-figue mi-raisin accompagnant ton déglutissement. « Me supporter ? C’est un vilain mot, ça. Ils m’adorent. » C’était très vite dit et surtout un beau mensonge, tu étais insupportable et si certains te fréquentaient parce que tu les amusais ou qu’ils avaient le cuir plus dur, d’autres avaient demandé à ne pas avoir à te fréquenter ou d’être mis sur les mêmes patrouilles que toi. « Je suis si charmant. »

« Tu peux pas arrêter de foutre du bordel ? Après c'est moi range. »

Je souffle ma fumée, balance la jambe qui est calée par-dessus l'autre dans un mouvement nerveux qui m'est parfaitement habituel. J'ai un haussement d'épaules, un rire condescendant à ses protestations.

« Tu n'as pas confiance en toi, tu te fais des illusions, c'est différent. Et tu n'es pas charmant, il se trouve juste que tu me plais. J'espère pour tes collègues que c'est pareil sinon je les plains ! »

Bon je ne pense pas qu'il plaise à absolument tout le monde surtout s''ils sont obligés de se le cogner pendant une patrouille. Je me lève, lui pique une barquette de nouilles aux crevettes épicées et m'éloigne rapidement pour qu'il n'ait pas le temps de me rattraper.
Le piment m'explose dans la bouche et j'ai un gémissement proche de celui que je fais quand on me prend.

« La bouffe asiat c'est quelque chose quand même ! »

« Bien que tu fasses quelque chose d’utile. » Tu rétorques derrière ta cuillère, les yeux pétillants d’amusement – bien que vitreux d’une fatigue pas seulement due au manque de sommeil. Après avoir trempé tes doigts et tes couverts dans tous les plats, tu te repousses en arrière dans ta chaise, croisant les mains derrière ta nuque en t’étirant. « Je m’auto-persuade tellement bien que je sais que j’ai confiance, projette pas tes problèmes sur moi. » Tu lui offres un clin d’œil amusé. « Je ne suis gentil qu’avec ceux qui ont un beau cul ou qui sucent bien. » Tu le laisses tranquillement piquer la barquette, cillant à peine au gémissement presque indécent qu’elle produit en avalant une bouchée. « Les niakwés sont bons à beaucoup trop de choses si tu veux mon avis. Qu’ils soient plusieurs milliards n’y est probablement pas pour rien. » Tu balances ta cuillère dans l’évier depuis ta place et tu sautes de ta chaise pour aller récupérer tes godasses qui te raccompagnent jusqu’à ton siège. « A être toujours tout nu, tu vas finir par avoir une peau rabougrie. »

J'étrécis les yeux, pas vraiment vexé, un peu piqué tout au plus, dans une attitude qui est totalement associée à la présence de Tom et à ce qu'il peut dire ; il est doué pour être désagréable comme je le disais.

« Tu te plains systématiquement quand on est pas au pieu. »

Par contre une fois la bagatelle lancée, je l'entends plus râler ! J'étouffe un rire à sa tirade raciste, mâchant une autre crevette qui me creuse un chemin de feu dans l'oesophage. Hmm, délicieux.

« Je me demande comment tu fais pour survivre avec une façon de parler pareille. C'est pas possible, certaines personnes pensent que tu fais de l'humour. »

Alors que je n'en suis pas tout à fait persuadé... Je termine rapidement la barquette alors qu'il remet ses pompes, la laisse tomber dans la poubelle qui s'actionne avec une pédale, me lèche les lèvres, passe les mains sous l'eau.

« C'est gentil de t'inquiéter, mais j'ai un bon hydratant. Je file à la douche d'ailleurs alors si tu veux me le passer après... »

J'ai un rire léger, me redressant pour filer dans le couloir direction la douche ; l'après-midi avance mine de rien et j'ai des courses à faire avant ce soir.

« C’est que t’as beaucoup de choses à améliorer. » Tu persifles, sautillant pour retourner t’asseoir avec ta chaussure pour les lacer. La question de Liberty t’était souvent posée et la vérité était que tu ne savais pas réellement ; certes les gens craignaient de frapper quelqu’un, ne souhaitaient pas assumer leur geste. Frapper un flic était également la porte ouverte à beaucoup de violences auxquels les gens n’étaient pas prêts à se confronter. « Mais je fais de l’humour, voyons ! » Tu glousses en tirant sur tes lacets brutalement. « Pourquoi t’hydrater alors que tu sors de sous l’eau ? » Tu tournes la tête, le suit des yeux et lorsqu’elle disparait dans la salle de bain, tu glisses les restes du repas dans le sachet, enfile ta veste et fait un signe de main à une coloc’ et tu sors sans plus attendre Liberty.