Whitney était partie à la retraite depuis deux mois quand Malina et ses collègues ont enfin trouvé sa remplaçante, celle qui resterait, comme l’espère la sexologue. Whitney avait été embauché à l’ouverture du cabinet médical et s’était rendue si indispensable toutes ces années qu’il avait été difficile pour la coréenne de la voir partir. Mais l’âge avançant, il était devenu légitime qu’elle rêve de rejoindre ses enfants de l’autre côté de l’océan. Le pot de départ avait été en comité restreint mais plein d’émotions. Puis, deux mois très compliqués ont débuté. Entre le poste de praticien libre qui joue sur les finances des autres associés – parce que diviser le loyer en 3 ou en 4 ce n’est pas tout à fait pareil – et les trois petites jeunes qui avaient pourvu le poste pas plus de deux semaines chacune – parce que la jeunesse n’a pas envie de travailler ou que même répondre au téléphone est semble-t-il trop compliqué – Malina commençait à être vraiment fatiguée et cela commençait même à se ressentir dans sa vie privée.

C’est là qu’est arrivé Erin, jeune femme bien sous toute couture au premier abord. C’est Malina qui lui a fait passer son entretien, avant de lui présenter ses deux confrères. Le feeling est tout de suite passé avec la jeune femme et la coréenne a été touché par son parcours. Aussitôt, elle était embauchée. Et après deux semaines à son poste, l’unanimité des professionnels avaient envie et espoir qu’elle reste.

Profitant d’une journée peu chargée dans son emploi du temps, Malina avait fait un peu de tri dans ses dossiers, libérant un peu d’espace dans ses placards. Puis, vers l’heure de déjeuner, elle se rend à l’accueil du cabinet. « Erin, tu n’as rien de prévu ce midi ? » lance la sexologue de son dynamisme habituel. « Si ça te dit qu’on déjeune ensemble et qu’on en profite pour faire un point sur ton poste. » Son sourire est chaleureux. « A l’extérieur ou bien on achète un truc pour manger ici. »

Trouver un emploi, un poste fixe en plus et aussi rapidement, je ne pensais pas que quelque chose comme cela puisse se produire ailleurs que dans les films. Peut-être que New York était vraiment une ville à part du reste du monde. Il y a un deux semaines je me souviens m'être installer dans un café, à parcourir les annonces d'emplois, avoir faire quelques téléphones infructueux avant de passer l'appel qui avait été le bon. Le rendez-vous avait été très rapidement fixé, l'entretien très agréable, un bon contact avec celle qui se révèlerait être ma nouvelle patronne et deux jours plus tard, je débarquais pour prendre mes fonctions et faire connaissance des deux autres thérapeutes du complexe.

De manière général, gérer l'agenda d'un médecin n'était pas la chose la plus simple, alors pour trois ce n'était pas une mince affaire, pourtant le challenge me motivait, je voulais à tout prix leur montrer qu'ils pouvaient tous compter sur moi, et l'organisation c'est ce que j'aime alors bien sur j'avais commencé par reprendre les méthodes employées par celle qui avait tenu le navire tant bien que mal entre l'employée dont tout le monde semblait regretter le départ en retraite. Pourtant j'avais petit à petit pris quelques notes sur les améliorations que je pourrais apporter pour simplifier les choses, pour que tout se passe au mieux et de la manière la plus optimal autant pour les patients, les thérapeutes et aussi un peu pour moi.

La matinée était plutôt calme, et alors que j'allais me lever pour venir apporter quelques papiers à Malina, elle me devança et me rejoins vers le bureau et je l'accueil avec un sourire lorsqu'elle me demande mes plans pour la pause de midi, me proposant de la passer en sa compagnie et d'en profiter pour faire une sorte de bilan de mes premières semaines. "Aucun de vous n'a de rendez-vous avant 14h30 aujourd'hui, alors je pense que c'est une bonne idée, si on reste par ici, on aura plus de temps pour discuter, je peux nous commander quelque chose…" décrochant le téléphone je l'interroge une fois de plus avec le sourire "Tu as une envie particulière … pour le repas je veux dire."

Malina est ravie d’entendre que sa nouvelle collègue est d’accord pour manger avec elle. La solitude, elle déteste ça, alors quand elle ne rejoint pas Cian, Maddi (les deux personnes avec qui elle partage sa vie), ou un autre de ses crushs du moment, elle trouve toujours une solution pour appeler un ami ou s’imposer auprès d’un de ses collègues. Il y a bien sa sœur aussi, mais trop occupée qu’elle est avec son propre métier, il est souvent difficile de trouver d’autres moments pour se voir que le weekend, notamment les dimanches en famille.

Erin la devance, ayant déjà décroché son téléphone. Décidemment, même pour cela, elle marque des points. La sexologue a toujours apprécié les personnes efficaces et dynamiques, qui conviennent bien avec son propre caractère. Les tout mous, elle n’y arrive tout simplement pas, n’arrivant pas à les comprendre et à se connecter avec eux. « Sushis ou pizza, choisis. » Un clin d’œil. A vrai dire, elle s’en fiche, du moment qu’elle a quelque chose à manger.

Malina s’éloigne quelques secondes, profitant que son assistante passe la commande pour timbrer son courrier et le mettre dans la bannette adéquate que viendra chercher le facteur plus tard dans la journée. Puis, elle se dirige vers la salle qui sert de salle de repos, où elle sort deux verres et une bouteille d’eau du réfrigérateur. Quand elle a de nouveau Erin dans son champ de vision, elle ne perd pas une seconde de plus. « Alors, dis-moi tout, tu te sens bien ici ? Ça te plait ? »

Hésitant quelques secondes, je nous commandais pizza et salade alors que Malina retourne s'occuper de ses affaires un moment dans son bureau. J'en profite pour mettre en place l'organisation de quelques prochains rendez-vous, et fait encore un ou deux téléphones avant de raccrocher lorsque le livreur fait son entrée et s'approche du comptoir. Une fois notre repas payé, je rejoins la thérapeute dans la salle de repos et réponds à sa question avec un sourire.

Si ça me plaisait ? Si je me sentais bien ? Elle n'avait pas idée, pour un peu je lui sauterai au cou tellement ce poste était parfait, mais il fallait que je fasse attention j'étais son employée et paraître trop familière et de toute manière je n'étais pas aussi amicale avec les gens que je ne connaissais pas trop, encore moi dans un contexte professionnel.

"Franchement, je me sens vraiment bien, cela ne fait que deux semaines mais vraiment je sens que je vais vraiment me plaire parmi vous." Posant la pizza et les deux petites salades sur la table, je tire une chaise et m'y installe attendant qu'elle fasse de même. Attrapant une tranche de pizza je ne l'attends plus et y mord à pleine dents. Après quelques secondes, je reporte mon regard sur la jolie brune. "Merci de m'avoir donné ma chance, j'avoue que je ne pensais pas réussir à trouver un poste aussi génial aussi rapidement, je suis vraiment contente de pouvoir enfin être utile et pouvoir me débrouiller par moi-même, être indépendante. J'espère que vous êtes contents de moi, je sais que je viens d'arriver mais je veux vous montrer que vous avez fait le bon choix !"

Malina a faim alors quand elle voit Erin se faire plaisir en mordant dans sa part de pizza, elle ne tarde pas à en faire autant. Parfois, elle se demande comment elle fait pour garder la forme car elle est loin de manger équilibré, tout en ne faisant pas masse d’exercices physiques. Mais peu importe la raison, tant que ça continue de fonctionner. Elle est heureuse d’apprendre que la jeune femme se plait dans le cabinet. « Je suis ravie de l’apprendre. » Après les précédents déboires, cela soulage la coréenne qui n’a vraiment aucune envie de reprendre les entretiens d’embauche et toutes les démarches administratives qui vont avec. « Tu ne t’en rends pas compte mais tu es une bénédiction pour nous ! » Et elle ne mache pas ses mots. Quand la sexologue est contente du travail de quelqu’un, elle n’a pas peur de le dire, même si c’est susceptible de changer dans le futur en fonction des actions de la personne, évidemment. « Tu sais qu’avant toi, pas moins de trois personnes se sont succédé après le départ de Whitney ? Je commençais à désespérer. » Malina se met à rire. Elle n’a pas pour habitude de cacher les choses qui ont pu se passer. Secret professionnel, oui, mais voilà, ça s’arrête là. « Je ne suis pas en train de dire que n’importe qui motivé aurait fait l’affaire, attention, on ne se serait pas contenté de quelqu’un de moyen ! » Elle ne voudrait pas faire croire non plus à Erin qu’elle est là « par défaut ». « J’apprécie tout particulièrement le fait que tu saches te débrouiller. C’est vrai qu’on n’a pas toujours le temps de tout te montrer. Whitney était tellement autonome que limite, elle nous envoyait promener quand on mettait les pieds dans ses affaires. » La vieille femme avait du caractère mais c’est aussi pour ça que ça collait bien avec les associés. « D’ailleurs, on voulait te proposer une formation sur les bases des différents types de médecine alternative, histoire que tu puisses bien connaitre le vocabulaire et savoir de quoi les patients pourraient éventuellement te parler. Il y a une session sur 3 jours le mois prochain, à New York bien sûr. »

En entendant les mots de la coréenne à son propos, je faillis m'étrangler avec ma bouchée de pizza, avalant péniblement je la regardais avec des yeux grands ouverts. "Une bénédiction, je pense qu'il ne faut quand même pas exagérer, je ne suis pas le messie non plus !" J'appréciais le compliment bien entendu et j'avais cru comprendre que trouver quelqu'un pour remplacer la précédente employée n'avait pas été chose aisée. J'en eu la confirmation lorsque Malina me confia qu'avant moi le poste avait été occupé temporairement et sans trop de succès par trois autres personnes. "D'après ce que j'ai pu entendre, Whitney était une véritable perle donc je comprends que vos exigences à tous étaient hautes pour trouver quelqu'un qui puisse la remplacer." Je ne prétendais pas être à la hauteur car je ne connaissais pas la fameuse ancienne employée mais j'avais bien compris qu'elle avait marqué les esprits, c'était normal que les comparaisons soient légions. Elle enchaina pour me faire comprendre que je n'étais pas un choix par défaut et que si j'étais là c'est que j'y avais ma place. "Je sais qu'elle tenait une place importante et je ne veux en aucun vous la faire oublier, j'espère que j'arriverai à lui faire honneur en devenant autant douée qu'elle." Mon indépendance dans le travail semblait être un atout de taille pour elle, effectivement avoir quelqu'un dans les pattes qui viennent à tout bout de champs vous demander comment on devait s'y prendre devait être pénible. Cela dit ce n'était pas dans mon caractère de rabrouer les gens, j'étais plutôt du genre à écouter, sourire et n'en faire qu'à ma tête dès qu'ils avaient le dos tourné s'ils m'avaient fait perdre mon temps, mais pour cela il fallait me donner une bonne raison, je suis de nature calme et patiente, les qualités essentielles pour ce genre de poste. "J'ai vu qu'elle avait des systèmes de classement bien à elle, je risque de reprendre certaines choses mais de mettre en place mes propres classement aussi si ça ne pose pas de problèmes, je veux pouvoir être le plus efficace pour que tout roule pour le mieux pour tout le monde." Ce n'était en aucun cas une manière de vouloir prendre le pouvoir, mais juste une solution pour faire gagner du temps à tout le monde, je savais comment je fonctionnais alors autant faire le nécessaire pour que tout le monde en ressorte gagnant. En l'entendant me proposer une formation de trois jours pour que je puisse parfaire mes connaissances sur les divers types de médecines alternatives afin de pouvoir être vraiment à l'aise avec le vocabulaire. "J'adorerai oui ! Ce serait une bonne manière de me familiariser avec l'environnement du cabinet. Je n'y connais pas grand-chose encore mais c'est un domaine qui m'intéresse alors cette formation je suis vraiment intéressée de la suivre !" Attrapant une seconde part de pizza, je pensais soudainement à quelque chose, ce genre de formation n'était pas gratuite, il fallait que je vérifie si mon intérêt allait être étouffer dans l'œuf ou non. "Combien est-ce que je devrai débourser pour la formation ? Je préfère vérifier avant de confirmer mon inscription."

Malina n’avait pas pour habitude de macher ses mots alors quand elle dit quelque chose, c’est qu’elle le pense. Alors oui, peut-être qu’elle utilise des qualificatifs un peu trop fort, mais ça ne la gène pas. Elle se met à rire aux paroles de sa nouvelle employée. « Le truc, c’est que chaque associé a sa discipline, et aucun de nous n’a vraiment de capacités administratives. On préfère se concentrer sur ce qu’on fait le mieux avec nos patients. » Elle est transparente, Malina, un peu trop pour son propre bien d’ailleurs, mais heureusement, avec Erin, elle n’a pas grand-chose à craindre sur un trop plein d’honnêteté, normalement. « Du coup, du moment que ça continue de rouler et que ça reste simple et efficace pour nous, je pense que ça conviendra à tout le monde. » La coréenne et les autres associés ne veulent juste pas qu’on leur rajoute du travail supplémentaire ou qu’ils perdent du temps avec des procédures inutiles, mais ça semble logique. Il est dans l’intérêt de tous que tout roule comme sur des roulettes. En dehors de ces quelques exigences, ils laissent donc toute latitude à la nouvelle assistante, tout simplement car ils ne sauraient que lui conseiller de toute manière.

Malina finit par parler à Erin d’une formation. C’est quelque chose dont ils avaient déjà parlé avec les associés, même si la Coréenne était à la base du projet. Elle est heureuse de voir l’enthousiasme de la brune et ne peut s’empêcher d’émettre un sourire. « Seulement payer tes repas du midi. » Confirme-t-elle à Erin. « Nous avions fait un dossier auprès de la mairie il y a quelques temps, car nous rencontrions des difficultés financières, en raison de la place vacante d’associé. Ils n’ont pas pu nous aider pour ce côté-là mais nous ont proposé une aide pour tout ce qui est formation du personnel. Et on va s’arranger pour compléter la différence. » Le ‘on’ faisant référence aux professionnels de santé. Malina la première avait trouvé plus qu’utile cette formation qui permettrait de gagner en efficacité sur le long terme. « La seule chose qu’on aimerait te demander en échange est de de pas démissionner pendant au moins un an, histoire qu’on rentre dans nos frais. » Elle est consciente que c’est à double tranchant comme demande : soit ça conforte la personne dans le fait qu’elle est sûre de garder son emploi, soit elle a potentiellement envie de faire autre chose et… « Bien sûr, on peut repousser la formation jusqu’à ce que tu sois certaine, car on est conscient que ça peut être beaucoup demander comme engagement… » Malina finit sa part de pizza, boit un coup et en commence une deuxième, la dévorant à vitesse éclair.

Spoiler:

Tout en mangeant tranquillement mon morceau de pizza je l'écoutais et enregistrait toutes les informations. Savoir que je pourrai faire mon travail en m'organisant à ma guise sans devoir absolument reprendre point par point les systèmes de ma prédécesseure me plaisait. Bien sûr j'avais pu remarquer qu'elle avait toujours fait un très bon boulot et que les praticiens avaient pris leurs habitudes avec elle, mais avoir de la liberté était important pour moi. Je travaillais toujours mieux lorsque j'étais maîtresse de mes idées et que je n'avais pas à me brider et entrer dans des cases et en respecter absolument les limites. Je n'étais pas du genre à tout envoyer balader et à mettre le bazar dans un système qui fonctionne, je le voyais davantage comme une amélioration, une augmentation des performances de chacun. Si j'étais totalement à mon affaire, que je pouvais m'organiser comme bon me semble, je serais plus productive et cela servirait tant les praticiens que les patients. C'était ça que je voulais, être la plus efficace possible pour que je m'y sente bien mais que tout le monde en bénéficie au final.

La proposition de formation était plus qu'intéressante, et malgré tout j'avais un tout petit doute, raison pour laquelle j'avais posé la question du financement de cette dernière. Avoir trouvé ce job en si peu de temps après avoir débarqué à New York avait été un vrai petit miracle. Tout quitté, changer d'air et enfin prendre ma vie en main m'avait réussi pour le moment dès que j'avais posé le pied à l'aéroport et que mon frangin était venu me chercher. Après une semaine à l'hôtel, Kenneth s'était arrangé avec l'une de ses amies qui avait accepté de m'héberger, le temps que je retombe sur mes pattes. J'avais envie de reprendre le dessus, de prendre véritablement ma vie en main et j'y étais presque. J'avais envie d'être aussi sincère avec Malina qu'elle l'était avec moi lorsqu'elle m'annonça qu'à part mes repas le reste serait pris en charge. J'avalais la fin de ma tranche de pizza et laissait un large sourire se dessiner sur mon visage lorsqu'elle me dit qu'en échange de cette formation et à titre d'engagement, je promettais de rester à mon poste au minimum un an. Savoir que je pouvais avoir un poste fixe pour un an au minimum me donnait envie de lui sauter au cou, mais après avoir attrapé un nouveau morceau de pizza, je la regardais et lui répondis. "Cette formation serait vraiment une super opportunité, mais si on peut la repousser un petit peu, je préférerai que j'en ai fini avec mon divorce pour que je puisse m'y consacrer totalement ! Trouver un appart à moi aussi, pour le moment je loge chez une amie de mon frère, mais savoir que je peux rester à ce poste ça pourra m'y aider aussi, à trouver un logement à moi." Mordant à pleine dents dans ma pizza, je me sentais bien avec elle, de pouvoir dire ce que j'avais sur le cœur et d'être franche, elle m'avait donné ma chance, je voulais lui montrer qu'elle ne s'était pas trompée, que j'allais être la meilleure assistante qu'elle ait pu engager.

Malina hoche la tête. Elle n’est pas déçue par la réponse de la jeune femme car elle-même aurait sans doute demandé la même chose dans pareille situation. Elle n’est pas sans savoir qu’Erin est nouvelle en ville et qu’elle a encore quelques affaires à régler. Ce sont des choses qu’elles ont un petit peu abordées jusque là, sans aller dans le détail non plus. Néanmoins, maintenant qu’elles se connaissent un peu mieux, l’asiatique a envie de délier sa langue et de laisser vaquer sa curiosité. « Ça ne devrait pas poser de problème. » Sourit-elle en finissant sa part de pizza. Elle est déjà calée au bout de deux grosses parts, ce qui est quelque peu étrange pour la gourmande qu’elle est. Pour autant, elle rattaque dans une nouvelle après quelques gorgées d’eau.

« On est toujours mieux chez soi, c’est sûr. » Voilà quinze ans qu’elle vit au même endroit, qu’elle y a ses petites habitudes et qu’elle ne compte changer pour rien au monde. Pourtant, il le faudrait s’ils envisageaient d’agrandir encore la famille d’une manière ou d’une autre, car avec leurs T3, un quatrième membre serait de trop. Mais comme ce n’est nullement en projet, la brune n’y pense absolument pas. « Ton ancien logement ne te manque pas ? » demande-t-elle en espérant ne pas être trop indiscrète, même si elle a peu de scrupules à ce sujet en règle générale. Si les gens ne veulent pas répondent, ils ne lui répondent pas, voilà tout. « Enfin… J’imagine que tant que le divorce n’est pas officiellement prononcé, ça ne doit pas être évident de tourner pleinement la page… » Elle émet une légère grimace. « Je suis mariée depuis 15 ans. Je n’ai jamais connu ça personnellement, mais j’en vois défiler tous les jours, des personnes qui divorcent, alors forcément… je commence à en connaitre les ficelles. » Mais chaque cas est différent, elle le sait pertinemment. Les choses ne sont jamais simples. Il n’y a pas une seule règle. Et d’ailleurs, ça ne se passe pas toujours mal. « Enfin… Je dis pas ça pour… Enfin… Tu m’as compris, non ? » Elle s’empêtre encore. Malina ne veut pas qu’Erin pense que la sexologue pense mieux savoir que tout le monde, du fait de son métier, loin de là d’ailleurs.

Toujours mieux chez soi. C'était vrai à une époque qui me paraissait terriblement lointaine aujourd'hui. La dernière fois que je m'étais réellement sentie chez moi c'était lorsque j'étais gamine, avec mes parents et mon frère, j'avais l'impression que c'était il y a un siècle. "J'ai jamais vécu seule, en famille, ensuite avec mon mari, aujourd'hui je squatte chez une amie de mon frère, mais avec la chance que tu m'as donné avec ce job, je vais enfin pouvoir commencer à chercher un appartement où je pourrai enfin être chez moi." Si mon ancien logement me manquait ? Je retins un rire, je n'avais pas vraiment eu mon mot à dire, Vikram avait acheté cet appartement à Chicago sans m'en parler, avait accepté sa mutation sans rien me dire et m'avait mise devant le fait accompli quelques semaines avant le mariage seulement. J'étais arrivé dans un appartement dans lequel il y avait ses meubles, ses affaires et j'y avait posé mes valises. "Cela faisait un an que j'y vivais, je suis partie en emportant pratiquement toutes mes affaires qui tenaient dans deux valises, non cet appartement ne me manquera pas !" Lorsqu'elle mentionna à son tour mon divorce j'avais presque envie de me confier à elle sur mon histoire, après tout elle en savait déjà une partie. "Je dois voir mon avocat demain après le travail, j'espère qu'il va pouvoir faire avancer les choses, en effet je n'ai qu'une hâte c'est que les papiers soient signés pour que je puisse passer à autre chose." J'ouvris de grands yeux lorsqu'elle me dit être mariée depuis 15 ans, j'avais du mal à le croire, pas que ce ne soit pas possible mais avec mon peu d'expérience je ne savais pas comment on pouvait rester avec quelqu'un aussi longtemps, je souris lorsqu'elle dit connaitre le divorce mais s'emmêla un peu en se rendant compte que j'avais peut-être mal interprété sa phrase. "Rassure-toi j'ai bien compris ! Je ne t'en veux pas, je suis admirative 15 ans ça me parait une éternité, je suis contente que tu ne sois pas tombée sur quelqu'un comme mon mari, je ne le souhaite à personne." Ayant fini de manger, m'adossant plus confortablement dans mon siège, je la regardais quelques instants en silence avant d'oser lui demander ce qui me trottait dans le crâne. "Malina, si je te pose une question, est-ce que ça peut rester entre nous ? Je veux dire je me pose certaines questions à propos du couple que je formais avec mon mari …"

Malina sourit à son employée ; l’écoutant attentivement. Elle est heureuse de pouvoir aider à son niveau. Puis, la discussion s’en suit vers quelques confidences. Bien que bavarde, Malina sait quand il est bon de fermer sa bouche. Elle a des années d’expérience en tant que sexologue et ça l’a aidé dans sa vie privée à se freiner sur son trop plein d’émotions – bien que ça dépende avec qui elle est. Avec ses proches, c’est une toute autre affaire. D’un côté, elle trouve dommage que les affaires d’une personne tiennent en deux valises, mais d’un autre côté, elle sait que c’est plus facile ainsi pour Erin de penser au futur. « Il n’y a malheureusement que des personnes saines sur Terre et on se rend bien souvent compte de la véritable nature des gens que quand il est trop tard. L’adage qui dit que l’amour rend aveugle n’est que bien trop vrai… » Elle-même est tombé sur certaines énergumènes au cours de son butinage de fleurs en fleurs. Tombant amoureuse bien trop rapidement, faisant confiance bien naïvement, ses partenaires peuvent en profiter. Ce qui la touche le plus souvent est peut-être anodin mais ne manque pas de la blesser à chaque reprise : le partenaire apprend qu’elle est polyamoureuse et trouve cela excitant. Par curiosité, iel veut tenter une relation, juste par goût d’aventure, sans se soucier des sentiments qui pourraient naitre chez l’asiatique. Iel oublie alors qu’elle a un cœur et celui-ci se fait indéniablement piétiner. Elle s’en remet assez rapidement, la plupart du temps, mais malgré tout, ça reste douloureux de vivre de telles déceptions. « Je te le souhaite de tout cœur en tout cas. » dit-elle en tout sincérité. « A vrai dire, j’ai du mal à croire que ça fait réellement 15 ans. Notre… fonctionnement de couple aide sans doute à garder la flamme. » Pourtant, elle est bien présente la routine, dans leur couple de papi mamie. Elle laisse échapper un petit rire. Puis, le ton de la brune devient plus grave et Malina ne manque pas de retrouver son sérieux, presque aussi rapidement. « Bien sûr ! » répond-elle alors dans un sourire encourageant, attendant la fameuse question de l’employée.

Je répétais sa phrase malgré moi en riant "L'amour rend aveugle … sans doute mais je peux pas vraiment parler d'amour avec lui…" je restais sur la retenue ne finissant pas ma phrase, pourtant elle me mettait à l'aise et j'avais envie autant que besoin de parler on dirait. Mon mariage avait été plus ou moins arrangé je n'avais pas trop eu mon mot à dire c'était prévu comme ça et comme ma mère le disait sans cesse, tu te maries et l'amour vient plus tard. Elle avait eu de la chance elle, il y avait bien de l'amour entre elle et mon père mais cela n'était pas le cas de mon côté, elle n'en a jamais parlé mais je ne pense pas que mon père l'ait trompée ou en tout cas pas comme Vikram le faisait avec moi. Comment il pourrait y avoir de l'amour qui se développe pour un homme qui même pas vingt-quatre heures après avoir promis amour et fidélité se tapait l'une de ses collègues de travail. Vivement, oui vivement que ce divorce soit prononcé pour que je puisse enfin être libre de démarrer ma vie sans avoir peur qu'il revienne ou qu'il trouve un moyen de m'empêcher de mener ma vie comme bon me semble.

A sa manière de parler de son couple, Malina montrait qu'elle était heureuse et épanouie en tout cas c'est ce qu'elle dégageait et l'envie de pouvoir être aussi bien donnait envie. J'avais besoin de réponse et pouvoir parler librement avec celle qui était ma patronne pouvait sembler un peu déplacé mais pourtant elle était l'une des rares personnes qui pouvait répondre sincèrement à mes questions. Si je devais pouvoir avancer il allait falloir que je fasse table rase du passer et que je découvre ce que le futur pourrait me réserver, me découvrir tout simplement. Elle accepta et me confirma que ce que je pourrai lui demander resterait entre nous uniquement, cela me rassura et ne la regardant pas directement je me lançais. "Mon mariage était plus ou moins arrangé, c'est un peu comme ça dans notre culture, je ne m'y suis pas opposée après tout je ne savais pas ce que ça donnerait et j'avais envie d'y croire je pense. Mais mon ex est un parfait connard qui m'a trompé dès le premier jour de notre mariage avec tout ce qui bougeait ou presque. J'ai pas pu m'empêcher de me demander si c'était ma faute. Lui avait de l'expérience avant moi, mais c'est le premier et seul homme que j'ai connu donc est-ce que ça pourrait être à cause de moi qu'il ait été voir ailleurs ?"

Malina comprend bientôt mieux pourquoi il était difficile de parler d’amour pour Erin dans le cadre de son mariage. Elle n’a jamais approuvé tout ce qui est arrangé et qui va à l’encontre du libre arbitre de chacun. Pire que ça, elle défend la liberté pour chaque individu de choisir sa propre voie, autant que la personne avec qui il partagera sa vie. Active bénévole dans plusieurs associations, manifestante aguérie, bien qu’elle ait un peu moins de temps à consacrer à cela depuis quelques temps, Malina est une fervente défenseuse des droits de l’homme, et surtout de ceux de la femme. Mais là, il est hors de question qu’elle s’emporte à laisser échapper ses avis sur la chose, car ce n’est pas ce qu’attend Erin. Et puis, c’est elle qui a vécu les choses et comme elle le dit si bien, elle ne s’y est jamais opposée.

« Je t’interdis de penser une seule seconde que cela puisse être ta faute ! » répond Malina sur un ton déterminé. « Je t’aurais éventuellement permis de te poser la question s’il avait au moins laissé une chance à votre mariage, mais ce n’est certainement pas en moins de 24 heures qu’il a pu le faire ! » Et encore, le terme ‘éventuellement ‘ a un poids très lourd dans sa phrase. « J’ignore trop de choses sur ta culture pour émettre un quelconque jugement, mais pour autant, j’imagine qu’il y a tout un tas de valeurs morales qui accompagnent le mariage arrangé ? L’homme doit sans doute au minimum le respect à sa femme et la fidélité ? » Elle ne croit pas se tromper en disant que dans presque toutes les religions, c’est ainsi, sauf dans tout ce qui est harem & compagnie mais là, c’est un autre niveau. « Cet homme a bafoué toutes ces valeurs, les promesses faites le jour du mariage. Ne t’imagine pas une seconde que ce soit ta faute ! C’est lui le coupable ! » Il lui donne envie de vomir. Les traitres, Malina déteste ça ! « En plus, tu es toute jolie, parfaitement normalement constituée… Et l’expérience ça s’acquière ! »

La question avait été posée, je m'étais jetée dans le vide face à une femme qui était non seulement ma patronne mais également une experte dans des domaines qui pour moi étaient assez nébuleux. Attrapant mon verre et en avalant une grande gorgée comme pour me donner une certaine contenance, un peu plus de confiance en attendant plus ou moins fébrilement sa réponse. Elle fut sans appel, pour elle je n'avais pas à me remettre en question et en aucun cas ce n'était de ma faute. Cela faisait du bien de l'entendre de la part de quelqu'un de neutre, bien sûr j'étais son employée donc elle pourrait avoir un parti pris mais je commençais à la connaitre un peu et je savais qu'elle n'avait pas sa langue dans sa poche et qu'elle ne tournait pas autour du pot durant des heures pour dire ce qu'elle pense. Jusqu'à maintenant j'en avais parlé à Kenneth bien entendu, il était mon premier soutient et quel soutient pour une jeune femme comme moi d'avoir son grand frère de son côté. Jules aussi je lui en avait parlé et bien sûr mon avocat, lui c'est certain qu'il était de mon côté mais après tout c'était pour cela que je le payais, encore heureux qu'il soit dans mon camp.

Lorsqu'elle dit ne pas connaitre grand-chose aux coutumes de ma culture je ne pouvais pas lui en vouloir, on avait beau être en 2020 des gens comme moi se pliaient encore aux traditions. "Pour des gens comme mes parents cela n'a pas posé de problème, leur mariage était arrangé mais ils se respectent et l'amour est venu avec les années, mon frère et moi avons vécu une enfance heureuse même si on ne roulait pas sur l'or. Je pense qu'avec leur modèle j'ai pensé que pour moi ce serait pareil…" J'y avais cru je devais me l'avouer, nos familles se connaissaient depuis que nous étions enfants, et je l'aimais bien sans être amoureuse de lui, je me suis dit que comme pour nos parents nous apprendrions à nous connaitre et au fil des années nous nous aimerions comme eux. C'était sans compter sur le fait que lui voulait se taper la planète entière.

"Je sais que par rapport à bon nombre de jeunes femmes de mon âge je dois passer pour une fille coincé mais j'ai été éduquée comme ça… Même si aujourd'hui j'ai envie de prendre ma vie en main et de faire ce que je veux de ma vie sans plus avoir de compte à rendre à personne. Je sais qu'il y aura du chemin à faire avant de pouvoir me laisser aller. Par exemple je sais qu'avant que je ne sois officiellement divorcée je n'oserai rien tenter avec personne, parce que même si lui n'a pas respecter ses engagements, actuellement je suis toujours mariée et je ne veux pas qu'on puisse me reprocher quoi que ce soit."

Malina écoute, comme elle sait si bien le faire. On pourrait croire qu’étant donné son caractère solaire, elle a tendance à envahir l’espace, à concentrer l’attention sur elle, mais la vérité est qu’elle arrive tout de même à doser suffisamment pour savoir écouter quand cela est nécessaire. Puis, la coréenne peut comprendre qu’Erin ait eu envie d’y croire. Quand on lit sur bonheur dans les yeux de ses parents, il n’y a aucune raison de douter en l’avenir. « S’il y a bien une chose que j’ai appris au fil des années, c’est que chaque couple est différent. L’histoire des uns ne fait pas celle des autres. Mais c’est tellement légitime de vouloir ce qu’on les autres, d’avoir l’espoir que ça nous arrive. » Et si Malina, comme elle l’a déjà mentionnée, a du mal à concevoir les mariages arrangés, elle sait tout de même que ça convient à certaine personne. Ce qui la dérange, c’est surtout quand on force les jeunes et qu’on ne leur laisse vraiment aucun choix ; mais avec la discussion, elle se doute que pour son employée, les choses ne se sont pas passées ainsi et qu’elle semblait en accord avec le principe lorsqu’elle est passé devant l’office.

« Les conseils que je peux te donner est d’essayer de t’absoudre de tout sentiment de culpabilité, qui t’empêcherait d’avancer comme tu le mérites, et de suivre ton cœur. Se comparer aux autres ne sert à rien. Il n’y a pas de question d’être coincée ou quoi, car l’essentiel est d’être en accord avec soi. Trop de gens se regardent au travers du regard des autres quand ils devraient se regarder au travers du leur, et seulement du leur. C’est lorsque tu comprends cela que tu peux enfin t’accepter, et vivre un bonheur simple. » La petite pensée philosophique du jour ? Malina fait seulement parler son cœur et son expérience, parce qu’elle n’a que trop vécu à travers les autres, faisant tout ce qu’il fallait pour plaire à untel ou un tel, allant jusqu’à brider son caractère et devenir une femme qu’elle n’était pas. Du jour où elle s’est mis en tête de s’accepter, les choses ont radicalement changé, des portes se sont ouvertes… La preuve en est qu’aujourd’hui, elle rayonne de bonheur bien qu’elle ait une vie des moins conventionnelles. « Et bien que je comprenne tes réticences à entamer une quelconque relation avant que le divorce ne soit officiel, ne laisse pas passer une chance d’être heureuse, si toutefois tu faisais une belle rencontre dans ce laps de temps ! »

Elle lui sourit, la couvrant de son regard bienveillant. La pizza est finie devant elles, sans que la sexologue ne s’en soit réellement rendue compte jusque-là. D’instinct, elle relève les yeux sur la petite horloge au mur et constate qu’elle n’a pas vu le temps passer avec cette conversation. « On va peut-être y retourner ? J’ai un client qui arrive dans 10 minutes, il me semble. » Mais ce qui est certain, c’est qu’elle espère bien que les deux femmes auront l’occasion de déjeuner ensemble à nouveau très rapidement.

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Je l'écoute et prends mentalement note de ses remarques, elle est de bons conseils, franche et j'apprécie de pouvoir lui parler aussi librement. Elle avait raison, partout autours de nous on nous montre des exemples de ce qu'est la réussite des autres, que cela soit à travers la publicité, le cinéma, ou n'importe quels médias, où que l'on regarde tout semble parfait pour les autres et lorsque de nôtre côté la réalité n'est pas pareille à la fiction tout s'écroule. Je sais très bien qu'elle a raison qu'une fois que mon divorce sera prononcé officiellement je serai véritablement libre de vivre ma vie comme je l'entends, sans ne rien devoir à personne devenir enfin celle que je veux être et non plus celle qu'on attend que je sois. "Je vais essayer de suivre tes conseils, tenter de ne pas être totalement fermée mais après un mariage raté, je sais que je n'ai pas envie de me lancer dans une nouvelle relation sérieuse, j'ai vingt-six ans après tout … ce serait le moment que j'apprenne à m'amuser un peu !"

Surprenant son regard se poser sur l'horloge sur le mur derrière moi et entendant ses paroles je réalise que je l'ai accaparée durant toute sa pause. "Désolée de t'avoir retenue durant toute ta pause, je te laisse retourner dans ton bureau, je vais ranger et m'y remettre moi aussi." Joignant le geste à la parole, j'attrape le carton de pizza vide et les serviettes, les verres et m'apprête à tout débarrasser lorsqu'elle s'apprête à passer la porte j'ajoute encore "Je te remercie Malina, pour la discussion, et pour la proposition de formation dès que j'en aurai fini avec mon divorce ce sera avec grand plaisir que je m'y inscrirai !"

Finissant le rangement, je retourne ensuite à la réception, de retour dans mon royaume, prête à tenir la barre de ce navire qu'est le complexe médical. Souriant après quelques minutes au patient qui vient trouver Malina que je dirige vers sa salle de consultation.

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