Son sommeil paisible est interrompu par la lumière qui arrive jusqu’à ses yeux encore clos. Si elle essaye, elle peut sans doute se rendormir, gagner quelques heures ou dizaines de minutes de sommeil au moins. Dieu sait qu’elle en a besoin. Deux vols hier, elle en aura tout autant dans les prochaines quarante-huit heures, avant d’être en repos, et chez elle. Cette vie, elle ne voudrait pas en changer, mais il faut admettre qu’elle peut être fatigante parfois. Alors oui, si elle essayait, elle pourrait sombrer à nouveau dans le sommeil, mais alors que son esprit se réveille peu à peu, la soirée de la veille lui revient en mémoire. Et ce baiser qu’elle sent sur son épaule lui confirme cette sensation de bien-être. La journée d’hier s’était terminée de la meilleure des façons : dans un lit et en très bonne compagnie. Et celle d’aujourd’hui pourrait commencer de pire façon. Ses yeux sont toujours fermés mais sans doute que le sourire léger qui nait sur ses lèvres la trahit. Shea l’a-t-elle remarqué ? En tout cas, elle entend sa respiration, ce qui laisse deviner qu’elle est toujours proche d’elle. Toujours dans ce lit qui a accueilli leur passion hier soir.

« Tu me regardes dormir ? C’est un peu creepy, tu sais. » Elle sourit de plus belle alors que ses yeux s’ouvrent enfin. Elle sait bien que ce n’est pas le genre de Shea, ce n’est pas le genre de la relation – ou du semblant de relation – qu’elles entretiennent. Cela n’empêche pas Samia d’en plaisanter. Ses yeux s’habituent à la lumière, puis se posent rapidement sur le visage de Shea. Les souvenirs de cette nuit sont encore frais dans son esprit. Délicieux souvenirs. Raison pour laquelle elle est un peu déçue de constater un détail. « Tu es déjà habillée ? » Samia n’a aucune idée de l’heure qu’il est. Peut-être a-t-elle déjà trop dormi et que Shea doit partir. Ou même elle, peut-être que l’heure de son prochain vol est proche. Ce qu’elle n’espère pas. Pas tout de suite. Le temps qu’elles passent ensemble parait toujours trop court. Alors si elle peut avoir quelques instants de plus, elle ne les refuse pas. « Il est tard ? » Demande-t-elle alors qu’elle fait glisser ses doigts sur le bras de Shea, innocemment.

Clairement, Samia a connu pire réveil. Malgré la fatigue, elle a le sourire. D’autant plus quand elle reçoit un compliment, à peine tirée du sommeil. « Je ne sais pas, tu pourras leur demander la prochaine fois. Mais vu comme certains bégayent et achètent tout ce que je leur propose, ce n’est pas impossible. » Samia n’a pas la prétention de penser plaire à tout le monde, mais elle sait aussi qu’elle a certains avantages. Et, à bord d’un avion qui va à l’autre bout du monde, sa couleur de peau ajoute sans doute une touche d’exotisme. Alors elle serait stupide de ne pas profiter des pourboires qu’elle peut recevoir. « Tu n’as jamais entendu parler du room-service ? » Elle sourit, taquine. Elle n’a pas envie que Shea parte tout de suite, pas non plus envie qu’elle soit habillée. Certes, le room-service a un certain coût, mais tant que ça reste exceptionnel, son compte ne devrait pas terminer dans le rouge. Et ce genre de matin lui parait être la parfaite exception, pour un petit-déjeuner au lit. A vrai dire, elle n’a pas spécialement faim. Juste envie de rester au lit, avec l’excellente compagnie de Shea.
Elle s’inquiète tout de même de l’heure, ne voulant pas rater son prochain vol. Elle n’a aucune idée du temps qu’elle a dormi, ou même de l’heure à laquelle elles se sont endormies. Elle est tout de suite un peu rassurée en voyant Shea retirer un vêtement. Encore plus quand elle pose ses lèvres dans son cou. Elle a envie de plus, de reprendre ce qu’elles avaient fait si bien la nuit dernière. « Si tu es coupable, sans doute oui. » S’il arrive souvent à Samia d’être en retard, elle n’a jamais raté un vol pour autant. Ses patrons n’apprécieraient pas, c’est certain. Mais pour l’instant, ses préoccupations sont bien là de cela. Elle a terriblement envie d’embrasser la brune. Sauf qu’au moment où elle allait le faire, elle se redresse. Lui parle de continuer de dormir, ou de boire un café. Samia arbore une moue boudeuse, alors qu’elle se redresse aussi sur l’oreiller. Le drap glisse sur son corps nu, le dévoilant en grande partie. Mais elle ne fait rien pour changer ça. « Qui te dit que j’ai envie de dormir ou d’un café ? » Et, comme si ce n’était pas assez clair, elle se mordille légèrement la lèvre. Ce n’est même pas sa faute. Shea la rend beaucoup trop faible. Non pas qu’elle fasse quelque chose pour l’empêcher.

Les compliments que lui offre Shea dès le réveil lui font le plus grand bien. Ils réveillent plus que son esprit. Son corps aussi. Son corps encore touché par leurs ébats de la veille. Mais pourquoi ne pas combattre le mal par le mal ? Samia réalise bien que, plus elles se voient, plus elle en redemande. Pour une relation qui n’en est pas une, c’est sans doute trop. Mais en même temps, elles se sont dit dès le début ce que c’était, ou plutôt ce que ce n’était pas. Habitant deux villes différentes, cela leur convient très bien. Alors, avant de devoir monter à nouveau dans un avion, vers l’Europe cette fois, Samia a envie d’en profiter, un peu plus. Avant la prochaine escale à New York. Et ça fonctionne. Alors Samia sait que Shea la trouve belle, qu’elle lui plait. Elle sait aussi que l’inverse est vrai. Mais l’entendre, ça fait toujours ce petit effet. « Je dois me sentir spéciale alors ? » Elle, ça lui convient tout à fait. La nuit n’est pas le seul moment où elle veut profiter de la compagnie de Shea. Alors elle est heureuse qu’elle soit restée, même si elle évoque toujours cette possibilité de partir.
Joueuse, Samia la provoque, montre ses formes en espérant la faire rester. Glaner quelques instants volés avec la brune, source de son désir. Dire qu’elle ne pense à elle que quand elle est à New York serait un mensonge. Tout comme il est inutile de cacher que son cœur s’accélère aussitôt que Shea vient s’installer au-dessus d’elle. Difficile de garder son calme alors que sa libido grimpe si rapidement. Shea lui fait cet effet. Et quand elle approche ses lèvres de son oreille, murmure des mots joueurs, poussant son souffle chaud contre sa peau, c’est encore pire. Samia ferme les yeux un instant, soupire d’aise. « Je veux… » Elle laisse ses mots en suspens, comme si Shea ne savait pas déjà ce dont elle avait envie. En détails, aussi. Elles commencent à connaître le corps de l’autre, à force de l’explorer, encore et encore. Comme un livre qu’on lit et relit, dont on aime tourner chaque page. « … Que tu portes moins de vêtements. » Et, comme pour illustrer ses paroles, elle glisse une main jusqu’à la taille de Shea, passe un doigt dans le pan de son pantalon et laisse les autres caresser la peau nue juste au-dessus. Elle a terriblement envie d’elle, incapable de lâcher son regard. Et pourtant, elle joue encore un peu. Cette tension qui nait entre elle ne fera que rendre les choses encore meilleures. Un peu de patience, avant le moment attendu. Elle a le souffle court quand Shea soulève sa tête d’une main, et que leurs visages sont si proches. Tellement qu’elle peut encore sentir son odeur. Sentir son parfum enivrant. Comme si elle n’était pas encore suffisamment enivrée. Alors elle rompt cet espace minime encore là, et pose ses lèvres sur les siennes, alors que sa main libre passe derrière la tête de Shea, ses doigts s’entremêlant à ses cheveux. Leurs langues entament une danse intense, délivrant tout le désir qui les agite. Jusqu’à ce que l’impossibilité de respirer les sépare. Quelques millimètres à peine. Déjà le souffle coupé. « Et toi ?… De quoi tu as envie ? Tu as l’air d’être d’humeur dominante le matin. »

Spoiler:

La fatigue éprouvée par l’hôtesse de l’air quand elle avait émergé du sommeil parait bien loin. Là, c’est autre chose qui s’est éveillé en elle. Quelque chose de fort, qui semble venir du plus profond d’elle. Un désir qu’elle n’essaye même pas de contrôler, auquel cas elle peinerait à le faire. Shea lui fait cet effet, depuis la première fois qu’elles ont flirté ensemble, depuis la première fois que leurs corps ont dansé l’un avec l’autre. Et sans doute que l’effet devrait se disperser, s’affaiblir petit à petit, alors que les rencontres passent et se ressemblent. Mais quand leurs rencontres sont si bonnes, quel est le mal avec un peu de monotonie ? Et parfois, Samia se surprend à imaginer que ça pourrait être plus. Si elle le voulait, elle pourrait sans doute tomber amoureuse de Shea. Mais il n’a jamais été question de ça entre elles. Alors Samia sait qu’elle doit profiter de ces instants fugaces, et pourtant tellement délicieux avec l’anglaise.
Ce matin en fait partie. Leur petit jeu attise le désir qu’elle ressent déjà naturellement pour Shea et, finalement, leurs lèvres se retrouvent, pour un baiser passionné. Et plus rien de ce qui s’est passé avant ne semble compter. Ni leur réveil, ni la nuit passée, ni la durée depuis laquelle elles ne s’étaient pas vues. A cet instant, seul ce désir qui les anime compte encore. Et, sous celui de Shea, le corps de Samia se cambre, cherchant toujours plus ce contact. Contact pourtant mis à mal par les vêtements que porte encore Shea. Ses mains sont plaquées contre le mur, d’un geste rapide et qui la fait un peu plus gémir contre les lèvres de Shea. Entre elles, tout semble tellement naturel. Comme si chacune savait ce dont l’autre a envie, au moment précis où elle en a envie. Leur baiser se termine, mais Samia sait bien que c’est loin d’être terminé. La voix saccadée de Shea la fait sourire. La sienne n’est pas mieux, mais savoir qu’on peut faire cet effet à quelqu’un, c’est toujours grisant. « J’ai beau être douée… j’ai besoin de mes mains pour ça. » Elle sourit, de nouveau taquine. Et son sourire devient plaisir quand elle sent les lèvres de Shea dans son cou, glisser sur sa peau et y poser de doux baisers, qui ne font qu’éveiller encore plus le feu qui brûle dans son ventre. Ses mains libérées viennent glisser sous le t-shirt de Shea, le remontent sur son ventre, touchant sa peau au passage. « Pourquoi est-ce que je voudrais dormir ? » Elle ne voit aucune raison à cela. Elle prendra plusieurs cafés avant et pendant son prochain vol, voilà tout. Elle est sûre d’une chose : elle ne regrettera pas ces quelques instants de sommeil remplacés par quelques instants de plus avec Shea. Ses doigts font remonter son haut au-dessus de son soutien-gorge. Que de tissus inutiles. Alors sa main glisse sous la dentelle, la soulève et se pose sur son sein. Son regard capte celui de Shea, alors qu’elle la caresse quelques instants. Puis, d’un geste du bassin, elle inverse leurs positions. Elle ne tarde pas à retirer entièrement son t-shirt, qu’elle lance en arrière. Ses lèvres se posent dans le cou de Shea, au creux de son parfum qui la rend folle. Des baisers qui descendent le long de sa clavicule, avant qu’elle ne se redresse finalement, assise au-dessus du bassin de l’anglaise. Ses doigts se promènent sur son ventre nu, les ongles glissant sans s’enfoncer sur sa peau. « Tu es tellement belle. » Souffle-t-elle, alors qu’elle trouve à nouveau son regard. Entre elles, il y a quelque chose d’intense. Quelque chose qui donne l’impression à Samia que toute cette attente entre chacun de leurs rencontres en vaut la peine. Quelque chose qui la rend toujours plus impatiente. Raison pour laquelle ses doigts quittent son ventre pour venir déboutonner son pantalon, doucement, en appliquant parfois une certaine pression. Toujours sans la quitter du regard, guettant ses réactions. Comme pour lui faire regretter de s’être habillée si vite.

Dans ces moments précieux, et pourtant si fugaces, Samia s’abandonne, se perd dans les baisers qu’elle échange avec Shea, dans chaque caresse et chaque sensation de plaisir. Et dieu sait qu’il y en a. Aussitôt qu’elle sait qu’elle va avoir une escale à New York, Samia sait ce qui va arriver, et ça la rend impatiente. Sans doute de plus en plus, avec le temps. Peut-être que parfois, dans les bras de Shea, elle pourrait se surprendre à rêver de plus. A vouloir la voir plus souvent, faire d’autres choses avec elle, apprendre à la connaître toute entière. Et puis cette idée un peu folle s’évapore quand elles sont loin l’une de l’autre, pendant plusieurs semaines ou mois. Ça ne serait tout simplement pas possible. Alors sans doute que Samia le regrette un peu, mais elle considère que c’est une raison de plus pour profiter à 200% de l’anglaise quand elles sont ensemble. Comme si elle avait besoin d’une raison. Elle en a terriblement envie. Pas besoin d’excuse pour partager ce moment tendre et joueur dès le réveil. Le désir suffit à justifier qu’elle se retrouve désormais au-dessus de Shea, et qu’elle continue de lui retirer ses vêtements.
Mais, malgré ce désir qui étreint son bas-ventre, elle prend son temps. Profite de cette vision qui s’offre à elle, lâche un compliment sans forcément le réaliser. Mais c’est vrai. Shea a un corps magnifique, un visage qui n’est pas en reste. Une femme superbe que Samia s’estime heureuse de pouvoir connaître aussi intimement. Une femme superbe à laquelle il lui arrive de penser, même quand elle est seule, avec un vibro pour seule compagnie. Après tout, pourquoi se priver d’un tel fantasme ? Et, encore plus, pourquoi se priver d’elle quand elle peut l’avoir en vrai ? Elle hausse un sourcil quand Shea lui pose une question. Tomber amoureuse ? Il n’en a jamais été question. Et Shea le sait. Elle plaisante, forcément. Sans doute qu’elle se moque même un peu de Samia, parce qu’elles n’ont jamais été du genre à se complimenter inutilement. Leurs corps parlent pour elles. « Impossible. » En prononçant ce mot, elle n’est pas certaine qu’il soit vrai. Non, elle n’est pas amoureuse de Shea, mais dire que cela serait impossible est faux. Elle pense même qu’elle pourrait facilement tomber amoureuse d’elle, si elle se laissait aller complètement. Elle sourit, tout en baissant la fermeture du jean de son amante. Partagée entre l’envie d’aller plus vite, de passer directement au moment où elles seront nues toutes les deux, proches de l’orgasme, et celle de jouer encore un peu, ses doigts se pressent un peu plus contre l’intimité de Shea. C’est le moment qu’elle choisit pour se redresser contre Samia, qui passe alors ses mains dans son dos. Ses cuisses se resserrent un peu plus contre les jambes de Shea, jambes qu’elle préfère nues. Entendre son prénom susurré par la brune agite son palpitant. Alors ses lèvres se posent au bas de son oreille, posent des baisers qui descendent dans son cou. Elle se dit qu’elle ne pourrait rêver meilleur réveil, quand Shea prononce des mots qu’elle pense d’abord avoir imaginé. Arrêter ? Arrêter quoi ? Son regard se pose sur celui de l’anglaise, sans comprendre. Avant que la solution lui paraisse évidente. « T’es pas drôle Shea. » Et, comme pour le confirmer, elle rit doucement, avant d’approcher son visage du sien, tellement qu’elle ne peut plus voir l’expression sur son visage. Leurs nez se frôlent, Samia peut sentir tout le désir qui l’agite. Alors ses mains glissent plus bas, sous la ceinture défaite de son jean, sous l’élastique de son sous-vêtement. A chaque fois, elle pense ne pas pouvoir désirer davantage Shea. A chaque fois, elle se trompe.

A quoi bon essayer de garder le contrôle ? Ou même prétendre qu’elle en a, un tant soit peu. Il y a longtemps qu’elle a abandonné l’idée, et a choisi de s’abandonner à ce désir qu’elle ressent pour Shea. Cette optique de vie lui parait plus raisonnable. Plutôt que se frustrer volontairement, autant vivre les choses à fond. Et, indubitablement, le sexe en fait partie. Alors cette faiblesse qu’elle a pour l’anglaise, elle l’accepte, et en profite pleinement. Tant pis si elle parait ridicule. Tant pis qu’elle soit fatiguée plus tard. Tant pis pour tout le reste, tant qu’elle peut trouver quelques moments de plaisir avec celle qui sait la faire vibrer. Et sans doute que c’est cet abandon complet au désir qu’elle a pour Shea qui fait qu’elle ne voit rien de bizarre dans le comportement de la brune. Qu’elle ne se demande pas pourquoi elle s’était rhabillée si vite, ni pourquoi elle a plaisanté au sujet de s’arrêter. Elle n’a pas envie de se poser de questions. Elle veut juste ne faire plus qu’un avec Shea et avec le plaisir. C’est tout ce dont elle a envie à cet instant précis, et elle n’est pas douée pour le cacher. Si tant est qu’elle essaye.
Il ne faut pas longtemps pour que l’anglaise reprenne le contrôle de la situation, et que Samia se retrouve sur le dos à nouveau. Shea ne reste pas longtemps au-dessus d’elle, avant de se redresser pour enfin retirer ses derniers vêtements. Samia n’en rate pas une miette, se mordille même la lèvre avant que Shea ne revienne se coller contre elle. Sa peau touche désormais la sienne, à chaque mouvement, à chaque frôlement, et le cœur de Samia ne peut que s’agiter encore plus sous sa poitrine. Yeux dans les yeux, elle sait que l’arrivée de ce plaisir qu’elle attend depuis le réveil est imminente. Mais c’est finalement un sourire qu’elle connait qui apparait sur le visage de Shea. Elle a encore envie de jouer. Alors, quand elle glisse une jambe entre les siennes, rapproche son corps encore plus du sien, Samia gémit un peu. Elle est rapidement coupée par un baiser passionné, auquel elle répond avec autant d’ardeur qu’elle peut. Les lèvres et la langue de Shea s’agitent, migrent de ses lèvres à son cou, laissant sans doute quelques traces dont elle n’a que faire. Samia pose une main dans le cou de Shea, l’autre dans le haut de son dos. Elle a besoin de la toucher, encore plus. Pourtant, leurs deux corps pourraient difficilement être plus proches. Cambrée contre le corps nu de son amante, tout le corps de Samia ne crie qu’une seule chose. Et les lèvres de Shea qui descendent un peu plus bas n’aident pas. Les mots qu’elle murmure non plus. Ne sait-elle pas déjà à quel point Samia a aussi envie d’elle ? « Qu’est-ce que tu attends alors ? » Le ton joueur qu’elle voulait donner à ses mots est perturbé par le halètement évident qui sort de ses lèvres. Tant pis. Elle la regarde, se mordille à nouveau la lèvre, et vient replier sa jambe autour de celle de Shea. Et elle pousse, jusqu’à ce que sa peau touche son entrejambe. Faible, elle l’est très clairement.

Hors de question, pense-t-elle. S’arrêter n’est plus possible maintenant. Ce n’était pas drôle tout à l’heure, ça ne l’est pas non plus maintenant. Samia ignore ce que Shea lui fait pour la rendre si faible, tellement incontrôlable. Ou peut-être que justement, elle ne le sait que trop bien. Elle sait ce qu’elle va ressentir quand leurs lèvres vont s’entrechoquer, quand son corps sera contre le sien, et quand elle sera sienne. Elle sait tout cela, parce qu’elles l’ont déjà fait, maintes et maintes fois. Elle sait à quoi s’attendre, et c’est sans doute ce qui rend l’attente encore plus insupportable. Mais la délivrance… Pourtant, Shea la fait patienter encore un peu. Attise toujours plus son désir, alors que son genou se presse un peu plus contre son sexe. Samia en veut plus, tellement plus. Et elle ne le cache pas. Elle grogne presque, alors que son corps entier semble pointer dans une seule direction : le corps de Shea. Et quand, finalement, l’anglaise se détache d’elle, fait glisser ses doigts sur son ventre, Samia gémit à nouveau. Ses ongles appuient doucement dans son dos, et s’enfoncent un peu plus quand ceux de Shea arrivent à destination. Elle ne cache pas son plaisir, alors que l’avalanche commence. Sans doute lâche-t-elle le prénom de son amante au milieu de ses soupirs, de ses cris quand les mouvements s’accélèrent. Elle sent aussi ses lèvres dans son cou, son souffle chaud contre sa peau. Elle va lui faire perdre la tête. Si ce n’est pas déjà le cas. Elle a déjà ressenti tout ça, pas plus loin que la nuit dernière. Et pourtant, chaque mouvement lui fait un effet qui parait impossible. Tellement fort qu’elle a l’impression que chaque moment pourrait être celui où elle va défaillir. Elle ne retient rien. Ni son corps en sueurs qui remue selon son bon vouloir, ni ses lèvres qui perdent le contrôle de ce qui en sort. Et encore moins ce qui se passe au niveau de son bassin. Shea sait y faire. Sait la faire partir, toujours plus loin. Et ce matin, elle ne la ménage pas. Tant et si bien que Samia oublie tout. De l’endroit où elle sera dans quelques heures, à la nuit précédente. Jusqu’à l’endroit où elles se trouvent et le bruit qu’elles doivent faire si les murs ne sont pas assez épais. Tout cela, elle n’en a que faire, parce qu’elle sent l’orgasme arriver. Et, dans le dos de Shea, ses ongles laissent sans doute des marques. Mais elle est bien trop prise dans cet ouragan de plaisir pour ne serait-ce qu’y réfléchir. Être capable de se contrôler serait encore autre chose, dont elle serait encore moins capable. Et finalement, elle atteint le sommet de ce plaisir incroyable. Elle serait incapable de dire combien de temps cela a duré. Tout ce qu’elle sait, c’est à quel point elle se sent bien quand elle crie son plaisir, quand les doigts de Shea lui font atteindre l’orgasme. Et quel orgasme. Shea toujours au-dessus d’elle, elle lâche son dos pour passer une main sur son visage humide de sueur. Elle dégage quelques cheveux collés à celui-ci, avant de fermer les yeux. Dans ces instants-là, elle pourrait lui dire, par accident. Lui dire qu’elles pourraient essayer quelque chose de sérieux. Tomber amoureuses. Mais le contrôle semble être revenu, maintenant que son désir a été assouvi. Son appétit, pas tout à fait cependant. « T’as raison de reprendre ton souffle. » Dit-elle, elle-même avec peine, sa respiration encore saccadée. Elle soulève sa tête une petite seconde, le temps de poser un baiser sur l’épaule de Shea. « Après, c’est ton tour. » Mais d’abord, il faut qu’elle calme un peu son rythme cardiaque, si elle veut pouvoir rendre correctement à Shea ce qu’elle vient de lui offrir. Et elle en a terriblement envie.

Elle a encore le goût de son orgasme au bout des lèvres, au bord du cœur. Parce qu’elle a souvent papillonné, avec des hommes comme avec des femmes, elle sait que ce qu’elle vient de partager avec Shea – et ce qu’elles partagent chaque fois que leurs chemins sont dans le même fuseau horaire – est rare. Elle ne pense d’ailleurs jamais avoir ressenti tout cela avec une autre personne. Peut-être justement parce que leur relation s’y limite. Des baisers, du plaisir, des orgasmes. Et chacune repart à sa vie, avec le doux souvenir de l’autre en mémoire. Rien de plus, rien de moins. En tout cas, Samia s’estime heureuse de pouvoir profiter de Shea, autant que Shea profite d’elle. Et elle compte bien continuer de le faire, dès qu’elle aura retrouvé un rythme cardiaque plus raisonnable. Elle veut pouvoir en profiter pleinement, et non pas être interrompue parce qu’elle manque d’endurance. Même si Shea a cet effet un peu magique, qui semble effacer toute fatigue, de son corps comme de son esprit. Celle-ci reviendra plus tard, conséquence directe de leurs folies, mais elle ne pourra pas les regretter. Comment le faire quand tout est si bon ? Comme ce baiser échangé, un peu plus doux que les précédents, mais qui ne l’aide pas pour autant à respirer un peu plus normalement. « Je n’ai pas encore décidé… j’ai plusieurs idées. » Elle arque un sourcil, retrouvant cette humeur joueuse. En vérité, elle n’a rien décidé parce qu’elle n’est pas du genre à prévoir ce genre de choses. Le sexe, ça doit juste arriver. Selon l’envie du moment, selon la direction que prennent les choses. Pour l’instant, le moment est calme. Chacune reprend son souffle, toutes deux conscientes que ce n’est pas terminé. Quand c’est si bon, on a forcément envie de plus. Et c’est finalement Shea qui prend la décision de continuer. Elle lui prend la main et s’installe contre la tête de lit. Comment ne pas céder face à cette vision ? Samia sait d’avance qu’elle va à nouveau s’abandonner au bon vouloir de l’anglaise. Des deux, sans doute que Shea a l’avantage, sans même le réaliser. Mais c’est loin de déranger Samia. Elle s’assoit à califourchon au-dessus de Shea, sentant déjà la chaleur l’envahir à nouveau. Elle a déjà une petite idée en tête concernant la suite des choses, mais elle laisse les rênes à Shea. Elles ont déjà assez d’expérience ensemble pour que Samia sache que c’est ainsi que Shea préfère les choses. Elle pose ses mains sur ses hanches alors que leurs lèvres se retrouvent. A nouveau, un baiser plus raisonné, mais dans lequel elle peut toujours sentir le désir de Shea. Comme si leurs deux âmes se connectaient, pour créer quelque chose de spécial, le temps d’une escale. « J’ai beaucoup crié ? Je ne m’en rends même plus compte. » Elle sourit. Elle s’en fout bien. Peut-être quelqu’un les aura entendues, mais tant pis. Elle n’allait pas taire son plaisir. Impossible. Elle la rapproche un peu plus d’elle et ses doigts sont dans la main de Shea. Samia trouve un érotisme certain dans le fait de se laisser guider par sa partenaire. Encore plus quand elle comprend le chemin vers lequel elle mène sa main. Leurs mains s’écartent, mais celle de Samia sait ce qui lui reste à faire. Son pouce la caresse doucement, avant que d’autres doigts ne se fassent aventureux, reprennent leurs marques, dont elles ont l’habitude. Sans lâcher Shea du regard, elle gémit doucement quand elle lui rend la pareille. Yeux dans les yeux, leurs gestes prennent un rythme semblable. Elles prennent toutes les deux leur temps. Se concentrer sur le plaisir de l’autre sans se laisser complètement happer par le sien. A cet instant précis, elles s’appartiennent mutuellement. Pourraient n’être plus qu’une seule et même personne. Se suffire l’une à l’autre. Et ç’en est presque troublant. Tellement que Samia sent bien qu’elle pourrait fondre encore plus vite que la fois d’avant. Pourtant, elle garde beaucoup plus le contrôle, concentrée sur les beaux yeux sombres de Shea et sur cette danse entamée sans aucune autre musique que celle de leurs souffles.

Son souffle contre le sien. Ses doigts qui possèdent Shea. Les doigts de Shea qui la possèdent. Leurs regards calés l’un dans l’autre. Leurs âmes aussi, sans doute. Tout cela est beaucoup trop grisant. Samia sait que, même si leur relation n’en est pas une, qu’elles ne font que passer du bon temps ensemble, tout cela est puissant. Sans doute plus puissant que ce qui lui a jamais été donné de ressentir. Et cet instant ne fait que le lui confirmer. Ce n’est pas juste du sexe, non plus. Ou, plutôt, ce n’est pas par hasard qu’elles sont aussi compatibles sur ce plan. Alors Samia, elle se laisse aller pleinement à ce désir qu’elle ressent pour Shea. Sans même se poser la question. Sans même hésiter une seule seconde. Mais cette fois, elle garde un peu plus le contrôle. Ne cède pas à ce plaisir qui envahit son bas-ventre alors qu’elle fond devant le regard plein de luxure de Shea, qu’elle faiblit face à ses doigts experts. Non, elle résiste aussi longtemps qu’elle le peut, pour pouvoir partager ça avec son amante. Parce qu’après lui avoir offert ce premier orgasme, elle aurait pensé que Shea en voudrait un en retour. Finalement, elle a choisi pour elles deux. Aucune perdante, même s’il n’y en a jamais. Et Samia sent son souffle devenir de plus en plus court, de plus en plus difficile, mais elle ne ralentit pas. Accélère même un peu plus, alors qu’elle sent que Shea arrive au bout. Alors elles perdent pied ensemble, ou à quelques secondes de décalage. Samia n’en sait rien à vrai dire. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle entend les gémissements de Shea derrière les siens. Comme un concert de leur harmonie. Rien de plus beau. Le silence retombe, alors que Samia réalise l’état dans lequel elle est. Trempée de sueur, encore tremblante et surtout, à bout de souffle. Elle pose son visage dans le cou de Shea. Elle n’y fait rien d’autre que souffler doucement, respire son odeur qui semble encore plus enivrante après le sexe. Elle sent les bras de Shea autour de ses épaules, et elle a l’impression qu’elle est parfaitement à l’endroit où elle doit être. Cette petite bulle, elle voudrait ne pas avoir à la quitter. Alors quand Shea prend la parole, elle hausse un sourcil, curieuse de ce qu’elle pourrait dire. Puis elle sourit quand elle lui pose une question improbable. C’est vrai qu’elle ne reste pas assez longtemps le matin d’habitude pour savoir ça. « Si tu veux tout savoir, j’aime beaucoup le café. Mais du bon café, pas comme ceux qu’on nous fait servir dans les avions. » Et vu le prix qu’ils coûtent, elle ne comprend pas que les passagers en commandent toujours. Mais il y a longtemps qu’elle a cessé d’essayer de comprendre les passagers. Elle détache son visage de la peau de Shea, pour la regarder avec un sourire tendre. Les mots qu’elle prononce ensuite étonnent Samia. A nouveau, elle parle d’aimer. Certes, sur le ton de la plaisanterie, mais Samia fronce un peu les sourcils. Peut-être que son esprit est moins flou, maintenant que son désir a été nourri, mais elle se demande si Shea ne voudrait pas lui parler de quelque chose. Seulement, elle n’a pas le temps de répondre, qu’elle s’excuse, prétend qu’elles doivent y aller. Peut-être a-t-elle raison. Samia n’avait aucune idée de l’heure quand elles ont commencé. Elle en a encore moins maintenant. Alors, toujours à califourchon sur Shea, elle se penche pour diriger le réveil de la table de nuit vers elle. En effet, il n’est plus exactement tôt, mais il n’est pas non plus assez tard pour qu’elle doive se presser. « Je peux encore rester quelques minutes, ne t’inquiète pas pour moi. » Mais Samia se doute que ce n’est pas la vraie raison qui pousse Shea à parler de partir. Alors elle se replace au-dessus d’elle, pose une main à la jointure de sa joue, son pouce la guidant pour qu’elle la regarde. « Qu’est-ce qu’il y a Shea ? Il y a quelque chose dont tu voudrais qu’on parle ? » Elle ne peut s’empêcher d’espérer qu’elle lui propose autre chose, quelque chose de plus sérieux, même si elle ignore comment ça pourrait fonctionner exactement. Oui, c’est ce qu’elle espère, et elle sait que ce n’est pas simplement parce qu’elle vient d’avoir deux orgasmes avec la jeune anglaise. Non, ce n’est pas la première fois qu’elle y pense. Pourtant, elle attend encore et toujours que Shea fasse le premier pas, parce qu’elle a toujours eu l’impression que c’était elle qui refusait quoi que ce soit de sérieux.

Peut-être est-ce cet effet euphorisant post-orgasme qui la fait espérer. Elle s’est déjà posé la question, certes, mais sans jamais trouver de réelle solution. La vérité, c’est qu’elle ne sait pas si ça pourrait fonctionner, mais c’est le propre de chaque relation. Et, au fond, Samia se dit qu’elle pourrait vouloir essayer avec Shea. Il y aurait des choses à réfléchir, mais elle a envie d’y croire. Sauf que, bien sûr, il faut que ce soit ce que désire aussi l’anglaise. Et Samia n’a pas le courage de dire les choses directement. Parce que Shea n’a jamais émis l’idée qu’elles puissent être autre chose que deux amantes. Au contraire, la situation semble parfaitement lui convenir, sauf peut-être ce matin, où elle a été un peu étrange.
Alors, quand Shea lui lâche un « Non. » accompagné d’un grand sourire, Samia n’y comprend plus rien. Pourtant, à deux reprises, elle a parlé d’amour ce matin, alors qu’est-ce que ça signifiait ? Juste des plaisanteries sans grande importance ? Repoussée, Samia s’assied sur le lit, repose le drap sur ses jambes alors qu’elle regarde Shea, dos à elle, au bord du lit. Elle ne sait pas ce qu’elle devrait dire. Elle se sent ridicule. Elle repousse ses cheveux derrière ses épaules, alors que Shea se lève et commence à se rhabiller. Sans un mot. Sans doute que Samia devrait parler, lui dire ce qu’elle, elle pense. Peut-être que Shea attend qu’elle fasse le premier pas. Mais devant cette froideur qu’elle dégage, Samia n’ose pas. Alors elle suit simplement Shea des yeux, en silence. La regarder se rhabiller n’a plus rien de séduisant. Et Samia ignore pourquoi mais elle se sent triste. Difficile chute libre après le plaisir qu’elles viennent de trouver ensemble. Petite bulle définitivement explosée. Ce qui se confirme encore plus quand Shea reprend la parole. Elle trouve qu’elles se voient beaucoup ? C’est rarement plus d’une fois par mois. Et encore, il faut que Shea soit disponible quand elle a une escale à New York, ce qui n’est pas toujours le cas. Samia, elle voudrait plus. Pas moins. Et le couperet tombe d’un coup. En rester là. Samia déglutit difficilement, alors que Shea se tourne enfin vers elle. S’approche et pose un bref baiser sur ses lèvres. Elle n’y comprend définitivement rien. Et elle n’est pas capable de réagir, de trouver quoi dire. Cette fois, elle ne pense plus que Shea plaisante. Ce n’est pas son genre. Pas là-dessus. Tout cela, elle le pense. Et, contrairement à Samia, qui espérait que ça puisse devenir autre chose, elle veut que ça s’arrête. C’est aussi simple que cela. Elle baisse la tête, alors que Shea part dans la salle de bain. Comment cela a-t-il pu se passer ? Entre elles, ça se passe bien. En tout cas, elle en avait l’impression. Devrait-elle chercher à en savoir plus ? A la convaincre de changer d’avis ? Shea semble sûre d’elle. Et Samia se sent déjà assez ridicule. Alors, à son tour, elle quitte le lit pour retrouver ses vêtements. Un passage par la douche aurait été utile mais ça voudrait dire attendre que Shea ressorte. Et elle n’en a pas envie. Alors elle rassemble ses affaires, et se contente de quitter la chambre d’hôtel, sans faire de bruit. Adossée au mur, dans le couloir, elle soupire. Elle aurait envie de pleurer. Ridicule. C’est quand une famille de touristes passe devant elle qu’elle bouge enfin, et rejoint le rez-de-chaussée pour prendre son petit déjeuner. Seule. Un petit-déjeuner, en self-service, au lit avec Shea aurait été tellement plus appréciable. Mais elle doit s’y faire : ça n’arrivera plus.