Une plainte contre McFayden. La rumeur avait semblé survoler le precinct sans que personne ne s'en offusque vraiment, ou peut-être était-ce l'expérience de Javier qui brouillait son ressenti sur la question. Une plainte de plus, qui irait aux oubliettes. Après tout, rien ne changeait vraiment. La police protégeait les siens avant tout qu'importe qu'ils aient raison ou tort. Le système était véreux, pourri, il l'était déjà il y a vingt ans et le serait dans autant d'années.
Et puis... et puis une autre rumeur avait enflé. Le commissaire Mihigo et son second se déplaçaient dans leurs bureaux, et souhaitaient s'entretenir avec plusieurs d'entre eux... De la poudre aux yeux, avait-il initialement pensé, avant de se rappeler que leur nouveau commissaire général était un homme de couleur. Un homme qu'il avait honnêtement était surpris de voir arriver à cette position, justement pour cette raison. Un espoir étrange avait alors tenté de se faire un chemin en lui... mais il se méfiait. Qu'est-ce qu'un homme, contre tout un système ?
Son entretien était planifié à la première heure avec le commissaire général en personne, et Javier avait sincèrement mal dormi. Mal dormi, à cause de ce qu'il savait, ce qu'il avait ignoré, ce qu'il avait fait. A cause des innombrables possibilités et de toutes les façons par lesquelles allaient certainement le décevoir. Il s'était rappelé de ne s'attendre à rien, absolument rien, puis il avait toqué à la porte.

Son supérieur sourit, l'invitant à entrer d'un ton avenant et Javier hoche la tête en réponse, un peu sur la réserve. « Bonjour commissaire. » Il entre à l'invitation, un très léger sourire se plaçant sur ses lèvres au mot café. « Ah, je viens d'en prendre deux... ça va aller. »  Il lui a fallu au moins ça, et il y en aura un troisième dans la matinée, sans le moindre doute. Il s'approche de la chaise qui n'attend certainement que lui, mais ne s'assoit pas pour autant, l'habitude de rester debout quand il est appelé dans le bureau de son Capitaine jouant certainement autant que son désir de ne présumer de rien. « Vous désiriez me voir à propos de McFayden ? » Inutile de tourner autour du pot et de se perdre en politesses. Il préfère en finir au plus vite.

Javier avait mis les pieds dans le plat tout de suite, préférant en venir au fait. Il apprécia le fait que le commissaire n’essaie pas de noyer le poisson, mais exposa les faits tels qu’ils étaient, tels que chacun les connaissait déjà : des plaintes, il y en avait déjà eu. Contre McFayden, en l’occurence, oui, mais si l’on venait à fouiller davantage, peut-être que d’autres choses seraient découverts, s’ils n’avaient pas été trop profondément enterrés.
Le commissaire assura que cette fois-ci serait différente. Javier préféra ne rien dire, sondant silencieusement son vis-à-vis, alors qu’il lui lançait un sourire. Aux questions qui suivirent, il exhala un long souffle, entre résignation et soupir, et vint appuyer ses mains sur le dossier de la chaise qui faisait face au bureau.

« Je n’ai pas toujours été dans ce district. Et j’ai été amené à collaborer avec McFayden par le passé. Si vous avez trouvé les plaintes déposées contre lui, vous n’avez pas besoin de moi pour vous dire que c’est un connard. »

La plupart des gens ne venaient même pas porter plainte, en premier lieu. Ils le savaient tous les deux et Javier ne lui ferait pas l’affront de le lui rappeler. Ce qu’ils avaient trouvé, quoi que ce soit, n’était que la partie émergée de l’iceberg... et encore.

« Il y a de tout, dans toutes les équipes. Même de la part de ceux dont on ne s’y attendrait pas forcément. » Même de lui. « Mais vous allez devoir faire un exemple avant que quiconque vous fasse confiance pour balancer les éléments les plus problématiques. »

Javier essayait déjà de mieux faire, depuis cette putain de manif, vraiment. Il avait même osé aider Bob, certes sans clâmer qu’il le connaissait, mais il se demandait s’il n’aurait pas simplement tourné la tête quelques mois plus tôt, avant de s’en vouloir à mort de ne pas être intervenu. Alors, ouais, il essayait de mieux faire, vraiment. Mais pour autant, aller se foutre à dos tout le precinct et voir McFayden et les autres s’en sortir avec un simple blâme, très peu pour lui.