time alone with you
avec @rosario ortega

elle n’avait pas dit grand-chose quand vous vous étiez tous réunis deux jours plus tôt. vous vous étiez donnés rendez-vous dans un minuscule café du queens pour fixer les dates de vos prochaines prestations. t’avais reconnu la panique dans ses yeux quand ángel lui avait demandé ce qu’elle avait prévu de faire pour noël, alors t’avais changé de sujet. de toute façon, ángel ne pouvait jamais vraiment se concentrer sur une seule chose à la fois. t’avais tout de suite compris. t’avais passé tellement de temps à éviter cette question quand t’étais gosse que t’avais appris à reconnaitre ceux qui étaient comme toi. complètement livrés à eux-mêmes. le reste du temps, elle avait regardé les passant à travers la fenêtre, tellement distraite que personne n’avait vraiment cherché à la tirer de ses pensées. quand vous vous étiez quittés, t’avais demandé à issa où elle vivait. tu ne sais plus vraiment quelle excuse t’avais trouvé pour justifier ta question. tu ne sais même pas pourquoi t’avais menti ou pourquoi t’avais demandé à savoir. elle avait toujours été le membre de votre groupe que tu connaissais le moins. t’étais même pas sûr d’avoir déjà passé du temps avec elle sans les autres. alors, le jour de noël, tu t’es retrouvé à el barrio, un djembé sur le dos et deux sachets dans les mains. harlem était ton repère, là où tu te sentais le plus chez toi. pourtant, là, debout devant sa porte, t’avais l’impression d’être un intrus, un vilain défaut en plein milieu du décor. avant même que la gêne ne te pousse à reconsidérer ta décision, ton poing est déjà sur la porte. merde. trop tard. ton pied tambourine nerveusement sur le sol quand elle apparaît devant toi. elle te regarde, les cheveux bruns couvrant légèrement son visage, les yeux perdus, les traits tellement délicats que c’en était ridicule. il y a les derniers rayons de soleil de la journée qui s’échappent d’une fenêtre derrière elle et qui prennent refuge sur son visage. elle a l’air presque pure, éthérée, céleste. t’as l’impression de venir déséquilibrer, ternir son monde. toi qui dois encore sentir le café et le tabac. toi avec tes mains rugueuses et ta voix rauque, tout en toi qui est brut. toi qui ne pense même pas à prévenir de ta présence. “hey,” tu dis avec un sourire. c’est pas bizarre, pas vrai ? elle n’a pas l’air de comprendre alors t’enchaînes rapidement. “je sais que c’est noël, mais j’ai cru comprendre que…enfin, je me suis retrouvé avec toute cette nourriture et je me suis dit que, je sais pas, l’esprit de noël, partager, tout ça…” lame. so lame, nael. tout ce temps et t’avais même pas pensé à quoi dire. tu montres les sachets dans tes mains, en espérant que ça puisse mieux parler que toi. “c’est du vin pas cher, mais ma voisine fait les meilleurs tamales de la ville.” c’était une mauvaise idée. tu te rends compte que ne t’es même pas excusé. “j’espère que je n’interromps rien— je veux dire, je m’en vais de toute façon. c’était juste…ouais, voilà. joyeux noël.”