Le 02 Décembre 2019

Sage a les yeux rivés sur la pendule qui se trouve à sa droite. Son cœur semble battre au rythme de l’aiguille des secondes. Autour d’elle, le bruit des conversations des clients s’efface, parce qu’elle sait qu’il va bientôt arriver. Ce la fait déjà plusieurs minutes qu’elle attend, qu’elle réfléchit à ce qu’elle pourrait bien noter sur son gobelet aujourd’hui pour peut-être se faire remarquer. C’est stupide parce que Sage, elle n’a jamais cherché à se rendre intéressante, faire partie de la masse invisible ne l’a jamais réellement dérangé. La porte s’ouvre, la sonnette résonne dans le café et Sage sourit plus que de raison. Il doit s’imaginer que c’est normal, que c’est une serveuse chaleureuse. Ils ne se sont jamais réellement parlé, un bonjour poli, la prise de la commande et une formule de politesse pour se dire au revoir. Le genre d’échange que Sage a avec à peu près tous les clients qu’elle sert. Avec son marqueur noir, elle écrit sur son gobelet « Are you from Tennessee ? Because, you’re the only 10 I see. » En espérant que cela soit suffisant.

Le 03 Décembre 2019

Le téléphone collé à l’oreille, le ton agacé et la mine préoccupée, déjà excédé par le discours de son collègue. Il est de ces jours où il fait à peine attention à ce qui l’entoure et où venir récupérer son café du matin n’est qu’une habitude. Une habitude qui fait partie de son quotidien, et qui lui manquerait probablement s’il arrêtait. Surtout le sourire de cette serveuse qui laisse des mots sur les gobelets. Mais aujourd'hui il ne lui adressait en réponse qu’un sourire poli, à peine esquissé et à des kilomètre des sourires chaleureux qu’elle pouvait arborer. Parce qu’il n’y avait pas que la voix tremblante à son oreille qui l’inquiétait, c’était aussi le papier plié qu’il avait entre les doigts griffonné de sa patte de mouche “ One says never create sunshine for those who leave you in the rain. Hopefully, creating sunshine can highlight stranger’s days.”  Il se sentait ridicule, hésitait à lui glisser en échange de son gobelet mais il était déjà trop tard, il valait mieux éviter de trop tergiverser. “Bonne journée.” qu’il répondait comme à son habitude avant de filer en regardant avec un peu plus de curiosité qu’hier le mot qu’elle avait pu laisser de son marqueur noir. Il semblait que sa touche d’humour de la veille l’ait fait réagir.

Le 04 Décembre 2019


C’était donc ça la sensation qu’elle procurait aux gens. Sage n’avait jamais expérimenté le fait de recevoir un mot comme les siens. Hier avait été une première.  C’était inattendu, soudain, elle n’aurait jamais pu deviner que Lewis rentre dans son jeu. Il semblait loin de tout ça, l’échange bref avant qu’il ne glisse ce bout de papier froissé, qu’il parte avant même que Sage n’ait eu le temps de lire l’inscription. Son écriture contrastée avec la sienne, Sage et son marqueur noir, ses grandes lettes rondes, régulières, Lewis et son écriture fine, minuscule. Cette attention avait suffi pour lui coller un sourire encore plus large, sourire dont il n’a pu être témoin, parti trop vite trop précipitamment. Sage avait gardé ce petit mot, ce petit geste qui ne l’a pas fait sentir invisible pour une fois, rangée précieusement dans une boîte à l’appartement comme le trésor le plus important.

Elle l’attendait comme toujours, fidèle au poste. Rares sont les jours où elle n’est pas là, en réalité deux fois dans la semaine, jamais les mêmes repos. Si c’est pour le voir, elle pourrait venir travailler qu’une heure, celle de sa venue. Elle attend jusqu’à l’ouverture de la porte, la cloche qui retenti et son corps qui se redresse. « Bonjour ! » Souriante, enthousiaste, sans doute trop, tant pis. Elle prend la commande, s’empare de son marqueur noir et note. « Kindness is love made visible. » Aujourd’hui, elle aurait peut-être le droit à son second mot si ce qu’elle avait noté hier est suffisant. « Passez une bonne journée ! »

Le 04 Décembre 2019

Il se demandait encore pourquoi il avait répondu à son mot. Une pulsion irréfléchie qui l’a poussé à donner suite à une dragouille maladroite. Il ne savait pas réellement si c’était son intention, peut-être cherchait-elle simplement à le faire sourire. En tous cas ça avait marché. Elle avait capté son attention juste assez pour qu’il se décide à lui répondre que ses mots illuminaient ses journées. Il avait remarqué que parfois elle adaptait ses messages lorsqu’elle comprenait qu’il était dans des jours plus maussades que d’autres. Peut-être que c’était pour cette raison qu’il avait arraché une page de son carnet pour lui répondre une seconde fois. “Never ruin a good day thinking about a bad yesterday. Let it go.” C’est ce qu’il tentait de faire, prenait le temps aujourd’hui de lui accorder un peu plus d’attention que la veille, appréciait le sourire qui s’étendait sur son visage. “Bonjour. Comme d’habitude, merci.” Il s’accorde un moment d’observation, suit des yeux ses doigts qui se saisissent du gobelet et le marqueur s’apposer dessus. “Bonne journée aussi.” Lewis a presque l’impression qu’elle a la voix qui chantonne et ça le fait sourire. Il baisse les yeux vers son téléphone pour s’en cacher, checke ses mails le temps de quitter le café. Ce n’est qu’une fois à l’extérieur qu’il s’autorise à glisser son regard sur les lettres qu’elle a laissé sur son gobelet.

Le 14 Décembre 2019


Il y a des jours où le sourire se fait plus rare, où même Sage a dû mal à être pétillante. Après tout elle est humaine. Parfois, elle fatigue, ses horaires qui ne sont jamais stables, son travail avec la troupe qui lui font des journées à rallonge. Fatiguée, cernée, un sourire un peu plus terne, un peu moins franc que d’habitude.  Malgré ses préoccupations elle n’oublie pas une seule commande, une seule phrase sur les gobelets jetables. Sage essaye autant qu’elle peut d’envoyer toutes ses bonnes ondes, mais pour une fois… elle aimerait qu’on s’intéresse un peu plus à elle. Forcément, quand ça va mal, Sage pense trop s’imagine que Lewis ne viendra pas aujourd’hui, qu’il oubliera son petit mot qui lui réchauffe un peu plus le cœur chaque jour. Elle se dit que de toute manière, elle s’invente une histoire qui n’a pas lieu d’être, qu’elle est stupide, qu’ils ne se parlent jamais réellement. Malgré tout, ses yeux ne quittent pas la pendule. Trop obnubilée, trop concentrée, qu’elle n’entend pas la porte s’ouvrir, qu’elle ne ressent pas le vent froid de décembre qui vient se plaquer sur son visage. Il va être en retard, c’est sûr maintenant, peut-être qu’il ne viendra même pas et puis…

La voix de Lewis qui la ramène sur terre, la fait sursauter. Elle rougit sans aucune raison valable, elle sourit davantage qu’il y a deux secondes. « Bon…Bonjour. » Elle bafouille comme une ado. Sage, elle a envie de se planquer, de se cogner la tête dans un mur tellement elle se sent ridicule. Elle prend la commande, toujours la même, elle l’a apprise par cœur, plus rapidement que pour les autres. Sage hésite un peu plus d’habitude et finalement un peu précipitamment, elle écrit au marqueur noir. « Are you a camera ?  Because every time I look at you I smile. » Elle lui tend le gobelet, ses doigts effleurent les siens, ça lui coupe le souffle une seconde ou deux. Elle le regarde partir sans rien dire, une fois qu’il est loin, qu’elle est sûre qu’il ne puisse pas la voir, elle se cache derrière ses mains pour cacher ses joues rouge.

Le 16 Décembre 2019

C’est une sensation inédite. Jusqu’à maintenant, il s’était contenté d’ériger un mur de glace autour de lui pour décourager quiconque de tenter d’escalader. Il ne parvenait pas à comprendre pourquoi le visage triste de Sage s'imprimait dans sa rétine au point de ne voir que lui lorsqu’il fermait les yeux. Incapable de trouver le sommeil, il tournait et se retournait dans son lit. Pourquoi fallait-il qu’il s’inquiète de ce qu’il pouvait bien la préoccuper? Lewis tentait de se persuader qu’elle n’était que la serveuse qui avait l’habitude de le servir. A se voiler la face, tandis qu’elle n’était plus qu’une simple serveuse depuis qu’il avait eu cette pulsion de répondre à ses mots. Elle s’était insinué doucement dans son quotidien, ça ne faisait qu’une dizaine de jours qu’il lui glissait ses notes en échange de son gobelet, mais elle avait semé ses paroles déjà depuis plusieurs mois. Parfois humoristiques, parfois philosophiques, parfois mystérieuses, quelques fois réconfortantes. Comme un rituel devenu sacré au fil du temps.. Et aujourd’hui il ne pouvait effacer son visage. Le sourire qui devient plus chaleureux lorsqu’elle prend commande, pour faire bonne figure devant les clients. Le sentiment que ça devait être bien difficile de toujours être aimable et souriant devait être exténuant le rend méditatif et se réjouissait de ne pas avoir à le faire.

Est-ce que c’était elle qui l’avait empêché de dormir? Peut-être. Il avait trop de choses en tête Lewis, c’était une constance rassurante pour lui d’être préoccupé. C’était ce qui lui permettait de garder le contrôle, constamment à penser au boulot, à se raccrocher au rationnel. C’est impassible qu’il passe la porte du café pour constater que Sage avait l’air tout aussi ailleurs que l’avant- veille. La brutalité d’une prise de conscience. Voilà deux jours que l’inquiétude était venue s’installer au creux de son estomac. Il avait tenté de se persuader qu’il n’en avait finalement rien a faire, mais le fait est que la voir était à la fois réconfortant et déroutant. Comme commande il se contentait d’un “Je vous laisse choisir”, dans l’espoir qu’une touche d’originalité puisse y faire quelque chose. Pour la première fois il aurait voulu en savoir plus. “You don’t have to be okay all the time and that's okay too.” La note qu’il lui laissait en échange de son gobelet ne lui semblait pas suffisante. " A demain"

Le 16 & 21 Décembre 2019


La période hivernale est toujours compliquée. Les fêtes qui approchent, le froid qui s’installe et les nuits plus courtes, l’organisme est tendu, fatigué. Sage commence à bien ressentir cette fatigue à la mi-décembre. Elle sent bien que son sourire est moins franc, que les phrases qu’elle note sont de plus en plus répétitive. La manque d’imagination sans doute, la lassitude de son travail qu’elle exerce depuis plusieurs années déjà. Malgré tout, elle retrouve le sourire avec les mots de Lewis qui ne semblent pas uniquement répondre au sien. Elle en est sûre maintenant. Sage l’a compris il y a plusieurs jours maintenant et elle en s’en était convaincue le 16 décembre. Lewis s’était montré plus spontané, prenant Sage un peu au dépourvu en lui demandant de choisir sa commande à sa place, elle lui avait donné l’une des boissons chaudes de Noël : le latte noisette caramel qu’elle avait accompagné d’un cookie qu’elle ne lui avait pas fait payer pour accompagner la boisson. Ce jour-là, le mot qu’il lui avait laissé en échange de sa commande lui a confirmé que peut-être… Sage n’était pas si insignifiante que ça et que peut-être, elle faisait bien de fixer la pendule en attendant sa venue. Parfois, elle a envie de le retenir, de lui poser une question ou deux sur sa personne, mais elle craint de le faire fuir. Ce fameux 16 décembre, elle avait noté « Try, try, and try again. Never stop trying. »

Les fêtes sont là, dans quelques jours, Sage reste à New York cette année, elle ne pourra pas rentrer chez ses parents, ce n’est pas bien grave, elle aura le droit aux réflexions habituelles mais… Elle a l’habitude. Comme tous les jours, elle attend avec impatience l’arrivée de Lewis avec la question soudaine de savoir s’il viendrait tout le temps à Noël et au jour de l’an. La possibilité de ne pas le voir pendant plusieurs jours de ne pas échanger avec lui, donne à Sage un drôle de sentiment. L’échange de banalité habituelles. Une commande, un gobelet et Sage qui écrit « Maybe Christmas (he thought) doesn’t come from a store. Maybe Christmas perhaps means a little bit more. » Elle avait pris un marqueur moins épais pour pouvoir tout écrire. Le Grinch, probablement son histoire de Noël préféré. En lui tendant sa boisson, Sage ne la lâche pas tout de suite comme pour l’empêcher de partir immédiatement. « Vous partez pendant les fêtes ? » qu’elle lâche rapidement en même temps que son gobelet.

Le 21 Décembre 2019

Il avait eu l’impression de lui avoir répondu un peu plus personnellement, attentif aux traits tirés de Sage, à la fatigue qu’il avait fini par savoir lire sur son visage.  Lewis avait troqué ses habituelles phrases philosophiques et plutôt généralistes, quoique jamais dites au hasard, contre une parole réconfortante. Conscient que ça ne ferait probablement pas grand chose, que peut-être même elle ne s’en rendrait pas compte. Ca ne l’importunait pas, il ne cherchait pas à attirer son attention plus que d’ordinaire. Lewis avait simplement eu envie de lui dire qu’elle n'était pas obligée de toujours faire semblant, qu’aller mal ou se sentir épuisé fait aussi partie de la vie. A titre personnel, il faut dire que Lewis s’encombre assez peu de ce genre de contrariété. La facilité aussi, d’afficher un visage froid pour tenir à distance. Il était incapable de faire ce que Sage faisait à longueur de journée. Accueillir chaque client avec un visage chaleureux et un mot agréable. S’embêter à écrire des petis mots comme autant de bonnes paroles qu’elle sème de sa bonne humeur. Il avait d’ailleurs gardé certains des gobelets. Ceux qui lui parlaient le plus ou ceux qui l’avaient particulièrement touchés. Une pile de gobelets cartonnés lavés qu’il gardait honteusement dans un coin de sa bibliothèque. Un moyen pour lui de garder en tête ses conseils avisés.

Si le visage de Sage agayait toujours ses matinées, les journées ne commençait pas toujours de bon pied. A contrario, peut-être que c’est pour cette raison que son sourire chaleureux était devenu un traitement rassurant. Comme pour apaiser ses journées trop remplies et trop stressantes. Elle l’avait prise au dépourvu en gardant son gobelet en main pour attirer son attention. “... Non... vous devrez me supporter même pendant les congés. Enfin si sauf si vous avez la chance de partir.” Il valait sûrement mieux pour elle de toute façon, prendre des congés n’était jamais mauvais. Malheureusement pour Lewis cela n’arrivait que trop rarement. Lewis en avait presque oublié de lui donner sa note. Il avait déjà tourné les talons quand il se rendait compte qu’il avait encore le papier entre les doigts. C'était déjà contrarié qu'il avait passé la porte en arrivant et elle avait réussi à le perturber. Il s’empressait de revenir vers Sage pour le lui tendre “Things fall apart so that other things can fall together”. “Encore un peu et je repartais avec. Bonne journée...”    

Le 24 Décembre 2019


Sage ne s’imaginait pas pouvoir troubler Lewis à ce point, enfin elle ne pensait pas que son geste puisse être gênant. Sage avait dû mal avec les barrières humaines, parfois elle dépassait les bornes simplement parce qu’elle les ignore. Une chose est sûre, les vacances de Noël seront plus supportables avec le visage familier de Lewis. Quand elle y repense… Il s’agissait de leur premier véritable échange, celui qui dépasse la simple relation du client/serveuse. Pour l’occasion du réveillon de Noël, Sage avait revêtu son plus beau bonnet lumineux, celui qui fait sourire les enfants, qui peu désespérer les plus grands. Elle essaie tant bien que mal que de partager son esprit des fêtes, elle adore cette période : l’hiver et ses couleurs, la neige, l’ambiance des lumières. Etonnamment le chiffre d’affaire est toujours bon au cours de cette période qu’elle chérit tant. Le début de matinée passe à une vitesse folle, elle en oublie presque de fixer la pendule de son rendez-vous quotidien. Sloan qui débarque avec son air habituel comme si… comme si ce jour n’avait pas un goût particulier. Elle fronce les sourcils, il est interdit de faire la tête pout les fêtes, c’est bien connu non ?  « Bonjour ! » Enthousiaste, sans doute trop pour l’heure qu’il se fait. Elle est heureuse de le voir, surtout en ce jour si particulier. C’est stupide, très con même, elle ne va pas lui demander de passer le réveillon avec elle, ça serait étrange, déplacé aussi, tellement peu professionnel. « C’est le réveillon de Noël ! » Elle ne peut s’empêcher de lui dire, comme si Lewis avait pu oublier cette date. Elle trépigne d’impatience, d’être le soir et de se goinfrer littéralement, d’avoir le ventre sur le point d’implosé. Sage semble avoir repris du poil de la bête ou bien la fatigue est tellement présente qu’elle n’endolorie plus son corps.

« If you don’t have a christmas present, it’s not because you’re naugthy… » Elle n’a pas assez de place sur le gobelet et elle ne peut décemment pas recommencer ou faire une quelconque rayure. Sage décide de remplir une seconde boisson chaude pour finir sa phrase. « … It’s because I can’t find you chimney. » Elle tend les deux gobelets avec un large sourire. « L’un est offert par la maison ! » Ou alors déduit sur sa paie, ça n’a pas d’importance. « Et Ho ho ho joyeux Noël ! »

Le 24 Décembre 2019

Ca lui échappait complètement, cet engouement pour les fêtes. Pour autant, Noël chez ses parent n’avait jamais été d’une joie immense, une période qui ne faisait que creuser un peu plus le gouffre qui le séparait d’eux un peu plus chaque année. Lewis avait finit par ne plus ressentir l’immense tristesse qu’il éprouvait alors. Se contentant de prendre sur lui, un mauvais moment à passer. Chaque année pourtant à cette période, il se noyait davantage dans ses codes, tentant de combler le vide que sa famille défaillante avait creusé en lui. C’est à sa sœur dont il n’avait toujours pas de nouvelles qu’il pensait en passant la porte du café. Une pointe d’espoir jouait la résistance au fond de lui, peut-être qu’elle lui donnerait de ses nouvelles aujourd’hui? Un soupire las, un poil désespéré s’échappait de ses lèvres alors qu’il scrollait la conversation à sens unique qu’il avait depuis des semaines. “Ah.. oui.. comment l'oublier? ” qu'il faisait en pointant son bonnet en souriant discrètement. L’humeur de Sage était diamétralement opposée à la sienne. Elle semble emplie de joie à l’idée de passer le réveillon. Il la trouvait attendrissante avec ses joues colorées et son bonnet lumineux. Son regard s’était adoucit aussitôt posé sur elle et sa joie communicative semblait apaiser ses craintes au moins quelques minutes.

Il avait passé plusieurs minutes la veille à fixer la page blanche de son carnet sans savoir quoi y annoter. Ça faisait plusieurs jours que de son côté, Sage faisait des références aux fêtes. Autant dire qu’elle avait probablement remarqué que ce n’était pas son fort, il avait évité le sujet, répondu globalement à ses notes sans évoquer réellement Noël. Aujourd’hui était un jour spécial pour elle et il en avait conscience. “ At this time of the year, remember to be thankful for those small blessings that grace your life each day. Keep smiling, and  above all, strive to just be yourself.” Pour lui c’était plus ou moins un jour comme les autres, il préférait penser aux sourires immenses qu’elle lui offrait ce matin plutôt qu’à la soirée qu’il passera seul devant ses écrans. “Merci.. Passez un bon réveillon Sage.” Un sourire à la fois sincère et reconnaissant. Il songeait à peut-être lui offrir quelque chose pour la remercier de ces extras qu’elle lui donnait parfois. Quand il y pense il lui sembla que c’était la première fois qu’il l’appela par son prénom.

Le 01 janvier 2020


SSage hurlait des « Bonne année ! » à qui voulait bien l’entendre, l’avait écrit un nombre incalculable de fois sur les gobelets jetables. Celui qu’elle attendait le plus de dire, c’était celui de Lewis. À Noël, elle avait eu le droit d’être appelée par son prénom. Ça faisait longtemps qu’elle n’avait pas entendu quelqu’un le prononcer avec autant de… elle ne sait pas trop, ça lui a fait drôlement plaisir en tout cas. Malgré la fête de la veille et les cernes apparentes, elle restait souriante pour les clients, le vrai sourire de la nouvelle année qu’elle aimerait communiquer aux autres. Les yeux habituellement rivés sur la pendule, les matins de réveillons sont toujours plus calmes, il faut bien le reconnaître. Réglé comme une horloge, Lewis finit par pousser la porte, un large sourire qui vient retrousser le coin de ses lèvres. Il est difficile d’imaginer qu’elle puisse sourire davantage mais voilà qui est chose faite. Il n’a même pas besoin d’attendre qu’il se retrouve déjà face à Sage. « Bonne année ! » Avant un bonjour, avant de prendre sa commande en espérant le garder chaque jour une seconde supplémentaire. L’espoir qu’il reprononce son prénom alors qu’elle est toujours contrainte de maintenir un certain professionnalisme, quand elle aimerait juste dire Lewis, le prononcer avec nonchalance. La commande identique à celle des autres jours. Elle s’exécute comme toujours avec soin. Elle est folle sans doute, un peu trop obsessionnelle certainement.
« Today is the first blank page of a 365 page book. Write a good one. » L’écriture régulière et soignée. Cette citation la met toujours de bonne humeur, aujourd’hui, elle la partage un Lewis. Un peu plus d’elle sur son gobelet.  « J’espère que vous avez passé un bon réveillon et que cette année sera pleine de bonnes choses. » Et si elle pouvait être l’une ses choses positives, elle en serait ravie.

Le 06 Janvier 2020

Il a l’impression que ça le dépasse un peu Lewis. Cette sensation qui le prend au ventre quand il s'apprête à répondre à Sage. Sa spontanéité, l’étonnera toujours, comme s’il n’y avait rien de plus naturel pour elle que de dégainer son gros marqueur noir pour diffuser des paroles réconfortantes. Lui ne sait pas, comment être réconfortant, ni spontané d’ailleurs. Tout est calculé, réfléchi à l’avance, pas de place pour l'inattendu. Et pourtant c’était ce qu’elle était. Sage était sa touche d'imprévisibilité quotidienne et ses mots lui faisait chaud au coeur. Sa joie de vivre lui mettait quasi chaque matin une baffe, si bien qu’il se sentait presque coupable de faire constamment la gueule. Il se sentait ridicule chaque soir à se poser devant son carnet pour répondre à ses messages, cherchant ses mots, cherchant à lui apporter en retour un peu de son soutien quotidien. Est-ce que c’était suffisant? “I don’t think I ever seen someone so peacefully deep in concentration. Best wishes for this year, don’t run something you want to last forever, the journey is yet to come.” Il la trouvait belle chaque fois qu’il parvenait à l’observer sans qu’elle s’en aperçoive, tandis qu’elle prépare les boissons des autres et qu’il s’étonne à s’attendrir face à sa façon d’être. Lewis n’avait pas foulé le carrelage de la boutique ses derniers jours, la panique du début d’année déstabilisait ses troupes. Pas mécontent de laisser derrière lui la période de Noël, Lewis se sentait déjà moins oppressé par l’ambiance festive. Pourtant il lui semblait déjà que, de ce fait, Sage n’avait plus l'excuse toute trouvée pour lui glisser quelques mots en plus. “Merci, à demain Sage, bon courage.”

Le 10 janvier 2020


Il y a son prénom qui résonne sur ses lèvres presque quotidiennement maintenant. Une intimité qui s’était créé à base de petits mots sur les gobelets. Quelques mots échangés en plus chaque jour, une mini conversation de quelques mots, de quelques phrases au mieux. C’est devenu son moment préféré de la journée. Il faut avouer que les fêtes de fin d’année ont bien aidé au rapprochement, malgré les cernes et les services qui n’en finissent plus. Elle recommence à avoir une meilleure mine, elle se repose plus, arrive moins en retard le matin. Elle souffle un peu plus et comme toujours, elle est fidèle au poste dans l’attente de voir Lewis débarquer. Chaque jour, elle pense à ce qu’il va bien pouvoir lui dire ou écrire même. Elle tente de deviner, précise sa pensée dès qu’elle le voit franchir la porte et souvent elle se trompe. Il est surprenant Lewis, elle aime bien ça chez lui.

Elle a ce sourire qui s’élargit, une tentative souvent vaine de le garder un peu plus longtemps au comptoir, elle pourrait parler météo si jamais ça le faisait rester qu’une seconde de plus. Sage s’affaire à sa commande. Elle manque un peu d’inspiration aujourd’hui et… c’est sans doute l’approche du week-end, de son premier samedi de libre depuis un bail qui la pousse à écrire. « Call me maybe 800-223-101 » Un peu ambitieuse pas certaine de réaliser une manœuvre concluante. Au moins, elle peut se dire qu’elle aura essayer. Sage sent bien que ses joues se sont mises à rougir quand elle lui a tendu le gobelet quand elle a imaginé la tête qu’il ferait en voyant son numéro écrit noir sur blanc.

Le 11 Janvier 2020

Il aurait pu s'attendre à un tas de choses. Sage avait ce petit quelque chose qui l'intriguait en plus de cette faculté à le surprendre de ses attentions quotidiennes. Pour autant, il était resté comme un con devant son gobelet à fixer les chiffres qu'elle y avait laissés. Une journée entière de déconcentration, de regards qui se posent régulièrement sur le numéro de téléphone qu'il avait recopié dans l'angle de la page de son carnet. Il se souvient de son air gêné, ça ne l'avait pas interpellé sur le moment mais il avait compris en regardant son gobelet du jour. Pas de petite phrase rigolote ou encourageante mais un pas un peu plus avenant qu'à l'habitude et il se retrouvait comme un con à ne pas savoir quoi faire.

Le lendemain il n'avait pas eu le temps de se rendre au café, une urgence à gérer comme ça arrivait de plus en plus souvent. Sauf que désormais il s'inquiète de savoir si elle attend sa venu. Lewis venait certes presque tous les jours, parfois il n'avait simplement pas le temps. Il ne s'en préoccupait pas plus que ça à la base, jusqu'au jour où il s'est rendu compte qu'une déception venait se nicher dans son estomac les jours où elle ne travaillait pas. Alors, perdu dans les rues de New-York, à l'arrière du taxi, il attrapait son carnet pour inscrire son numéro sur son écran. "Can't come today. My concentration will miss your morning coffee..." Comme si c'était une évidence, il avait eu l'etourderie de ne pas signer. Il y avait comme quelque chose qui ne tournait plus rond quand elle ne lui servait pas son café. Une douce habitude dont il aurait bien du mal à se passer,et il savait que toute la journée durant il allait se demander comment elle aurait été se matin. Si la fatigue se lisait sous ses yeux, si ses lèvres étaient roses ou si son pull était blanc.

Le 11 janvier 2020


Elle était pleine d’audace Sage, un numéro glissé sur un gobelet. Elle se doutait bien que ce n’était pas la manœuvre la plus discrète et subtile, pourtant, elle n’avait pas pu s’empêcher de le faire dans un élan de courage. Le lendemain, elle s’est étonnée de ne pas voir Lewis débarquer à son heure habituelle, elle s’était dit que peut-être… et bien… elle venait de mettre un terme à une belle histoire, que peut-être et bien… elle était allée trop vite et que Lewis ne viendra plus jamais en s’imaginant que Sage est une grande folle et que sa place n’est pas dans un café mais dans un asile. Elle a soupiré, déçu de ne pas le voir, de ne pas recevoir son petit mot quotidien parce que oui, elle y avait pris goût.

À sa pause elle retrouve son téléphone qu’elle laisse toujours dans son sac. Armée d’une boisson chaude et d’un cookie, elle se laisse s’effondrer dans un des sofas réservés aux clients, les yeux fixés sur l’écran tactile, un flot de notifications, un message d’un numéro inconnu. Elle fronce les sourcils avant de l’ouvrir et rapidement sans doute trop parce qu’elle a manqué de s’étouffer en buvant son café. Un message de Lewis. C’est pas signé mais elle sait, elle comprend. « Well, thanks god you have my number now. I wonder how do you get it » Elle envoie le message, finalement Lewis n’avait pas pris peur. « This morning I asked my pen how it feels today… It didn’t reply… Maybe it misses you, it can’t write anything for anywone… Maybe tommorow will be a better day. » Elle prend une photo de son gobelet blanc vide, parce que bien sûr, elle ne s’écrit jamais rien pour elle.

Le 20 Janvier 2020

Il avait osé Lewis, lui envoyer un message. Dans un sens il s’était senti presque obligé, il ne voulait pas lui faire face de nouveau en ayant sciemment ignoré son numéro sur son gobelet. Ca lui avait couté beaucoup d’efforts parce qu’il craignait s’embarquer dans quelque chose qu’il ne maîtrisait pas. Une hantise pour lui, alors que déjà ses quelques messages échangés ces derniers mois semblaient lui échapper. Presqu’un goût d’exotisme tellement ce n’était pas dans ses habitudes. Sage avait répondu avec son habituel bonne humeur, s’était même accordée l’envoi d’une photo. Pas d’elle certes, mais pour être honnête il avait eu un petit haut le coeur en voyant la notification d’une image. Le lendemain comme il l’avait suggéré, elle lui avait choisit une boisson fraîche. Intriguant pour un mois de janvier avait-il pensé mais plutôt bon finalement, comme toujours elle été pleine de surprises..

Quelques jours plus tard, il n'avait pas reçus d’autres sms de sa part, n’en avait pas envoyé non plus de son côté. Même si ce week end au son d’un vieux vinyle grésillant, et le coeur lourd de solitude, il avait bien envie de lui envoyer une petite note. “Sometimes I feel small, but so are the stars from here.” Il se contentait finalement de l’écrire sur une feuille de son carnet qu’il glissa à Sage en main propre le lendemain. La force de l’habitude. “Vous pouvez me compter une boisson et un en-cas supplémentaires, ils seront pour votre pause.” C’était sa manière de la remercier pour les quelques cookies qu’elle avait pu lui glisser et pour le reste. Sa bonne humeur et ses mots qui lui remontent souvent le moral et peut-être démarrer la semaine sur une bonne note. Peut-être que ce soir il lui enverra un message, peut-être qu’elle aura l’audace de le faire avant lui.

Le 28 janvier 2020

C’est un être spontané, Sage. Pas toujours très réfléchie il faut bien le reconnaître, elle agit par pulsion, par envie et désir. Elle s’était dit que c’était une bonne idée de laisser son numéro plutôt qu’une phrase, une suite de nombre que Lewis avait su recomposée pour prévenir d’une absence, un numéro en retour qu’elle s’était empressée d’enregistrer avant de le réutiliser sans raison. D’avoir une boule au ventre quand elle appuie sur envoyer, la peur d’un blanc, la peur d’une réponse fantôme, la peur d’en faire trop ou pas assez. L’impression d’être adolescente une nouvelle fois. Quand il revient au Starbucks, c’est presque comme si de rien n’était, sauf qu’elle lui glisse la fameuse boisson glacée en plein hiver, un refresha citron vert, sans doute la boisson qu’elle préfère. Elle lui glisse toujours un mot sur son gobelet et lui toujours un morceau de papier qu’elle récupère sur le bord du comptoir.
Sage se laisse avoir par les attentions nouvelles de Lewis, les mots avaient été un premier pas, le second par le premier sms, enfin un achat désintéressé de pâtisseries réchauffées, elle ne va pas se mentir Sage, elle adore ça. Elle balbutie souvent un simple merci, se demandant si un jour il se proposera de repasser pour sa pause, rester avec elle, peut-être avoir une vraie discussion. Ces derniers jours, elle a tendance à se montrer plus audacieuse, moins cérébrale. Le retour aux bonnes vieilles phrases, aujourd’hui, elle se sent d’humeur blagueuse, l’envie de parler indirectement de ce qu’elle aime le plus, la photo.

« I’m a photographer, and I can picture us together. » Sauf que cette fois, elle s’imagine de l’autre côté, pour une fois d’être le modèle et non la photographe.

Le 29 Janvier 2020

Est-ce qu’il avait franchit la ligne qu’il s’était fixé? Probablement. C’était un coup de tête, un moment un peu suspendu qui l’avait poussé à lui répondre la première fois. Il n’avait jamais vraiment songé aux conséquences, à ce que ça allait bien pouvoir provoquer. Il n’avait pas envisagé l’implication que Sage pouvait finir par avoir dans son quotidien. Pourtant aujourd’hui après plusieurs semaines à s’échanger des mots, il ne se connaissent pas réellement. Lewis et son habitude de rester vague et de distiller peu d’informations personnelles. Sage et ses phrases rigolotes, réconfortantes voir un poil rentre-dedans. S’il avait prit l’habitude de la spontanéité de Sage, il ne pouvait ignorer le fait que chacun ne connaît qu’une infime partie de l’autre. Il ne sait plus s’il valait mieux pour lui  rester vague mais il ne pouvait nier cette pointe de curiosité qui grandissait chaque jour un peu plus. Il avait parfois l’impression de l’idéaliser, de faire face à celle qu’il aurait envie qu’elle soit, toujours à relever les petits détails insignifiants pour en déduire  une histoire.


“My mind drowns in possibilities.” Est-ce qu’elle avait finit par comprendre qu’aucun de ses mots n’est posé au hasard? Est-ce qu’elle avait compris qu’au travers de ses phrases un peu vagues se cachaient ses souffrances? Est-ce qu’il même avait été capable de comprendre les messages cachés derrière les blagues de Sages? Son message entre la blague et le souhait concret de la veille avait suffit à instiller un doute persistant. C’est d’une humeur préoccupée qu’il glisse son papier à Sage aujourd’hui, perdu dans la signification de ce que leurs échanges pouvaient désormais avoir. “Bonne après-midi Sage, à demain.” Il lui est parfois difficile d’attendre le lendemain, impatient comme un gosse de découvrir ce qu’elle lui laisserai sur son prochain gobelet, aujourd’hui il ne savait plus à quoi s’attendre.

Le 30 janvier 2020

Parfois, elle se dit qu’elle en fait trop. Elle est excessive Sage, trop entière, trop extravertie, trop curieuse, un peu trop de tout et pas assez de retenue. Elle a besoin d’inventer, de créer, d’aider. Elle a besoin de parler, de dire un tas de choses, de mots qui ne servent à rien. C’est pour ça qu’elle écrit aux gens sur leur gobelet du Starbucks, c’est pour ça qu’elle brûle d’en savoir plus. Lewis, sans le savoir, il était rentré dans son jeu, ce n’est pas méchant mais Sage s’est attachée à cette routine, de ces moments de vie qu’elle lui prend, ces moments où il pense à elle, parce qu’elle est certaine qu’il doit penser à elle. Sinon, il ne se serait jamais servi de son numéro. Presque deux mois d’échange semi épistolaire, deux mois de vestiges, de souvenirs qu’elle conserve égoïstement. Sage n’est pas du genre à se torturer la tête pour rien, mais elle comprend, enfin elle croit comprendre que parfois cette histoire ça les dépasse un peu tous les deux. Elle comprend aussi que ça n’a pas de réel sens, enfin… ils n’ont jamais eu de véritables discussions, elle connait peut-être son prénom et son numéro mais quoi ? Qu’est-ce qu’il peut bien faire dans la vie ? Qu’est-ce qu’il aime faire ? Est-ce qu’il lit ou bien fait du sport, a-t-il des allergies ? Un tas de détails insignifiants que Sage affectionne particulièrement. Des détails qu’elle invente à défaut de les connaître pour pouvoir satisfaire sa curiosité.

« You were born to be real not to be perfect… Perfect is boring. » Un petit rappel pour lui, pour elle aussi qu’on ne peut pas non plus réellement échapper à qui nous sommes réellement. Ce qu’elle est sûre, ce qu’elle aime bien c’est quand elle entend ton prénom qui s’échappe de ses lèvres.

Le 05 Février 2020
C'était le regard rivé vers la fenêtre qu'il avait pensé à l'un de ses mots. Les yeux glissants légèrement vers les quelques gobelets estampillés Starbucks empilés et calés dans sa bibliothèque fourre-tout. Il ne cherchait pas à être parfait. Lewis est, sans aucun doute, quelqu'un d'exigeant, d'autant plus envers lui même et il n'aime pas laisser place à l'erreur ou encore à l'approximation. Pourtant c'était tout ce qu'étaient leurs échanges. Approximatifs et relatifs. Pouvaient ils vraiment se targuer de connaître une face cachée de l'autre ? L'impression de pouvoir apprécier une partie secrète de Sage ne le quittait plus depuis quelques jours. Et il aimait à croire qu'elle ressente la même chose. Il est le genre d'homme à ne pas s'encombrer de ce qu'il ne comprend pas, mettant toujours la beauté cartésienne au premier plan, pour autant il appréciait les mots qu'elle lui écrivait. Ça n'a rien de très rationnel et pour la première fois depuis longtemps, il s'étonne à apprécier le goût de l'inattendu.

L'esprit à la confidence, le stylo qui noircit les pages de son carnet, comme à son habitude il libère son esprit sur le papier ou il couche le tourbillon qui occupe ses pensées. " I never learned how to just love something. I always let it consume me." une propension à l'excès qu'il confie et un bas de page proprement arrachée. Il lui semble aujourd'hui que ce carnet est plein de trous, même plus que tous les autres. Le lendemain matin, elle lui paraît peut être plus tendue. Une pointe de fatigue qu'il soupçonne se cacher derrière son sourire radieux. Mai il se sent pourtant bien incapable d'articuler la moindre parole réconfortante, se ravissant à peine avait il ouvert la bouche. Il n'avait ni s'est mots ni son aisance et ferma finalement la porte derrière lui après n'avoir su que lui dire ses bonjours et mercis habituels.

Le 06 février2020

La phrase d'hier l'a laissé sans mot, ce qui est plutôt rare chez Sage et les messages envoyaient plus tard n'avait pas arrangé sa maladresse. L'humour comme unique défense, une parade contre tout attaque, ça justifie toute son existence, son incapacité à se lancer réellement dans la photo, son manque de relations sérieuses à un âge oú elle devrait sûrement chercher à vouloir se caser. Parler de sentiment ça n'avait jamais sa plus grosse qualité, elle pensait que Lewis serait plus pudique à ce sujet, moins direct. Mais elle ne va pas mentir, elle avait aimé cette confession écrite.

Le lendemain, elle est toujours aussi fatiguée que la veille, sans doute plus à cause de ma vilaine insomnie qui l'avait maintenu loin des bras de Morphée, les propos de Lewis qui tournent en boucle dans son esprit alors qu'elle cherche une réponse à sa problématique. Elle a préparé le gobelet en avance quand elle a eu cet eclair de genie quelques minutes avant de le voir débarquer « Isn't love is like a fire ? I rather be on fire a few seconds than not feeling anything for the of my life. » Elle avait pris un marqueur plus fin, son écriture régulière le bouchon dans la bouche quand il debarque enfin et que sa voix fait redescendre Sage sur Terre. elle recrache quasi immédiatement le bouchon qu'elle tenait encore entre ses dents. Son coeur s'était emballé et ses joues sans doute devenues plus rouge que d'ordinaire, elle n'aime pas etre prise sur le fait d'écrire, quand ses yeux se plissent que ses lèvres vont de droite à gauche pour mieux reflechir. C'est pourtant elle observe les gens habituellement. Elle lui lance toujours les mêmes politesses et avant de lui tendre le gobelet, de le laisser le récupérer elle annoce bêtement. « J'ai bu de l'eau ce matin. » Elle regrette presque instantanément sa bêtises, elle garde encore le gobelet dans les mains, comme si elle ne pouvait se resigner à le lâcher « Et je vais lacher votre boisson et vous souhaiter une très bonne journée. » encore une fois, elle loupe une occasion de se taire.