Ils se font du mal, c’est indéniable. Pas tout de suite, pas ce soir, et surement pas dans les semaines à venir. Nate sait très bien que la tendresse et la passion d’Alej lui feront tourner la tête pendant l’été ; qu’il ira vers lui le coeur battant, plein de sentiments qu’il n’a pas l’habitude de ressentir en temps normal, pas quand il est éloigné du Mexicain. Ces sentiments ne lui provoqueront qu’une grande joie, difficilement contrôlable, difficile à expliquer à ceux qui composent son entourage. Par contre, il en ira autrement à la fin de l’été, quand il devra refaire ses valises pour Yale, laissant à nouveau derrière lui son amour, la passion, les sentiments qui occupent son coeur. Il replonge aussi facilement qu’un drogué vers ces sensations qu’il ne sait pas trouver ailleurs.

Pour l’instant, cela dit, il n’est pas temps d’y penser ; et Nate préfère s’occuper d’Alej comme il se doit, jusqu’à lui arracher ce murmure de satisfaction qui suffit à lui apporter satisfaction. Il relève les yeux vers son amant, puis finit par se redresser, laissant Alej déboutonner sa chemise.

- Yeah, I go to the gym a lot, and I run...

Il se mord la lèvre, guilty as charged, et embrasse les lèvres d’Alej. Sa chemise rejoint bien rapidement le sol derrière lui, et il attrape la main de son amant pour mêler leurs doigts. Aussi passionnés soient-ils l’un de l’autre, la tendresse n’a jamais quitté leurs ébats. C’est cette dualité qui décuple le plaisir de Nate, sans doute, bien plus qu’une partie de jambes en l’air machinale avec un inconnu. C’est peut-être aussi lié au fait qu’il n’avait jamais couché avec personne d’autre avant de coucher avec Alej, et que le Mexicain avait pris la mesure de l’importance de la douceur.

- Should we go to your bed? I’m afraid we won’t be able to walk here if we keep going on like that...

Il murmure, amusé, haussant un sourcil interrogatif. Ses lèvres rejoignent bien rapidement la nuque d’Alej, et ses doigts libres redessinent les lignes de son torse.

A son commentaire sur ses abdominaux, Nate précise qu'il va effectivement à la salle de sport pour entretenir sa plastique (lets be honest) avantageuse. Alejandro esquisse donc un sourire intéressé, sourire qui n'empêche pas ses mains de continuer leur exploration par ailleurs, puisque la curiosité est de mise face à un tel apollon. Il y a finalement quelque chose d'amusant et d'étrange dans le fait de redécouvrir ce corps qu'il connaissait par cœur, mais ce n'est pas déplaisant loin de là. Son amant a bien changé physiquement, mais ce serait faire preuve d'une belle hypocrisie que de prétendre que ce n'est pas en bien. Toujours baladeuses, ses mains continuent ainsi leur course jusqu'au bouton de son pantalon, qui saute en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

- Well, I'd say it's working well. Grown up Nathaniel is looking very attractive.

Petit regard en coin, sourire espiègle au coin des lèvres, les pensées qui traversent l'esprit du mexicain sont loin d'être pures et chastes. Qu'on lui jette donc la première pierre, si cela s'avère nécessaire. Il y a des choses qui s'expliquent sans avoir besoin d'être illustrées, c'est le cas de l'attirance qu'il éprouve pour celui qui sera son mari des années plus tard. Leurs mains se lient, leurs lèvres se cherchent. Il ne s'agit clairement pas que d'une histoire de sexe. Il y a de la confiance, du respect mutuel, un besoin irrationnel de se retrouver après quelques bouffées d'air seulement. Certaines choses ne changent pas. Ils n'ont pas oublié leur chorégraphie, et la danse reprend bien rapidement, synchronisée comme un spectacle que l'on aurait répété des centaines de fois. Alejandro retrouve ses habitudes dans son cou, sur son épaule, sur sa chair. Il se remémore les envies de Nate, les gestes qui lui arrachaient autrefois des soupirs. Il s'agit à la fois de retrouvailles et d'une découverte. C'est bien plus plaisant que tout ce qu'il a connu jusque là. Puis Nate l'interrompt pour soulever un détail non négligeable.

- Alright, alright, let me give you a tour...

Sa main toujours dans la sienne, il traverse le petit appartement pour aller jusqu'à sa chambre, non sans embrasser son épaule au passage dans un geste affectueux. Il le fait entrer tout d'abord puis pose de nouveau ses mains sur lui, ces mêmes mains qui se heurtent à son pantalon qu'il fait glisser au sol une fois pour toute. Il le désire de tout son être, de tout son cœur. Son rythme cardiaque s'emballe, dans une sensation qu'il aurait presque oubliée après ces deux années de malheur. Il fait avancer Nate jusqu'à son lit et l'encourage à s'y allonger, ses lèvres s'emparant des siennes avec une ferveur certaine. Leurs peaux se frôlent, se caressent. Le véritable bonheur n'a jamais été si proche. Ils se retrouvent, fusionnent dans un moment qui appartient déjà au passé.
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Apparemment, l’effet des longues séances de sport sur le corps de Nate plait à Alej, et cela arrache à l’étudiant un sourire en coin qu’il ne peut réfréner. Il mentirait s’il n’admettait pas qu’il est content de prendre soin de lui et de plaire toujours autant au Mexicain. Il a changé, depuis qu’il n’est plus cet élève du lycée que les gens appréciaient déjà beaucoup. Il a grandi, gagné en assurance, en maturité. Il a toujours été du genre à savoir ce qu’il voulait, mais cette vérité s’est révélée plus qu’exacte alors qu’il passait les semestres à Yale. L’université est telle qu’il l’imaginait ; la seule ombre au tableau, c’est d’avoir dû sacrifier l’amour qu’il ressent pour l’homme qui le déshabille en ce moment. En même temps, il n’aurait pu faire aucun autre choix. Yale est un endroit qu’il a toujours voulu fréquenter, et il a toujours su qu’il voulait être avocat ; s’il avait renoncé, il aurait été terriblement malheureux. Parce qu’être doué, être bon, faire partie des meilleurs, ce sont des choses qui le font vibrer, aussi. Il aurait été idiot d’envisager ne serait-ce qu’une seule seconde de sacrifier des études prestigieuses pour Alejandro ; pas parce que Nate ne l’aime pas suffisamment. A l’époque, il a senti son coeur se briser au fur et à mesure que l’éloignement s’imposait. Non, le problème, c’est qu’ils auraient fini par s’en vouloir, tous les deux, par être frustrés. Par se détruire. Alors il est parti, et il partira encore, et oui, il y a une partie de son esprit qui espère que quand il reviendra pour de bon à New-York, Alej sera encore là, au détour d’un café, qu’ils pourront reprendre là où ils se sont arrêtés. Même si c’est naïf, idiot de penser comme ça. Et peut-être un peu égoïste, encore qu’il n’osera jamais l’imposer à Alej de quelque manière que ce soit.

- You’re looking very attractive too, you know?

Nate ne ment pas. Il désire toujours autant Alej, et nul besoin de faire le moindre effort pour ça. L’attraction n’est pas que physique, elle est aussi mentale, psychologique. Il l’aime, les sentiments ne s’effacent pas malgré les années d’éloignement, et il n’y peut rien. Il le suit, distraitement, jusqu’à la chambre, impatient, insolent, embrassant sa nuque et s’allongeant sur le lit quand il l’y invite, se laissant caresser, embrasser, embraser. Le feu qui brûle dans le bas de son ventre lui semble impossible à éteindre, il ne sera jamais las de ces baisers, de ces étreintes. Et alors qu’ils font l’amour comme ils se retrouvent, mais aussi comme s’ils ne s’étaient jamais quitté, Nate se retient de justesse de lui murmurer qu’il l’aime au coin de l’oreille.

Il se laisse tomber à ses côtés, ses jambes mêlées aux siennes, sa main qui caresse distraitement l’épaule d’Alej.

- It was even better than in my memories...

A la remarque de Nathaniel, Alejandro sourit. To be fait, it probably was. Ils étaient adolescents lorsqu'ils se connus, et il est fort probable que les années et l'expérience aient amélioré les choses sur ce point. Toujours est-il que le mexicain ne s'est jamais senti aussi bien. Si on lui avait dit que sa journée se passerait ainsi, il n'aurait probablement pas eu tant de mal à se lever suite aux réprimandes assourdissantes de son réveil. Les voilà donc pourtant, tous les deux, jambes entrelacées, sa main droite redessinant calmement les contours du corps de Nate. Le bonheur ressemble à ça, pas à la vie qu'il mène en dehors de cette heure de répit. Le bonheur véritable c'est cette vie où il est blotti contre celui qu'il éprouvera les plus grandes difficultés du monde à laisser partir. Mais aujourd'hui, le temps est comme suspendu, et Septembre lui paraît encore loin. S'il doit y penser tout de suite, autant raccompagner Nate chez lui tout de suite et ce n'est pas vraiment ce qu'il souhaite pour tout dire.

Une part de la réalité d'Alejandro ne peut pas être niée cela dit, et s'il doit revoir Nathaniel sur une base régulière ou même l'inviter à passer la nuit ici ce soir, alors des présentations s'imposent. Son fils Esteban, toujours chez sa mère, n'attend qu'une chose, le retour de son père. Le petit a deux ans, des bouclettes brunes qui trahissent ses origines et un sourire à croquer, il ,n'y pas de raison pour que Nate ne soit pas attendri lui aussi. Du moins c'est l'espoir mûri par Alejandro dont le cœur se broie à l'idée que Nate ne comprenne pas sa décision, qu'il refuse de fréquenter un jeune papa toujours débordé. Et s'il se laissait ?

- It was...

Alejandro prends une inspiration, pose son regard chocolat dans celui de Nate.

- Do you want to meet my son ? You don't have to, but do you want to ?

Les battements de son cœur s'accélèrent désagréablement, c'est sûrement ridicule, mais Alejandro a peur d'une réponse négative. Après ces retrouvailles passionnées, Alejandro exige une nouvelle fois trop de Nate. Il a besoin qu'il l'accepte entièrement, avec son fils, avec ses failles.

Nate reste contre Alej et ferme les yeux un instant, profitant de ses caresses pour sombrer dans ses pensées. Dire qu’il est heureux, en cet instant, serait sous-estimer la réalité de ses émotions. Il respire l’odeur de son amant, redessine les courbes de son corps et s’imprègne autant que faire se peut de tous ces gestes et de tous ces sentiments qu’il ressent en sa présence. Nate ne savait pas, en arrivant la veille, qu’il retrouverait Alej si vite, même si ce serait mentir que de prétendre qu’il ne planifiait pas leurs retrouvailles dans sa tête en rentrant à New-York. Rien ne lui semble pouvoir altérer ce moment. Il se redresse un peu quand Alej prend la parole, s’appuyant sur son coude pour regarder son visage et caresser sa joue.

- Do you want me to? I’d love to, as far as I’m concerned, but I don’t want you to feel uncomfortable about it.

Il lui offre un sourire et embrasse le coin de ses lèvres. Il ne veut pas s’imposer dans la vie d’Alej ou lui donner l’impression qu’il lui doit quoi que ce soit sous prétexte qu’il est là. Il sait qu’il va devoir repartir à la fin de l’été, et souhaiterait causer le moins de tord possible, même s’il ne sera pas capable d’épargner le coeur de son amant ; il préfère lui laisser le choix total pour le reste.

Alej se sent bien, comme il ne s'est pas senti bien depuis des lustres en réalité. La main de Nate sur sa joue, ses lèvres qui vont chercher les siennes... Il n'est pas certain de ne pas se faire beaucoup plus de mal à la fin de l'été pour être honnête... Impliquer Esteban dans tout cela n'est pas non plus la meilleure des idées qu'il ait eu jusqu'à présent, mais il n'a pas vraiment le choix s'il souhaite continuer à voir Nate jusqu'en Septembre. Et puis une partie de lui souhaite que Nate rencontre son fils, parce qu'ils seront à jamais les deux hommes de sa vie, même si Alej ne peut pas encore parler de certitude au sujet de Nathaniel. Il en rêve pourtant, même si l'idée lui semble aujourd'hui presque ridicule. Les chances pour que leur amour survive à 5 années d'université passées loin l'un de l'autre sont minimes et il serait probablement idiot de se perdre dans de tels espoirs, mais cela lui arrive, plus souvent qu'il ne veut bien l'admettre en tout cas.

- I'd like you too yes. It's going to be difficult to avoid my son if you are going to spend a fair deal of your summer with me...

Sourire à la fois gêné et tendre, sa se perd sur le visage de son futur mari.

- He's a sweet boy. I'll give him everything I have.

Nate se sent honoré à l'idée qu'Alej ait envie de lui présenter son fils, même s'il a bien conscience du fait que tout ça ne va pas leur simplifier la vie. Ils vont passer les deux mois à se fréquenter, cela ne fait pas de doute, et quand viendra l'heure de retourner à Yale, il s'en mordra les doigts. Il le sait, il a déjà vécu la rupture une fois. Mais il ne peut pas s'en empêcher. Et même s'il sait à quoi s'attendre quand il quittera Alej, ajouter à l'équation le contact d'un enfant est une idée terrible, cela va sans dire. Mais comme une personne accro qui s'enfonce un peu plus encore dans son addiction, Nate est incapable d'être raisonnable. Tout ce qu'il souhaite, pour l'instant, c'est lire l'apaisement et le bonheur sur les traits fins d'Alej ; voilà là la seule chose susceptible d'apaiser son coeur pour l'instant.

- I can't wait.

Il sourit et acquiesce, embrassant la main qui caresse sa joue, puis se redresse lentement pour s'étirer.

- I should get dressed, then. Cause I unreasonably plan on spending a very fair deal of my summer with you indeed.

Il se laisse tomber sur le lit pour embrasser les lèvres du brun et se redresse à nouveau, à la recherche des vêtements qu'ils ont envoyé valser pour se retrouver.

Alejandro sourit. Il n'a jamais été aussi touché en réalité. Nate et Esteban, les deux hommes de sa vie vont se rencontrer pour la première fois et son cœur manque un battement cette idée. Cela peut paraître anodin, mais c'est tout ce dont il a rêvé jusqu'à présent. Ce n'est pas juste pour Javier, c'est n'est même pas juste pour l'américain, qu'il retient avec des perspectives d'avenir auxquelles il serait naif de songer... L'idée est séduisante néanmoins, tout comme celle d'avoir Nate à ses côtés pour le reste de l'été. Ils ne seront pas raisonnables, c'est évident, prétendre le contraire, même pour quelques temps, ne les privera que de quelques jours de bonheur supplémentaire. Et si Alejandro s'autorise la sincérité, il n'est pas y renoncer. Alors il embrasse ses lèvres et laisse son amant s'emparer de sa petite chemise bleue, chemise qu'Alejandro était d'ailleurs si pressé de lui enlever en arrivant.

- My mum is going to judge me very hard for bringing you home once again.

Nate est le seul garçon que son fils le lui a jamais présenté. Elle s'amusera sûrement de le voir passer la porte une fois de plus au bras d'Alejandro. Certaines choses ne changent pas.

- But she still hopes i'll marry you one day too, which is paradoxal now that I think of it.

Alejandro accompagne le tout d'un rire et se prépare à son tour, embrassant l'épaule de Nate au passage, en rejoignant la salle de bain. Lorsqu'ils sont enfin prêts, ils prennent la route pour le petit appartement de Maria qui n'est pas très loin d'ici. Quand la porte s'ouvre sur Maria Paredes, celle-ci affiche une mine surprise.

- Oh you brought the handsome Nathaniel Gardner !!! look at you Nate, all grown up ! What brings you here ? I thought you were in New Haven becoming a fancy lawyer ?!

La mère Paredes l'enlace affectueusement. Elle a toujours apprécié Nathaniel et souvient avec tendresse et amusement les nombreuses fois où elle l'a trouvé chez elle à étudier plus ou moins innocemment dans la chambre de son fils alors qu'elle rentrait du restaurant. Ils auraient pu être une famille heureuse. Alejandro continue d'en rêver régulièrement. Alors que Maria rattrape le temps perdu, un petit garçon bouclé gambade jusqu'à eux. Alejandro le prend dans ses bras et jette un regard à son ancien amant.

- And here's my son son Este...

Nate ne peut pas dire qu'il n'est pas ému par l'initiative d'Alej. Le fait que le brun veuille lui présenter son fils manifeste une fois de plus la confiance qu'il lui porte, et Nate apprécie ce geste bien plus que de raison. Il ne devrait pas s'accrocher à ces petits signes de manière aussi aveugle. Il le sait. Le retour n'en sera que plus dur ; et malgré les deux années de séparation qu'ils viennent de vivre malgré eux, il n'a pas l'impression qu'ils se soient jamais quittés. Souvent, Nate pense à leur séparation comme à quelque chose de temporaire qui ne fait que les éloigner de l'inévitable ; leurs retrouvailles à l'issue des études du futur avocat. Un rêve, un fantasme peut-être. Nate sait que cette pensée est injuste et c'est pourquoi il ne l'a jamais formulée à haute voix ; c'est à peine s'il ose y penser, vraiment. Il sait qu'il se met dans une situation délicate en envisageant cette issue, car si d'aventure Alej venait à refaire sa vie, ce qui serait tout aussi légitime que logique, il aurait sans doute le coeur brisé. Il devrait profiter de ses années à Yale sans penser si loin à l'avenir, pourtant, il faut bien dire que les étoiles semblent être alignées pour que leur histoire d'amour soit endgame. Même Maria Paredes le pense, et l'idée fait rire Nate qui se rhabille avec bonne humeur.

Ils font ensemble le trajet jusqu'à l'appartement de Maria, qui l'accueille avec chaleur, comme toujours, lui offrant une étreinte qu'il reçoit avec nostalgie et soulagement.

- I am, but summer breaks are also for lawyers-to-be, so here I am for two months. How have you been ? You still look amazing.

Il accompagne ses compliments d'un sourire et son attention se porte sur un petit garçon aux cheveux bouclés qui rejoint bien rapidement les bras de son amant. Nate cligne des yeux pour dissimuler l'émotion qu'il ressent et dont il ne veut pas inonder Alej qui n'a rien demandé.

- Hello Este...

Il caresse la joue du petit garçon et lui fait un petit signe de la main.

- He's so cute. You both look so cute.

Il réfrène les élans de tendresse qui animent son coeur à la vision du tableau qu'il a sous les yeux.

- Old same old you know, the long hours at the restaurant... But also Alejandro's little one, such a sweet baby you'll see.

Alejandro jette un œil discret à l'homme de sa vie qui enlace tendrement sa mère. Une fois encore ses pensées s'évadent vers des perspectives aussi belles qu'elles sont irréalistes. Ils pourraient avoir tout cela pourtant, du moins dans l'idée. C'est la vie qu'il s'était imaginé auprès de Nate Gardner en tout cas. Il suffirait d'une dose de chance et de bonne volonté pour leur cette vie là. Lui, Este & Nate, une famille parfaite aux yeux du mexicain, un futur assez incertain aussi malgré tout. Les voir tous les deux dans cette pièce ne lui facilite pas la tâche. Cela entretient ses rêves, aussi idiots soient-il. Alejandro s'en veut de ne pas se montrer rationnel, lui qui a toujours été capable de mettre ses sentiments de côté lorsqu'il le fallait. L'amour l'aveugle comme il le ferait avec n'importe qui. Son regard posé sur l'américain, il n'est ainsi pas plus intelligent qu'un autre...

Lorsque l'américain s'approche pour interagir pour la première fois avec son enfant, Alejandro se sent ému, même s'il tente tant bien que mal de ne pas le montrer. Le moment est aussi spécial que les deux personnes qui se rencontrent et se découvrent sous ses yeux pour la première fois. Il se passe quelque chose, quelque chose qu'il ne comprend pas tout à fait mais qui le saisit au cœur. Une évidence peut-être. Lui, Nate, Este... L'idée restera toujours dans un coin de sa tête. Le petit garçon lui sourit, approche sa main du visage de Nate. Il a le regard curieux, doux. Et Alejandro lui sourit, pudique, mais ému par cette rencontre entre Nate et son fils.

- Here's Nate Este, your daddy loves him very much.

Sa voix est douce, basse. Et même s'il n'adresse pas directement ces mots à Nate, ils sont prononcés malgré tout avec une sincérité touchante.

Nate offre un sourire à Maria, content qu'elle se porte bien. Elle a l'air d'être assez heureuse de la présence d'Esteban parmi eux et cette perspective réchauffe le coeur de Nate. Il imagine quelle aurait été la réaction d'une Addison confrontée à la parentalité toute récente de son fils aîné homosexuel et retient de justesse un rire léger. Une syncope, voilà quelle aurait été sa réaction, sans doute. Et pourtant, à l'instar d'Alej, ça n'aurait pas empêché Nate de prendre sa décision. Même si ses relations avec sa famille sont complexes, et souvent le sujet de prises de tête incommensurables, il sait leur tenir tête quand il s'agit de faire valoir son opinion et ses croyances, ses volontés. Certes, son père le déteste et son frère aussi - mais Addison finit toujours par lui pardonner ce dont elle ne devrait même pas le blâmer pour commencer.

Nate sourit au petit garçon adorable qu'Alej tient dans ses bras et lui attrape une main pour lui dire bonjour sans se départir de son sourire.

- Oh I love your daddy pretty much too, il murmure avec une tendresse non feinte.

Il voudrait rester là, faire partie de leurs vies, tout de suite. Ne pas devoir attendre dans le noir que s'écoulent ces années où tout pourrait se produire. Il a encore au moins 2 ans à faire sur les bancs de Yale, et rien ne lui dit avec certitude qu'il retrouvera l'amour de sa vie dans deux ans en rentrant. Pour lui, tomber amoureux d'un autre semble aujourd'hui impossible - en tout cas, pas comme il aime Alej. Mais qui sait ce que le temps peut laisser comme marque sur des relations pareilles?

Alejandro jette un regard tendre à son fils et son ancien amant. Le tableau est parfait. Cette vie dont il ne bénéficie que d'un aperçu, c'est celle-ci qu'il souhaite au plus profond de lui pour les années à venir. C'est irréaliste, stupide même sans doute de croire qu'ils passeront plusieurs années à attendre que les conditions soient réunies pour qu'ils puissent s'aimer, mais Alejandro ne pas s'en empêcher. L'expérience le lui a appris, trouver l'harmonie avec une personne est complexe et jusqu'à ce jour il ne l'a trouvé qu'avec Nate quoi qu'en disent les sceptiques et les mauvaises langues. Le futur avocat lui convient sur tous les plans. Ils sont complémentaires tout en s'accordant sur l'essentiel. Avec d'autres, Alejandro a surtout eu l'impression de devoir se justifier sans cesse. Ses choix, ses failles, ses convictions... Cela n'a jamais été le cas avec Nate avec qui il peut passer des heures à partager son avis sur tout sans qu'il ne lui donne l'impression que celui-ci n'a aucune valeur. C'est d'autant plus important pour Alejandro qu'ils viennent tous deux de milieux bien différents. Et aujourd'hui, alors qu'il rencontre Esteban pour la première fois, Nate est une fois de plus plus ému qu'il n'est juge. Alors Alejandro sourit, caresse les cheveux de son enfant, puis l'épaule de Nate.

- Shall we take Este to the park ? I could use some fresh air ?

Nate se sent étrangement ému. Ce petit garçon, qui est celui d'Alej, tout ça le ramène à tout ce qu'il rate quand il n'est pas là. Il pourrait faire des études ici et être là pour accompagner Alej, pour l'aimer et sans avoir besoin de mettre un terme précipité à leur relation. Aucun d'entre eux n'a envie d'être séparé de l'autre. Mais Yale est un rêve, et il ne peut pas y renoncer en pensant sincèrement que ça n'aurait pas de conséquences. Il a travaillé dur, toute sa scolarité, pour réussir à accéder à Yale, et ses parents paient la scolarité au prix fort. Yale, c'est l'assurance d'un diplôme d'une grande qualité, et l'ouverture de nombreuses portes pour exercer le métier qu'il rêve d'exercer. Il ne peut pas tout plaquer d'un coup de tête, pour rejoindre l'homme qu'il considère être l'homme de sa vie. Il finirait par s'en vouloir à lui-même, ou pire, par en vouloir à Alej. Et ce n'est vraiment pas ce qu'il veut. Il ne peut qu'espérer que dans deux ans, quand il reviendra faire son stage, le destin leur donnera une nouvelle chance. Sans ça, il faudra qu'il passe à autre chose, et la vie qu'il lui arrive parfois de s'imaginer avec Alej lui filera entre les doigts. Il n'aura plus qu'à espérer que le mexicain trouve quelqu'un qui le mérite.

- Yes, sure. It'd be nice. I could use the fresh air too.

Il acquiesce et embrasse sa joue avec tendresse.

Il y a quelque chose chez Nathaniel Gardner qui le rend différent des autres. Pour Alejandro qui ne se laisse pas aller facilement aux sentiments ce fut un coup de foudre quasi instantané pour la personnalité du brun. Bien sur ce serait mentir par omission que de ne pas mentionner ses jolis yeux bleus et son sourire de premier de la classe, mais ce n'est pas ce qui attire Alejandro d'ordinaire. Des hommes magnifiques il en a vu passer d'autres sans leur accorder la moindre attention. Il y a une douceur, une vulnérabilité chez Nate qui l'a toujours ému, une intelligence qui le séduit par dessus le reste. En réalité leur alchimie ne s'explique pas vraiment.Tout les oppose et pourtant, il semble bien compliqué pour eux de compléter une autre personne de la façon dont ils se complètent eux-mêmes. Alejandro s'est habitué à ce sentiment avec les années. Il a eu l'occasion d'avoir des relations plus ou moins sérieuses avec d'autres personnes, mais sans jamais ressentir ce petit quelque chose qui fait réagir son cœur lorsqu'il est près de Nate. Il s'est fait une raison. Ces choses là sont rares et on ne peut les trouver avec n'importe qui. Son bras autour de celui de son amant, sa main dans celle de son petit garçon, Alejandro est heureux. Les regards offusqués des passants le rendent même presque fier. Il embrasse alors le coin des lèvres de Nate et murmure ensuite à son oreille.

- I think it's going to be a great summer.

Nate prend le bras d'Alej pour marcher jusqu'au parc où ils ont décidé d'emmener Este. Il sait qu'il s'agit là de deux mois volés au temps ; qu'ils sont inconscients et instables de penser qu'ils en sortiront indemnes, et que ce ne sera pas dur aussi pour Esteban qui n'est qu'un petit garçon qui a déjà été séparé de ses parents. S'ils étaient raisonnables, ils mesureraient les enjeux et ils mettraient un terme à tout ça tout de suite, tenteraient de vivre leurs vies chacun de leur côté, et aviseraient dans 2 ans, quand Nate sera de retour à New-York une bonne fois pour toute. Mais ils ne sont pas raisonnables. Nate l'aime trop pour s'éloigner, et encore plus maintenant qu'il connait Este. Tant pis pour la fin de l'été ; il souffrira puisqu'il le faut.

- I think so too.

Il sourit, et mêle ses doigts à ceux d'Alej en se laissant mener vers le parc. Une parenthèse de deux mois. Enfin.