Mon souffle s’accélère et se saccade au rythme de mes pieds qui, presque aériens, continuent de frapper le tapis qui roule à une vitesse presque maximale pour mon corps pratiquement épuisé. J’aspire frénétiquement l’air qui manque cruellement à mes poumons entièrement déployés, quand un parfum que je semble connaître très bien parvient à faire dérailler la machine, et moi de retrouver mes écouteurs emmêlés à mes pieds, mon téléphone virevoltant sur un son peu recherché, et mon corps qui tente de se rattraper -sans succès- à l’engin dont il vient de se faire expulsé.

Je me souviens de son parfum. C’est le même qui est resté sur le vieux canapé dont on s’est débarrassé en 2018. C’est une année assez marquante pour la coloc. L’année où on l’a commencé. C’est pas vraiment moi qui me suis chargé de l’appart et de tout le reste, j’avoue avoir profiter de l’engouement et l’excitation de Katie pour lui laisser la charge de la majorité des corvées. Je prônais mon indépendance, mais au final, je n’étais pas moins greffé à ma nouvelle partenaire de vie, qu’elle-même ne l’était vis-à-vis de ma personne, ce dont elle ne s’en cachait pas. Quoiqu’il en soit, j’ai très vite déchanté concernant cette décision un peu précipitée, je n’imaginais pas Katie aussi envahissante avec tout ses projets. Bien sûr je la savais exubérante, mais en à peine un mois, elle avait déjà tenté d’adopter un cochon, de faire la plus grosse crémaillère jamais existé la veille d’un entretien important, et voilà qu’elle s’était amusée à vouloir faire de nouvelles rencontres, du genre « des personnes ne fréquentant pas les mêmes sphères »… Et c’était bien sur sans me prévenir qu’elle avait proposé notre canapé gratuitement à de parfaits inconnus.


2018.

Je me remets doucement de la soirée d’hier, un goût pâteux dans la bouche et surtout une terrible envie de vomir qui persiste. Mon écran s’allume, 25 messages non lu. La plupart sont de Katie, elle a passé la nuit chez un type, ça n’a pas l’air de s’être mal passé. Tant mieux, je crois que je ferais mieux de me rendormir.

La porte soudainement bavarde m’en empêche. Evidemment, c’est jamais si simple. J’y vais puisque je suis toute seule. Et j’avoue être un peu étonnée quand je dévisage ce type, avec son sac de voyage et une valise, comme s’il partait pour trois mois… Mais pourquoi est ce qu’il débarque chez moi ? En plus de ça il me tend un kitkat comme si c’était le prix d’un loyer dans l’upper ?? Enfin c’est sûr que je m’emballe, il doit s’être simplement trompé d’adresse. Je lui adresse un sourire un peu crispé et gêné avant que ce dernier ne se décompose lorsqu’il confirme ce que je craignais : passer quelques nuits chez moi.. ?

Je soupire, bloquant volontairement le passage de la porte d’entrée à cet inconnu trop chargé, puis le regarde droit dans les yeux, essayant d’adopter une voix ferme mais agréable :

« Je suis navrée je crois que vous vous trompez d’adresse. Peut être est-ce chez l’un de mes voisins que vous deviez vous rendre ? Quoiqu’il en soit les noms et leurs portes sont indiqués au rez-de-chaussée, vous devriez aller voir. »

Puis dans un certain entrain, je lui adresse un dernier sourire avant de me retourner, m’apprêtant à claquer la porte.

« Moi j’aime moyen les kitkat. »

Parce que en manger revient à trop de sacrifices et qu’il y a cette foutue bile qui vient me brûler la gorge.