Ces trois derniers mois -et demi- s’étaient montrés très difficiles, pour Morgana. Nausées, épuisement, seins douloureux, etc. Ce début de grossesse s’était avéré éprouvant pour la future maman, qui n’avait profité de rien. Aujourd’hui, elle atteignait sa quatorzième semaine et tout semblait se calmer. Elle n’avait eu aucune nausée depuis quelques jours, elle se sentait plutôt en forme. Quand elle s’asseya au bord du lit, les cheveux ébouriffés après une longue nuit de sommeil, elle soupira de soulagement. C’était le calme avant la tempête. Sa poitrine était encore douloureuse, au grand désespoir de William qui n’avait pas pu les toucher depuis la nuit où ils avaient fait ce bébé. Mais s’il n’y avait que ça… Morgana s’en contenterait.

Au-delà des nausées, de la fatigue et des douleurs : la brune avait été particulièrement irritable ces derniers mois. Elle était très stressée, anxieuse et s’emportait facilement. Tout le monde croyait que c’était lié aux hormones, mais ce n’était pas le cas. La cause, c’était Liam. Cet idiot, qu’elle avait cru mort pendant huit ans et qui faisait apparition dans sa vie, sans vouloir lui donner la raison de sa disparition. Ça la rendait folle. Et ce qui la rendait encore plus folle, c’était d’enquêter et de ne rien trouver. Rien du tout. Aucun dossier, aucune faille.

William n’en savait rien. Il y avait toujours quelque chose qui l’empêchait de lui dire, surtout qu’elle sentait que c’était dangereux et qu’elle ne pouvait pas lui en parler n’importe où. A la maison, c’était compliqué. Il y avait souvent les enfants, ou ils étaient occupés à faire l’amour. Au bureau, elle avait trop peur qu’il y ait des personnes concernées qui l’entende. C’était trop compliqué de trouvé un moment pour lui parler, alors elle gardait ça au fond d’elle et ça la rendait folle. Elle était tellement en colère de savoir qu’il était toujours en vie, tellement triste d’avoir eu à vivre cette peine pendant autant de temps.

Morgana tournait en rond dans son bureau, essayant de réfléchir à l’enquête alors qu’un million d’autres choses polluaient son esprit. Ces mêmes choses qui la rendaient nerveuse et agitée depuis plusieurs semaines. Quand elle entendit qu’on frappait à la porte, pour s’annoncer, puisque celle-ci était ouverte : elle sursauta. Elle était tellement plongée dans ses pensées qu’elle n’avait pas entendu Will arriver. Elle se retourna, une main caressant son ventre qui était évident. Il s’était arrondi ces derniers temps, elle pouvait encore le cacher avec des hauts amples mais elle avait décidé de ne pas le faire et mettait en valeur sa grossesse. Il était temps que tout le monde sache leur petit secret. D'ailleurs elle était toujours persuader d'attendre une fille et elle avait hâte de passer la prochaine écographie pour le savoir.

Elle essaya d’ignorer les vertiges, ses jambes cotonneuses, tandis qu’elle faisait face à William. Elle n’osait même pas se regarder dans un miroir, la dernière fois qu’elle l’avait fait aujourd’hui, elle n’avait pas bonne mine. Elle était cadavérique aujourd’hui. « Le suspect a parlé ? », demanda-t-elle, ne voulant pas s’attarder sur autre chose que l’enquête.

Morgana poussa un long soupire, en entendant qu'il n'y avait aucune nouvelle à propos de leur suspect. Tout portait à croire que c'était lui, l'auteur du crime, mais ils n'avaient pas assez de preuves concrètes. Ca commençait à traîner et on commençait à leur mettre la pression, pour boucler cette enquête. « Il ne dira rien, il faut qu'on trouve une preuve concrète », dit-elle doucement, en posant sa tête sur l'épaule de William. Elle avait beau être très stressée et irritable, elle était beaucoup plus tactile envers lui. Lorsqu'ils étaient seuls, elle se laissait aller dans ses bras pour être protégée et pour se reposer. Elle réussissait un minimum à se détendre.

Aujourd'hui, ce n'était pas le cas. Dans ses bras, elle tremblait. Elle n'avait pas froid, mais elle était tellement sous tension qu'elle n'arrivait pas à se détendre. « Non… ça va », mentit-elle, en secouant doucement la tête. Elle ne voulait pas l'inquiéter, en lui disant qu'elle se reposait sur lui parce qu'elle sentait des vertiges la prendre. Pourtant, elle savait qu'il insisterait. Il tenait à elle, autant qu'elle tenait à lui et leur santé mutuelle était importante. Plus que la santé, d'ailleurs. Et il la connaissait, il savait quand elle mentait. D'autant plus qu'elle était une terrible menteuse, surtout quand on décelait la pâleur de son visage, qu'on sentait son corps trembler et qu'on regardait ses yeux brumeux. Ca n'allait clairement pas.

« C'est... c'est Liam », murmura-t-elle avant même qu'il ne lui pose plus de question. Elle était au bout du rouleau, à la voir craquer de la sorte, il allait finir par le savoir. « Il est encore en vie, il s'est caché pendant huit ans et… je n'arrivais pas à t'en parler, il y avait toujours quelqu'un pour nous interrompre ». Elle releva ses yeux clairs vers lui, ceux-ci brillants de tristesse. Cette nouvelle la bouleversait, mais pas que. Elle tenait beaucoup à William. Beaucoup plus et différemment qu'avant. Leur relation avait tellement changée, elle y trouvait beaucoup de stabilité et de tendresse, ce qui lui faisait un bien fou. C'était si doux. Et elle ne voulait pas perdre cette relation naissante.

Elle reposa ses deux mains sur son ventre, se séparant de William pour tourner en rond dans son bureau. Elle était angoissée par cette situation, tellement anxieuse que ça la mettait dans un mauvais état. Elle se sentait tellement mal, ayant peur et étant tellement bouleversée. Elle n'arrêtait pas de penser à la raison pour laquelle il était parti pendant 8 ans et à l'idée qu'elle allait perdre ce qu'elle était en train de construire avec William. Putain. Liam était vraiment revenu au pire moment, quand elle commençait à l'oublier et à enfin, construire quelque chose qui la rendait heureuse.

Morgana s'arrêta, regardant William. Elle baissa les yeux vers la main qu'il venait de poser sur son bras, puis soupira doucement. « Il m'a envoyé une lettre, avec des informations que seul nous deux connaissaient », répondit-elle, avec calme. Elle s'était calmée beaucoup trop vite, pour que ça ne soit pas étrange. Il y avait une boule électrique, au fond d'elle, qui allait exploser. Ce n'était qu'une question de minutes. « Je l'ai vu, j'ai réussi à le retrouver mais... il ne voulait rien me dire, il m'a fortement déconseillé de chercher quoi que ce soit et je ne l'ai pas écouté. J'ai besoin de savoir pourquoi il a disparu pendant 8 ans et m'a laissé croire qu'il était mort ». Elle étouffa un sanglot, qu'elle essayait de retenir.

De nouveau, elle se remit à tourner en rond dans son bureau. Elle était agitée, ça lui apportait une quantité de stress énorme et c'était mauvais pour le bébé. Elle le savait, mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Elle avait besoin de savoir, pourquoi on l'avait laissé souffrir de la sorte. « Je suis persuadée que ça a un lien avec une enquête, mais il n'y a rien. J'ai cherché, mais je n'ai rien trouvé. Pas de dossier. Je suis sûre que ça a été caché ou détruit... ». Elle se frotta les bras, essayant de cacher le tremblement de ses mains. Ce stress, cette tension, ça ne faisait rien de bon mais il fallait qu'elle ait des réponses à ses questions. Elle ne pourrait pas se reposer.

Elle essuya une larme du revers de la main, essayant de retenir les autres. « Je le déteste, je te jure que je le déteste », murmura-t-elle. Tout ce qu'elle pouvait ressentir à propos de Liam, c'était de l'abandon, de la colère et de la tristesse. Il l'avait quitté, se faisant passé pour mort, alors qu'elle était enceinte et qu'ils avaient un petit garçon de six ans. Elle était seule, désemparée et malheureuse. Et tout ça, s'était transformé en profonde tristesse, au fil des années. William avait réussi à casser cette carapace, qu'elle s'était créée. Un mur, qui la protégeait de tout et qui ne laissait personne rentrer. Il était parvenu à détruire ça, brique par brique. Elle commençait à se sentir bien, même s'il n'y avait rien de sérieux entre eux. Il lui faisait du bien, c'est tout. Et Liam venait tout gâcher.

Toute cette colère, cette tristesse, ce qu'elle ressentait : ça la fatiguait beaucoup. C'était énorme, alors qu'une vie grandissait en elle. Alors qu'elle tournait en rond dans son bureau, elle s'arrêta. Elle ressentait un violent vertige qui la força à se retenir à Will. Tout était flou et sentait ses jambes se dérober, ses yeux se fermant et tout devenant noir autour d'elle.

« Je ne sais pas, il m'aime toujours et je reste sa femme, même s'il s'est passé huit ans. Je connais Liam, il a toujours été possessif et jaloux lorsqu'un homme me tournait autour...et tu ne feras pas exception, je pense. Il serait capable d'essayer de nous éloigner, pour me récupérer, mais je ne veux pas que ça arrive », répondit-elle d'un ton calme, mais néanmoins inquiet. Elle ne voulait pas que ça arrive, elle ne voulait pas qu'il les éloigne. Morgana aimait ces moments, avec William. Elle s'était avouée, secrètement, prête à passer à autre chose. Le retour de Liam, avait tout chamboulé. Evidemment. Mais...elle ne disait rien, parce qu'elle était certaine que William ne voudrait jamais rien de plus. Elle préférait se taire, pour ne pas lui faire peur et risquer de le perdre. Elle s'attachait à lui, peut-être un peu trop, et elle avait peur de se briser le coeur une nouvelle fois.

Morgana réfléchit un instant à sa deuxième question, avant d'hausser les épaules. « Je ne crois pas. Il était mon mari, mais il m'a laissé croire à sa mort pendant huit ans. J'étais enceinte, avec un enfant de 6 ans qui était en deuil quand je devais gérer mon propre deuil. Ca a été tellement éprouvant, je lui en veux de nous avoir fait vivre ça. Il nous a brisé le coeur, sans même que j'ai le droit à une explication... j'arriverais peut-être à lui pardonner un jour, mais c'est au dessus de mes forces de retourner avec lui ». Elle était catégorique, il avait fait quelque chose de trop grave et de trop douloureux pour qu'elle réussisse à retourner avec lui. Elle aurait trop peur qu'il lui brise le coeur de nouveau. Elle avait déjà tellement souffert, elle avait déjà tellement donné.

Elle attrapa doucement la main de William, la déposant sur son ventre rond. Elle avait commencé à sentir le bébé bouger, très légèrement, ces derniers jours. « Je ne sais pas si tu arriveras à sentir », murmura-t-elle doucement. « Je ne le sens bouger que depuis quelques jours, ça sera peut-être trop léger pour que tu puisse le sentir ». Elle espérait qu'il le puisse. Vraiment. Elle savait qu'il regrettait de n'avoir rien vécu, pour les premières années de Saed... alors c'était important pour la jeune femme, qu'il puisse le vivre avec leur bébé. Elle le regardait avec espoir, ayant vraiment envie de partager ça avec lui.