« Jade, bordel, tu fous quoi ?! »

« Comment c’est possible d’être AUSSI irresponsable ?! Tu as pensé à ton image ? À ta carrière ? Tu prônes vouloir faire tes preuves toute seule et voilà que tu vas être la copine de mister sexy, tu es contente de toi, j’espère ? Bref, rappelle-moi en priorité, je suis ton agent, je te signale. »

« Bonjour, mademoiselle Monroe. Le magazine People voudrait vous proposer une interview. Merci d’avance pour votre réponse. »

« Comment tu m’as caché un truc pareil ??????? »

« On t’attend pour une réunion de crise. »

« Jade ! Ça serait sympa de te revoir dans notre émission ! Tu pourrais même amener ton chéri ? Tiens-nous au courant ! »

« Putain ce qu’il est beau ! Comment il s’appelle ? Il fait quoi dans la vie ? Il n’a pas un frère à me présenter ? »

« Du coup, t’es pas si frigide ? Fallait dire que t’as un mec, rappelle-moi quand tu l’as largué. »

« Chérie, nous sommes étonnés que tu ne nous ais rien dit. Ton père tente de joindre ton avocat en ce moment même. C’est scandaleux ce qui arrive, vraiment scan-da-leux. Rappelle-nous, maman. »

« Bonjour, madame Monroe. Je suis à votre disposition si vous avez besoin de mes services. En attente de votre appel. »

« Il était temps, putain ! »

« Vous formez un beau couple. »

Les messages ne cessent de s’enchaîner. Ils arrivent encore et si vite qu’elle n’a pas même le temps de terminer la lecture de l’un d’entre eux qu’un autre arrive instantanément. Parfois violents, parfois emplis de reproches, et d’autres fois emplis de malice, ils ont tous le mérite de la mettre dans le même état de crise.

Elle est, comme, rarement, elle peut l’être, Jade.

Paniquée,
en profond désarroi,
en plein désespoir,
elle a la sensation de vivre un véritable cauchemar.

Elle ne sait pas comment c’est arrivé. Comment ils ont fait, tous les deux, pour ne pas apercevoir ce paparazzi qui les suivait. Comment elle a fait, elle, pour manquer d’autant de vigilance. D’ordinaire, elle sait faire preuve de prudence. Il n’y a même, en vérité, pas plus prudente qu’elle. Tous ses amis lui assurent qu’elle est bien trop sérieuse, bien trop consciencieuse ; qu’elle ne profite pas de sa jeunesse à force de favoriser autant ses succès professionnels. Elle est si portée sur sa carrière, Jade, qu’elle ne laisse aucune place à une quelconque vie personnelle.
Sa vie amoureuse, elle, n’est qu’un vaste vide…
du moins, jusqu’à lui.

Hassan.

C’est avec lui qu’elle perd la tête. Précisément comme elle le craignait, exactement comme elle le redoutait. Elle doit faire quelque chose pour cette relation avant qu’elle ne prenne des proportions beaucoup trop importantes. Avant qu’elle ne devienne… incontrôlable. Elle est attachée à lui, plus qu’il ne faudrait ; bien plus qu’elle ne l’assumerait. Mais ce n’est certainement pas une raison pour qu’ils se retrouvent à la une des tabloïds comme un couple star en pleine lune de miel. Pour la millième fois, la femme d’affaires ouvre l’écran de son ordinateur portable, sans plus se préoccuper de tous les messages qu’elle reçoit. C’est sur cette même image qu’elle focalise toute son attention. Elle et Hassan, enlacés, les regards qui se dévorent, comme s’ils étaient prêts à sauter l’un sur l’autre. La photo déborde d’amour quand ils ne sont… qu’amants, tous les deux. La princesse est troublée, en réalité, par la vision offerte à sa vue. Ils ont l’air si heureux sur ce cliché. Elle ne reconnaît pas son propre sourire, l’influenceuse trop habituée à ceux de pacotille, à ceux qu’elle sert sur les photographies professionnelles de manière automatique.

Elle ne fait pas semblant, avec lui,
elle a l’air réellement heureuse, avec lui.

Et, pour la millième fois, elle referme l’écran de l’ordinateur de rage. Elle traverse le loft immense pour poser ses iris sur les fenêtres ouvertes sur la rue, bondée de paparazzi. Elle relève la tête vers le ciel dans un geste semi-désespéré, semi-dramatique. C’est par la sortie de secours qu’elle décide de passer pour s’extirper de cet enfer, direction l’appartement de son prince. Là-bas, au moins, personne n’ira la chercher… qui aurait cru qu’elle se réfugie un jour chez Charlie ? Une fois devant la porte, elle frappe avec frénésie dessus. Elle se fiche de l’heure beaucoup trop matinale, elle se fiche de réveiller le colocataire de Hassan, elle se fiche même de la tenue bien moins élégante qu’elle porte qu’à son habitude (quoique Jade Monroe est toujours élégante, même en legging de sport). Il faut qu’elle parle avec lui.

Elle a besoin de parler avec lui.

(c) calaveras.

Dans sa tête,
un chaos sans nom,
dans son cœur,
l’implosion.

Elle est dans tous ses états, Jade. Car ce qui est en train d’arriver, elle ne le maîtrise pas. Elle n’a pas l’habitude d’une pareille chose. L’héritière ressent bien trop un besoin irrépressible de contrôle. Elle mène sa vie comme une partition de musique. Organisée à la note près, rien pour dépasser, rien pour tout gâcher. Non seulement parce que la torture est telle, quand elle perd le contrôle qu’elle se sent submergée par un profond mal-être. Mais, aussi, car il en va de son image, de sa réputation professionnelle. Elle a trop à perdre, Jade, pour laisser un scandale venir gâcher tout ce qu’elle a construit. Elle y a consacré toute sa vie, les enjeux sont trop immenses pour qu’elle accepte de voir tout se détruire. Alors, devant la porte de Hassan à une heure beaucoup trop matinale, l’influenceuse attend avec une impatience agacée qu’il vienne lui ouvrir. Elle a besoin de discuter avec lui. Avec son agent, avec son équipe de communication, avec n’importe quel membre de son entourage, c’est avec lui qu’elle veut parler. Ils sont, ou peut-être qu’ils devraient être, les seuls concernés. Mais ce serait utopiste, voire carrément idiot de croire que les choses se passeront de cette manière. Il suffit de réaliser tous les messages qu’elle a reçus si tôt le matin, tous ces appels. Toute la planète people va se focaliser sur elle, sur eux, jusqu’au prochain scandale. Même pour Hassan, elle doute que les conséquences soient moindre… il est prince. Il a des obligations en tant que tel. Aucun d’eux n’avait besoin que soit posée sur eux cette lumière.

Ils étaient bien,
tous les deux,
rien que tous les deux,
dans cette bulle à eux.

Mais la bulle a éclaté, les conséquences vont se déchaîner. Et lui. Lui. Il ne vient toujours pas lui ouvrir. Enfin, après ce qui paraît une éternité – qui n’a duré que quelques instants en réalité – le beau ténébreux apparaît à l’embrasure de la porte. Pas le temps d’admirer son minois mal réveillé affreusement sexy, la beauté Orientale est bien trop préoccupée. Le soulagement arrivant à peine, lorsqu’elle voit la porte s’ouvrir totalement devant le visage dont elle a tant besoin, qu’il disparaît à la vitesse de l’éclair. Les affres reviennent l’engloutir aussitôt alors qu’elle pénètre dans l’appartement sans se faire prier. Encore mal réveillé, sans doute, il lui propose du café. Comme si c’était réellement ce dont elle a besoin, là, tout de suite. – Du café ? Tu crois sérieusement que c’est le moment de prendre un café ?! injuste, intransigeante avec lui. Elle laisse déjà entrevoir l’état de nerfs dans lequel elle se trouve. Elle ne veut ni café, ni petits biscuits. Elle veut qu’ils trouvent une solution, ensemble, au plus vite. S’il a affirmé savoir les raisons de sa venue, elle n’en est pas tout à fait sûre. Sinon… sinon, il serait dans le même état qu’elle, n’est-ce pas ? – Tu sais qu’on fait la une des magazines people ? Un. Un seul magazine. Mais elle connaît suffisamment ce monde, Jade, pour se douter que les prochains articles viendront s’ajouter aux premiers. Ils voudront tous créer celui qui se fera remarquer, quitte à mentir, quitte à innover, pour faire preuve de créativité. Ils seraient capables de les imaginer mariés ou… pire encore, elle ne se fait aucune illusion à ce sujet. – Depuis ce matin, mon téléphone ne s’arrête pas de sonner, je ne sais pas du tout ce que je suis censée dire ou faire… c’est l’enfer, Hassan. et, pour la première fois, derrière l’hyperactivité et l’irritation de la belle Turque, c’est la peur qu’elle laisse entrevoir. La peur quant à la manière dont ils vont bien pouvoir se protéger de tout ça.

(c) calaveras.

Jade, elle a l’habitude que le monde tourne autour d’elle. Terrible constat que ce dernier, c’est pourtant la stricte vérité. Elle est toujours entourée, toujours encerclée d’une demi-douzaine d’assistants et d’employés. Capables de tout pour satisfaire la moindre de ses demandes, ils l’ont rendue intransigeante. Autant que le trône qu’elle détient au sein de son existence. Alors, c’est cruel à dire, mais elle ne pense pas une seconde à ce qui peut envahir l’esprit de Hassan. Elle ne songe pas au fait que, lui aussi, est directement concerné. Qu’il pourrait voir sa propre vie chamboulée. Que sa famille, son pays, pourrait trop rapidement s’en mêler. Non, rien de tout cela ne vient effleurer l’égocentrisme de ses pensées.
C’est sur elle qu’elle est entièrement focalisée.
Elle qui est si effrayée, à l’idée de voir son petit royaume s’effondrer. Elle qui a un besoin terrible de tout contrôler, qui se met à paniquer. Elle qui commence, même, à incendier, celui qui n’est sans doute qu’à peine réveillé. Hassan, il la connaît bien, même trop bien. Plus que beaucoup de personnes au sein même de son entourage. Il sait qui elle est, au fond d’elle, il connaît Jade. Mais c’est l’héritière Monroe qu’il a en face de lui à cet instant. C’est l’influenceuse et l’auto-entrepreneuse surpuissante. C’est celle qui a construit tout son monde. Un monde qui s’effondre. Pendant que lui, il s’essaie à la plaisanterie. – Je ne trouve pas ça drôle, Hassan. sans doute, l’a-t-il déjà deviné. Sur les traits de son minois préoccupé, sur sa voix irritante et irritée. Elle est d’humeur irascible, Jade, elle est surtout extrêmement difficile. Bien vite, elle expose le seul sujet qu’elle estime essentiel à aborder, découvrant avec un certain étonnement qu’il est déjà au courant. – On ne dirait pas du tout que tu sais étant donné comme tu le prends. elle lance sur un ton de reproche, sans même prendre en compte le compliment immiscé dans les mots de son amant. Tout son être est beaucoup trop concentré sur cette bombe qui a explosé. Prenant une profonde inspiration pour tenter de garder son calme, elle a les prunelles rivées sur Hassan. Il allume son ordinateur, sûrement pour prendre connaissance de cet article par lui-même. Nerveuse, angoissée, la princesse glisse sa main dans sa chevelure avec fébrilité.
Mais elle n’y arrive pas,
elle n’arrive pas à retrouver son calme.

Il finit par s’approcher,
comme s’il sentait,
comme s’il devinait,
comme elle avait besoin de lui à ses côtés.

Car elle a besoin de lui, Jade. Plus qu’elle ne le montre, plus qu’elle ne le dit. Si elle est incapable d’exprimer ses peurs comme le ferait quelqu’un de normal, il n’empêche qu’elle est plongée depuis qu’elle est réveillée dans cette torpeur abyssale. Dans ce tourbillon infernal. Elle est terrorisée à l’idée de perdre le contrôle, et avec lui, sa couronne. Mais elle ne sait pas l’avouer. C’est lui, tout seul, qui vient le déceler. Ses iris noirs rivés sur le prince, elle ne bouge pas quand il l’enveloppe de son étreinte. Ses bras protecteurs et puissants autour de son corps frêle, pendant un instant, elle semble retrouver de l’oxygène. Elle se sentait couler mais il la ramène à la terre ferme. Il la ramène à elle. Ses bras délicats finissent par glisser autour de ce corps qu’elle a souvent désiré, mais rarement autant aimé. Comme elle a rarement eu autant besoin de lui qu’à cet instant. Elle respire les arômes familiers, les effluves adulées de sa peau dorée. Savoure ses si tendres caresses dans ses cheveux d’ébène. Et elle se sent, un peu, apaisée. Attentive au moindre de ses mots, elle est étonnamment silencieuse. Elle ne se tait pas souvent, Jade, encore moins quand elle est dans cet état. Mais Hassan, si apaisant, Hassan si rassurant, lui permet de retrouver le souffle qui lui manque. Il ponctue ses paroles tranquillisantes d’un doux baiser sur le sommet de sa tête, juste avant qu’il ne se recule pour croiser ses prunelles. Elle l’observe, le visage soudain adouci. Elle ne sait pas trop comment, il a réussi à soulager son esprit. – Je… je suis désolée. elle lance soudain, sans prévenir. Sans réellement répondre à ses dires. L’attitude du ténébreux lui a fait réaliser la sienne, naturellement. Honteusement. – Je débarque chez toi comme une folle, je t’agresse comme si tu étais coupable de tout, alors que non… en plus, je te reproche de prendre un café alors que j’arrive au saut du lit… égocentrique, peut-être, Jade, mais pas si mauvaise. Elle se rend compte de son comportement et se déteste. Mais cette histoire la rend malade… bien plus que Hassan. – Et toi, tu prends le temps de me calmer… elle murmure, à peine audible, presque pour elle-même plus que pour lui. Son cœur vacille, un peu trop vite, sûrement car elle est plus fragile. Plus fragile qu’à son habitude. Mais il est parfait avec elle, la Turque en prend pleinement conscience. Elle se mordille nerveusement la lèvre, ses opales toujours ancrées dans les siennes. – Je ne suis pas sûre que l’idée des frère et sœur fonctionnent… tu ne me regardes pas comme une sœur. elle confie, presque timide, retrouvant l’ombre d’un sourire. Approchant du pc, Jade n’a pas même besoin de taper quoi que ce soit. Dans le navigateur de recherche, il y a déjà un article avec son nom. Elle clique dessus, laissant à la portée de son ami le plaisir de découvrir ces clichés. Ces clichés beaucoup trop… amoureux d’eux enlacés. – Je connais les journalistes. Ils ne croiront pas à une amitié… car elle se comporte pas ainsi, pas avec ses amis. Avec, en réalité, personne dans sa vie. Personne, hormis lui.

(c) calaveras.

C’est une intimité nouvelle, plus forte, plus vraie,
qu’ils sont, sans s’en rendre compte, en train de creuser.
Tous les instants passés ensemble leur ont permis d’apprendre à se connaître, bien plus que Jade n’entre en profondeur avec ses rencontres habituelles. Avec Hassan, leurs liens se sont développés peu à peu, progressivement. Il a été l’amant bien avant qu’elle ne lui offre toute sa confiance. Bien avant qu’il ne devienne un ami si précieux, si cher à son cœur. Avec ses amis, l’héritière est sans-filtre. Pour celle qui fait précautionneusement attention avec le monde entier à ce qu’elle peut dire, ce qu’elle peut faire, c’est différent à leurs côtés. Elle apparaît plus spontanée, étonnamment plus impulsive aussi. Ses amis connaissent son irascibilité, sa fâcheuse tendance à vouloir tout contrôler, et tous les défauts qui se cachent derrière l’image lisse et parfaite qu’elle peut renvoyer. Hassan, il sait. Hassan, il connaît. Il la connaît, elle, à n’en point douter. Mais elle ne s’est jamais révélée aussi à fleur de peau qu’à cet instant. C’est pourtant sans crainte de ce qu’il pense qu’elle se dévoile si facilement. Car, oui, avec lui, elle a confiance. Avec lui, elle se sent suffisamment en confiance, pour être elle-même. Pour lui montrer, non pas seulement le meilleur, mais aussi le pire sa personnalité.  

Avec lui,
elle se sent capable d’être elle-même,
si imparfaite soit-elle,
sans qu’il ne la rejette.

Elle n’a pas peur de perdre la belle impression qu’il peut avoir d’elle. Car leur relation a dépassé, depuis longtemps, ce stade où l’image qu’elle renvoie l’inquiète. Elle a son affection, comme il a la sienne. Même quand il l’agace, à être aussi nonchalant, quand la panique l’envahit, elle, de toute part. Même quand il a si raison, de lui faire remarquer que sa tension n’apportera pas la solution. Silencieuse à ces paroles, la belle Orientale lui accorde un point bien mérité, juste avant qu’il ne décide de s’approcher. C’est dans ses bras qu’elle parvient, comme un miracle, à se calmer. Elle ne sait pas comment il s’y prend, Hassan, elle ne sait pas quel est son pouvoir magique. Mais, tout le temps où elle reste blottie contre lui, la princesse se sent apaisée, presque envoûtée, comme s’il l’avait ensorcelée. Elle oublie, tout, ses préoccupations, ses inquiétudes, jusqu’à la moindre pensée. Elle ferme même les paupières, durant quelques secondes brèves, pour mieux savourer la douceur de ses caresses. Il a des vertus enivrantes, cette drôle d’emprise sur Jade, celle qu’aucun autre n’a jamais pu avoir. C’est dans un état plus pondéré qu’elle finit par reculer. Et réaliser, aussi, comme elle a été injuste pour le bel héritier. Un faible sourire naquit sur ses lèvres quand il fait tout pour la rassurer. Jusqu’à lui rappeler que ce n’est même pas elle qui l’a réveillé. – Ce n’est pas une raison pour m’en prendre à toi. et elle ne le fera plus, c’est promis. Ce que sa bouche n’ose pas dire, ce sont ses iris qui le promettent à son prétendu petit-ami. Jade, elle se sent étrangement timide, soudain, comme une gamine. C’est presque en rougissant qu’elle accueille les mots qui sonnent comme une douce déclaration. Ou bien c’est elle, avec tout ce qui arrive, qui se perd trop facilement dans ses sentiments. Elle le contemple du coin de l’œil, tendrement, alors qu’il vient frôler sa lèvre du bout de son pouce. Elle sent l’envie de l’embrasser qui l’envahit, beaucoup trop vite. – Tu es parfait, toi, hein… elle affirme avec un soupçon de malice. Comme si elle le taquinait, alors que c’est précisément le fond de sa pensée. Mais elle ferait mieux de rester concentrée. Pour autant, quelque chose vient brusquement de changer. Elle se sent plus apaisée, plus encline à accueillir cette déconvenue maintenant qu’elle est à ses côtés.

Il a fait revenir la Jade qu’il connaît,
celle qui est vraie, celle qu’elle est.

Et, comme s’il lisait en elle, c’est lui qui capture ses lèvres. Doux baiser, que la belle ne tarde pourtant pas à prolonger. Sa main frêle vient délicatement se poser contre la nuque de son amant pour approfondir le baiser. C’est difficile de se détacher mais elle n’oublie pas la réalité. Un sourire amusé, cette fois plus entier, apparaît sur le minois de Jade alors qu’il confie qu’il n’a pas de telles envies pour une sœur. – Tu m’en vois rassurée. elle rétorque avec un brin de légèreté. Elle sent un peu de tout ce poids dans son cœur qui tend à diminuer. Mais la vérité revient, bien trop cruelle, devant ces clichés qui apparaissent. Hassan juste derrière elle, sa main vient instantanément chercher la sienne. Elle sent déjà l’angoisse la submerger à nouveau mais c’est sans compter sur la plaisanterie qu’il lui offre. Elle laisse échapper un rire cristallin avant de tourner légèrement la tête vers la sienne, posée contre son épaule. – Attends qu’ils aient fait toutes leurs recherches sur toi, ils n’en auront plus que pour le prince. qu’elle déclare, parvenant à sa propre surprise à s’amuser de la situation. Elle caresse distraitement sa main du bout de ses doigts tout en se perdant dans ses réflexions. C’est quand elle sent ses lèvres dans son cou qu’elle en sort pour reprendre la parole. – Je pense qu’il m’attend de pied ferme avec toute l’équipe de communication pour trouver une stratégie. elle finit par se tourner vers lui pour croiser ses pupilles. Elle le contemple quelques secondes avec intensité, ses opales se noyant dans les siennes, avant d’ajouter. – C’est dingue, on ne fait rien de mal… on ne devrait pas avoir à préparer une ligne de défense comme si on était coupables… elle confie avec une pointe de lassitude, de fatigue dans la voix. Elle a passé l’intégralité de sa vie à faire attention à tout et… sous prétexte qu’elle soit si proche d’un homme, elle pourrait tout perdre, c’est… injuste. – Je n’ai pas envie que toute cette histoire t’éclabousse non plus… que tu aies des problèmes avec ton père… Ou, pire que tout pour la nymphe, qu’il doive rentrer chez lui rejoindre les siens. Elle ne peut pas imaginer le perdre. Elle a pris l’habitude de l’avoir avec elle et… il lui manquerait, Hassan. Beaucoup trop pour qu’elle puisse le supporter.

(c) calaveras.

Elle ne sait pas,
comment il parvient à ce doux miracle,
comment il parvient à l’apaiser, la calmer, la détendre quand tout en elle se met à paniquer. Elle ne sait pas quel pouvoir il a sur elle, Hassan. C’est certainement lui qui a ces qualités particulières. Ou c’est peut-être aussi ses sentiments qui se reflètent, dans cette douce emprise qu’il a sur elle. Mais elle n’est pas prête à admettre une chose pareille, Jade, ils ont déjà suffisamment de problèmes. Elle préfère occulter les raisons mystérieuses qui la rendent aussi sensible face à lui pour s’excuser, pour la manière dont elle a débarqué. Furie en perte de contrôle qui a totalement disparu, alors qu’elle se perd dans ses pupilles obscures. Le sourire adouci qui apparaît devant sa caresse si tendre contre sa joue, elle ne tarde pas à lui adresser une petite moue. Un air faussement boudeur sur son minois délicat quand il rappelle son tempérament bien plus enflammé qu’on ne pourrait le penser. – Dis-tout de suite que je suis un monstre. qu’elle se plaint, pour entrer dans son jeu plus que parce qu’elle le pense réellement. Parce que cela fait du bien de retrouver un peu de légèreté également. Et le retrouver, lui, surtout, Hassan. Comme il la retrouve, elle. Ou, plutôt, il la fait revenir, en usant toujours de ce magique stratagème. Bien plus câline et docile, la tigresse devient chaton entre les bras tatoués de son prétendu petit-ami. Elle se mordille discrètement la lippe quand il rend son compliment bien plus sensuel qu’il ne l’a été entre ses lèvres. Le sourire en coin, presque timide, amouraché, elle le dévore de ses iris sans pouvoir s’en empêcher. – Tu arrêtes tes bêtises, oui. elle rétorque sans pour autant nier, non, car il est parfait, c’est vrai. À tous points de vue, il l’est, jusqu’à ce qu’elle se demande un court laps de temps comment il peut exister. Juste avant qu’il n’efface toutes ses pensées en venant l’embrasser. Le baiser tendre se fait plus passionné sous l’essor de la princesse. Elle pourrait l’embrasser, Hassan, durant des heures, sans jamais s’en lasser. Elle pourrait même bien vite s’égarer, tout oublier, se noyer dans ses baisers, jusqu’à omettre la réalité. Mais elle essaie de rester concentrée, Jade, il y a toute son équipe qui attend de ses nouvelles pour savoir comment procéder. Un dernier doux baiser échangé, les voilà à nouveau devant cette fausse vérité. Ces images d’eux, enlacés, heureux, presque amoureux. L’ironie de la situation, qu’elle ne remarque même pas à cet instant, c’est qu’ils sont précisément dans la même position. Celle que leur offre l’un des clichés, lui qui glisse ses bras contre la finesse de sa taille, elle qui semble… si relâchée, si détendue… elle se reconnaîtrait à peine, Jade. Pourtant, celle qu’elle voit sur cette image, elle est précisément celle qu’elle est en ce moment même avec Hassan. Mais elle est si bien blottie contre lui, qu’elle n’y songe pas. Du bout des doigts, elle caresse distraitement la peau dorée de son amant tout en poursuivant leur échange. Tout ce qu’il dit est vrai, il la rend complètement différente de l’image qu’elle peut renvoyer.

Il la pousse à se révéler,
se montrer telle qu’elle est,
avec authenticité.

- Je ne sais pas. L’article est sorti tellement vite, c’est difficile d’avoir toutes les informations aussi rapidement… je pense que les prochains risquent d’être plus approfondis. elle ne relève pas, cette fois, la taquinerie qui lui est rétorquée, retrouve ce timbre sérieux alors qu’elle expose la situation. Elle ne paraît toutefois pas angoissée, ou en tout cas, pas aussi paniquée qu’avant qu’Hassan n’use de ses pouvoirs envoûtants sur elle. C’est une solution qu’elle cherche, une aide sans doute dont elle a besoin. Aussitôt décelé, le jeune homme ne tarde pas à lui proposer de l’accompagner. Malgré les baisers beaucoup trop agréables qu’il parsème contre son derme, elle choisit cet instant pour se tourner et lui faire face, à la recherche de ses prunelles. – Peut-être pas tout de suite… c’est l’enfer, ce genre de réunions de crise. Ils vont tous avoir leur avis à donner pendant trois bonnes heures avant que, peut-être, ils n’acceptent de m’écouter. Elle n’en a pas l’air, la femme d’affaires, celle qui dirige son entreprise d’une main de fer. Mais elle est bien souvent victime de son propre succès, avec tous ces conseillers qui font au mieux pour l’aider, sans jamais se préoccuper réellement de ce qu’elle peut éprouver. Elle ne s’en plaint pas, jamais, c’est son métier. Mais elle n’a pas la moindre envie d’infliger une torture pareille à son beau brun. Toujours blottie contre lui, ses bras autour d’elle, l’influenceuse pose ses mains délicates contre son torse. Songeuse, elle se demande si la solution n’est pas seulement de faire comme si rien n’était arrivé. Mais elle imagine déjà les journalistes les suivre partout… vouloir tout savoir de ce bel inconnu… jusqu’à ce que le père d’Hassan lui-même le découvre… non, elle a trop peur de prendre ce risque.  Elle a trop peur d’empiéter sur sa vie… sans se douter qu’il a les mêmes craintes pour elle, lui aussi. – Ils ne nous lâcheront pas… ce serait trop difficile à gérer, pour toi comme pour moi. Car la vérité, c’est qu’aucun d’eux n’assumerait, une aventure sans l’amour pour les légitimer. Jade, pour ses fans, pour son public. Elle a cette image beaucoup trop lisse. Parfaite, modèle, pour les gamines qui la suivent. Et Hassan, pour sa famille. Pour la liberté qu’il a réussi à trouver en Amérique. Non, ils ne peuvent pas. Ils doivent faire autrement. Toujours aussi attentionné pourtant, son interlocuteur essaie de la rassurer, notamment si son père venait à tout découvrir de leur relation… une précision sur ses origines qui la fait doucement sourire. – Et tu oublies que je suis une femme adorable. elle déclare de ce ton taquin, le sourire mutin. Adorable, parfois, elle sait surtout le faire croire. Prenant une profonde inspiration, elle finit par se blottir dans ses bras pour respirer ses effluves une dernière fois. Elle en profite un court instant avant de se forcer à reculer. – Merci… merci pour tout. elle le remercie d’avoir été là mais aussi, surtout, de la personne qu’il est. Elle se sent soutenue, épaulée, plus forte aussi à ses côtés. – Je vais aller les retrouver… j’avais juste besoin de te voir avant, je crois. Elle aurait été incapable d’affronter quiconque sans l’avoir vu au préalable. Incapable de surmonter cette situation sans le savoir avec elle. Glissant avec douceur sa main contre sa joue, elle se penche vers lui pour lui voler un nouveau baiser avec un peu trop de fougue. – Je te tiens au courant dans la journée. Elle ne sait pas ce qu’elle va faire, ce qu’ils vont faire. Mais elle sait qu’elle a moins peur quand ils avancent main dans la main.

(c) calaveras.

Il est, en réalité, le seul,
le seul capable de la détendre,
si rapidement, si facilement.

Il y a bien des personnes, dans son entourage, qui ont plus ou moins un effet bénéfique sur ses affres. Certains savent apaiser ses angoisses, quand d’autres éveillent instantanément en elle les craintes les plus abyssales. Mais Hassan. Hassan. Il parvient avec une déconcertante habilité à déjouer ses inquiétudes, les plonger dans l’oubli, les faire disparaître d’un sourire. Et il la fait sourire, encore, quand il confirme, qu’elle est son monstre à lui. Un sourire plus franc, empreint de malice, alors qu’elle n’était qu’effroi en arrivant à son appartement. Il n’a pas seulement une place privilégiée dans son existence, Hassan, c’est surtout dans son cœur qu’il prend une place de plus en plus à part. Leur relation évolue, tout doucement, sans qu’ils ne s’en rendent réellement compte. Même le baiser du prince contre le bout de son nez, est plus assimilé à celui d’un petit-ami qu’à un amant. Des petits détails anodins, des kyrielles de preuves qui devraient lui faire entrevoir ce qui se passe. Mais Jade, elle ne le voit pas.

Elle n’est pas prête, pas encore.

Les taquineries d’enfant sont bientôt remplacées par des regards langoureux et des remarques suggestives. Le désir reprend le dessus, beaucoup trop vite. Il suffit qu’elle entende sa voix venir lui murmurer quelques mots lascivement, pour sentir quelques frissons. Et d’un baiser, il la fait craquer. Toute sérieuse et impliquée qu’elle est, l’héritière oublie pendant un court laps de temps toute cette histoire qui la préoccupe tant. C’est qu’ils ont toujours cet effet, ses baisers. Un effet dévastateur mais, surtout, complètement tentateur. Elle répond avec ardeur au baiser, le rend même beaucoup plus passionné, avant de parvenir enfin à s’arrêter. Se contrôler. Elle doit bien y arriver, il leur faut se maîtriser. Car plus elle fera attendre son équipe, plus leur décision tardera à être prise. Si elle interrompt leur rapprochement, elle ne s’éloigne pas pour autant. Ils ne sont jamais bien loin l’un de l’autre, les deux amants. Elle essaie de se focaliser sur l’article qui se trouve en face d’eux mais c’est là une tâche bien ardue avec Hassan et ses gestes, Hassan et ses caresses, Hassan et ses propositions sensuelles. Il ne la voit pas, heureusement, car elle ferme les paupières brièvement. – Hassan, s’il-te-plaît…  Sa voix résonne davantage comme une supplique qu’un ordre qui ne vient même pas. Ce serait si facile de se laisser aller, tout oublier… l’attirer jusqu’à sa chambre et se perdre dans ses bras. Mais ce serait irresponsable. Et ils ont suffisamment été irresponsables.

Jade n’est pas quelqu’un d’irresponsable.

Mais il lui fait tout perdre,
la raison, l’esprit, la tête,
tout en elle.

Elle ne sait trop par quelle force incroyable, elle arrive à garder une tenue implacable. Il y a juste ses mains qui ne cessent de chercher celles du beau brun, même quand elle se retourne vers lui pour croiser ses prunelles. Peut-être car, auprès de lui, elle se sent à l’abri. Plus protégée du monde qu’elle n’aurait, même, osé l’espérer. Il lui décroche un sourire amusé alors qu’elle le dévore toujours de ses iris amourachés. – Si ça devient trop compliqué, je t’enverrais un message de détresse pour que tu viennes user de ton titre de prince. qu’elle affirme avec malice. C’est drôle car elle songe rarement à ce fait, qu’il soit le prince d’un pays tout entier. Il est si simple, Hassan, si vrai, qu’elle aussi, apprend à se montrer plus naturelle à ses côtés. C’est loin de l’image des monarques qu’elle aurait pu imaginer. Mais elle sort de ses pensées pour laisser échapper dans un soupir. – Tu sais que cela ne dépend pas que de nous malheureusement. Bien sûr que non, si leur relation ne dépendait qu’eux, ils s’en seraient tenus à se fréquenter comme ils le faisaient ces derniers mois. Avec légèreté et insouciance, avec cette envie d’être ensemble, sans se poser de questions. Mais il y a d’autres facteurs désormais, comme les médias, ou la famille d’Hassan. Même ses parents voudront sans aucun doute savoir ce qu’il en est réellement. À cette idée, la beauté Orientale sent déjà une certaine lassitude la gagner. Elle était si heureuse, si bien, quand elle pouvait profiter de lui sans s’inquiéter de rien. Si heureuse qu’elle en a oublié toutes ses préoccupations, jusqu’à ce que tout éclate si brutalement. La bulle impénétrable est désormais comme brisée. Pourtant, il lui suffit de le retrouver, pour sentir l’univers entier s’évaporer. Le sourire qu’elle retrouve, elle le contemple avec amusement tandis qu’il s’amuse encore avec son nez. C’est bientôt dans ses bras qu’elle vient se réfugier. – Bon… ton adorable petit monstre va devoir te quitter… qu’elle les prépare à la séparation jamais bien agréable. Elle savoure son parfum, sa tendresse, elle en profite car elle en a besoin, avec les heures qui l’attendent. Ses mots la touchent, terriblement, alors qu’elle se détache lentement, bien contrainte de reculer. – Ça me touche que tu réagisses comme ça… vraiment. Dernier baiser qu’ils échangent, puis un autre qu’il lui offre sur ses phalanges, elle lui sourit tendrement. – Je le ferai. et peut-être même qu’elle le retrouvera directement. Elle n’a pas envie de se passer de lui, moins encore que d’habitude. Mais, après un dernier bref baiser, Jade consent enfin à s’en aller. Revigorée, et à la fois apaisée, elle serait pourtant bien restée à ses côtés.

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