Je m'appelle Minerva et je suis la personne la plus stupide de cette planète.

Maria

Je ne sais pas qui sont mes parents biologiques, ni dans quelle ville je suis née exactement, je ne connais même pas ma véritable date de naissance. Tout ce que je sais c'est que je suis coréenne et que ma famille actuelle n'est pas ma première famille d'adoption. Minerva Appleton n'est pas mon premier nom.

J'avais quelques mois quand ma première "famille" m'a adoptée, se posant en bons sauveurs américains, se vantant d'avoir recueilli une petite asiatique auprès de leurs proches pas parce qu'ils ne pouvaient enfanter mais parce qu'ils avaient tant d'amour à donner, bla, bla, bla... Bien sûr, je ne m'en souviens pas, c'est la narratrice de mon histoire qui le sait. Mes parents m'ont seulement dit que mes précédents "parents" m'avaient récupérée directement en Corée du Sud, mon pays d'origine puis abandonnée 3 ans plus tard, lorsqu'ils ont eu un nouvel enfant biologique. Soudainement, ils n'avaient plus assez d'amour à me donner.

C'est ainsi qu'à l'âge de 3 ans, une petite fille nommée Maria se retrouva dans un orphelinat du Queens. Perdue.

Mais je n'étais pas seule, nous étions nombreux. Avec des histoires différentes mais des points communs entre celles-ci, surtout un : l'abandon. Sentiment qui ne nous quittera pas une fois adultes.

Mais nous étions là les uns pour les autres.

Plus tard, c'est pour ce même orphelinat que j'offrais, autant que possible, de mon temps en tant que bénévole.

minerva

C'est seulement à l'âge de 8 ans qu'on m'a donné le prénom que j'ai à présent. Les Appleton, une famille bien aisée, m'ont adoptée. Eux non plus, ils n'avaient pas tellement de problème d'infertilité, ils avaient même déjà un fils de 12 ans. Pourquoi alors choisir un enfant dans un orphelinat ? Non, les Appleton n'avaient pas un trop plein d'amour à donner, ou alors ils l'ont très mal exprimé. Ne me demandez donc pas pourquoi, j'en sais rien. Au début, j'étais inquiète mais enthousiaste à l'idée d'avoir enfin une famille. Tout de même un peu triste de devoir quitter mes amis de l'orphelinat mais, je n'avais pas le choix.

Attention, ils ne m'ont pas maltraitée et mon "grand frère" m'a très vite intégrée. Je vois bien ce que vous vous dites, elle se plaint cette pauvre petite riche alors qu'il y a rien. Attendez.

Donc, ils m'ont adoptée, m'ont renommée Minerva. Si vous connaissez un peu la mythologie romaine et que vous pensez que certains parents mettent leurs espoirs dans un "prénom prédestiné", je vous laisse deviner ce qu'ils attendaient de moi à partir de ce moment. Encore maintenant, ils ont des attentes, ils espèrent que je lâche mon taf pour devenir un "vrai médecin" car, je cite : "Acupunctrice... Tu es plus intelligente que ça, tu pourrais avoir une vraie carrière." En grec, Minerva est plus connue sous le nom d'Athéna.

Sois comme ci, ne te pose pas de questions, fais de longues études, ne néglige pas ton apparence et ne te repose pas sur une modeste intelligence... Ils m'ont façonnée selon leurs espérances, une enfant modèle combinant la beauté d'une poupée et le savoir d'une machine. Mon frère était plus libre que moi mais pas plus ni moins "aimé" par nos parents. De cela, il était aussi plus "humain" que moi lors de mes premières années dans ce foyer.

Lobotomisée.

Lisse à en crever.

C'était sans compter la fissure...

hellhound

... Qui n'a cessé de s'élargir.

Quand tu as vécu l'abandon et que l'on ne cesse de te marquer psychologiquement, il ne faut pas s'attendre à de bons résultats. Oui, ils avaient ce qu'ils voulaient en surface. J'étais une excellente élève, je recevais moult félicitations de toutes parts, j'étais jolie, du moins selon les standards, j'étais soignée, organisée, bref, j'étais sous contrôle et j'en devenais moi-même une control freak. Les camarades qui me détestaient ne le montraient pas encore, j'étais populaire malgré moi - une première de la classe, pas dégueulasse à regarder et avec des parents friqués, c'est plus intéressant de l'avoir dans sa poche, non ? Mais à 14 ans, je n'en pouvais plus de la pression et de l'hypocrisie qui forgeaient mon quotidien.

Je me sentais vide.

Vidée de mon énergie pour une vie vide de sens.

Le coeur creux, la tête pleine.

Je me détestais autant que je haïssais les autres.

Mes parents adoptifs pour m'avoir éduquée ainsi, mes camarades pour avoir ce que j'imaginais de leurs vies, mes professeurs pour appuyer la pression que mes parents me mettaient. Parfois même mon frère, pour la liberté qu'il avait d'être qui il souhaiterait.

Je me suis remplie autrement cette année-là.

J'ai mangé en cachette, souvent.

Ogre. Jamais rassasiée.

Incontrôlable durant des heures.

Ensuite, je me sentais toujours aussi vide et la fatigue s'amplifiait à mesure que j'engloutissais et que les chiffres sur la balance grimpaient. Ma mère a fini par comprendre ce qu'il se passait concernant la nourriture, sans pour autant se poser de questions sur mon état mental. Elle ne m'a pas grondée mais elle a commencé à me faire des remarques cinglantes sur mon poids, sur mon comportement alimentaire, à me donner des complexes que je n'avais pas encore. Avant ça, je ne me posais pas de questions, j'exécutais juste. Désormais l'équation était devenue plus complexe, avec l'ennui, la solitude et le stress, c'étaient additionnées l'adolescence et ses remises en question. Quoiqu'il en soit après une année à gaver un puits sans fond, je m'étais mise à creuser...

D'abord ce fut ma mère qui planqua tout ce qui était comestible puis ce fut moi-même qui me privais. J'avais compris que la nourriture ne comblerait rien, je m'en étais écœurée et mon physique me donnait la gerbe. Sans oublier les remarques maternelles ainsi que celles de mes camarades - oui les lèche culs d'autrefois étaient devenus des bourreaux des mots. Je n'étais plus "miss parfaite" et cela en satisfaisait plus d'un. Alors je passais des jours sans me nourrir, ça non plus je ne le contrôlais plus. Je n'avais plus l'appétit. Et quand je me remettais à manger, je prenais mes dispositions, seule dans ma chambre... J'ingurgitais sans compter sauf qu'à la fin de ces nouvelles crises, je me faisais vomir pour ne rien garder. Je ne comblais plus aucun vide, je savais que je n'y arriverais pas, j'avais perdu toute envie, je n'avais juste plus aucun contrôle. J'avais totalement lâché prise. Je ne savais plus qui j'étais. Où j'allais.

J'étais de plus en plus faible.

Toujours plus vidée.

abyss

"Tu penses avoir atteint le fond ? Creuse encore ma belle."

Il était beau, j'étais faible.

15 ans.

Après une hyperphagie puis une anorexie accompagnée de crises d'hyperphagies boulimiques, j'ai dû passer par la case hôpital psychiatrique. Mes parents ont fini par réaliser que planquer les produits alimentaires et me faire des remarques ne m'aideraient pas à redevenir leur fille "vitrine". J'ai donc passé des mois internée, j'ai dû redoubler une année lorsque je suis revenue, grosse cerise sur le gâteau de la déception familiale. On m'a réconciliée avec mon rapport à la nourriture mais on ne m'a pas totalement guérie. Je ne me suis pas sentie plus aimée qu'avant, pas moins vide et en plus je me suis sentie plus coupable, honteuse que jamais. Sans oublier ma haine de moi-même plus profonde encore. Celle que je ressentais pour les autres s'était évanouie, j'avais tout absorbé en échange.

Le retour au collège était difficile. Même si mes précédents camarades étaient à présent au lycée, il va sans dire que ceux qui m'accompagnaient cette année-là étaient au courant puisque déjà dans le même établissement les années précédentes. La vitesse du son ne doit pas être sous estimée. Aprés avoir grossi, maigri, grossi, maigri... J'avais de nouveau un poids "normal", "standard", "correct" mais j'étais une épave.

Rien n'avait d'intérêt à mes yeux, je m'accrochais juste à ce que je savais, il fallait que je reprenne le contrôle, que je redevienne la lobotomisée que mes parents avaient mis dans de mal à construire. Quitte à n'être plus qu'une ombre. Spectatrice de ma propre vie. Spectre.

J'étais décidée.

Mais je l'ai rencontré.

Une nouvelle manière de chuter.

Lui.

"Il n'y a que moi qui peut t'aimer. Ne l'oublie pas."

Dès que j'ai croisé son chemin, j'ai senti qu'il allait changer ma vie. Je ne pensais pas pouvoir tomber plus bas.
Il était beau, j'étais faible. Il avait 17 ans, j'en avais 15.
Je commençais à avoir un semblant de vie sociale, en échange de meilleures notes, mes parents s'étaient mis d'accord pour que je puisse sortir un peu, me faisaient rencontrer les enfants de leurs amis. Alors, je passais des soirées avec des "potes", j'avais presque l'impression de m'amuser un peu, parfois. C'était à l'une d'entre elles que je croisais son regard pour la première fois.

"Pourquoi tu restes là ? Tu tiens le mur ?"

"Quoi ? Ah. Oui. Sait-on jamais. T'es qui ?"

Un sourire amusé se dessinait sur le visage du jeune homme.

"Et toi, t'es qui gardienne de murs ? Laisse moi deviner... Tina ? Vanessa ? Zoé ? Non, tu sais quoi ? Je vais t'appeler Maxine. Maxine, la gardienne de murs. Canon !"

Il se mit à rigoler tout seul puis Minerva qui ne comprenait pas trop ce qu'il se passait finit par accompagner son rire.

"T'es bizarre quand même. Et u m'as toujours pas donné ton nom. D'ailleurs moi c'est Minerva."

"Non toi c'est Maxine, t'as grave une dégaine de Maxine. Moi c'est **** et je te kiffe déjà. Tu veux un verre ?""

Il n'attendit pas la réponse de Maxi... Minerva et alla chercher deux verres. Ils parlaient pendant des heures, dansaient, fumaient, buvaient et s’échangeaient leurs numéros. La soirée se passait très bien. Trop bien. Minerva crut enfin avoir une vraie connexion avec quelqu'un dans sa vie. Il avait un humour un peu étrange mais il était gentil avec elle. Ils flirtaient légèrement même si Minerva ne le comprenait pas encore à ce stade. Les semaines avançant, ils discutèrent de plus en plus que ce soit par sms, appels ou pendant des soirées de potes en commun. Au bout de quelques mois, ils se voyaient certains jours après les cours, le samedi... L'inévitable arriva, ils devinrent un couple et la "gentillesse" de **** fut ponctuée de moments moins agréables. Les reproches, les réflexions, les "blagues", le chantage affectif...

"Pourquoi t'es aussi coincée ? Tu ne m'aimes pas ?"

Des mois de harcèlement pour qu'elle finisse par lui céder sa virginité. Bien sûr, elle en avait envie mais elle aurait préféré que ça fasse plus naturellement sans qu'il insiste. Sans qu'il lui laisse penser qu'il irait voir ailleurs ou la quitterait si elle ne lui donnait pas ce qu'il voulait. Et pendant ces moments intimes, il l'appelait Maxine. Comme s'il vivait un fantasme, comme s'il la dissociait de la personne qu'elle était au quotidien. Ou peut-être pensait-il à quelqu'un d'autre pendant le sexe ? Ou tout cela à la fois ? Était-elle un objet pour combler son vide ? Quoiqu'il en soit, ce qui explique un comportement ne l'excuse pas.

Rien n'excusera ce qu'il se passa l'année suivante.

Ce soir-là, elle avait clairement exprimé son refus.

"Non, pas ce soir. Je suis fatiguée. Je n'ai pas envie."

"Allez Maxine, te fais pas désirer comme ça."

"Arrête de m'appeler comme ça. C'est qui cette Maxine, une ex ?"

"Dis pas de bêtises, c'est ton nom quand je te veux. Minerva ça me fait pas bander, c'est un prénom de vieille. Toi t'es une Maxine quand t'écartes les cuisses. Allez, au pire laisse moi tout faire cette fois."

Pour des raisons évidentes, il n'est pas nécessaire de connaître la suite du dialogue ni les détails sur ce qu'il se passa ensuite, vous vous doutez bien que ce ne fut pas une soirée plaisante pour Minerva. Elle dut rester la nuit dans le même lit que ****, elle était chez lui et sa famille, elle ne pouvait rentrer chez elle à une heure pareille.

"Tu sais, j'aime quand t'es énervée. Mais quand tu boudes, t'es juste chiante."

Le lendemain matin, elle ne lui adressa pas un mot. Elle prit une douche, le petit déjeuner et partit sans dire au revoir à ****. Une fois chez elle, elle alla dans la salle de bain, se doucher une nouvelle fois et s'effondra en pleurs, assise dans un coin sur le carrelage froid. Le regard de **** quand il était au dessus d'elle, elle le visualisait encore, pas une seule fois il n'avait fermé les yeux.

Elle a tenté d'en parler à ses parents, ils n'ont été d'aucune aide. Son père lui a même dit qu'elle l'avait sûrement voulu puisqu'ils étaient en couple. Sa mère pensait à un malentendu. Son seul soutien à ce moment était son grand frère. Il avait refait le portrait de **** mais cela n'empêcha pas ce dernier d'harceler Minerva les mois qui suivirent.

# Vous avez 3 nouveaux messages #

"Réponds moi, appelle moi, je t'aime plus que tout. Il n'y a que moi qui t'aime, ne me laisse pas. Qu'est-ce que je vais faire sans toi ?"

"T'es qu'une salope ! Tu crois que tu peux me quitter comme ça ? Sale chienne ! Je suis sûre que tu te fais sauter par un autre ! Tu ne peux pas continuer à m'ignorer, tu finiras par revenir ! SALOPE ! SUCE MOI GROSSE PUTE !"

"Je t'en supplie, reviens ! Je suis rien sans toi... Minnie, ma chérie, je t'aime tu sais ça. Je te rappellerai, réponds s'il te plaît. Pourquoi tu me laisses ? Je veux te voir."

Je voulais que tout s'arrête.

Tout.

fell on black days

À l'âge de 20 ans, j'ai enfin commencé à prendre ma vie en main.
Après 2 années et demi sous anti-dépresseurs, j'ai fini le lycée puis j'ai entamé une première année en fac de médecine comme mes chers parents le voulaient bref, deux années à repartir sur les rails où l'on voulait me voir. J'étais suivie par une psychiatre bien qu'elle me servait plus à me prescrire des médicaments qu'autre chose, du moins c'est comme ça que je le ressentais. Mais je ne me posais plus de questions, je laissais les choses se faire. Lorsque j'avais 17 ans, j'avais tenté d'en finir avec tout et j'avais échoué. Avant ma tentative, j'avais même essayé d'ignorer mes problèmes puis d'y faire face en me remettant brièvement avec **** pensant qu'il se calmerait, que j'oublierais le mal qu'il m'avait fait et que je serais plus tranquille. Ce fut pire.

Donc j'ai tenté que ce tout devienne rien et j'ai obtenu deux ans de survie.

Alors après un premier semestre en fac, et un arrêt progressif de mes anti-dépresseurs, j'ai changé de psy, j'ai dit merde à mes parents, et je me suis barrée. Pas très loin certes mais juste assez pour penser par moi-même et pour moi-même. Le deuxième semestre, je n'étais donc plus scolarisée, je bossais comme serveuse dans un diner à Boston. J'étais assez proche de New York pour voir mon nouveau psy une fois par semaine et je me débrouillais pour mettre de l'argent de côté tout en payant un loyer dans un minuscule studio. Mes parents avaient encore mon numéro mais ils ne m'ont pas contactée, j'imaginais donc qu'ils ne me considéraient plus comme leur fille. Mon frère me rendait parfois visite à Boston. Ce fut un an et demi de routine dans cette ville, de longues journées de taf, des soirées d'ennui dans mon 10m², et des rdv pour ma santé mentale le samedi & repeat.

J'avais donc 21 ans et demi lorsque je me suis installée au Canada, à Toronto où je m'inscrivais dans une université poursuivre trois ans d'études en acupuncture et médecine traditionnelle chinoise. Ça restait une branche de la médecine mais ce n'était pas une pratique pas très noble du point de vue de mes parents. Mais cela m'intéressait bien plus que de devenir chirurgienne. Pour une fois, j'étudiais avec une réelle curiosité, une envie d'apprendre. Je bossais à horaires aménagées pour continuer à payer ce dont j'avais besoin pour vivre, des petits boulots par ci par là. Mon frère m'envoyait parfois un peu de thune, il avait peur que je manque et voulait que je profite un peu de ma liberté et de ma jeunesse. Ce n'est qu'à ma seconde année que j'ai pu sortir un peu de ma routine études/boulot en ayant mes premiers amis et en sortant de ma zone de confort. Je n'avais pas tenté de me sociabiliser depuis mes problèmes au lycée alors j'y allais petit à petit. Quant aux relations amoureuses, ce fut encore plus difficile de me remettre dans le bain, je n'avais connu que **** et on sait comment ça s'est terminé.

ready for the ride

Elle.
Grande, peau pâle, chevelure de feu et yeux d'azur.
Intimidante, calme, réconfortante, la voix d'un ange, une gentillesse pure.
J'ai rencontré Hanna lors d'une soirée à Toronto, grâce à des amis communs, nous étions tous allés dans un karaoke bar et je l'ai entendue chanter avant même que nous ayons pu être présentées. Pour cause, j'étais arrivée plus tard, juste avant qu'elle ne monte sur l'estrade, le temps de dire bonjour à ceux qui étaient au comptoir du bar et les premières notes ont retenti. Ensuite, je me souviens qu'un halo de lumière a éclairé ses longs cheveux roux et mon regard a croisé le sien, bleu comme l'océan. Je ne compris pas de suite que c'était plus que de l'admiration. Sa voix a provoqué des frissons dans tout mon être, j'étais envoûtée.

J'essayais de ne pas laisser transparaître mes émotions, surtout lorsque sa chanson finie, elle vint vers nous. J'étais la seule qu'elle ne connaissait pas dans le groupe d'amis.

"Minerva, c'est un joli prénom. Une grande déesse aussi."

On discutait les uns avec les autres, au bout d'un certain temps quelques uns rentraient chez eux, d'autres restaient mais parlaient à un autre coin du bar, et arriva un moment où à force que le groupe s'éparpillait, nous nous retrouvions seule à seule, Hanna et moi. Je ne le réalisais qu'au dernier moment. Elle entama la discussion avec moi, naturellement. J'apprenais alors qu'elle était allemande, étudiante en langues étrangères à Toronto pour une année seulement. Sa véritable passion était le chant mais elle assurait ses arrières. J'étais admirative de voir une personne qui avait l'air si libre mais qui en même temps maîtrisait plusieurs facettes de sa vie par sa seule volonté. Mais au fur et à mesure que la soirée avançait, je me rendis compte que je ne voulais pas être elle mais, avec elle. Bien sûr, il y avait des points de sa personnalité qui me donnaient envie de la prendre un peu en modèle mais ce n'est pas ça qui me laissait admirative, fascinée, hypnotisée... L'alcool et les années de solitude aidant sûrement, mes hormones m'envoyaient des messages, je ressentais une bouffée de chaleur et ce n'est pas Toronto qui est réputée pour ses hausses de température.

Je crois qu'Hanna n'était ni aveugle, ni indifférente mais, elle ne tenta rien ce soir là. Je pensais alors que rien ne se passerait entre elle et moi, je n'étais même pas sûre de le vouloir. Quoiqu'il en soit, cette nuit là, elle me raccompagna chez moi et dormi à mon appart dans le canapé. Il était tard et on ne voulait pas que l'une de nous se retrouve à marcher seule dans la rue. Elle est rentrée chez elle, le lendemain après-midi, après une grasse matinée et un repas type brunch improvisé à l'arrache. Nous avons gardé contact et les soirées avec nos amis communs ont été des excuses parfaites pour que nos chemins se recroisent. À cette période, j'ai remis en question ma sexualité. Je n'avais fréquenté qu'un homme dans ma vie et j'étais adolescente, je n'avais aucune autre expérience ni aucun crush avant Hanna. Peut-être qu'en fait j'aimais juste les femmes ? Ou alors je n'avais pas de préférence entre les sexes ? Comment en être sûre ? Était-ce même important de mettre un mot dessus ?

C'était elle qui fit le premier pas, à m'inviter à prendre un verre, seules chez elle. Rien d'explicite dans son invitation. Je savais clairement qu'elle avait déjà eu des petites amies, elle avait déjà mentionné ses ex au cours de discussions pour x raisons. Bref, de fil en aiguille, lors de notre soirée en tête à tête, il arriva ce qu'il devait arriver. J'étais extrêmement stressée.

Mais ce fut une de mes plus belles nuits...

ending scene

A 26 ans, cela faisait plus de deux ans que je vivais en Allemagne avec Hanna, à Berlin exactement. Tout se passait pour le mieux jusqu'à cet appel venant de New York...

"Ton frère est malade, Minerva, je pensais que tu voudrais être tenue au courant. Il a une tumeur au cerveau."

Ma mère m'avait à peine dit bonjour qu'elle avait enchaîné avec cette mauvaise nouvelle. Une claque mentale. Après tant d'années, j'avais finalement été contactée pour apprendre que mon frère n'allait sûrement pas vivre longtemps. Une semaine plus tard, je faisais ma valise pour le rejoindre. Je ne devais partir que quelques mois et retrouver Hanna mais rien ne se passa comme prévu. J'aidais mon frère à vivre avec son nouveau mode de vie tandis que nos parents n'intervenaient que pour les frais médicaux et donner des conseils malvenus. Je me retrouvais plus vite qu'il ne faut pour dire ouf à m'installer à New York, je ne le réalisais que trop tard. Je ne pouvais pas laisser mon frère gravement malade avec ces gens là. Sauf que... Hanna ne pouvait ou ne voulait pas quitter l'Allemagne pour les USA. Je ne lui en voulais pas, elle avait ses projets et sa famille là-bas. On a tenté de rester ensemble dans une relation à distance mais c'était trop compliqué. Donc on a rompu officiellement l'année dernière.
J'ai eu des micros relations depuis mais rien de bien sérieux.

Maintenant, cela fait deux ans que je vis de nouveau dans le Queens, que je suis installée dans un centre médical en tant qu'acupunctrice, que j'aide mon frère à vivre sa maladie - on ne sait pas pour combien de temps il va y survivre - que je suis bénévole auprès de l'orphelinat qui m'a accueillie lorsque je m'appelais encore Maria.

J'ai vécu du mauvais, du bon et désormais, je suis un peu dans une zone grise.
J'espère encore que le meilleur est à venir, je sais ce que je veux et ne veux plus dans ma vie, et j'ai encore un long chemin devant moi.

Je n'ai pas toujours pris les bonnes décisions, je n'ai pas toujours été la personne intelligente, je lutte encore avec moi-même mais...

Things are going well