Tout l'été elle y a pensé, une fois que cette envie est entrée dans sa tête elle n'a plus quitté son esprit. Elle tourbillone jusqu'à l'obsession, elle en rêve la nuit, elle y pense le jour. Isolde est une femme d'idéaux, une femme emportée par des impulsions, par ses pulsions et qui obtient ce qu'elle désire comme une évidence. Cela a toujours été ainsi alors pourquoi il en serait autrement ? C'est impossible, ce n'est même pas une perspective qu'elle imagine, la négation ne fait pas partie de son vocabulaire et les obstacles ne lui sont jamais insurmontables. Cette graine enfle et gonfle depuis plusieurs mois, prend toute la place, même ses oeuvres en sont impactées (bien que cela ne soit peut-être visible qu'à son oeil, l'abstrait très personnel de ses peintures est insufflé de cette possibilité). Etrangement, ce n'est pas à son mari qu'elle désire en parler en premier. Celui qui partage sa vie depuis tant de temps et qui s'aperçoit toujours des bizarreries de sa femme parfois même avant elle, il l'a questionné sur le sujet mais l'artiste s'est montrée vague et évasive, des demi-réponses à ses questions et des baisers sur les lèvres au lieu de paroles construites.

Non, c'est à Ivy qu'Isolde souhaite parler d'abord. Peut-être parce qu'elle est plus concernée, peut-être parce que les deux femmes se sont beaucoup rapprochées ces derniers mois, ou bien peut-être tout simplement parce que. Parfois, il ne faut pas chercher plus loin et Isolde Hastings n'est pas du genre à se perdre en élucubrations quand il s'agit des raisons qui la poussent à agir. Elle fait tout simplement. Elle vit entièrement. La journée commence pareille aux autres jours, entourée de ces amours, auréolée de lumière, petits grains de bonheur dont elle ne peut plus se passer. Ils s'habillent tous, profitent d'un petit-déjeuner en bonne compagnie et puis se séparent ; Arthur part à l'école, Ivy à son bureau et Isolde s'enferme dans son atelier pour ouvrir son âme aux plaisirs créatifs. Les heures passent sans qu'elle ne leur accorde une once de son attention toute perdue à ses coups de pinceaux, et à cette pensée persistante qui l'obsède tant. Le soleil s'abaisse, les rayons orangés filtrent à travers la grande baie vitrée et donnent à sa blonde chevelure des taches cuivrées. Et quand elle entend la porte d'entrée et la voix d'Ivy se répandre dans l'air, un frisson d'excitation s'empare de la femme qui abandonne son oeuvre inachevée et s'empresse de la rejoindre dans l'entrée. Elle pétille d'impatience quand elle arrive devant l'avocate et la prend dans ses bras pour déposer quelques baisers au coin de ses lèvres. "Je suis contente que tu sois rentrée tôt. J'ai eu une idée lumineuse." Et elle l'entraîne sur le grand canapé de leur immense salon, où les attend déjà deux verres et une bouteille de rouge, car dans son esprit il ne fait aucun doute que la discussion entraînera une célébration. Il ne peut en être autrement, car ainsi est sa vie, ainsi vit son monde.

elle voudrait pouvoir penser à autre chose ivy, sortir toutes ces idées négatives de sa tête, arrêter de se faire ronger par la jalousie, par l'envie de posséder isolde. mais, c'est impossible. à ses yeux, c'est une véritable torture, devoir prétendre des sentiments pour arthur, de le voir continuer à prendre autant de place dans la vie de sa bien aimée, d'entendre les sentiments de celle-ci à son égard. elle voudrait pouvoir accepter tout ça, ne pas ressentir son coeur se briser lorsqu'il pose ses lèvres sur celle d'isolde mais, c'est impossible. elle voudrait pouvoir revenir au début de leur relation, encore souriante, à la recherche de nouvelles sensations, véritable aventurière. retrouver cette façade impénétrable qu'elle portait en toutes circonstances. aujourd'hui ivy est perdue, constamment dans l'obligation de se remettre en questions, incapable de répondre aux questions qui traversent son esprit. elle a l'impression d'être coincée.. dans une impasse ou elle ne trouve aucune solution pour remédier à son problème. il n'y a pourtant que deux issues possible.. ivy peut continuer de faire semblant, continuer de sourire, continuer de dire à qui veut bien l'entendre qu'elle est heureuse et que c'est ce qu'elle voulait ou bien.. regarder isolde droit dans les yeux et lui dire la vérité. lui dire qu'elle n'est plus heureuse, qu'elle ne supporte plus cette situation, qu'elle l'aime du profond de son coeur mais, qu'elle doit prendre une décision. une réponse qu'elle connait par coeur ivy, qu'elle ne cesse de se répéter dans son esprit. isolde ne pourra jamais la choisir, ne pourra jamais abandonner arthur et quoi qu'il arrive ivy va se retrouver seule, sans plus personnes pour la comprendre et s'occuper d'elle.

la tête en vrac, ivy est bien contente de rentrer plus tôt, bien contente de ne pas voir la voiture de son "compagnon" dans l'allée. pourtant, ivy sait parfaitement à quoi va se résumer sa soirée ; un repas, un sourire et l'excuse de devoir travailler sur un nouveau dossier toute la nuit, tout ça dans l'unique but de ne pas les croiser ensemble, de ne pas voir le sourire d'isolde s'étirer un peu plus lorsqu'elle aperçoit son mari. un plan qui tombe rapidement à l'eau alors, qu'elle n'a même pas le temps de se débarrasser de ses affaires que la femme qu'elle aime, celle pour qui ivy ferait n'importe quoi, l'attire à elle, bizarrement très en forme. « une idée lumineuse ? » pas quelque chose en rapport avec arthur, je t'en supplie c'est ce qu'elle voudrait être capable de lui dire. mais, au lieu de ça elle suit isolde jusque dans le canapé ou son regard se pose directement sur la bouteille et les deux verres. ivy n'est pas certaine de suivre, encore moins de comprendre. « nous fêtons quelque chose ? » qu'elle demande un sourire aux lèvres la brune, essayant de trouver ce qu'elle aurait bien pu manquée. « laisse moi devenir. » sa main qu'elle vient poser sur la cuisse de sa bien aimée, son regard planté dans le sien et surtout l’irrésistible envie de l'embrasser. « tu as terminée ta dernière peinture ? acheter une nouvelle oeuvre ? organiser une nouvelle soirée ? » oh.. ivy est très loin de se douter des idées folles de sa petite-amie, très loin de la vérité concernant toutes les hypothèses qu'elle lui balance, espérons qu'elle puisse supporter le choc.