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Two worlds, one pub [Pv Vera]

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Mar 19 Nov - 0:15
Lenny détestait les bars. Les lieux bruyants, puants, peuplés de monde et de bavardages, où il ne trouvait jamais sa place. Et pourtant, c'était bien au Donovan's Pub que le bibliothécaire avait traîné sa carcasse, grimaçant en entrant, le temps que ses oreilles s'habituent tant bien que mal au niveau sonore de l'endroit.

Ce n'était pas exactement pour le plaisir que Lenny venait, ce samedi soir. Non, c'était un exercice, une manière pour lui de tenter d'aller à la rencontre des gens, d'essayer de nouer des liens, de faire des connaissances.

Les bars étaient supposés être des endroits pour permettre aux gens de socialiser, aidés par l'alcool. Mais Lenny ne buvait pas une goutte, évitant les boissons alcoolisées comme la peste, ce qui ne l'aidait guère à atteindre l'état d'esprit nécessaire pour faciliter ce genre d'interactions.

Lenny avait commandé une limonade, regardant autour de lui, le verre à la main, cherchant une opportunité, une présence qui pourrait être familière, n'importe quel signe qui lui dirait "cette personne est sympathique, va à sa rencontre !". Mais il ne trouva rien de tout cela.

Nerveux, mal à l'aise, le bibliothécaire finit par se réfugier à une table en solo, triturant sa paille, la mordillant tout en buvant sa limonade. Peu importait les années passées, les leçons d'habiletés sociales suivies, Lenny restait profondément perdu dès lors qu'il devait faire un pas vers autrui. Son coeur battait à la chamade, son anxiété décuplée par le bruit qui régnait dans le bar.

Tournant sa paille dans son verre, Lenny jetait des regards autour de lui, sans oser se fixer sur quelqu'un. Comment était-il supposé se faire des amis s'il n'était pas même capable d'adresser la parole à quelqu'un ? L'homme soupira, l'estomac noué. Il ferait peut-être mieux de rentrer... Ici, il ne connaissait personne. Il n'osait pas aller vers autrui et, sincèrement, qui viendrait lui parler, à lui ?

Alors qu'il songeait à partir, une personne prit place dans la chaise en face de lui, le bruit sourd lui parvenant avant que ses yeux ne se posent sur elle, un sursaut le secouant. Son regard évitant de s'attarder trop longtemps dans celui de l'inconnue, Lenny la détailla minutieusement, ses yeux scannant la jeune femme avec une intensité qui lui était propre.

Elle paraissait en tout point différente de lui. Comme deux mondes opposés qui se seraient rencontrés dans des circonstances incompréhensibles. Délaissant sa boisson, Lenny commença à triturer nerveusement ses mains, ses doigts s'entrelaçant les uns et les autres dans un geste réflexe, alors qu'il soufflait d'une voix hésitante :

"Je... Je peux faire quelque chose pour vous ?"

Peut-être voulait-elle la table pour la partager avec un ou une amie. Peut-être avait-elle besoin de la chaise et qu'elle souhaitait l'emprunter. A moins qu'elle n'ait besoin d'argent pour acheter un autre verre. L'idée qu'elle puisse venir l'aborder sans arrière-pensée, sans service à lui demander, lui paraissait tout simplement absurde. Ce n'était pas... normal, tout simplement.

"Vous pouvez prendre la chaise, si... si vous en avez besoin. Je suis tout seul, je n'attends personne."

Un sourire maladroit, presque une grimace, s'aventura sur ses lèvres, avant qu'il ne baisse à nouveau les yeux, cessant de se torturer les doigts pour mieux triturer sa paille.

Nerveux, lui ? Absolument pas. Ce n'était pas comme s'il n'avait pas l'habitude d'être abordé par qui que ce soit dans des bars... Lenny était un véritable social butterfly, populaire en tout lieu, aimé de partout ! Ou pas.

C'était la première fois depuis longtemps que quelqu'un venait le voir, lui. Et même si c'était probablement pour lui demander quelque chose, Lenny restait profondément décontenancé. Jouant à un jeu dont il ne comprenait pas les règles, les tenants ou les aboutissants.

Il s'attendait à ce qu'elle s'en aille. A ce qu'elle lui pose sa question, sa demande, et qu'elle le laisse derrière. Pourquoi en ferait-elle autrement ? Il était évident, même en quelques instants, qu'elle était faite pour ce monde, qu'elle n'avait aucun mal à s'y intégrer. Et Lenny, lui était... Lenny.

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Mar 19 Nov - 23:07
- Il faut qu'on sorte, sinon, on va mourir ici, seules et vieilles, avec des chats, du thé à la menthe et des mégots de cigarette dans des cendriers pleins.

Emily n'est pas son amie la plus discrète, ni la plus mesurée. Son air dramatique, alors qu'elle s'étale les bras en croix sur le lit de Vera, irrite un peu la jeune femme qui est en train de dessiner une robe mais dont les activités en cours n'ont pas eu l'air de déranger Emily quand elle a décidé de faire irruption dans son appartement. Il faut dire à sa décharge que l'heure avancée de la soirée se prête plutôt à aller boire un verre qu'à dessiner des robes pour entasser des croquis partout dans son appartement. Vera jette un oeil à sa montre et s'autorise un soupir, reposant son crayon pour étendre ses bras et étirer son dos. De guerre lasse, et parce qu'elle ne refuse jamais rien à ses amis, elle accepte de sortir - mais dans un boîte et ni trop loin, ni trop tard.

L'endroit est plein, et lui fait finalement presque l'effet d'une boîte de nuit. Les gens se bousculent devant le bar et elle peine à commander deux cocktails dont un qu'elle dépose rapidement entre les mains de sa meilleure. Comme toujours, c'est elle qui régale, et très vite, Emy disparaît dans les flots des gens présents, occupée à discuter avec tout un tas de personne qu'elle ne connait pas - et surtout, tout un tas de garçons qu'elle entreprend de draguer sans la moindre once de subtilité. Vera ne la blâme pas ; elle trouve son amie attachante. Mais ce soir, le fait de se retrouver à nouveau esseulée au comptoir du bar ne l'enchante pas vraiment. Elle n'a pas non plus envie d'enchaîner les boissons alcoolisées ; elle déjeune chez sa mère le lendemain et il est hors de question qu'elle subisse sa vie sans pouvoir boire le vin qui lui permettra de faire passer l'après-midi plus vite.

Alors elle erre, quelques instants. Jusqu'à repérer un homme tout seul, un peu plus loin, comme s'il avait eu envie d'essayer de se mettre le plus à l'écart possible dans un bar minuscule et bondé un samedi soir. Elle attrape son verre, sans réfléchir, parce qu'elle est comme ça, naturellement sociable, aventurière aussi, et elle se dirige vers lui - ou plus précisément, vers la chaise libre qui lui fait face. Sur laquelle elle se laisse tomber sans grâce mais avec un sourire.

Son arrivée semble le mettre un peu mal à l'aise, mais elle ne s'en offusque pas. Elle n'est pas là pour l'importuner - mais elle, elle n'a pas envie qu'on l'importune non plus, et cette chaise est une excellente cachette en attendant qu'Emily fasse ce qu'elle a à faire.

- Ca vous dérange si je reste là ?

Elle demande, cash, en avisant son interlocuteur qui semble fuir quelque peu son regard.

- Je suis venue faire la coéquipière d'une amie, mais elle m'a abandonnée dans la foule. Et puisque vous n'attendez personne, peut-être qu'on peut faire de la résistance ensemble ?

Vera se fiche de savoir s'il existe un risque qu'il l'envoie péter - s'il le fait, elle partira, point final. Sa vie n'est pas plus compliquée que ça.

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Mer 20 Nov - 13:04
Lenny haussa un sourcil, confus, lorsque la demoiselle lui demanda si cela le dérangeait qu'elle reste ici. Avec lui. Son regard s'aventura dans le reste du bar, se demandant s'il n'y avait pas d'autre alternative, si elle n'avait pas eu d'autre choix que de venir s'asseoir avec lui. Non, elle aurait tout à fait pu aller ailleurs... Mais elle était ici. En face de lui.

Lenny fit tourner sa paille dans son verre, secouant la tête, cherchant ses mots :

"Non, ça ne me dérange pas. Comme je l'ai dit, je n'attends personne ce soir. La place est libre."

Sa voix avait ce côté monocorde, en dépit de sa nervosité. Comme s'il se contentait de réciter un texte sans chercher à le vivre. Il n'aurait jamais pu être professeur, ses élèves se seraient probablement endormis dans la minute où il aurait commencé à parler...

Lorsque l'inconnue reprit la parole, ses mots firent naître un mélange de colère et d'anxiété au sein de son âme. Lui n'aurait jamais abandonné cette demoiselle s'il était venu avec elle. Cela ne se faisait pas. Et de son côté, s'il s'était retrouvé dans cette situation... Lenny aurait paniqué, probablement.

Il se serait réfugié dans les toilettes et aurait attendu que la soirée passe, parce qu'il était supposé venir avec quelqu'un et que cette personne l'avait laissé tomber, ruinant tout ce qu'il avait pu prédire pour la nuit, la quantité d'énergie qu'il y avait alloué, sa confiance que tout allait bien se dérouler.

Ce fut avec sa franchise habituelle qu'il répondit, avant de siroter une gorgée de sa limonade :

"Elle ne doit pas être une très bonne amie, si elle vous a abandonné ici. Si vous êtes venues ensemble dans ce bar, c'est pour rester toutes les deux, non ? Et elle vous a laissé tomber. Je ne connais pas votre amie, mais du peu que vous en dites, je pense que je n'ai pas envie de la rencontrer. C'est très irrespectueux de sa part."

Délaissant son verre, Lenny commença à triturer ses doigts, les tordant et les entrelaçant pour mieux les séparer, s'acclimatant comme il le pouvait à l'ambiance bruyante du bar, à cette interaction sociale à laquelle il ne s'était pas préparé.

"Nous pouvons... hmm... faire de la résistance ensemble, si c'est ce que vous souhaitez. Je m'appelle Lenny. Et vous ?"

Il ne lui avait pas tendu la main. Avait à peine levé les yeux vers elle. Lenny détestait ces conventions sociales.

Lorsqu'il se focalisait sur ces dernières, il ne parvenait plus à se concentrer sur ce qu'il disait. Pourtant, tout le monde semblait attendre de lui qu'il privilégie les apparences plutôt que le contenu de ce qu'il disait... Ou pire encore, qu'il soit tout à fait capable de gérer les deux en même temps, comme n'importe qui.

"A part accompagner une amie qui n'en est pas vraiment une et qui vous abandonne à la première occasion venue, qu'êtes-vous venue faire ici ? Vous avez un but spécifique en tête ?"

Les doigts de Lenny tapotèrent le bois de la table à un rythme rapide, alors qu'il reprenait :

"Pour ma part, je m'efforce de sociabiliser, ce que l'on est supposés faire dans un lieu tel que celui-ci. Mais je n'ai pas trouvé d'ouverture pour m'adresser à qui que ce soit et les quelques personnes qui auraient pu être abordables ont l'air d'avoir bu un peu trop d'alcool. Je ne bois pas, ce qui aurait rendu la conversation peu intéressante."

Lenny avait un phrasé particulier, un peu trop rapide malgré son articulation soignée. Il parlait toujours comme s'il avait avalé un dictionnaire et en recrachait les mots. Ce qui lui avait valu, entre autres, le surnom de "Tête d'ampoule" durant sa scolarité, renforcé par son front un peu trop grand...

Lenny ignorait quel âge pouvait avoir son interlocutrice ou ses centres d'intérêt, mais il doutait qu'elle le trouve suffisamment distrayant pour vouloir rester plus longtemps en sa compagnie. Elle avait probablement bien mieux à faire que de discuter avec lui, il ne pouvait pas l'en blâmer...

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Jeu 21 Nov - 23:02
Vera comprend assez rapidement qu'elle n'a pas à faire à n'importe qui, et que son interlocuteur a l'air d'être un homme tout à fait à part. Elle lui offre un sourire quand il l'autorise à rester, et sirote son cocktail en jetant un oeil dans la pièce pour voir si elle arrive à localiser Emily. Elle n'a pas particulièrement envie que son amie disparaisse pour de bon dans la foule ; il lui serait pénible de ne pas être capable de la retrouver alors qu'elle aurait elle-même envie de rentrer chez elle. Vera n'est pas complètement inconsciente, hors de question qu'elle laisse son amie rentrer avec n'importe qui sans supervision.

Le discours de son inconnu sur Emily la ramène à la réalité de la table, loin des gens qui s'entrechoquent entre les tables et des aventuriers qui tentent quelques pas de danse au milieu de la foule. Elle ne sait pas si elle doit rire ou pas - mais elle s'autorise un sourire quand même. Parce qu'elle ne croise pas souvent des gens avec autant de franc parler, il faut bien l'admettre.

- C'est une bonne amie, mais elle se sent un peu... seule ? Et elle pense que boire de l'alcool et danser avec des inconnus va la faire se sentir moins seule. Mais je la connais depuis des années, je sais que c'est comme ça que ça marche avec elle. Elle me force à m'habiller, on sort toutes les deux, elle m'abandonne, et elle vient me rechercher à la fin de la soirée pour le moment où elle aura l'alcool triste. Elle pleure sur mon épaule dans le taxi.

Vera hausse une épaule, un peu attendrie cela dit. Emily est un peu comme une petite soeur qu'elle n'a pas eue, elle qui n'a eu que des frères pour mettre ses émotions en marche.

- On va lui laisser le bénéfice du doute sur l'irrespect, du coup, si vous voulez bien. Je suis venue avec elle en connaissance de cause, ça doit au moins compter un peu.

Elle offre un clin d'oeil à son interlocuteur tout en continuant de siroter son cocktail ; elle mordille un peu la paille, songeuse. Elle se demande ce qu'un homme tout seul peut bien faire assis à une table tout seul. Elle comprend l'envie d'indépendance, l'idée de ne pas avoir besoin d'être plusieurs pour faire des choses, pour sortir, profiter. Par contre, elle a du mal à comprendre son choix de lieu.

- Ca n'est pas trop désagréable d'être installé ici ? La musique est forte et ça sent l'alcool et la transpiration. Je connais des endroits plus sympathiques et moins bruyants qu'ici, si vous voulez. Je peux vous donner quelques adresses.

Son sourire est sincère ; elle ne sait pas pourquoi elle se mêle de la vie des gens comme ça, mais c'est une tendance qu'elle a et qui est chez elle assez développée, il faut dire ce qu'il est.

- Moi je suis venue sans but, à part tenir compagnie à mon amie irrespectueuse, bien entendu. J'aime ce genre d'endroits parce que j'aime bien danser, mais ce soir je trouve qu'il y a trop de monde. Et je bois un cocktail, mais promis, je comprends tout ce que vous dites et je tiens sur mes jambes.

Elle ne se départit pas de son sourire et relève les yeux, ne pouvant s'empêcher de remarquer que son inconnu - Lenny, donc - a le regard un peu fuyant.

- Je m'appelle Vera, au fait. Et comme vous avez pu le constater, j'ai beaucoup de conversation, même si rien de ce que je dis n'est particulièrement passionnant.

Elle s'autorise un léger éclat de rire, et glisse une main dans ses cheveux. Il fait une chaleur à mourir dans ce bar, et la musique commence à lui taper sur le système. Heureusement qu'elle s'est trouvée un point d'ancrage.

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Jeu 21 Nov - 23:49
Lenny écoutait attentivement la jeune femme, autant qu'il le pouvait dans l'ambiance assourdissante et suffocante du bar. Ce n'était pas vraiment le lieu idéal pour tenir des conversations, mais il ne connaissait pas d'autres endroits propices à la sociabilisation le soir venu.

Les bars restaient un des premiers lieux permettant de rencontrer des gens, d'un point de vue platonique ou romantique, et c'était ce que Lenny recherchait. Se faire des amis. Sortir de la solitude. Même si cela était épuisant et compliqué pour lui, surtout dans ce genre de contexte...

Le discours de la demoiselle le laissait profondément perplexe. Visiblement, c'était un comportement habituel chez son amie que de la traîner dans un bar quelconque pour mieux l'abandonner ensuite. Lenny ne comprenait pas. Qu'il s'agisse du comportement de son interlocutrice ou de celui de son amie, Lenny ne pouvait tout simplement pas en saisir les nuances.

"Pourquoi vous forcer à venir pour mieux vous laisser tomber ensuite ? Cela n'a aucun sens. C'est égoïste. Résultat, vous vous retrouvez seule, elle va voir d'autres gens et... et vous n'êtes pas ensemble. Vous ne passez pas de temps toutes les deux. Elle pourrait être accompagnée par n'importe qui, le résultat serait exactement pareil. Des amis sont supposés être là les uns pour les autres."

Si c'était cela, la définition de l'amitié de nos jours, Lenny n'en voulait pas. Il refusait d'être celui que l'on force à sortir de sa zone de confort pour mieux l'abandonner ensuite, à la merci de ses angoisses. Mieux valait qu'il reste seul. Seul, il ne pouvait être déçu par personne. Il ne pouvait être trahi par personne.

"Vous méritez mieux que d'être une épaule sur laquelle on pleure en fin de soirée. Vous devriez être en train de danser toutes les deux, de discuter, de vous amuser... Au lieu de cela, elle traîne avec des inconnus et vous... vous me parlez. Ce n'est pas la définition d'une soirée "amusante", à mes yeux."

Lenny ne savait pas pourquoi cela le contrariait de la sorte. Peut-être parce qu'elle n'avait pas l'air de s'en agacer et qu'il fallait bien que quelqu'un le fasse pour elle. Parce que cette inconnue avait tout pour passer une bonne soirée et être bien entourée et, au lieu de cela, elle avait fini à sa table. Abandonnée par son amie. C'était injuste.

Lenny grimaça en toute franchise lorsque la jeune femme lui demanda si le fait d'être installé là où il se trouvait était désagréable. C'était affreux. Il pouvait sentir aisément les odeurs de transpiration, d'alcool, le parfum bon marché, senteurs qui s'entremêlaient dans un cocktail répugnant. La musique lui vrillait les tympans et son attention captait malgré lui chaque conversation environnante, dans un brouhaha insupportable.

Mais Lenny s'était préparé à cela. Il avait passé une journée relativement solitaire et tranquille, s'était rendu dans un pub qu'il connaissait déjà et savait où se situaient ses limites. Ce qui ne serait pas le cas s'il changeait brusquement d'endroit.

"C'est désagréable. Mais le pub est proche de chez moi et j'y suis familier. Il y a un vieil adage qui dit "Mieux vaut un mal connu qu'un bien qui reste à connaître" et il s'avère que je suis d'accord avec cette idée."

La jeune femme l'informa qu'elle était venue sans but particulier, ce qui était probablement le cas de la plupart des gens ici. Il n'y avait guère que Lenny pour se rendre dans un bar avec une mission spécifique en tête, comme un exercice thérapeutique.

Le genre d'activités dont il était ensuite supposé parler lors de ses ateliers d'habileté sociale, où son comportement serait décortiqué par ses pairs et l'équipe médicale qui animait la chose. Au moins pourrait-il dire qu'il avait fait la connaissance de quelqu'un, cette fois-ci... Même s'il doutait qu'elle reste longtemps en sa présence. Elle commençait probablement déjà à s'ennuyer de lui.

"Je n'aime pas danser, je n'ai jamais su le faire. La plupart des gens semblent incapables de m'expliquer comment ce faire, mais ça ne les empêche pas de me juger lorsque je ne le fais pas de la "bonne" manière. Je ne comprends même pas comment il peut y avoir une "bonne" manière s'ils ne sont pas en mesure de me l'apprendre..."

Lenny haussa les épaules, frustré. C'est "naturel", lui disait-on. "Tu n'as pas à réfléchir", renchérissait-on. Et pourtant, cela ne lui venait pas. Et lorsqu'il s'y essayait, ce n'était pas correct. Ce n'était pas approprié. C'était à n'y rien comprendre. A croire qu'ils étaient tous nés avec un manuel d'instruction et qu'ils étaient à court d'exemplaires lorsque son tour était venu...

Vera. Elle s'appelait Vera. Lenny s'autorisa à la dévisager, gravant son visage dans sa mémoire, faisant de son mieux pour l'associer avec son prénom. Il avait tendance à oublier trop facilement ce genre de détails. Il ne voulait pas la vexer en se trompant. Enfin, ça, c'était s'il avait l'occasion de le faire...

"Je trouve que ce que vous dites est intéressant, Vera. C'est... ordinaire. Rares sont ceux qui veulent entretenir des conversations ordinaires en ma compagnie. Cela prend généralement fin très vite. Mais vous êtes toujours là, pour le moment."

Lenny termina sa limonade, usant de sa paille pour jouer distraitement avec les glaçons qui fondaient lentement dans son verre. Il était tenté de les glisser dans sa bouche pour lutter contre la chaleur étouffante de l'endroit, mais il savait qu'il risquerait de les recracher et que ce n'était définitivement pas un comportement approprié.

"Vous n'avez jamais songé à demander à votre amie de ne pas vous laisser derrière ? A la mettre en face de son comportement ? Ce n'est pas juste qu'elle s'amuse de son côté, alors que vous êtes seulement là pour l'accompagner et la laisser pleurer sur vous en la ramenant à bon port. Si elle ne veut pas comprendre, vous devriez simplement rentrer et la laisser se débrouiller. Parfois, les mots ne suffisent pas pour faire passer un message."

Lenny commençait à mourir de chaud. Il leva son verre, le collant contre sa tempe en laissant la sensation glacée l'imprégner. Il n'avait jamais été particulièrement à l'aise avec les températures élevées...

"Comme vous pouvez le voir, il m'arrive d'avoir beaucoup de conversation également. Et je ne sais pas toujours quand ni comment m'arrêter, alors n'hésitez pas à me dire de me taire, tout simplement. Les gens ont tendance à sourire poliment et à prétendre que tout est parfait, alors qu'ils rêvent de pouvoir échapper à l'ennui que je leur procure. Je préfère que vous soyez franche et que vous me stoppiez, Vera, si cela vous convient également."

Lenny ne savait pas pourquoi il était aussi bavard, ce soir-là. Peut-être parce que la situation de Vera lui faisait un peu de peine. Qu'elle était venue le voir, lui, quand elle aurait pu s'amuser en compagnie de son amie. Son amie qui l'avait abandonnée. Lenny ne connaissait que trop ce sentiment. Il le révoltait.

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Dim 24 Nov - 21:21
Le discours de Lenny fait sourire Vera. Pas d'un sourire moqueur, loin de là, d'un sourire idéaliste ; elle partage son opinion sur l'amitié, même si elle se retrouve sur le carreau ce soir. Les années passant, sa vie familiale étant d'une infinie complexité, de même que sa vie amoureuse, elle a fini par porter une attention très particulière à choyer et à conserver ses amitiés. Elle a appris, au fil du temps, quelle était la réelle valeur de l'amitié, et à quel point les amis pouvaient se substituer à tout. La famille du coeur, comme on le lui avait dit un jour. Elle, elle n'aurait pas abandonné Emy au milieu de ce bar plein pour les jolis yeux d'un jeune homme ou d'une jeune femme, c'est vrai. Des gens, elle pouvait en rencontrer plein, quand elle le souhaiter ; c'était cela que d'être particulièrement à l'aise en Société. Mais la réalité est autre, Emy a besoin de cette soirée pour se changer les idées, et c'est une forme d'amitié que d'accepter d'enfiler une robe et des talons pour accompagner son amie qui a besoin de faire de nouvelles rencontres.

- Vous avez raison, mais l'amitié, c'est à double sens. Elle, elle a besoin d'une amie aussi ce soir, pour lui tenir la main, pour l'accompagner, et pour attendre qu'elle soit trop soul ou trop fatiguée pour la ramener chez elle. C'est mon rôle d'amie, ce soir.

Même si le rôle est ingrat, on ne peut pas dire le contraire.

- Une soirée passée à parler avec de nouvelles personnes que l'on ne connait pas peut être très amusante par ailleurs. Votre conversation ne m'ennuie pas, par exemple. Peut-être que la mienne vous ennuie, mais moi quand j'y repenserai demain, je ne me dirai pas que j'ai passé une mauvaise soirée. Juste une soirée différente des autres. Ca fait du bien, parfois.

Elle sirote une gorgée de son cocktail et acquiesce quand Lenny explique pourquoi il est venu ici. Son anxiété transparait de temps en temps, derrière cette attitude contrôlée et ses phrases pleines de bon sens, et éveille la curiosité de Vera. Pas une curiosité morbide ou maladive, simplement l'envie de rester là, de poursuivre la conversation engagée. Elle pose son coude sur la table pour glisser son menton entre ses doigts et offrir toute son attention à son interlocuteur.

- Vous aussi vous vous torturez volontairement, alors, en venant ici ? On ne dirait pas que vous portez cet endroit dans votre coeur.

Elle lui offre un sourire presque compatissant et agite sa paille dans son verre. Foutu bar qui continue à distribuer des pailles en plastique.

- Permettez moi de ne pas être d'accord, cela dit. Moi je pense qu'il vaut mieux un bien qui reste à connaître. Supporter le mal connu, c'est rester dans sa zone de confort en risquant de rater quelque chose de mieux, de plus agréable, de moins... contraint ? Quel est l'intérêt de se torturer en faisant quelque chose qui nous déplait alors qu'il y a peut-être ailleurs des choses plus agréables, moins difficiles ?

Elle ne s'attendait définitivement pas à avoir une conversation aussi profonde ce soir. Peut-être qu'elle va trop loin, mais la franchise de son interlocuteur la pousse, elle aussi, à être particulièrement franche.

- Moi, j'aime danser. Et je ne pense pas qu'il y ait de bonne manière de le faire. c'est juste une façon de... ressentir la musique ? Le rythme, les sons. Une manière de s'exprimer en silence.

Nouveau sourire. Cette soirée est surprenante pour bien des raisons, et dépasse, en réalité, les espérances de Vera. La plupart du temps, quand elle sort avec Emily, elle finit installée sur une banquette en attendant patiemment son amie et se fait aborder par des gens qui ne l'intéressent pas particulièrement car elle est fatiguée et que l'heure tourne. Ce soir, elle n'a pas l'idée un seul instant de chasser son amie.

- Et pourquoi est-ce que les gens refusent d'avoir une conversation ordinaire avec vous, Lenny ?

C'est une vraie question, pas une provocation. Elle l'accompagne d'un sourire et hausse une épaule.

- La plupart des gens sont des idiots qui n'ont plus le temps de rien. Quant à moi, même si je vois que le sujet de mon amie vous préoccupe, je n'ai pas envie de rentrer ; j'ai envie de poursuivre cette conversation. Peut-être que je suis trop gentille, vous avez raison, et peut-être qu'elle mériterait une leçon, mais en même temps, je me sentirai mal de la laisser ici toute seule. C'est un coeur d'artichaut qui risque de tomber entre les griffes de mauvaises personnes si elle a bu un cocktail en trop et qu'elle n'a pas un chaperon pour l'inciter à rentrer chez elle saine et sauve.

Elle lui offre un sourire et termine son verre, amusée par sa demande. C'est certain, Lenny n'a pas les mêmes codes que les autres. Mais ça ne la trouble pas, au contraire ; c'est presque rafraîchissant.

- C'est promis alors, je n'hésiterais pas à vous le dire si votre conversation m'ennuie. Mais moi aussi, je suis bavarde, alors n'hésitez pas non plus à me couper si vous voulez. Pour l'instant, pour moi, tout va bien.




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Jeu 5 Déc - 15:50
Non, décidément, Lenny ne comprenait pas ce rôle que Vera se forçait à endosser. Pour lui, ça n'avait rien de cela, l'amitié. Cela ressemblerait plus à ce que son tuteur pouvait faire pour lui, des années auparavant, lorsqu'il tentait de l'encourager à sortir de sa zone de confort et gardait un oeil sur lui, dans ces lieux trop bruyants et remplis de monde.

Lenny était d'ailleurs rassuré de ne plus avoir à supporter sa présence dans ce genre de cas. Non pas qu'il puisse éprouver le moindre ressentiment envers lui, mais Lenny avait besoin de se sentir autonome, de savoir qu'il pouvait accomplir ces choses seul, qu'il parlait à Vera sans un regard posé sur lui. Son tuteur serait probablement fier de lui, mais Lenny ne voulait rien de cela. Il avait passé l'âge de dépendre du jugement positif des "adultes". Il en était un lui-même à présent.

Lenny était curieux au sujet de Vera, tout comme, il l'ignorait, elle l'était à son égard. Il haussa un sourcil, intrigué, lorsqu'elle évoqua qu'elle considérerait qu'elle avait passé une soirée différente :

"Une soirée différente, vous dites ? A quoi ressemble vos soirées habituellement, si ce n'est pas trop indiscret ?"

Lui aussi passait une soirée différente. Quelqu'un était venu lui parler et était resté. Ce n'était pas commun. Pas habituel. Il s'efforçait de naviguer le mieux possible dans cet environnement peu familier, mais ce n'était pas simple. Il avait toujours cette crainte de dire le mot de trop, d'avoir une parole mauvaise qui éloignerait son interlocutrice, la pousserait à chercher compagnie ailleurs.

Son interlocutrice qui, bien entendu, ne voyait pas le monde de la même façon que lui. Préférait un bien inconnu à un mal familier. Cessant de presser son verre glacé contre sa peau, Lenny le reposa sur la table, ses doigts s'entremêlant pour mieux se triturer les uns les autres, regard baissé, alors qu'il déclarait en toute franchise :

"Je n'aime pas cet endroit. Trop de bruit. Trop de monde. Des odeurs désagréables. Mais je sais à quoi m'attendre et je suis préparé. Je peux faire face. Si je vais ailleurs, comment être sûr que je ne vais pas faire face à pire encore ? Si je ne suis pas préparé correctement, les choses vont certainement mal tourner. Et si elles tournent mal..."

Lenny ne termina pas sa phrase, se mordant la lèvre. Cela faisait longtemps qu'il n'avait plus eu de crise en public. Oh, il avait souvent été sur le point d'en faire une, pas de doutes là-dessus. Mais une vraie crise, où son corps se retournait contre lui, des cris s'échappant de sa gorge, où il était tout simplement incapable de penser et agir rationnellement ? Non, il n'en avait eu qu'en privé, à l'abri des regards.

Et c'était exactement ce qu'il risquait s'il sortait trop de sa zone de confort. Ce qu'il craignait. Lenny se détesterait si Vera le voyait dans cet état. Parviendrait-elle à être aussi détendue avec lui si elle savait ce dont il était capable ? Si elle prenait conscience de son handicap ?

Il ne connaissait que trop de personnes qui avaient changé en l'apprenant et pas dans le bon sens du terme. Même des gens qu'il croisait à peine, qui en avaient pris conscience par son comportement ou certaines de ses paroles, cessant de le regarder comme un égal pour ne voir plus que le diagnostic. Ce qu'ils pensaient en connaître.

Il enviait Vera. Vera qui pouvait danser sans se poser des questions. Vera qui semblait véritablement ne pas savoir pourquoi des gens ne voudraient pas avoir des conversations ordinaires avec lui.

"Ils refusent d'avoir des conversations ordinaires avec moi parce que je ne le suis pas. Cela les met mal à l'aise. Vous devriez l'être aussi. Pourtant, vous n'avez pas l'air de l'être."

Lenny continuait à tordre et malmener ses doigts, dans un geste qui le réconfortait et l'aidait à se détendre. Il grimaça lorsque Vera évoqua le fait que son amie risquait de tomber dans les griffes d'une mauvaise personne. Il n'était que trop familier avec ce sentiment.

"J'ai été dans son cas. Vous êtes gentille de vous en inquiéter. Peu de personnes en ont fait autant pour moi."

Son tuteur, principalement, qui s'inquiétait de marques sur la peau de l'homme, de son comportement, de sa manière qu'il avait d'éviter toute conversation vis-à-vis de telle ou telle relation. Lenny n'avait cessé de reproduire les mêmes schémas, incapable de s'en sortir, de se détacher de la relation qu'avaient eu ses parents. Il espérait un jour être en mesure de le faire.

Son regard alla au verre de la jeune femme et, alors qu'elle lui assurait que tout allait bien, il déclara d'une voix hésitante :

"Peut-être souhaitez-vous boire un autre verre ? Je pourrais vous en offrir un. Vous pourrez m'accompagner au bar si vous craignez que je mette quelque chose dedans. Ou... Ou aller le chercher vous-même, tandis que je vous donnerai l'argent. Je... euh... Je veux dire..."

Lenny sentit ses joues se teindre de rouge. Comme à chaque fois, il essayait de trop anticiper les probables sujets d'inquiétude de ses interlocuteurs et il en venait à avoir l'air bizarre. Malaisant. Il balbutia quelques instants des paroles sans sens, avant de se plonger dans le silence, plus embarrassé que jamais. Si elle ne l'avait pas fui jusqu'alors, elle allait probablement le faire maintenant...

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Ven 13 Déc - 18:21
Vera trouve la soirée intrigante, mais la position adoptée par Lenny est assez originale et finalement, assez attendrissante. Elle n'a pas l'habitude que les gens la défendent ; habituellement, c'est plutôt elle qui adopte la posture protectrice. C'est une déformation qui lui vient de son milieu familial, sans doute, parce qu'elle a toujours eu un peu l'impression d'être l'aînée de sa fratrie quand bien même ce n'était pas le cas. Elle traite systématiquement Nate comme s'il était son petit frère ; Theo a échappé à ce traitement parce qu'il était trop sec, trop distant, et que sa personnalité s'est révélée rapidement.

Elle se comporte souvent de la même façon avec ses amis, se plaçant dans la posture de la grande soeur, parfois malgré elle, sans même y penser. C'est ce qui la conduit, sans doute, à avoir cette attitude de soutien quand il s'agit d'Emy, parce qu'elle sent son amie dans une passe difficile et qu'elle éprouve l'irascible besoin de la protéger. Ce n'est pas que ses expériences de vie aient été particulièrement douloureuses pour autant, qu'elle se soit endurcie pour faire en sorte d'être disponible pour les gens. C'est simplement son caractère, et elle ne sait pas bien d'ailleurs de qui elle le tire.

La question de Lenny s'écarte du sujet et la ramène à la réalité de ce bar un peu trop fréquenté. Elle lui offre un sourire sincère et hausse une épaule, pas certaine que ses soirées habituelles soient descriptibles.

- Je ne sais pas, quelques verres, beaucoup de danse et un peu de drague ? Sinon, en temps normal, je suis plutôt du genre à rentrer chez moi les soirs de semaine pour regarder un film sous un plaid en sirotant un chocolat ou un thé.

Elle ne va pas s'en cacher. Le célibat qui lui colle à la peau la pousse à user de ses charmes pour trouver des compagnies ponctuelles, pour une nuit ou un peu plus, et c'est souvent au terme de ses soirées habituelles qu'elle rentre accompagnée. Mais les soirs de semaine, elle préfère souvent le calme de son appartement et la chaleur des couvertures aux expéditions nocturnes jusqu'à pas d'heure.

- Et vous alors, elles ressemblent à quoi vos soirées d'habitude ?

Vera penche la tête avec attention comme il partage son angoisse - ou en tout cas, ce qu'elle interprète comme reflétant de l'angoisse. Elle plisse un peu le front, sans analyser les mots, les recevant comme elle sait le faire sans les juger, sans chercher à leur donner une interprétation particulière, simplement pour ce qu'ils sont, un partage d'expérience qu'elle accueille avec appréciation car ils sont une marque de reconnaissance. Elle n'est qu'une inconnue dans un bar, pas forcément le genre de personne à qui vous avez envie d'expliquer ce qui vous passe par la tête. Vera apprécie les gens qui s'ouvrent.

- Je comprends. L'inconnu fait peur, souvent. Mais les choses pourraient aussi bien mieux se passer dans un endroit plus calme, non ?

Elle hausse une épaule, jette un œil autour d'eux pour prendre conscience de cette foule qui n'a sur elle aucun autre effet qu'une légère sensation de chaleur.

- J'ai pour habitude de ne jamais faire ce que je devrais faire, j'aime la contradiction. C'est ce qui explique sans doute que je sois toujours là. Les gens sont mal à l'aise pour rien de nos jours.

Elle n'est effectivement pas mal à l'aise. Intéressée par la conversation, fatiguée par la soirée, un peu oppressée par la musique qui tambourine dans ses oreilles, ça oui. Mal à l'aise - il lui faudrait bien plus pour l'être. Alors elle continue à sourire et acquiesce quand il comprend pourquoi elle reste pour Emy malgré la configuration non optimale de leur relation à cet instant et le fait qu'elle se sente délibérément redevable du bien-être de son amie. Elle aime quand les gens la trouvent gentille. Assez paradoxalement, elle aime aussi quand les gens reconnaissent la force de son caractère et de ses arguments. Mais la gentillesse est un trait qu'on ne lui prête pas si souvent -- alors elle prend, toujours avec un sourire.

Mais quand Lenny parle de lui offrir un verre - ou plutôt de lui prêter de l'argent pour qu'elle aille s'acheter un verre - et qu'il devient rouge écarlate, Vera ne peut retenir un rire. Pas moqueur, plutôt attendri. Elle observe son verre vide et lui offre un sourire radieux.

- Je veux bien un verre, oui, et non je n'ai pas peur que vous mettiez quoi que ce soit dedans. Ce que je vous propose, c'est de lever le bras pour que le serveur vienne jusqu'à nous et comme ça vous pourrez lui dire que je veux un thé glacé à la menthe et vous pourrez aussi commander quelque chose.

Elle ne se départit pas de son sourire, et met sa proposition à exécution, appelant le serveur qu'elle connait par ailleurs pour avoir déjà fréquenté cet endroit, pour qu'il s'approche vers leur table, ce qu'il fait sans délai.




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Mar 7 Jan - 22:28

Si Lenny ne pouvait pas vraiment s'identifier aux premières "soirées habituelles" que Vera lui avait décrites, incapable de s'imaginer danser, boire de l'alcool ou draguer ouvertement, sa description suivante lui sembla plus familière. Regarder un film, sous un plaid, en buvant du chocolat ou du thé...

Pour lui, c'était une des définitions d'une bonne soirée, une soirée tranquille, prévisible, agréable. Personne pour le déranger. Pas de bruit assourdissant. Pas de risque de gâcher quoi que ce soit avec qui que ce soit. Juste... le calme. Une distraction bienvenue. La paix. Parfois, Lenny se surprenait à songer qu'il aimerait partager ce moment avec quelqu'un.

Mais pour cela, il ne pouvait pas rester enfermé chez lui. Il devait sortir. Parler aux gens. Sortir de sa zone de confort. Comme il le faisait actuellement. Triturant son verre vide de ses doigts, Lenny répondit à la question de la demoiselle, en toute franchise :

"Quand je ne viens pas ici pour essayer de me faire des amis, je reste chez moi. Je lis. Je regarde des films, des séries, des émissions sur Youtube. Avec un café, le plus souvent. J'en bois beaucoup. Peut-être trop."

Ce fut à son tour de hausser les épaules. Il était probablement accro, mais c'était une addiction qui ne nuisait à personne, sinon lui-même éventuellement. Il préférait ne pas pouvoir s'arrêter de boire du café plutôt... qu'autre chose. Ce n'était pas pour rien qu'il évitait obstinément toute boisson alcoolisée. Lenny était le fils de son père et il savait que c'était un piège dans lequel il tomberait trop facilement et serait peut-être incapable de sortir...

Lenny secoua la tête lorsque Vera lui suggéra que les choses pourraient mieux se passer dans un endroit plus calme. Peut-être, oui, il voulait bien lui concéder ça.

Mais cela n'avait rien d'une certitude et il ne pouvait pas renoncer à ses habitudes sur une simple intuition... Si le lieu ne s'avérait pas aussi calme qu'il l'avait espéré, si quelque chose d'inattendu se produisait, Lenny n'aurait pas les armes pour faire face. Il le savait.

"Je ne peux pas être sûr de cela. J'ai besoin de certitudes, d'un plan, de pouvoir prédire ce qu'il va arriver. Ici, je connais l'atmosphère, je sais ce qui se passe la plupart du temps. Même si c'est désagréable, c'est un mal auquel je suis familier. Je suis préparé. Si... Si j'allais dans un lieu plus calme, ce ne serait pas le cas. Et si quelque chose venait à se produire, quelque chose qui perturberait ce calme auquel j'aspire, je... je ne sais pas ce que je ferais."

Lenny paniquerait, probablement. C'était généralement sa réaction première, quand quelque chose ne se déroulait pas comme il le pensait. Il se laissait happer par l'anxiété, la nervosité et, s'il ne pouvait pas prendre la fuite, alors tout s'effondrait. Il gâchait tout et les gens le regardaient. L'observaient. Le jugeaient. Lenny détestait cela.

Il n'avait pas la sensation d'être jugé par Vera. Elle lui parlait, lui souriait, restait avec lui. C'était... appréciable. Définitivement inattendu, mais pas de la mauvaise façon. Parfois, il y avait de bonnes surprises, lorsque tout ne se déroulait pas comme prévu...

Lenny s'était détendu, mais son anxiété était revenue le hanter à vitesse grand V lorsque, après sa proposition, Vera héla un serveur, qui vint immédiatement les rejoindre. Il avait tenté de l'en empêcher, mais il n'avait pas été assez rapide, se contentant d'ouvrir les lèvres et de laisser échapper un "N... !" effrayé.

Lenny n'était pas prêt. Il n'avait pas eu le temps de repenser à ce qu'il devait dire, de répéter les mots à prononcer dans son crâne ou même de songer à ce qu'il pourrait commander pour lui. Et le serveur était là, à leurs côtés, attendant qu'il réagisse. Qu'il dise quelque chose.

Lenny s'enfonça dans sa chaise, glissant son index à ses lèvres pour mordiller furieusement l'ongle, la chair. Il savait qu'il devait parler. Qu'il devait demander un thé glacé à la menthe et... et... et quelque chose pour lui. Mais il ignorait ce qu'il voulait commander, il n'avait pas pris le temps de répéter son script, il ne savait pas s'il était supposé dire "Bonsoir" ou "Bonjour" ou "Salut", s'il devait immédiatement commander.

Il ignorait s'il devait commencer par la boisson de son interlocutrice ou la sienne, il ne savait même pas ce qu'il y avait à la carte. Et s'il commandait quelque chose et que cela n'était pas disponible ? Et s'il n'y avait plus de thé à la menthe, était-il supposé choisir pour elle ou attendre une réponse de sa part ? Lenny planta douloureusement ses dents dans sa chair, la souffrance l'aidant à reprendre le contrôle de son corps, de ses émotions, de ses pensées.

Il parvint à marmonner la commande de Vera, se répétant lorsque le serveur lui fit savoir qu'il n'avait rien entendu, avant de demander la même chose pour lui, tête baissée, regard fixé sur ses genoux. Lenny était plus rouge que jamais, incapable d'affronter le regard du serveur, qui s'était éloigné, ou celui de Vera. Pourquoi avait-il fallu qu'elle hèle l'employé, qu'elle le fasse venir à eux si brusquement ? S'il avait pu aller au comptoir, il aurait eu le temps de réfléchir à ce qu'il voulait dire, tout se serait passé au mieux. Au lieu de ça... Au lieu de ça...

Lenny crispa ses mains sur ses genoux, secoué d'un léger tremblement. Il avait envie de hurler. D'exploser. De se frapper. Se perdre dans la douleur et se punir. Mais il se retint. Il se retenait de toutes ses forces parce qu'il ne voulait pas qu'elle voit cette part de lui. Qu'ils le voient ainsi, tous.

Le lieu se faisait trop bruyant pour lui. Cessant de torturer ses jambes, il porta ses doigts sur chaque côté de son crâne, tentant de protéger ses oreilles du vacarme. Non, décidément, cela n'existait pas, les bonnes surprises... Cela dissimulait toujours quelque chose. Quelque chose qui lui voulait du mal. Quelque chose qui voulait lui retirer toute chance de se faire des amis. De ne plus être seul.

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Dim 19 Jan - 21:51
Elle sourit quand il explique qu'il boit trop de café. Elle aussi, elle boit trop de café. Et quand elle ne boit pas de café, elle boit du thé, et elle sait que la théine a le même effet sur son corps que la caféine, et qu'elle sort de certaines journées de boulot avec les mains qui tremble et le corps surexcité alors que son esprit n'aspire qu'à dormir. Elle connait cet état ; elle n'a jamais réussi à lutter contre cette étrange addiction.

- Moi aussi, je bois trop de café. Et je passe beaucoup de temps à regarder des films et des séries et des vidéos sur mon téléphone. Vous voyez, on a les mêmes occupations.

Elle lui offre un sourire radieux, comme si elle avait réussi à prouver quelque chose, ce qui n'est pas vraiment le cas, mais quand même. Un optimisme débordant l'a gagné au fur et à mesure du défilement des minutes au cours de la soirée. Elle qui pensait réellement la passer assise toute seule dans un coin à attendre son amie n'est finalement pas déçue de s'être déplacée. Puis elle acquiesce quand il lui explique effectivement préférer un mal familier qu'un potentiel confort inconnu, ce qu'elle trouve incongru - mais elle sait aussi que la personne assise en face d'elle n'a pas l'air d'être tout à fait à l'aise avec le monde qui l'entoure, surtout ce soir, et comprend peu à peu, mais pas assez vite sans doute, qu'il faut user de subtilité.

- Je comprends. C'est l'inconnu qui est pire qu'un bar bruyant, alors ?

Elle oublie cependant la subtilité quand elle suggère d'appeler le serveur pour qu'il vienne prendre la commande. Son interlocuteur est, apparemment, pris au dépourvu, et Vera voit se dessiner peu à peu une détresse qu'elle n'avait pas anticipée sur les traits de Lenny. Elle se mord la lèvre, assistant, bras ballants et se sentant très idiote, à la scène qui se déroule sous ses yeux et qui lui semble s'étirer en longueur d'une manière insupportable, comme si elle avait soudainement mis son ami de la soirée à la torture.

La torture semble s'atténuer légèrement quand le serveur s'en va, et Vera laisse quelques secondes de silence s'imposer entre elle et Lenny, pour lui laisser de l'espace. Elle a l'impression que c'est de ça dont il a besoin, en cet instant. Elle prend une inspiration, et après que les secondes aient défilé de manière suffisante selon son analyse, elle penche un peu la tête et s'approche de la table. Son ton est volontairement bas et plus doux que ses répliques précédentes.

- Est-ce que vous voulez sortir un moment ?

Elle ne lui fait pas l'offense de lui demander s'il va bien, car il semble assez évident que ce n'est pas le cas. Elle n'a pas envie non plus de partir, même s'il a sans doute envie qu'elle s'en aille maintenant. Elle pose ses mains sur la table devant elle et prends une inspiration.

- On pourrait aller faire quelques pas dehors et revenir si vous avez envie de boire ce que vous avez commandé ? On s'entendrait mieux, en plus.

Elle tente un sourire et se mord un peu la lèvre, désolée d'avoir ruiné l'instant. Elle ne lui fait pas non plus l'offense de s'excuser ; pas parce qu'elle n'est pas sincèrement désolée, mais parce qu'elle n'est pas sure qu'il ait envie qu'elle s'excuse.

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Dim 19 Jan - 23:56
Lenny avait adressé un sourire timide à Vera lorsque celle-ci lui fit savoir qu'ils avaient des occupations similaires. Il savait que c'était ainsi que des relations se créaient et se consolidaient, au travers d'intérêts communs, d'activités partagées.

Peut-être pourrait-il lui proposer de se revoir pour regarder un quelconque film... Mais pas tout de suite. Il était encore trop tôt et Lenny ne voulait pas la faire fuir en se montrant trop envahissant. Cela ne serait pas la première fois que cela arrive... Lenny devait se montrer patient, s'efforcer de guetter les signes, même si cela était particulièrement difficile pour lui.

Il avait hoché la tête lorsqu'elle lui avait demandé si l'inconnu était pire qu'un bar bruyant pour lui. Vera avait l'air de le comprendre. Ou d'essayer, tout du moins. C'était suffisamment rare pour être souligné. D'autres qu'elle auraient probablement déclaré que cela était stupide de sa part, qu'il devait faire des efforts, arrêter de s'écouter autant. Mais pas elle. Et il appréciait sincèrement.

Ce qu'il lui fit savoir, se détendant un peu plus en sa présence :

"Oui, c'est exactement ça. On ne peut pas prévoir l'inconnu, planifier ce qui va se passer. Ce qui n'est pas le cas avec ce que je connais, même si c'est probablement plus difficile à gérer..."

Mais même dans ce qu'il avait appris à apprivoiser, Lenny ne pouvait pas tout prédire. Comme l'action de Vera, qui avait hélé un serveur pour lui, le plongeant dans l'embarras tout autant que dans l'anxiété. Lenny était dépassé par ses émotions, ses sensations, incapable de donner le change plus longtemps. Ses mains étaient crispées sur ses oreilles, tentant de filtrer le vacarme du bar, son expression faciale laissant clairement deviner son inconfort et, plus encore que cela, sa souffrance.

Il n'osait pas lever les yeux, vers Vera ou qui que ce soit d'autre, par peur de se sentir observé. Jugé. Il savait qu'il ne devrait pas agir de la sorte. Qu'il attirait l'attention. Mais il était bien incapable de s'en empêcher, guidé par le stress, la panique, un trop plein sensoriel. Une sonorité étrange, un "Hmm" sourd fit son chemin hors de sa gorge, alors qu'il tentait tant bien que mal de reprendre le contrôle.

Difficilement, il finit par abaisser ses mains, les reportant sur ses jambes pour les frotter vigoureusement. Ce fut à ce moment-là que la voix de Vera lui parvint, offrant qu'ils sortent un instant. Lenny hocha la tête, entrouvrant les lèvres pour articuler une réponse, mais se retrouva incapable de dire quoi que ce soit, les mots lui échappant.

La frustration se fit plus prégnante encore. Il détestait se retrouver non verbal, en particulier lorsqu'il était en train d'interagir avec quelqu'un. Vera méritait mieux de sa part. Beaucoup mieux. Il sortit du bar, sans prendre le temps de vérifier si la jeune femme le suivait, plaquant à nouveau ses mains sur ses oreilles lorsqu'il s'approcha de l'endroit où la musique était au plus haut volume.

L'air frais et la tranquillité relative de l'extérieur lui firent le plus grand bien. Lenny entreprit de faire les cent pas, regard baissé, concentré sur un exercice des plus compliqués à cet instant précis : réussir à retrouver la parole. Ses lèvres étaient ouvertes et s'agitaient silencieusement, ses propos restant coincés dans sa gorge, comme s'ils faisaient face à un mur infranchissable.

Il lui fallut plusieurs minutes pour réussir à articuler à voix haute ses premiers mots, tant bien que mal. Se rappelant de la présence de Vera, il se tourna vers elle, son visage exprimant à sa manière le malaise qu'il éprouvait. Sa main se porta à sa propre gorge, ses doigts caressant doucement la peau alors qu'il énonçait difficilement :

"Dé... Désolé pour ce qui vient de se pa... de se passer."

Lenny grimaçait, devant déployer des efforts visibles pour s'exprimer à voix haute. Le mur n'était pas tout à fait brisé, cherchant à retenir les mots qu'il prononçait. Il avait horreur de ça. Il ne pouvait s'empêcher de se sentir profondément stupide, malgré ce que son tuteur et les professionnels qui le suivaient lui avaient dit à ce sujet. C'était plus fort que lui.

Les joues rougies par la gêne, Lenny évita le regard de la jeune femme, recommençant à faire les cent pas pour se calmer. Ses doigts grattèrent nerveusement sa gorge, la douleur l'aidant progressivement à s'apaiser. Il cessa alors de tourner en rond, revenant à Vera, marmonnant d'une voix peu assurée :

"Je suis v... vraiment désolé. Je comprendrais si... si vous préferiez ne plus me fréquenter. Ne vous sentez pas o-obligée, s'il vous plaît. Je n'ai pas besoin de pi... de votre pitié."

Sa dernière phrase avait exprimé plus d'agressivité que ce qu'il souhaitait renvoyer. Lenny se mordit la lèvre à cette pensée, mais il fut bien incapable de s'expliquer davantage à ce sujet ou de s'excuser une nouvelle fois. C'était vrai, il ne voulait pas de sa pitié. De sa charité.

Si elle ne voulait plus le voir après ça, qu'elle le laisse tomber. Qu'elle retourne auprès de son amie qui n'en était pas vraiment une. Elle n'avait aucune obligation à son égard. Aucune.

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Mer 4 Mar - 18:26
Vera peut comprendre la peur de l'inconnu. Elle n'est réservée à personne ; certains chanceux parviennent juste à s'en affranchir, avec une personnalité particulière, ou avec le temps. Elle, c'est fonder son entreprise qui l'a libérée des inquiétudes. Prendre son courage à deux mains pour se lancer dans un projet effrayant. Elle n'est cependant pas dupe, elle sait qu'elle s'est lancée dans des conditions privilégiées, en sachant que son frère pourrait lui venir en aide si jamais elle n'arrivait pas à sortir la tête de l'eau. Mais elle a réussi à s'en sortir, et aujourd'hui, rares sont les inconnus qui l'effraient.

Elle s'en veut immédiatement d'avoir agi trop brusquement, sans réfléchir. Sans avoir prêté une attention plus particulière aux signes et sans avoir été suffisamment précautionneuse. Elle grimace un peu, se maudissant, et priant discrètement pour que son insensibilité passagère ne mette pas un terme prématuré à cette soirée jusqu'alors agréable. Elle comprend qu'il faut sortir et se redresse donc, adressant un signe de la main à son amie pour lui faire comprendre qu'elle revient, qu'elle ne s'enfuit pas.

Elle laisse passer Lenny et s'empare de son sac pour le suivre dehors, un peu angoissée à l'idée de lui avoir fait du mal. Elle ne dit rien, se garde légèrement à distance pour le laisser reprendre ses esprits, ce qu'il fait petit à petit. Ses traits affichent un air gêné mais Vera est à peu près sure qu'elle tire la même tête à l'heure actuelle. Elle attend, muette, qu'il reprenne suffisamment ses esprits pour parler, n'osant pas reprendre la parole la première de pire d’aggraver la situation.

Les premiers mots qui sortent de sa bouche sont des mots d'excuse, et Vera les réfute d'un signe négatif de la tête. Elle veut s'expliquer mais Lenny commence à faire les cent pas et elle reste donc sur la réserve pour lui laisser le temps de se calmer. Elle ne veut pas risquer de le plonger à nouveau dans la tourmente.

Quand il semble maîtriser un peu plus la situation, il s'approche à nouveau, et le jeune femme est quelque peu surprise par le changement de ton. La phrase la fait sourire, cela dit, ce qui est complètement inadapté, sans doute.

- Vous n'avez pas besoin de vous excuser, d'abord. C'est moi qui aurais dû faire plus attention. Je suis désolée d'avoir appelé le serveur.

Parce qu'elle imagine que c'est bien ça, le problème. L'élément déclencheur de sa détresse.

- Sachez par ailleurs que je ne me sens jamais obligée de rien, et que si vous pensez pouvoir vous débarrasser de mon oppressante compagnie tout de suite, vous vous voilez la face.

Elle croise les bras, lui envoyant un regard légèrement insolant. Elle n'est vraiment pas du genre à fuir au moindre témoignage d'imperfection, cela dit.

- Je ne ressens aucune pitié. Vous avez traversé un moment difficile à cause de mon comportement, et je m'en excuse. Mais ça arrive à tout le monde d'avoir des moments difficiles, vous savez ? Moi, par exemple, je pleure de manière incontrôlable dès qu'un film est un peu émouvant.

Elle hausse une épaule et décroise les bras. Elle n'essaie pas de dédramatiser pour se sentir mieux, simplement de lui faire comprendre que tout ça n'a pas vraiment d'importance à ses yeux.

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Jeu 12 Mar - 22:55
Lenny avait l'habitude d'être abandonné. Que les gens réalisent qu'il était particulier et cherchent à le fuir. Ou qu'ils restent avec toutes les pires intentions du monde. A le traiter comme un enfant. A profiter de sa naïveté, de sa bonne volonté. A voir en lui rien de plus qu'un être aisé à manipuler. Mais ceux et celles qui cherchaient réellement à le comprendre, sans vouloir le changer, sans arrière-pensées, ceux-là étaient rares.

Lenny pouvait les compter sur les doigts d'une seule main et, pourtant Vera semblait également en faire partie. Elle n'avait pas ri de son malaise. De ses difficultés. De cette difficulté qu'il avait maintenant à parler, qui le complexait tant, qui le laissait penser malgré lui qu'il était stupide, quand il savait très bien que ce n'était pas le cas.

Il avait secoué la tête lorsqu'elle avait dit qu'elle était celle qui devrait s'excuser. Elle ne pouvait pas savoir. Elle s'était comportée avec lui comme elle l'aurait fait avec n'importe qui d'autre, sans réaliser qu'il ne pouvait pas forcément gérer la situation avec autant d'aisance. Qu'il n'était pas prêt pour cette interaction, qu'il avait besoin de temps, de calme, de réflexion. Cela ne se devinait pas au premier regard.

En plus de cela, elle insistait pour rester avec lui. Lenny lui avait adressé un regard incrédule, peinant à comprendre sa volonté, à voir ce qu'elle trouvait en lui. Il n'était que l'homme un peu bizarre qu'elle avait abordé par ennui dans un bar quelconque... Pourquoi lui manifester cet intérêt ? Pourquoi le suivre ainsi ? Lenny ne comprenait pas. Et il ne savait qu'en penser.

Une part de lui avait besoin de cette attention. De cette présence. L'autre part ne savait qu'en faire, plus habitué à être fui qu'à être suivi. Grattant furieusement son cou, dans un geste nerveux, Lenny continuait à accorder son attention à Vera. Il avait cessé de faire les cent pas, mais il se balançait légèrement sur ses pieds, talon, pointe, talon, pointe, un mouvement qui l'aidait à se focaliser sur la situation et à faire redescendre la pression.

Il s'y reprit à deux fois, avant de parvenir à articuler, bégayant quelque peu :

"M... Moi aussi, je... je pleure d-devant les f... devant les films."

Certaines scènes le touchaient plus particulièrement. Le ramenaient à sa vie, à ses souvenirs, aux épreuves qu'il avait traversé. Il avait appris lors de ses lectures que c'était un "procédé cathartique", mais cela n'en restait pas moins embarrassant, surtout lorsqu'il le faisait en public et qu'il commençait à perdre le contrôle.

Lenny se mordit les lèvres en songeant que Vera s'était excusée à nouveau. Il n'aimait pas cela. Il n'avait pas la sensation qu'elle était en faute, non. C'était lui. Lui qui devait apprendre à dire plus clairement les choses. A assumer ses difficultés et à en parler aux autres pour qu'ils comprennent au mieux. Ou qu'ils le fuient, c'était également une possibilité. C'était souvent ce qui retenait les mots dans sa gorge : la peur de leur réaction. De ce regard qu'ils poseraient désormais sur lui... Et ça, c'était s'ils acceptaient de rester pour lui.

Il s'approcha de Vera, gardant toutefois une distance de sécurité, comme pour se préserver de tout possible contact physique qu'il n'aurait pas autorisé au préalable. Les neurotypiques étaient toujours si... tactiles. C'était épuisant. Doigts sur sa gorge, effleurant et grattant la peau, continuant à se balancer doucement sur la pointe des pieds, il marmonna, regard rivé vers le sol :

"P... Pas de votre faute. Pas d'excuses."

Il n'arrivait même plus à la regarder, à cet instant. Plus encore que ses yeux dans les siens, c'était tout son visage que Lenny était incapable d'affronter à cet instant. Malgré sa grande taille, il se faisait minuscule, ridicule, épaules voûtées, comme s'il était intimidé par sa propre stature, tentant de se faire aussi petit qu'une souris à côté de Vera et de leurs vingt bons centimètres de différence.

Lenny prit une profonde inspiration, cherchant le courage, avant de reprendre d'une petite voix :

"Je ne suis... p-pas comme les autres. Et je... j'aurais dû le d-d-dire. Etre plus c-clair. V-Vous auriez su dans quoi vous... vous... vous..."

Le reste des mots refusait de sortir de sa gorge. Lenny chercha à les forcer, en vain, ne parvenant qu'à laisser échapper un "Hmmm" long, nerveux et frustré. Il lui fallut réunir toute son énergie pour ne pas se laisser aller à se frapper, de plus en plus agacé par son incapacité à s'exprimer comme il le faisait habituellement.

Sortant son téléphone, il écrivit rapidement avant de le tendre à Vera :

Je ne peux pas parler. Besoin de temps. Je peux utiliser ça. Mais je vous comprends toujours.

Lenny grimaça exagérérement. Il avait l'habitude d'être infantilisé plus encore dans ces moments. Qu'on cesse de s'adresser à lui, qu'on cherche son tuteur ou la personne qui était supposée s'occuper de lui à cet instant (parce qu'il ne pouvait pas se gérer seul, c'était évident...). Si la sacro-sainte parole lui échappait, les gens ne cherchaient pas à le comprendre. Après tout, il ne communiquait pas de la "bonne façon". C'était à lui de faire un effort.

Reprenant son téléphone, il tapa encore quelques mots, le tendant à Vera :

Je peux répondre à vos questions. Parler. Pas retourner à l'intérieur tout de suite. Trop de bruit. Trop d'odeurs. Trop de monde. Je vais exploser.

Il y avait ce cri qui voulait monter. S'il le laissait sortir, Lenny ne pourrait plus l'arrêter. Et il ne voulait pas imposer cela à Vera. Pas s'il pouvait l'éviter.

Désolé.

Reprenant son portable, Lenny glissa ses doigts à ses lèvres, rongeant nerveusement ses cuticules. C'était un désastre.

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Dim 22 Mar - 19:28
Vera aimerait bien trouver les mots justes pour l’aider à s’apaiser, à se calmer, mais elle n’a pas l’impression qu’elle puisse dire quoi que ce soit pour arranger complètement la situation. Elle lui laisse le temps, alors, de reprendre son souffle, ses esprits, loin de l’agitation de l’intérieur du bar et de la musique qui résonne au loin. Elle profite de ce temps laissé au temps pour enfiler sa veste et se frotter un peu les bras - le temps est à la fraicheur plus qu’à la chaleur que sa tenue aurait imposé si elle avait su qu’elle serait amenée à sortir.

Elle lui offre un sourire du style - on est dans le même bateau - quand il lui dit qu’il pleure aussi devant les films. Elle sait qu’elle est particulièrement émotive, c’est d’ailleurs souvent un sujet de plaisanterie avec ses amis ou les membres de sa famille. Elle lui raconterait bien le dernier film triste qu’elle a vu, mais il ne semble pas en état d’écouter cette histoire pour l’instant ; elle décide donc de garder ces détails pour lui tard.

Il la prie presque de ne pas s’excuser, et elle hausse une épaule. Elle trouve qu’il n’avait rien à lui dire, encore moins pour se justifier, et qu’elle aurait dû lui poser la question avant d’interpeller le serveur. Elle a bien compris, depuis le début de la soirée, que la conversation n’était pas aussi fluide ni aussi simple pour lui que pour elle, qui en plus est une bavarde de première classe.

- Vous n’aviez pas besoin de vous justifier ; et vous n’en n’avez pas besoin maintenant non plus, elle réplique, bien consciente du fait que la conversation semble difficile. Elle le laisse reprendre son souffle, ses esprits, et se garde à distance. Elle ne sait pas si elle doit parler, pour meubler le silence, ou simplement le laisser. Je suis une gaffeuse hors pair, c’est tout moi. J’ai le don pour faire la remarque qui ne va pas où le choix hasardeux, vous verrez.

Elle lui offre un sourire mais s’inquiète un peu néanmoins car il semble éprouver de grandes difficultés à reprendre le contrôle de la situation. Il finit par sortir son téléphone sur lequel il pianote - puis lui tends. Elle l’attrape, au départ sans trop comprendre ce qu’il se passe, mais à la lecture des mots inscrits sur l’écran, elle comprend la situation. Elle acquiesce en lisant et relève les yeux vers lui.

- D’accord, je comprends. Prenez votre temps, d’accord ?

Elle lui rend son téléphone et le reprend quelques secondes plus tard, quand il a terminé de taper.

- Pas de problème. Dehors, c’est très bien, moi aussi je commençais à en avoir marre du bruit.

Elle acquiesce et balaye ses excuses d’un geste de la main, à son tour.

- Vous n’avez pas besoin de vous excuser non plus. Chacun gère ses émotions comme il peut, non ? Vous pensez que ça va aller ?

Elle se souvient des crises d’angoisse de son frère, qui n’étaient pas grand chose comparé à ce que Lenny traverse en cet instant, mais tout de même. Elle n’est vraiment pas du genre à juger les gens qui se trouvent dans un état de détresse, quelle qu’en soit la raison.

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Lun 23 Mar - 23:42

Lenny s'était déjà préparé à parler de son diagnostic. C'était une étape par laquelle il détestait passer, en particulier avec des personnes qu'il connaissait à peine. Lorsqu'il l'évoquait, les choses changeaient. Leur regard sur lui. Leur estime. Ce qu'ils percevaient de son intelligence, de ses capacités. Chez certains, il avait même pu lire de la peur. Et c'était juste... indescriptible. Cette douleur. Cette frustration. Cette honte qui n'avait pas lieu d'être.

Mais Vera l'avait coupé court dans cette idée qu'il repoussait. Pas de justifications, qu'elle disait. Elle avait même ajouté un "Vous verrez", comme s'il était évident qu'ils allaient continuer à parler, peut-être même se voir plus tard. Lenny était proprement abasourdi. Il ignorait comment réagir face à cette... non-réaction. Il n'avait pas l'habitude d'un tel comportement. C'était... rafraîchissant, probablement. Il aurait certainement pu le savourer s'il n'était pas dans un tel état, actuellement...

Alors que ses mots commençaient définitivement à lui échapper, Lenny s'était résolu à utiliser son téléphone pour communiquer. Et Vera l'avait accepté, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Lenny avait la gorge serrée. Il hocha silencieusement la tête lorsqu'elle lui demanda de prendre son temps, luttant pour ne pas laisser couler les larmes qui voulaient sortir. Il en avait assez d'être aussi émotionnel, aussi sensible.

Il avait haussé les épaules lorsqu'elle lui avait signalé qu'elle en avait assez du bruit, que dehors, c'était très bien aussi. Il ne savait pas si elle disait la vérité ou si elle voulait simplement le rassurer. En tout cas, elle devait probablement avoir froid... Sans y réfléchir à deux fois, Lenny défit sa veste et la déposa sur ses épaules, d'autorité. Il n'avait pas froid. Ou il ne le ressentait pas, en tout cas.

Parfois, Lenny éprouvait trop. D'autres fois, il était détaché de son corps, des sensations qui le parcouraient, comme s'il le pilotait à distance. C'était le cas actuellement. Il n'avait pas froid. Il n'avait pas besoin de sa veste. Il voulait au moins faire ça pour elle. S'assurer qu'elle n'attrape pas de rhume. Elle qui était si gentille sans qu'il ne comprenne pourquoi.

A tel point qu'elle refusait ses excuses, alors que Lenny était certain d'avoir gâché sa soirée. Il mordilla nerveusement ses doigts, ses lèvres, réfléchissant à sa question. "Vous pensez que ça va aller ?". Honnêtement, il n'en savait rien. Probablement, au bout d'un moment. Demain, il serait probablement fatigué. Après-demain, il serait en meilleure forme. Aujourd'hui... Difficile à dire.

Une nouvelle fois, il haussa les épaules, tapotant un message sur son téléphone, le tendant maladroitement à Vera :

Ca va aller. Pas besoin d'appeler les urgences. Je déteste les hôpitaux. Ils oublient que je suis adulte. Me traitent comme un enfant.

Et Lenny avait horreur de ça. Etre infantilisé. Ils appelleraient son tuteur, à coup sûr. Ce dernier s'inquièterait. Insisterait pour que Lenny reste quelques jours chez lui. Le couverait de ce regard qui le faisait se sentir minuscule. Vulnérable. Il ne pensait pas à mal, mais c'était... oppressant. Anxiogène.

Et votre amie ? Elle va penser que vous l'avez abandonnée. A cause de moi. Vous n'êtes pas obligée de rester. Les amis, c'est important. Il faut en prendre soin. Je ne suis pas un ami. Vous n'avez pas à la négliger pour moi.

Lenny reprit son téléphone, son coeur se serrant douloureusement aux mots qu'il avait écrit. C'était vrai, il n'était pas son ami. A coup sûr, Vera l'oublierait après cette soirée. Ils ne se reverraient plus. Elle avait probablement bien mieux à voir, bien mieux à fréquenter que lui... Elle partirait, sans se retourner. Comme les autres. Mais au fond, c'était probablement mieux. Au moins, elle ne l'utiliserait pas... Au moins, elle n'aurait jamais à voir le pire de lui...

Lenny réalisa que quelques larmes avaient coulé sur ses joues. Rouge d'embarras, laissant échapper un grondement frustré, il s'empressa de tourner le dos à Vera, essuyant rageusement ses yeux, son visage, laissant ses ongles se planter dans la peau, accueillant la douleur qu'il ressentait à peine comme une vieille amie. Qu'elle s'en aille quand il ne la regardait pas. Ca ferait moins mal.

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Jeu 26 Mar - 23:14
Malgré l’état second dans lequel il semble se trouver, Lenny retire sa veste pour la glisser sur les épaules de Vera ; et le geste la touche. Elle lui offre un sourire radieux de reconnaissance et se blottit dans le tissu pour pallier les frissons qui la font légèrement tressaillir en raison de la différence de température entre l’intérieur et l’extérieur.

- Merci beaucoup, elle souffle, sans se départir de son sourire.

Vera n’a pas besoin qu’il se justifie, non. Elle n’est pas de ceux qui ont besoin, à tout prix, de mettre un mot sur les choses, ni des voyeurs qui quémandent des explications à ce qu’ils voient. Il est différent, peut-être. Peut-être qu’il souffre d’une maladie quelconque, et ça a l’air difficile à supporter, mais pourquoi devrait-il être obligé de s’en justifier auprès d’elle, une sombre inconnue ? Après tout, c’est elle qui s’est imposée à sa table pour lui faire la conversation. Elle qui a déclenché sa détresse.

- D’accord. Pas les urgences, c’est noté. Ca tombe bien parce qu’honnêtement, je me serais dévouée pour vous accompagner, mais je déteste les hôpitaux, moi aussi. Les médecins de manière générale, d’ailleurs. Ca fait des siècles que je n’ai pas fichu les pieds chez le médecin...

Elle lève les yeux au ciel tandis que sa capacité à raconter beaucoup de choses hors de propos revient au galop. Les échanges de mots et de téléphone se font à bon rythme, mais elle n’a pas l’impression que l’état de Lenny s’arrange de quelque façon que ce soit. Il continue à taper, et elle le laisse faire sans ajouter un mot, pour ne pas le couper dans ses pensées qui doivent être déjà pas mal chamboulées à l’heure actuelle. Quand il lui tend le téléphone, elle l’attrape pour lire les mots qui y sont inscrits, et grimace un peu malgré elle.

Elle n’est pas inquiète pour son amie qui doit être en train de danser au cou d’un inconnu à l’intérieur de la boîte. Son portable est en sécurité dans son sac, Emy l’appellera si elle en ressent le besoin. Elle relève les yeux vers Lenny, qui semble en proie aux doutes et aussi à l’amertume, car elle peut distinguer les larmes qui finissent par s’écouler le long de ses joues. Elle détourne les yeux, pour ne pas le mettre mal à l’aise ; mais c’est trop tard, le voilà qui se dérobe à son regard pour lui tourner le dos. Elle lui laisse quelques secondes de répit, sans bouger, les pieds ancrés dans le sol, les doigts agrippés à sa veste.

- Vous n’êtes pas encore un ami parce qu’on vient juste de se rencontrer, mais qui vous dit que vous ne pourriez pas le devenir ?

Elle ne bouge pas de sa place de peur de l’importuner si elle va se positionner face à lui, pas trop sure non plus de l’insistance qu’elle lui impose. Peut-être qu’il a seulement envie qu’elle s’en aille, après tout.

- Emily n’a pas besoin de moi, elle se débrouille très bien, j’en suis sûre. Et au pire, elle peut me téléphoner, j’ai mon portable avec moi.

Elle hausse une épaule et jette un oeil vers l’intérieur du bar. Ce n’est pas comme s’il pouvait se passer quoi que ce soit de plus que lorsqu’elle était assise à l’intérieur, de toute façon.

- Je ne vais pas m’en aller. J’ai votre veste, en plus. Je ne vais pas m’en aller sauf si vous avez besoin que je m’en aille, elle explique, parce qu’il n’est pas de son goût non plus de s’imposer aux gens qui ne veulent pas de sa présence. Mais avant de partir, si vous voulez que je parte, j’aimerais bien voir votre téléphone une dernière fois, au moins. Comme ça, je pourrais y inscrire mon numéro. Et si vous ne voulez pas que je parte, je reste. Mais je peux quand même mettre mon numéro. Enfin, c’est comme vous voulez.

Elle ne sait pas trop où elle va, si elle est encore en train de s’imposer, si elle emploie les mots justes.

- Mais ne me laissez pas voler votre veste.

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Lun 30 Mar - 22:58
Lenny ne pouvait que comprendre la réluctance de Vera à se rendre à l'hôpital. Lui-même détestait cela et l'idée d'imposer ça à la jeune femme, qu'il connaissait à peine et qui avait été déjà si gentille avec lui, le répugnait profondément. Elle n'avait pas besoin de l'emmener là-bas. Elle n'avait pas besoin de le voir là-bas.

Les hôpitaux le rendaient profondément nerveux, il était terrifié par les seringues et la perspective de piqûres et il ne savait jamasi comment réagir face aux docteurs. Un spectacle pathétique qui l'aurait fait fuir, nul doute là-dessus...

Ils continuaient à converser, de cette façon qui était plus confortable pour Lenny, la seule qu'il pouvait se permettre à cet instant précis, sa voix persistant à lui échapper malgré ses efforts, son désir brûlant de retrouver la parole. C'était embarrassant... Mais Vera l'aidait à s'accommoder de cette difficulté, à sa manière, en refusant de le juger. Et Lenny appréciait. Sincèrement.

Mais il restait perturbé, anxieux et ses émotions prirent le dessus, les larmes coulant, tournant obstinément le dos à Vera en enfonçant ses ongles dans la peau de son visage. Une douleur qu'il ressentait à peine, à cet instant...

Les mots de Vera parvinrent pourtant à attirer son attention. Lenny cessa de malmener son épiderme, peinant à croire ce qu'il entendait. Il essuya frénétiquement ses yeux, son visage, reniflant, alors qu'elle continuait à parler, lui expliquant que son amie n'avait pas besoin d'elle, qu'elle n'avait pas l'intention de s'en aller. Qu'elle avait sa veste sur elle.

Lenny ne put s'empêcher de penser qu'il avait peut-être commis une erreur. Qu'elle se sentait probablement obligée de rester spécifiquement parce qu'il lui avait prêté sa veste. Qu'elle culpabilisait parce qu'elle voulait s'en aller, mais qu'elle ne souhaitait pas lui dérober l'habit qu'il lui avait prêtée pour la préserver du froid. Quel imbécile il faisait...

Et pourtant, Vera voulait lui donner son numéro. Lui disait qu'elle resterait s'il ne voulait pas qu'elle parte. Lenny était confus. Profondément confus. Il ne savait plus à quel saint se vouer. Une part de lui continuait à penser qu'elle se sentait obligée de rester, mais l'autre voulait croire à ses propos. Penser que c'était possible que quelqu'un veuille réellement passer du temps avec lui.

Lenny avait pris une profonde inspiration, avant de se retourner finalement vers elle, lui tendant son portable d'un geste tremblant. Il la regarda faire, de ce regard perplexe, perdu, laissant entrevoir le torrent d'émotions qui le traversait, les pensées confuses qui virevoltaient dans son crâne.

Il voulait tout de même lui dire qu'elle n'avait pas à se sentir obligée. Et que... qu'elle pouvait garder sa veste et le laisser, si elle le souhaitait. Il ne voulait pas qu'elle attrape froid et lui se fichait bien de ses vêtements. Cela n'avait pas d'importance. Il plaça ses doigts sur sa gorge, dans un mouvement hésitant, tentant tant bien que mal d'articuler quelques paroles :

"V... Vous...."

Les mots refusaient de sortir, persistaient à rester coincés dans sa gorge. C'était tout ce qu'il était parvenu à forcer et, malgré les efforts que cela lui avait demandé, c'était loin d'être suffisant pour former une phrase cohérente. Frustré, agacé, il avait glissé ses doigts dans ses cheveux pour les tirer avec virulence, laissant échapper un grondement furieux.

Quand son portable lui fut retourné, Lenny put constater qu'un numéro y avait été mis. Son numéro à elle, si elle n'avait pas mis un faux, si elle n'avait pas fait ça simplement pour le rassurer, pour se débarrasser de lui... Il recommença à tirailler une mèche de ses cheveux, cherchant ses mots, tapotant sur le téléphone avant de lui tendre :

Vous pouvez garder la veste. Je n'ai pas froid. Je suis content que vous soyez là, mais ne vous forcez pas à rester parce que vous avez peur pour moi ou peur de moi. Je ne vous ferais pas de mal, si vous partez. Je ne vous suivrais pas.

Lenny essayait de se faire petit, de diminuer cette carrure de géant qu'il avait malgré lui à côté de la taille plus modeste de la jeune femme. Il ne voulait pas l'intimider ou lui laisser penser qu'il pourrait lui faire quelque chose de mal si elle voulait l'éviter. Il comprenait. Il comprenait tout à fait. Mal à l'aise, il ajouta ensuite, lui tendant le portable d'un geste doux :

Je ne vais pas essayer d'appeler votre téléphone immédiatement, si vous avez mis un mauvais numéro. Je sais que certaines personnes font cela et je trouve ça impoli. Et intimidant. Vous ne méritez pas ça.

Lenny reprit son portable, le serrant contre son coeur. Il se balançait sur la pointe de ses pieds, nerveux, mal à l'aise. Il était confus, confus parce qu'il voulait de son amitié, ne savait pas s'il la méritait. S'il pouvait lui faire confiance, si elle ne souhaitait pas simplement le fuir et ignorait comment le lui faire comprendre...

Les gens ne veulent pas de moi. Et quand ils restent, ils finissent par partir, sauf s'ils sont obligés d'être là pour moi. J'aimerais que vous restiez. Mais pas par devoir ou par pitié. Juste... Juste parce que vous aimeriez passer du temps avec moi. Mais je sais que c'est trop demander de votre part.

Un bruit de gorge, partagé entre anxiété et tristesse, lui échappa lorsqu'il avait tapé les derniers mots et tendu le portable à Vera. Il enfonça ses mains dans ses poches, voûté, regard baissé, attendant ce moment inéluctable où elle lui dirait que, oui, c'était trop lui demander. Qu'elle avait mieux à faire. Qu'elle n'avait pas besoin d'un ami comme lui, incapable de parler, tout juste bon à mettre les gens mal à l'aise.

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Dim 5 Avr - 23:48
Pour sûr, elle ne s’était jamais imaginée que sa soirée finirait de la sorte. Quand elle a accepté d’accompagner Emy, elle s’imaginait clairement sur le carreau, à faire les piliers de bar pendant que sa copine s’amusait dans son coin - mais pas vraiment dans cette situation étrange qui est la sienne à présent. Elle n’est pas dérangée, elle est un peu inquiète, au pire. Elle ne voudrait pas avoir causé du mal à qui que ce soit, pas même à un inconnu croisé quelques minutes auparavant, et elle espère réellement que son état va s’améliorer, histoire qu’il reparte tranquille, et pas traumatisé par sa rencontre avec la brune.

Elle traumatise les gens, parfois, Vera, mais pas comme ça. A cause de son énergie, de son extrême sociabilité, de sa capacité à cracher les mots sur tous les sujets de conversation. Parfois, elle les énerve aussi, parce qu’elle a un avis bien tranché sur toutes les questions, parce qu’elle ne lâche rien quand elle débat, quand elle essaye de convaincre les autres, et parce que parfois, elle fait sa mauvaise tête.

Mais ce soir, elle espère que ce n’est rien de tout ça. Lenny essaye de reprendre la parole mais n’y parvient pas, et elle secoue la tête pour lui indiquer qu’il n’y n’est pas obligé. Quant à elle, elle n’a aucune obligation si ce n’est l’envie de rester à ses côtés dans l’espoir que ça aille mieux - et si sa présence ne dérange pas, évidemment, sans quoi elle s’en ira parce qu’elle sait respecter l’intimité des gens - en tout cas quand elle sent que cela s’impose.

Il reprend son téléphone une fois qu’elle y a inscrit son numéro, pour écrire à son tour, et elle regarde autour d’eux pour s’assurer que personne ne va venir les embêter dans les rues fraiches de New-York, ce qui n’est pas complètement improbable. Heureusement, à distance, elle aperçoit le vigile du bar qu’ils viennent de quitter qui tend le cou pour s’assurer que tout va bien. Quand Lenny lui tend le téléphone, elle prend quelques secondes pour lire le message qui y est inscrit, et qui laisse transparaître de manière un peu évidente la tornade de questionnements qui résonne dans son esprit. Elle fait la moue, et relève les yeux vers lui.

- Alors, d’abord, je ne vais pas vous voler votre veste, ça serait incroyablement mal élevé. Ma mère n’a pas beaucoup de qualités mais elle m’a bien élevée, ça c’est certain. Et puis en plus, je ne vais pas vous laisser dans cet état tout seul - sauf si vous insistez, évidemment. Et puis, je n’ai pas peur pour moi, ni peur de vous, pourquoi est-ce que j’aurais peur de vous ?

Elle cligne un peu des yeux pour laisser transparaître son étonnement à cette idée.

- En plus, c’est pas pour vous effrayer mais je sais super bien me défendre, elle ajoute en riant un peu. Vous prendriez des risques.

Elle hausse une épaule, un peu fière même si en réalité, il mesure au moins une demi-personne de plus qu’elle et que par définition, si forte soit-elle, il aurait sans doute le dessus. Mais elle n’a pas vraiment l’impression qu’il soit du genre à vouloir lui faire du mal, de toute façon.

- Vous pouvez appeler, je n’ai pas inscrit un faux numéro. Je vous ai proposé de le donner, si je n’en n’avais pas eu envie, je n’aurais rien dit. Je sais que je suis bavarde mais je sais quand même me retenir quand il le faut.

Elle aborde toujours un sourire franc, mais la suite de la conversation le lui fait perdre. Alors qu’il vient d’inscrire un nouveau message sur l’écran, la lecture lui serre quelque peu le coeur, et elle se retrouve à avoir de la peine. Elle relève les yeux à la fin de sa lecture et secoue la tête.

- Je n’ai pas pitié. Pourquoi aurais-je pitié ? J’ai passé une bonne soirée, bien meilleure que ce que je prévoyais, et c’est grâce à vous - sinon je serais encore assise toute seule sur un tabouret à attendre qu’Emily sorte. Je ne vais pas partir, mais ce n’est pas parce que je me sens obligée, ni parce que j’ai l’impression que c’est de mon devoir. Je reste parce que j’ai passé une bonne soirée, et que ce qui vient de se passer, ça ne change pas le fait que c’était une soirée agréable, si ? On a tous des coups durs, parfois. Et parfois en présence d’inconnus, et ils sont plus ou moins violents. C’est tout.

Elle hausse une épaule ; il pourrait croire que ce charabia n’est là que pour le rassurer, mais en même temps, elle est bien décidée à attendre qu’il décide que ça va suffisamment bien soit pour rentrer, soit pour marcher, peu importe. En tout cas, elle n’est pas du genre à tourner le dos à ce qui compose les êtres humains qu’elle rencontre - ni ce soir, ni un autre jour.

- C’est pour ça que vous venez toujours dans des endroits que vous connaissez ?

Elle lui rend son portable, sans trop savoir s’il a envie ou non d’en parler, mais comme il semble vouloir fournir des explications, autant qu’il sache qu’elle est là pour les entendre.

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Lun 18 Mai - 13:02
Il y avait quelque chose de touchant dans le fait que Vera ne semblait pas envisager un seul instant que Lenny puisse lui faire peur. Ou faire peur à qui que ce soit tout court.

Lui-même savait qu'il n'était pas violent et qu'il se répugnait à l'idée de faire du mal à qui que ce soit, même involontairement. Il s'était juré de ne jamais devenir comme son père et la moindre brutalité dont il pourrait faire preuve le ramenait à cet homme qui l'avait maltraité toute son enfance.

Mais la plupart des gens n'en étaient pas conscients. Ils regardaient Lenny et sa grande taille, ses expressions faciales dures malgré lui, ses yeux fuyants ou trop perçants, et décidaient qu'il représentait une possible menace. Pire encore s'ils étaient au courant de son handicap. Ceux qui ne l'infantilisaient pas tendaient à avoir peur de lui. A craindre ses réactions. A le considérer comme une bombe à retardement.

Mais Lenny ne ferait pas de mal à une mouche et ses accès de violence étaient toujours dirigés envers sa propre personne, lorsque tout était trop et qu'il n'avait d'autre choix que d'exploser, laissant éclater ce flot d'émotions qui parcourait son être, son coeur, sa cervelle. Et Vera semblait en avoir conscience.

Il avait étiré un sourire maladroit sur ses lèvres lorsqu'elle lui avait signalé qu'elle savait se défendre. Il n'en doutait pas. Ce n'était pas comme s'il rendrait les coups si elle venait à l'attaquer, de toute façon. Lenny préférait encore subir la douleur ou prendre la fuite que d'agresser qui que ce soit. Ce n'était pas lui. Ce n'était pas sa nature.

Il avait répondu brièvement à son interrogation, tapotant rapidement sur son téléphone:

Je fais peur aux gens. Trop grand. Trop bizarre.

Il haussa les épaules, d'une manière qui indiquait qu'il en avait clairement l'habitude. Mais cela n'en restait pas moins blessant. Lenny ne voulait de mal à personne. Au contraire. Mais les préjugés ont la vie dure...

Lorsqu'elle lui fit savoir qu'elle n'avait pas donné de faux numéro et qu'il pouvait appeler, Lenny sentit son coeur s'emplir d'une douce chaleur. Il avait toujours du mal à croire que quelqu'un puisse être aussi gentil avec lui, en particulier avec la première impression qu'il devait lui avoir donné...

Il n'appela pas, mais lui envoya un rapide message, un simple smiley :) pour qu'elle ait son numéro et pour lui exprimer sa gratitude. Il sursauta légèrement lorsque le téléphone de Vera se fit entendre, avant de laisser échapper un rire nerveux.

Lenny était toutefois vite retombé dans ses doutes et ses travers, se persuadant que Vera ne voulait probablement rester à ses côtés que par pitié ou par sens du devoir. Même s'il aurait aimé passer plus de temps avec elle, même s'il appréciait sa compagnie, Lenny détestait l'idée qu'elle puisse se forcer à le fréquenter. Qu'elle puisse perdre son temps avec lui de cette façon, comme bien d'autres dans sa vie.

Lenny haussa un sourcil devant la réponse immédiate et franche de Vera. Mains dans les poches, il se retrouva à se dandiner d'embarras, ne sachant comment réagir à ses propos. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle dise qu'elle avait passé une bonne soirée, en sa compagnie. Grâce à lui, spécifiquement. C'était... C'était... Lenny n'avait pas les mots.

Il prit une profonde inspiration, sortant ses mains de ses poches pour tordre nerveusement ses doigts. Il dut s'y reprendre à deux fois, mais il parvint finalement à articuler à l'adresse de Vera, regard baissé et joues rosies:

"M... Merci."

Après cela, les mots se délivrèrent plus aisément dans la gorge de Lenny. Il était un peu moins anxieux, rassuré par les paroles franches de la jeune femme. Il n'était pas aussi éloquent que d'habitude, mais il pouvait répondre verbalement à sa dernière question, rangeant son portable, continuant à tordre ses doigts dans un geste automatique :

"O... Oui, c'est pour ça. D'ha... d'habitude, je sais à quoi m'attendre. C'est plus facile à.... à gérer."

Les mots étaient hachés, légèrement mâchés, cette façon qu'il avait de s'exprimer lorsqu'il était fatigué et qu'il tentait tout de même parler. Lenny s'était habitué à cela, mais il détestait toujours autant le son de sa voix et la rythmique de son phrasé dans ces circonstances.

Il savait que les gens avaient tendance à le considérer moins intelligent qu'il ne l'était lorsqu'il parlait de la sorte. Il avait appris à percevoir leur condescendance, leur dédain sous couvert de sourires mielleux.

"Je... euh... je ne m'attendais pas à vous ren... à vous rencontrer et vous parler. Si j'avais su, je... j'aurais pu prévoir les choses et... et avoir p... plus d'énergie à vous r-réserver. C'est di... C'est difficile à expliquer."

Il ajouta d'une petite voix, son regard définitivement fuyant, ses joues écarlates :

"Mais je... je ne regrette pas. Parce que... euh... vous êtes gentille. J'aimerais vous re... vous revoir. Et être votre ami. Si... Si vous le voulez bien."

Lenny était plus embarrassé que jamais. Il laissa échapper un bruit de gorge nerveux malgré lui, couvrant sa bouche de sa main après coup. Pourquoi son corps réagissait-il toujours de manière aussi incompréhensible et gênante ? Vera devait le trouver bizarre, ça, c'était certain...

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Dim 31 Mai - 22:10
Pour sûr, elle ne s'attendait pas à passer une telle soirée en enfilant sa robe pour se joindre à une Emily sur-motivée. Elle pensait bien qu'elles passeraient ensemble leur soirée à danser, qu'elle laisserait son amie boire suffisamment pour oublier ses désarrois du moment, et qu'elles finiraient épuisées dans un taxi qui les ramèneraient jusqu'à l'appartement de Vera. Emily maîtrise mal les subtilités de l'alcoolisation, et elle finit bien souvent plus bourrée que de raison, mais Vera sait qu'il faut qu'elle ait ces soirées sous contrôle et en général, elle s'en sort bien. Elle songe à ce que lui a dit Lenny plus tôt, sur l'amitié et le fait qu'elle finit par passer bien souvent sa soirée à attendre que son amie soit sur pieds pour rentrer. Ca ne la dérange pas, c'est vrai. Mais cette base posée, il est vrai que Vera ne peut pas tellement compter sur son amie pour lui rendre la pareille quand elle-même n'est pas exactement dans sa meilleure forme.

Ce n'est pas de la faute d'Emily, la jeune femme n'y peut pas grand-chose et ce serait injuste, sans doute, de lui faire porter ce chapeau. Vera est une jeune femme forte, qui sait ce qu'elle veut et ce qu'elle fait, et qui a appris, avec le temps, les années et une famille compliquée, à s'affirmer et à s'occuper d'elle-même. Souvent, elle donne simplement le change, gardant ses angoisses, car elle en a évidemment quelques unes, sous silence.

Elle lit le message inscrit par Lenny sur son téléphone et hausse une épaule. Bizarre n'est pas vraiment un mot qui fait partie de son vocabulaire à elle ; en réalité, la plupart des gens pourraient également la trouver étrange, avec son caractère exubérant et extra-sociable. Elle est un peu folle, toujours dynamique, et aborde à peu près tous les sujets en écartant les tabous qui pourraient choquer les autres. Elle n'a que faire d'une société parfois conservatrice dans laquelle elle est amenée à évoluer, ne serait-ce que par le biais de ses parents.

- Trop grand, vraiment ? Pourtant, vous ne l'êtes pas tant que ça. Enfin, par rapport à moi, c'est indéniable, mais je suis sure d'avoir déjà croisé des gens de votre taille.

Elle ne relève pas la bizarrerie car elle comprend à quoi il fait référence mais le mot lui semble mal choisi. Les angoisses des gens, de manière générale, ne font pas partie de ce qu'elle considère comme bizarre. Elle lui rend son téléphone pour qu'il puisse retaper s'il en a besoin, mais visiblement, il retrouve peu à peu la parole car il range le téléphone et parvient à s'exprimer.

- On ne peut pas prévoir sur qui on va tomber, malheureusement. Mais la prochaine fois, on pourra prévoir de se retrouver, si vous voulez. Comme ça vous aurez le temps de vous y préparer - vous n'aurez qu'à me dire quand et où, maintenant que vous avez mon numéro de téléphone.

Elle ne se départit pas de son sourire, soulagée qu'il semble aller mieux au fur et à mesure que le temps s'écoule. Elle s'en serait terriblement voulu s'il n'avait pas été un peu mieux.

- Vous aussi, vous êtes gentil, et ça me ferait plaisir de vous revoir aussi.

Elle conclut sans se départir de son sourire, au cas où il pourrait imaginer qu'elle se force, ce qui n'est pas du tout le cas.

- Comment est-ce que vous allez rentrer chez vous ?

Elle imagine qu'il ne compte pas rentrer à l'intérieur mais c'est peut-être présomptueux, peut-être qu'il a envie d'y retourner pour montrer qu'il a réussi à avoir la maitrise de ses angoisses finalement. Elle, elle est bien, dehors, loin de la chaleur et de la musique assourdissante.

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Ven 10 Juil - 13:36
Lenny avait haussé les épaules devant la déclaration de Vera. Il était au-dessus de la taille moyenne nationale, ce qui ne faisait pas de lui un géant, mais c'était souvent assez pour intimider certains, notamment les femmes qu'il abordait. Lenny ne savait pas comment renvoyer une image de lui-même qui mettait en confiance, qui ne faisait pas de lui une potentielle menace.

Il comprenait tout à fait que les femmes puissent se méfier, il avait appris qu'il était rare qu'elles n'aient pas au moins une expérience de harcèlement ou de "drague de rue" à partager, mais il n'arrivait pas à s'empêcher de dégager cette image un peu "malaisante", cette image qui disait "je suis bizarre et il vaut mieux prendre tes jambes à ton cou". S'il était plus petit, peut-être les choses seraient différentes...

Lenny avait en tout cas cet instinct de se courber, de chercher à prendre le moins de place possible, à considérer automatiquement qu'il était de trop et qu'il devait tenter d'arranger ça autant que possible. Probablement des restes de son enfance, de sa mère qui tentait de le faire taire et de le cacher lorsque son père cherchait le moindre prétexte pour exprimer sa colère...

Lenny avait hoché la tête face à la proposition de Vera. Les choses seraient plus simples de cette manière. Il serait en mesure de prévoir où, quand et comment, sans avoir à dépenser des trésors d'énergie à chercher à déterminer toutes les possibilités auxquelles il devrait faire face.

"M... Merci. Mais di... dites-le moi si mes propositions vous... euh... ne vous conviennent pas. Si vous me dites que c-cela vous va, je... je vais vous croire et je ne saurais pas que... euh... que vous vouliez juste être polie."

On lui avait parfois reproché sa tendance à prendre les choses au premier degré. C'était évident qu'il s'agissait d'une blague. Tout le monde pouvait voir qu'elle n'avait pas vraiment envie de discuter de cela avec lui. Enfin, il faudrait vraiment être idiot pour ne pas voir ça.

Lenny savait que les neurotypiques ne disaient pas toujours ce qu'ils pensaient, mais comment le déterminer ? Comment savoir que son interlocutrice n'était pas vraiment intéressée lorsqu'il se lançait dans un discours sur son dernier livre lu ou la classification Dewey quand, même après lui avoir demandé son avis, elle assurait qu'il n'y avait pas de problèmes ? Que les neurotypiques puissent naviguer dans ce genre de conventions sans difficulté le laissait profondément pantois...

Lenny rougit encore un peu plus lorsque Vera lui fit comprendre qu'elle aimerait le revoir et le trouvait gentil. Il tenta de répondre quelque chose, mais se retrouva à bégayer de manière incohérente et choisit de se taire, les joues en feu, incapable de gérer proprement le torrent d'émotions qui l'envahissait.

Il fut soulagé qu'elle change de sujet et lui demande comment il pensait rentrer, ce à quoi il répondit immédiatement, sa voix plus assurée :

"Je vais rentrer à pied. J'habite à proximité. Je... euh... C'est plus prudent pour moi de sortir p... près de chez moi. Si quelque chose va mal, je peux me traîner jusqu'à chez moi. Et... Et m'effondrer dans mon appartement. Là où je ne gêne personne."

Lenny eut un rire gêné. Trop sincère, encore une fois ? Probablement. Mais c'était la vérité. Il lui était déjà arrivé de rentrer dans des états qui lui auraient probablement valu un aller simple à l'hôpital s'il avait dû marcher trop longtemps ainsi jusqu'à chez lui. Parfois, il n'arrivait même pas à atteindre son lit lorsqu'il franchissait le seuil de sa porte.

Lenny se recroquevillait au sol et, lorsqu'il en avait l'énergie, pleurait sans vraiment savoir pourquoi. Ou il se contentait de rester là, soit immobile soit à se balancer doucement, jusqu'à ce qu'il réussisse à convaincre son cerveau de passer à l'étape suivante et de rejoindre son lit. Il lui était déjà arrivé de s'endormir ainsi, tordu dans une position inconfortable sur le sol, incapable de trouver l'énergie de sortir de son état presque catatonique.

Une idée lui vint et, avant qu'il ne prenne le temps d'y réfléchir, il déclara avec enthousiasme :

"Oh, mais si vous avez froid et... et que vous ne voulez pas retourner au bar, vous pouvez venir chez moi ! Ce n'était pas prévu, mais... mais mon appartement est calme et, et, et je pourrais contrôler pleinement la si... la situation !"

Lenny pointa du doigt son immeuble, visible à cette distance, avant de réaliser ce qu'il venait de proposer. A quelqu'un qu'il connaissait à peine. Une femme, qui plus est, qui allait probablement le considérer comme un creep. Oh. Oh...

Il n'aurait pas dû. Trop tôt. Trop brusque. Trop direct. Il n'avait pas d'idées en tête, mais elle allait s'imaginer qu'il en avait. Stupide. Stupide. Lenny tira par réflexe sur ses cheveux, comme une manière de se punir, avant de marmonner d'une voix gênée :

"Je... euh... inapproprié, c'est cela ? Définitivement inapproprié. Désolé."

Lenny devait définitivement apprendre à réfléchir avant de parler, en particulier avec les gens qu'il commençait à apprécier. Il n'y avait pas meilleure manière de les faire fuir que celle-là...

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Dim 9 Aoû - 23:39
L’originalité de la soirée ne fait pas débat ; Vera n’avait pas imaginé une seule seconde que sa soirée tournerait ainsi lorsqu’elle a rejoint Emily un peu plus tôt, en fin d’après-midi. Elle s’attendait à une soirée comme toutes les autres, passée à attendre que son amie soit suffisamment alcoolisée soit pour draguer toutes les âmes passantes soit pour boire encore plus et finir pliée en deux au dessus des toilettes d’un bar sans âme. Vera est une amie dévouée, elle ne prétendrait pas le contraire - mais parfois, faire une rencontre au détour d’une soirée vouée à l’ennui la sauve. Elle qui passe tant de temps à fréquenter toujours les mêmes gens, finalement. Sa famille pour les dîners et déjeuners qui s’imposent, sa belle-famille, ses amis, ses clients, ses collègues. Souvent, elle se réfugie sans même y songer dans ce cercle rassurant des habitudes ; l’adrénaline - bien que légère - d’une soirée passée à discuter avec de nouvelles personnes lui rappelle combien elle apprécie de le faire. Elle offre à Lenny un sourire franc, dépourvu de mensonge - elle aimerait bien lui dire que ses mensonges se lisent aisément sur son visage, mais après tout, il ne la connait pas suffisamment bien pour la croire sur parole.

- Ce n’est pas tout à fait mon genre de vouloir juste être polie, elle finit par admettre sans se départir d’un sourire espiègle. Vous ne me connaissez pas assez encore pour le savoir, sans doute, mais croyez-moi, les rôles pourraient très bien s’inverser, et vous pourriez avoir envie de vous débarrasser de moi aussi vite que possible.

Elle joue avec une mèche de ses cheveux et penche légèrement la tête en même temps qu’elle parle. Sans doute ne l’imagine-t-il pas, pour une raison qui lui est personnelle ; les gentils pensent toujours que ce sont eux qui risquent d’occasionner une gêne à leur interlocuteur. Mais la jeune femme est consciente de ne pas toujours être facile. Têtue, bavarde, fière, avec une opinion tranchée sur la plupart des sujets de discussion qui lui sont soumis ; il n’est pas rare que Vera agace les gens, et plus encore ceux qui la connaissent un peu.

- Vous savez au moins déjà que je suis trop bavarde.

Elle sourit, pour ne pas l’effrayer non plus. Elle n’a aucunement l’intention de lui rebattre les oreilles avec de grands discours, ce soir. Elle a passé un bon moment, et c’est la seule chose qu’elle retiendra.

- Rassurez-vous, je suis aussi très franche. Si vous m’importuniez, vous le sauriez.

Pas du genre à faire du traitement différencié, non plus, Vera est même plutôt de celles qui se protègent trop des interventions extérieures. Quand il lui propose de l’accompagner chez lui, elle est surprise. Pas dans le mauvais sens du terme ; elle ne s’attendait pas à une telle proposition. Ses yeux suivent son doigt, qui indique l’immeuble dont il parle, et elle acquiesce.

- Allons-y, elle répond simplement, ignorant sa question sur l’aspect approprié ou non d’une telle proposition derrière laquelle elle ne voit franchement rien d’outrageant de toute façon. Ca vous évitera, en plus, de devoir vous traîner jusqu’à chez vous si toutefois il se passait quelque chose entre ici et là. Je suis sûre que vous avez un très bel appartement, je me trompe ?

Elle conserve son sourire et hésite, un instant, à tendre son bras. Elle se ravise, sans savoir si un contact forcé, auquel il n’oserait potentiellement pas dire non, est une bonne idée. Au lieu de ça, elle sort simplement son portable pour adresser un message à Emily, lui demandant de la prévenir lorsqu’elle souhaiterait partir pour qu’elles puissent faire le point.

- Merci pour l’invitation, en tout cas. Sinon, j’aurais dû retourner m’ennuyer à mourir dans un coin - et toute seule, cette fois.

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Lun 10 Aoû - 20:11
Lenny avait immédiatement secoué la tête lorsque Vera avait suggéré qu'il pourrait être celui qui aurait envie de se débarrasser d'elle.

Bien sûr, parfois, il avait besoin de solitude et la présence d'autrui le pesait, mais il doutait qu'il puisse souhaiter spécifiquement que Vera le laisse tranquille, juste parce qu'elle était elle-même et pas parce qu'il était trop épuisé pour supporter la moindre interaction sociale.

"Ja... Jamais. J'en suis sûr."

Son discours devenait progressivement plus fluide, au fur et à mesure qu'il se détendait et était en mesure d'apprécier la compagnie de sa nouvelle amie. C'était un véritable soulagement. Il détestait la manière dont son corps pouvait le trahir, lui mettant davantage de bâtons dans les roues qu'il ne devait déjà en supporter.

Et, quelque part, il avait toujours cette angoisse de rester "coincé". Il avait eu des phases non-verbales particulièrement longues, parfois au-delà d'un mois, où le moindre mot lui était devenu impossible à articuler. Ce n'était pas une situation qu'il souhaitait voir se reproduire, pas s'il pouvait l'éviter...

Il haussa les épaules lorsque Vera lui signala qu'elle était trop bavarde. Cela ne le dérangeait pas. Au fond, c'était probablement mieux pour lui que son interlocuteur ou son interlocutrice soit un moulin à paroles. Cela permettait de compenser son silence, lorsqu'il ignorait ce qu'il était supposé répondre ou était trop anxieux pour vocaliser ses pensées.

Il appréciait aussi que Vera soit franche. Il ne savait que faire des faux-semblants, des mensonges, toutes ces choses qu'il avait tant de mal à déceler et qu'il était beaucoup trop souvent incapable de discerner. Si elle était aussi franche qu'elle l'affimait, ce serait une source de fatigue en moins, dès lors qu'il interagirait avec elle. Lenny n'aurait pas à passer le plus clair de son temps à interpréter des signes qu'il n'était pas équipé pour détecter automatiquement.

"J'aime la... la franchise. Je préfère qu'on me dise les choses en face, plutôt... plutôt que de sourire et prétendre qu'on m'apprécie. Et, hmm, je ne vois aucun inconvénient au fait que vous soyez bavarde. C'est une bonne chose, car je ne sais pas toujours de quoi parler. C'est... C'est plaisant de vous écouter."

Lenny étira un sourire timide sur ses lèvres. Il avait proposé à Vera de le suivre dans son appartement en toute spontanéité, ce qui était rare de sa part, et il le regrettait à présent, bégayant et s'excusant, se maltraitant inconsciemment en ayant l'impression d'avoir ruiné ce sympathique moment qu'ils passaient ensemble.

Mais Vera le surprit tout autant qu'elle avait l'air elle-même étonnée. Elle... Elle avait accepté sa proposition. Elle avait vraiment accepté. Lenny la fixa, bouche bée, figé par l'ébahissement. Il lui fallut un court instant pour revenir sur Terre, secouant la tête pour remettre de l'ordre dans ses pensées et balbutiant en réponse à son affirmation :

"Je... euh... c'est un appartement normal. Tout... Tout ce qu'il y a de plus normal."

Mille questions se bousculaient dans la tête de Lenny. Est-ce que son appartement était bien en ordre ? N'allait-elle pas le trouver "vieillot", avec tous ses ouvrages, récents et anciens, sa décoration minimaliste, le plaid sur son canapé ? Qu'était-il supposé faire, une fois que Vera serait rentrée dans son domaine ? Devait-il lui proposer à boire, une collation, quelque chose ? Offrir de regarder un film ?

Il frotta ses jambes nerveusement, essayant de se relaxer et de mettre un terme à ses questions incessantes et inutiles. Elle savait probablement à quoi elle s'engageait, non ? Elle avait vu à quel point il était peu à l'aise socialement, elle réalisait probablement qu'il serait tout aussi maladroit chez lui... Il lui rappellerait qu'elle peut partir à tout moment, pour la rassurer. Voilà, pas de pression.

Il parvient à esquisser un sourire grimaçant lorsque Vera le remercia, tapotant sa hanche du bout des doigts dans un rythme qu'il était le seul à percevoir :

"Oh, euh, ne me remerciez pas. C'est... C'est normal, je n'allais pas vous laisser seule. Et... Et vous avez toujours ma veste, donc il faut que je puisse la remettre sur mon porte-manteau, vous voyez ?"

Lenny, Lenny, pourquoi s'essayer à l'humour quand il savait très bien que ce n'était pas son fort ? Son ton restait semblable, atone, presque sérieux, tandis qu'il n'avait pas pu s'empêcher de laisser échapper un rire. Mortifié, il fuit le regard de Vera, une main sur sa bouche.

"Désolé. Si... Si vous êtes trop bavarde, moi, je... je ne suis pas un très bon blagueur. Vraiment pas. Je tâcherai de m'abstenir à l'avenir."

Mieux valait qu'ils se mettent en route. Instinctivement, Lenny croisa ses bras autour de son torse, une manière pour lui de se protéger dans une situation où il se retrouvait extrêmement vulnérable. Il ne savait même pas quels mots il était censé employer pour que Vera le suive. Il craignait d'être trop brusque ou impoli...

"Hmm... euh... Si vous voulez bien me suivre..."

Lenny était trop ampoulé, langage trop soutenu, s'exprimant comme dans ses livres fétiches avec naturel, ce qui lui avait valu nombre de moqueries. Vera devait probablement le trouver risible...

Non. Non, il devait arrêter de penser de cette façon. Il voulait croire en la franchise de sa nouvelle amie et, si elle le trouvait ridicule, elle le lui dirait. Il se força à détendre sa posture, ses bras le long du corps, ne sachant que faire de ses membres dégingandés.

"Vous... euh... cela fait très longtemps depuis la dernière fois que j'ai reçu chez moi quelqu'un que je ne connais pas. Je... Je ne sais pas ce que je suis censé faire ou non. Hmm... J'ai de quoi boire. Manger. Des livres. Des films. Des jeux vidéo."

Lenny comptait sur ses doigts, le regard perdu dans le vide, essayant de se rappeler des distractions qu'il avait à portée de main chez lui. Il ne voulait surtout pas qu'elle s'ennuie...

Il étira un sourire maladroit sur ses lèvres :

"C'est un peu ironique. Je vous invite chez moi et j'attends de vous que vous décidiez du programme. Désolé de vous imposer cela. Vous n'avez pas à... à vous forcer."

Il hésita un moment, se balançant nerveusement sur ses pieds, talon, pointe, talon, pointe, avant de marmonner, le regard baissé, tendant le bras légèrement vers elle :

"C'est... C'est ce que je suis supposé proposer, n'est-ce pas ? Lorsque... Lorsque je propose à quelqu'un de charmante compagnie de me suivre. Je crois ?"

Lenny était complètement perdu. Mais il ne craignait pas que Vera se moque secrètement de lui. Elle le rejetterait franchement s'il la lassait. Il avait besoin d'y croire.

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Dim 13 Sep - 21:31
Bavarde, voilà un trait de caractère qu’on lui a bien souvent prêté. Accusé de trop parler, d’être la première quand il s’agissait d’exprimer son avis, on ne peut pas dire que Vera ait beaucoup changé avec le temps et les années. Elle est du genre à s’exprimer, et à dire les choses telles qu’elle les pense et les analyse, parfois dans l’empressement général. Elle n’a jamais été du genre non plus à s’embarrasser de fréquentations auxquelles déplaisait son trait de caractère le plus significatif. Vera est une femme franche, honnête. Pas du genre, par exemple, à donner raison aux gens quand elle estime qu’ils ont tort. Mais cette franchise est aussi contrebalancée par la remise en question qu’elle est capable de s’imposer à elle-même quand elle considère en avoir besoin, aussi a-t-elle la tête sur les épaules quand il s’agit d’analyser les points de sa personnalité qui pourraient déplaire. Tout le monde n’aime pas être confronté à une pipelette, et si cela peut être utile quand il s’agit de meubler une conversation, il n’en reste pas moins certain qu’elle est au courant de ce qui peut offenser.

- Merci, c’est gentil. Mais vous dites ça parce que vous ne me subissez que depuis une soirée, vous avez aussi le droit de réservez votre jugement jusqu’au jour où vous n’en pourrez plus de m’entendre.

Elle rit un peu et hausse une épaule, amusée. Lenny est une personne attendrissante, pour sûr ; elle ne s’attendait pas à faire une telle découverte au cours d’une soirée essentiellement destinée à chaperonner une amie en détresse. Elle en a passé, pourtant, d’autres soirées réservées à la même activité ; mais jamais aucune n’a été placée sous le signe de telles surprises.

Quand il fait de l’humour - et se ravise immédiatement après - elle lui offre un rire léger, secouant la tête.

- Ne vous en faites pas, je suis très bon public. Il est très facile de me faire rire, je ne suis pas snob à ce niveau là, vous pouvez y aller. Et puis, vous avez raison au fond, il vaut mieux s’assurer que je ramène cette veste à bon port.

Elle rit de nouveau et le suit tranquillement, surveillant son portable au cas où il soit soudainement le théâtre de protestations de son amie ; mais non. Il faut croire qu’elle a dû rencontrer quelqu’un, finalement, à l’intérieur. Quelqu’un qui occupe son temps. Suffisamment pour qu’elle ne s’inquiète pas outre-mesure de la disparition de Vera, en tout cas.

- Je suis sûre qu’on va trouver, à deux cerveaux.

Elle non plus, elle ne reçoit pas souvent d’inconnus chez elle. Enfin, si, mais dans ces cas de figure, elle n’a pas vraiment besoin de réfléchir au programme. La pensée lui arrache un sourire - mais elle tait ce nouveau trait de son caractère qui pourrait bien l’effrayer, elle n’a pas envie de passer pour une folle furieuse.

- Je suis très nulle aux jeux vidéos, mais j’aime bien. Qu’est-ce que vous avez comme genre de jeux ?

Attendrie, amusée aussi, elle jette un oeil au bras qu’il lui tend et qu’elle prend sans rien dire, se contentant d’acquiescer. C’est une rencontre radicalement différente de celles qu’elle a l’habitude d’expérimenter, et c’est tellement... agréable. Elle se prend au jeu.

- Vous me flattez en disant de charmante compagnie, merci. Je propose qu’on marche tranquillement, et ensuite... - ne vous inquiétez pas, j’aime beaucoup prendre les décisions de manière générale - vous me proposerez à boire, vous me montrerez votre bel appartement ?

Elle marque une pause pour vérifier que la tournure du programme ne l’a pas effrayé.

- Et puis on pourra s’affronter à un de ces jeux où vous serez sans doute mille fois meilleur que moi, ce qui ne devrait pas être compliqué.

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Sam 19 Sep - 19:37
Lenny ne s'attendait pas à ce que la soirée se déroule de la sorte. Ni à ce qu'il rencontre quelqu'un d'aussi doux et charmant que l'était Vera. Parce que c'est bien ce qu'elle était. Une femme d'une grande gentillesse, qui n'avait pas fui quand sa différence s'était exprimée dans son état le plus naturel, comme bien d'autres l'auraient fait à sa place.

Mais Vera semblait ne pas réaliser l'étendue de ses propres qualités, puisqu'elle se persuadait déjà que Lenny s'agacerait de ses bavardages. Il secoua la tête, tapotant sa jambe d'un geste automatique :

"Je... Je ne vous subis pas. Et je pense ne jamais éprouver ce sentiment à votre égard : vous subir. C'est une idée très négative. Et je ne ressens rien de négatif à votre sujet."

Lenny avait toutefois capté un peu en retard ce que "jusqu'au jour" pouvait bien signifier. Que Vera aimerait le revoir. Plusieurs fois. Le fait qu'ils aient chacun le numéro de l'autre lui avait déjà un peu mis la puce à l'oreille, mais ça... Ces mots... C'était une confirmation. Lenny sentit son coeur s'emballer légèrement, un sourire maladroit s'étirant sur ses lèvres. Peut-être était-il naïf, mais il ne pensait pas un jour s'agacer des bavardages de Vera. Ou de sa présence.

De surcroît, elle avait ri à une de ses blagues et pas un rire de "complaisance", forcé et désagréable, comme on tendait à lui offrir telle une "récompense" pour ses efforts. La chose était particulièrement condescendante. Il préférait encore que son interlocuteur reste de marbre que cette alternative. Mais Vera avait eu un petit rire, léger et sincère, et Lenny s'était senti pousser des ailes.

Son pas était presque dansant, alors qu'il guidait Vera jusqu'à son immeuble. La nervosité revint vite le saisir, toutefois, devant toutes ces interactions qui ne lui étaient pas naturelles, pour lesquelles il devait fournir un effort conscient et permanent. Mais sa nouvelle amie était assez généreuse pour le tirer de cet embarras et prendre les rênes, ce dont Lenny avait désespérément besoin à cet instant.

Il se détendit un peu lorsque Vera l'interrogea sur ses jeux vidéo, arguant qu'elle n'était elle-même pas très bonne dans ce domaine, répondant à sa question et sa précédente remarque :

"Oh, uh, je ne suis pas très doué non plus, donc je n'ai pas des jeux très techniques. Ce sont surtout des jeux de plateforme, d'enquêtes ou à choix, rien de compliqué. Je préfère un bon scénario à un gameplay développé. J'ai... euh... J'ai quelques jeux multijoueurs aussi. En local. Si... euh... Quand j'ai des invités susceptibles de s'y intéresser..."

Comme Vera à cet instant. Mais hormis elle, Lenny ne partageait cet hobby qu'avec très peu de monde. La plupart des personnes qu'il a accueilli dans son appartement n'y voyaient pas grand intérêt ou ils avaient d'autres chats à fouetter. Cela ne dérangeait pas Lenny, qui se sentait anxieux à l'idée de jouer avec quelqu'un et de ne pas être à leur niveau. Mais si Vera et lui-même étaient tous deux médiocres, alors tout devrait bien se passer...

Lenny n'avait pu s'empêcher de se tendre lorsque Vera avait pris son bras, mais il se força à se relaxer, inspirant profondément, et il s'accommoda rapidement de la sensation, venant même à l'apprécier. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas été touché de la sorte... C'était presque... émouvant.

Vera, comme elle venait de le lui dire, était décisive et cela plaisait à Lenny, qui avait parfois du mal à faire le moindre choix, par peur des conséquences, par crainte de ne pas prendre le chemin le plus optimal pour parvenir à sa destination. Sans ses propositions, il n'aurait su que faire en arrivant chez lui, restant les bras ballants et se balançant nerveusement sur ses pieds, intimidé et mal à l'aise.

Au lieu de cela, Vera l'aidait à envisager un peu mieux ce moment qu'ils allaient passer ensemble et cela le rassurait considérablement. Son anxiété se calma et il se permit un sourire, répondant à sa nouvelle amie et invitée :

"Cela me semble être un bon programme. J'ai quelques boissons non alcoolisées à vous proposer, que nous pourrons boire sur mon canapé. Je pourrais vous faire visiter mon appartement, mais il n'a rien de très beau ni d'intéressant. Je suis plutôt minimaliste."

Il rougit légèrement à la pensée qui lui traversa l'esprit et se sentit obligé de préciser, tournant la tête pour éviter de croiser le regard de Vera :

"Et je... euh... je ne cherche pas à vous flatter. Flatter signifie louer excessivement ou faussement quelqu'un et mes paroles sont sincères. Vous êtes de charmante compagnie, Vera. Vraiment."

Il fut soulagé qu'elle le relance sur le sujet des jeux vidéo et se retrouva à rire, arguant d'une voix amusée :

"Oh, mais je serais peut-être encore pire que vous. Que le moins bon d'entre nous perde !"

Et les voici arrivés devant son immeuble. Lenny prit une grande inspiration, faisant entrer Vera à l'intérieur, prenant l'ascenseur jusqu'à son étage. Généralement, il tendait à s'écraser contre le mur le plus proche lorsqu'il était dans un ascenseur avec quelqu'un d'autre, mais il restait près de Vera, se focalisant sur la sensation de ses mains sur son bras alors qu'il luttait contre la nervosité qui voulait le saisir à nouveau.

Enfin, l'ascenseur s'arrêta à son étage. Lenny ouvrit la porte à Vera, l'invitant à entrer et à se mettre à l'aise sur le canapé, pliant précipitamment le plaid légèrement défraichi qui se trouvait dessus. Il sortit toutes les boissons qu'il avait à sa disposition, ainsi que deux verres, avant de poser le tout sur sa petite table, montrant les bouteilles d'un geste de la main :

"Hmm... Euh... Voilà. De... De quoi boire. Comme prévu."

Devrait-il s'asseoir à côté de Vera ? Mais s'il le faisait, il devrait se relever pour la servir, non ? En faisait-il trop ? Peut-être aurait-il dû commencer par la visite de l'appartement ? Oh, pourquoi tout était-il toujours si compliqué ? Une expression crispée sur son visage, Lenny se retrouva dans la situation qu'il craignait précédemment : tendu et perdu, se balançant sur ses pieds dans un mouvement nerveux et automatique.

Si Vera n'avait pas pris la fuite jusque là, elle allait probablement le faire en réalisant dans quoi elle s'était embarquée... En voyant cet appartement vide de toute décoration ou presque, rempli à craquer de livres disposés beaucoup trop proprement dans toutes les étagères qu'il avait été en mesure de faire monter dans son habitat, elle allait sans nul doute se dire que la personne qui vivait aussi devait être cruellement ennuyeuse.

Lenny baissa la tête, soufflant d'une petite voix :

"Je... Je suis désolé. Je suis tellement nerveux, je ne sais pas pourquoi... Je ne veux pas vous... vous incommoder ou faire fuir, je... euh... je me sens bien à vos côtés. Je veux que vous passiez un bon moment. Et je... je ne sais pas comment... comment faire..."

Lenny bégayait terriblement, les joues rouges, le visage exprimant son embarras avec clarté. Il était tellement anxieux et ne comprenait pas pourquoi. Vera était si gentille, pourtant...

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