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Passé et présent [PV Aleksej]

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Lun 27 Juil - 21:50
D’un geste rapide de la main, Claire acheva de se recoiffer, ou plus exactement d’achever un semblant d’ordre dans ses courtes mèches plaquées contre son crâne suite à l’effort intense provoquée par la séance intensive de sport qui venait d’avoir lieu, ainsi que la douche qui s’en était suivie, moment salutaire pour éviter de sentir le bouc, ce qui n’avait pas une grande importance quand le but était simplement de faire quelques minutes de marche pour rentrer dans son logis, mais était nettement moins idéal lorsqu’elle avait rendez-vous pour un café. Or, il se trouvait qu’elle était dans cette configuration précise ce soir-là, et se devait d’être un minimum présentable. Même si Aleksej, précisément, était exactement dans la même situation qu’elle. Rassemblant ses affaires, elle les enfourna dans son sac, vérifia au passage machinalement que rien ne manquait, remit son éternelle veste en cuir sur ses épaules, avant de sortir des vestiaires et de se retrouver dans le hall du Lift, la salle de sport qu’elle fréquentait, essentiellement pour ses avantageuses installations en termes de boxe, qui rivalisait presque celles d’un club dédié, avec en plus, une large salle, de nombreuses activités annexes … Bref de quoi ravir l’ancienne championne, qui se plaisait à croire qu’elle avait encore de beaux restes, et s’employait en tout cas à ce que ce soit toujours le cas, y passant régulièrement le matin avant d’aller au bureau, ou le soir après, suivant ses humeurs et aussi la teneur de la journée de travail … soit si elle avait une envie d’urgente d’évacuer une potentielle frustration sur un sac de frappe, ou à l’inverse si la fatigue était trop présente pour s’y perdre. L’attente ne dura guère, puisque celui qu’elle attendait parut bientôt, pile à l’heure dite. Ils purent donc quitter l’endroit pour se diriger à travers les rues vers un café que tous deux connaissaient. Une fois attablés dans un coin tranquille, la commissaire adjointe se cala sur la banquette, laissant la chaise en face à l’homme, avant de demander au serveur :

« Une bière pour moi, et … ? »

Laissant Aleksej passer sa commande, elle l’observa discrètement, notant mentalement que malgré les années passées, il n’avait guère changé. Bon, la barbe avait un peu grisonné, mais sinon, c’était toujours le même bloc. A vrai dire, depuis qu’ils s’étaient perdus de vue, il lui était arrivé de se demander ce qu’il devenait, comme Mia d’ailleurs, sa sœur cadette qui se trouvait être son ex. Un brin de mélancolie lui vint quand elle repensa à cette période de sa vie, à cette vingtaine qui ne se posait encore que peu, mais cette fois, lorsqu’après quelques collaborations entre deux « rookies », l’un du bureau du procureur et l’autre de la brigade des stupéfiants du Bronx, il l’avait invité à une soirée avec quelques amis, elle avait eu un joli coup de cœur pour la charmante personne qu’il lui avait présenté, à savoir sa sœur. En toute honnêteté, ses souvenirs de la soirée étaient assez flous, sauf sa conclusion, éminemment plus agréable, puisqu’elle n’était pas repartie seule. Jeunesse, folle jeunesse … Et puis, la vie avait fleuri, avec ses beautés et ses tourments, le deuil d’un côté et la rupture de l’autre les avaient éloigné, puis elle avait quitté les stups, rompant donc le contact professionnel, et peu à peu, le privé s’en était allé aussi, ce qu’elle avait souvent regretté. Alors, évidemment, lorsqu’elle l’avait vu, par un pur hasard, à la salle du Lift, elle n’avait hésité qu’un instant avant de l’interrompre, au début peut-être juste pour prendre des nouvelles, vérifier que tout allait bien, désormais, malgré tout. Et puis, rapidement, ils avaient un peu échangé, ri en voyant qu’ils avaient chacun pris du galon et seraient vraisemblablement amenés à se recroiser plus souvent, en tant que substitut et commissaire-adjointe. Vraiment, cette rencontre fortuite la ramenait de nombreuses années en arrière, et permettait de mesurer le chemin parcouru. Evidemment, difficile de combler un tel fossé au milieu de tapis et autres machines de musculations ou vélos d’intérieur, aussi ils avaient convenu d’un café plus tard, pour se poser réellement et discuter convenablement. Se rendant compte qu’elle était un peu sortie du temps présent, Claire offrit un sourire d’excuse au danois avant de dire, amusée :

« Navrée, j’étais perdue dans mes souvenirs. Je dois dire que te revoir me renvoie un bon moment en arrière …

Enfin, dit comme ça, on dirait que nous nous retrouvons à quatre-vingts ans … Je crains de déjà radoter ! »

Son sourire se fit plus doux quand elle ajouta :

« Ça m’a fait plaisir de te revoir à nouveau, au Lift. Je me suis souvent demandé ce que tu devenais. Et au moins, on évitera le coup des grandes retrouvailles au milieu de tous tes assistants et des rookies du NYPD, on en aurait entendu parler un bon moment. »

Euphémisme de l’année, c’était le genre de choses qui faisait le tour de la machine à café à dix heures du matin !

« Je vais sacrifier immédiatement à la question rituelle … qu’est-ce que tu deviens ? Hormis niveau boulot, ça, je crois qu’on est tous les deux au point. »

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Mar 28 Juil - 22:19
Claire Wellings. Qu’elle ne fut pas sa surprise de tomber nez à nez avec ce brin de femme qu’il n’avait pas revu depuis presque de dix ans. Certains fantômes du passé étaient plus agréables à retrouver que d’autres. C’était le cas de la jeune femme. Lorsqu’ils s’étaient rencontré pour la première fois, tous les deux tentaient de faire leurs premières armes. Aleksej au bureau du procureur et Claire chez les stups. Entre assistants et larbins, ils avaient eu la chance de se côtoyer à plusieurs reprises. C’était de cette manière que fonctionnait le système. Quand une information ou un ordre devait atteindre deux entités différentes telle que le bureau du procureur et le NYPD, elle devait d’abord passer par tout le système hiérarchique. À cette époque, ils étaient tout les deux suspendus au bas de l’échelle.

Ils étaient les messagers, les laquais. Et ils s’en accomodaient. Le chemin serait long, mais ils avaient partagé la même pugnacité, la même volonté d’évoluer dans leur carrière respective. Et par dessus tout ça, la même obsession du travail bien fait, du respect des règles. Leur conscience professionnelle était aiguisée et incorruptible. Alors forcément, travailler avec quelqu’un qui partageaient les mêmes valeurs et un certain sens morale plutôt carré avait créer des liens. Elle avait du caractère et ne s’en laissait pas raconter. Probablement son passé de boxeuse. Quelque chose que le danois admirait beaucoup. Être capable de renoncer et changer de voie. Il ne s’était jamais imaginé faire autre chose que du droit.

Alors à force de faire les poireaux face à l’administration qui compliquait toujours toutes les demandes, de partager parfois une bière avec quelqu’un qui pouvait comprendre les enjeux d’une carrière comme les leurs, il avait fini par sympathiser. Aleksej avait toujours été plus à l’aise avec les femmes, quand il ne les fréquentait pas romantiquement évidemment. Il avait vécu entouré de quatre soeurs et d’une mère maîtresse-femme. Il ne tarda pas à proposer à Claire de les rejoindre lui et ses amis, lors de leurs petits apéros improvisés dans les rues de leurs quartiers. C’est à cette occasion que la brunette rencontra la cadette de la famille Svendsen, Mia.

La relation entre Mia et Aleksej avait toujours été fusionnelle. C’était sa petite soeur, sa protégée. Même s’il savait pertinemment qu’elle n’avait besoin de personne pour surveiller ses arrières. Et si Lena ne l’avait pas discrètement aiguiller le soir de cette rencontre, il n’aurait probablement jamais réalisé que le courant passait très bien entre ces deux-là. Aleksej n’avait jamais été très clairvoyant dans ce genre de situations. Et puis une chose en amenant une autre, Claire avait passé de plus en plus de temps avec eux. Jusqu’au jour où elle n’était plus seulement l’amie d’Aleksej, mais bel et bien la petite-amie de Mia. Et ça plaisait beaucoup au Danois, même s’il n’avait pas franchement son mot à dire sur la question.

Mais il estimait énormément Claire et la vie sentimentale de Mia avait toujours été chaotique. C’était un électron libre et il était ravie que sa collaboratrice donne à sa soeur une certaine stabilité. C’était l’époque de sa jeunesse dorée. Il gravissait les échelons, emmagasinait de l’expérience. Il était marié à son premier amour, Lena était la femme de sa vie. Et il était l’heureux papa d’une adorable petite fille. Le rêve américain en somme. Et puis son système qui semblait si parfait, commença à perdre l’équilibre. Comme un mobile sur lequel on aurait soufflé avec force. Le destin avait décidé de faire s’écrouler son bonheur comme on pousserait des dominos.

Mia avait décidé que sa vie devait prendre une autre direction. Que sa vie n’était pas faite pour les engagements mais pour les expériences. Et malgré leur bonnes intentions et l’amitié sincère qu’ils avaient nouée, la vie avait peu à peu éloigné Aleksej et Claire. Et choisit de les remettre sur la route l’un de l’autre toutes ces années après. Et étrangement, c’était presque comme s’il ne s’était passé que quelques jours. Aleksej qui était devenu bien moins extraverti et engagement qu’à l’époque n’avait pourtant ressenti aucune gène. Il était simplement surpris et heureux de cette rencontre fortuite. Curieux aussi de savoir ce qu’elle était devenue depuis toutes ces années.

Et il y avait ce sentiment bizarre au creux de son estomac. Comme le besoin de parler avec elle. De se reconnecter avec une partie de son passé. Malgré la peur et la peine. Peut-être que c’était ce dont il avait besoin pour pouvoir aller de l’avant. Arrêter de vivre comme si tout ce qu’il avait vécu avant la mort de Rebecka ne faisait partie que d’une vaste illusion. Claire était bien réelle et l’éventualité d’aller boire un verre pour rattraper le temps perdu s’était imposée à eux.

Aleksej ne pu s’empêcher de sourire en entendant ses paroles. Il secoua négligemment la tête pour lui signifier qu’il n’y avait pas de raison de s’excuser. L’avoir assise en face de lui faisait également remonter un certain nombre de souvenir.

“Quatre-vingt ans, peut-être pas mais on peut quand même dire qu’on était sacrément jeune… Jeune et insouciant… On peut dire qu’on a fait un sacré chemin depuis. Commissaire adjointe au NYPD, s’il vous plaît !”


Il lui adressa un sourire sincère. Elle s’était toujours donné les moyens de ses ambitions et il était content pour elle. Elle méritait d’être là où elle était. Et il n’avait pas non plus à rougir de sa carrière dans le privé ni de sa nomination comme substitut du procureur. Professionnellement parlant, il avait atteint le sommet de la pyramide.

Le serveur ramena leur consommation, une bière pour elle, un perrier rondelle pour lui. Il avait bien été tenté. Il appréciait un verre de temps en temps, mais depuis que la femme avec qui il partageait sa vie avait pris conscience qu’elle avait un réel problème avec l’alcool, il avait pris la décision de faire l’impasse. Pour un amateur de vins et de whisky tel que lui, ce n’était pas une petite concession. Mais il ne supportait pas l’idée qu’elle puisse sentir l’odeur de l’alcool sur lui, dans son haleine.

“Oh tu sais… j’ai réussi à me faire une réputation assez solide d’homme du Nord… Impénétrable et impassible… je crois que je fais parfois peur à certains de mes collègues… Ils doivent déjà assez jaser comme ça, alors un peu plus un peu moins…”


Il rit doucement. C’est vrai qu’il aimait parfois jouer de sa réputation. D’ailleurs quand il était dans une cour, l’image que les autres avaient de lui faisait déjà une bonne partie du travail à sa place. C’était d’ailleurs pour cette raison que Solveig l’avait empoisonné à l’époque. Parce qu’elle était convaincu qu’elle ne pourrait jamais gagner contre lui. Il se frotta le menton, songeur quand elle en vint au but de leur rencontre. Comment pourrait-il résumer dix ans de sa vie, par où commencer ?

“J’ai mis du temps à me remettre sur pied après l’accident… physiquement et psychologiquement... “

Il savait qu’elle était au courant. Elle lui avait fait parvenir un mot à l’époque. Mais ce n’était quand même pas un sujet avec lequel Aleksej était confortable. Il n’était pas capable de s’étendre sur la question.

“J’ai beaucoup travaillé ces dernières années… à vrai dire, je n’ai pas fait grand chose d’autre. Mais j’ai rencontré quelqu’un l’an dernier…”

Ses joues se tintèrent de rouge. Aleksej avait toujours été d’une extrême pudeur concernant sa vie privée. Même s’il connaissait très bien Claire. Elle avait fait partie de sa famille, même si ce n’était qu’un court moment. Mais déjà à l’époque, il était très introverti quand il s’agissait de s’atteler à des sujets personnels. Parfois sa femme et les deux jeunes femmes s’engageaient dans des discussions très féminines et personnelles, ce qui l’avaient toujours mis mal à l’aise, malgré la capacité de Mia a en parler comme s’il s’agissait de la météo.

“Elle s’appelle Solveig et nous nous fréquentons depuis un peu plus d’un an… Je crois que c’est sérieux… Après Rebecka… le départ de Lena… Je ne pensais pas que je pourrais refaire ma vie mais force est de constater que j’avais tort… et toi ? Tu as quelqu’un dans ta vie ? Une famille ?”

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Jeu 30 Juil - 22:30
« Je ne vous le fais pas dire, Monsieur le substitut du procureur. »

Effectivement, mesurer le chemin parcouru avait quelque chose d’assez vertigineux. Claire ignorait s’il avait des ambitions pour grimper encore plus haut, mais si le plafond se rapprochait, avoir réussi à grimper aussi haut sur l’échelle professionnelle en disait long. Elle-même, un peu plus jeune, pouvait vraisemblablement espérer obtenir un poste de commissaire générale en bonne et due forme d’ici quelques années, voir remplacer Isaïe si ce dernier décidait de terminer sa carrière ailleurs qu’à New York, si du moins les résultats attendus étaient présents. Pour autant, la perspective n’était pas nécessairement dans ses projets. Pas qu’elle refuserait si l’occasion se présentait, bien entendu, mais … honnêtement, sa charge de travail était déjà écrasante, et la perspective d’y ajouter davantage de navigation politique ne lui disait que peu. En attendant, un peu d’autosatisfaction amplement mérité n’avait jamais fait de mal à personne. Alors oui, elle esquissa un sourire, pour lui comme elle, satisfaite de leurs évolutions de carrière, de ce qu’ils étaient chacun parvenus à construire malgré les difficultés, heureuse aussi de voir qu’en dépit des difficultés, Aleksej avait été en mesure de continuer à, au moins, donner le change dans un aspect de sa vie. Il n’avait pas besoin de l’évoquer, même s’il le fit, évidemment. Elle n’avait aucun mal à imaginer à quel point sa vie avait été ravagée, après l’accident. Déjà, être séparée de James, qui n’était pas son fils biologique, depuis quelques semaines lui était insupportable, alors se voir arracher son enfant par un de ces coups du sort fatidiques, ne plus jamais pouvoir le serrer dans ses bras, lui murmurer qu’on l’aimait, et savoir surtout qu’il n’y aurait pas d’après, alors qu’un petit, ça avait toute la vie devant soit … Non, elle ne pouvait qu’appréhender des chimères, mais en aucun cas ressentir l’intégralité d’une telle perte, comprendre à quel point cela marquait une existence. Instinctivement, sa main se posa sur celle de son ancien beau-frère, cherchant à lui transmettre un peu de chaleur, même tant d’années après, soutien silencieux et un peu confus de ne pas avoir été plus présente. Mais le mal était fait, le passé était le passé. Et au moins pouvait-elle témoigner de sa sollicitude alors qu’il se remémorait, même brièvement, ces moments douloureux, pour montrer qu’elle n’avait pas oublié, qu’il n’était pas seul – et qu’il ne l’avait pas été, au moins en pensées.

Au moins la vie ne s’était pas arrêtée, même dans son aspect privé. Voir la pointe de rouge colorer la peau pâle d’Europe du nord l’amusa légèrement, retrouvant sans le vouloir des accents du passé, quand les allusions étaient trop directes pour ses oreilles, ou quand elle évoquait avec lui son épouse, même parfois certaines jolies femmes, par pur aspect esthétique de commentaire, comme elle le pouvait faire avec d’autres hommes ou femmes partageant ses goûts, ou pas d’ailleurs, juste pour apprécier la beauté où qu’elle se trouvait. Claire sentit une bouffée de chaleur l’envahir, la joie se mêlant au soulagement d’entendre qu’il avait enfin réussi, après tant d’années à refaire sa vie, ou du moins, il semblait en bonne voie pour. Il méritait cela, et si cette Solveig était capable de faire revenir son sourire et sa sérénité … C’était une bonne chose. L’un d’entre eux voyait la vie en rose, manifestement, et cela suffisait à son contentement.

« Je suis heureuse de l’entendre. Elle travaille au bureau du procureur également, ou c’est tout autre chose ? »

Sa curiosité était piquée, nécessairement. Et puis, cela retardait le moment de parler d’elle, parce qu’honnêtement … Une grimace teinta ses traits, alors qu’elle finissait par répondre, croisant ses bras devant elle, en un signe de défense, quelque part, cherchant les bons mots pour dire platement la vérité, tout en évitant de s’appesantir, exercice délicat s’il en était, surtout quand tout n’était pas encore réglé.

« J’en … avais une. Mais là, c’est le retour à la case départ. Je suis en instance de divorce. Après dix ans de vie commune et huit de mariage, c’est forcément un peu étrange, mais … c’est mieux ainsi. »

Mieux valait ne pas avoir de regret. Elle avait essayé, elles avaient essayé de recoller les morceaux, à n’en plus finir, sans voir que leurs évolutions n’allaient plus dans le même sens, que la passion ne suffisait plus, ne suffisait pas, et que les vicissitudes du quotidien, des opinions contraires, avaient creusé un fossé désormais infranchissable entre elles. Non, son seul regret concernait James. Elle aurait dû … insister davantage pour l’adopter, faire des démarches, harceler le père … et désormais, elle s’en mordait les doigts.

« Elle … mon ex a un fils d’une précédente union. J’essaye d’avoir un droit de visite, comme son père avait refusé une adoption ouverte, et je n’avais pas relancé à l’époque.

Enfin, on verra bien ce que ça donnera. »


Claire porta sa bière à ses lèvres afin de se donner une contenance, avalant quelques gorgées. Au moins, elle n’était pas mauvaise. Cela aidait à passer l’amertume qui, à cet instant, colorait sa bouche.

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Ven 31 Juil - 23:13
Aleksej avait conscience qu’accepter un poste de substitut du procureur avait un certain cachet. Malgré tout, c’était plus par affinités et convictions qu’il avait finalement décidé de changer de voie. Il avait besoin de redonner du sens à ce qu’il faisait. Mais il n’avait aucune ambition pour aller plus haut. Au contraire, il se voyait bien restreindre un peu son champ d’action, se concentrer sur Brooklyn et peut-être arriver à allier de manière plus équilibrée sa vie professionnelle et privée. Parce que même si Aleksej avait fait un virage à 180° il y avait un peu plus d’un an, il y avait bien une chose qui ne changeait pas. C’était un bourreau de travail.

Depuis la mort de sa fille, c’était tout ce qu’il avait connu et se débarrasser des mauvaises habitudes était plus difficile à dire qu’à faire. Notamment travailler tard le soir, dépassant largement des horaires raisonnables. Mais il n’y pouvait rien, il n’avait jamais eu de demi-mesure et depuis la séparation avec Lena, personne pour lui remettre les pendules à l’heure et lui rappeler ses priorités. Quoique… Il fallait bien dire que Solveig le rappelait de plus en plus souvent à l’ordre. Dire que c’était elle qui s’inquiétait du fait qu’elle ne voulait pas avoir à faire de compromis dans sa carrière à l’époque où ils s’étaient mis ensemble…

En sentant la main de Claire se poser sur la sienne, il lui adressa un sourire amical. Même après tout ce temps, certaines pensées, certaines intentions pouvaient encore passer dans leur regard, dans leur geste, preuve que l’amitié qu’il avait lié était bien réelle. D’ailleurs Aleksej n’avait pas très bien vécu leur rupture et en avait voulu à sa soeur. Il voyait en Claire une alliée sans faille dans les turpitudes de sa famille.

“Pas au bureau du procureur non, mais dans le milieu juridique. C’est comme ça qu’on s’est rencontré.”


Parce qu’à part le travail, on avait vite fait le tour de la vie d’Aleksej. Du moins, ces quinzes dernières années. Et les rares personnes dont il était proche l’étaient devenus par force et efforts incommensurables. Il n’était pas sûr de vouloir entrer dans les détails de sa rencontre avec Solveig. Elle l’avait empoisonné parce qu’elle savait qu’elle ne pourrait pas le battre dans une cour. S’il était passé à autre chose depuis des années, il savait que c’était toujours un sujet délicat pour sa petite amie et ne voulait pas que leur couple porte cette étiquette éternellement. Ils s’aimaient et c’était tout ce qui comptait.

“C’est plus simple d’avoir quelqu’un qui partage le même rythme, qui comprend tes obligations. Même si ça n’a jamais été un problème avec Lena.”

Parler de Lena avec Claire n’était pas si difficile. Parce que les souvenirs qu’ils avaient en commun étaient heureux. Il le ramenait à une époque où la vie leur souriait ou leur quotidien était fait de petits bonheurs, de rires et d’amour. Et c’était très bien comme ça. Nulle besoin d’aborder plus en détail la manière dont sa vie était partie à volot. Mais peut-être qu’il allait être amené à en parler quand même. La réaction de Claire attira son attention. D’une situation décontractée, il l’avait senti se tendre soudainement. Et il n’allait pas tarder à comprendre que le présent de la jeune femme n’était pas un long fleuve tranquille.

Il fronça les sourcils en entendant parler de divorce. Il savait ce qu’elle traversait et éprouvait énormément de compassion pour elle. Le sien avait été chaotique. Et quand on le lui avait demandé, il avait toujours refusé de travailler sur ces dossiers-là. Parce qu’il ne s’agissait pas seulement de règles juridiques. C’était le procès des sentiments qu’on faisait. On allait devant un juge pour admettre qu’on avait échoué dans le seul domaine de la vie qui importait réellement. Et si Claire pensait que les choses seraient mieux comme ça, le Danois savait que ça lui laisserait tout de même une marque. Ça en laissait toujours.

“Je suis désolée Claire… sincèrement... “

Il aurait aimé avoir des paroles plus réconfortantes. Mais il n’avait aucun bon conseil à lui donner. Divorcer était une idée inconcevable pour lui et pourtant. Lui et son ex-femme étaient arrivé à un point tel que rester ensemble était bien plus douloureux. C’était peut-être de la miséricorde que de mettre un terme à tout ça. Et s’il ne souhaitait ça à personne, ça l’attristait toujours d’apprendre que telle ou telle personne se séparait. Et comment souvent dans des histoires de divorces, il y avait des enfants qui se retrouvaient pris entre deux sièges.

Là était probablement l’un des combats les plus pernicieux contre lequel Aleksej n’avait jamais pu se résoudre à se battre. Il n’avait jamais été témoin d’un divorce où les parents cherchaient réellement à mettre l’intérêt de l’enfant en premier. La jalousie, l’amertume, la vengeance ou simplement le ressentiment venaient toujours se mettre en travers du chemin. Divorcer n’était pas anodin. Claire semblait attacher à cet enfant. Si elle tentait d’avoir un droit de visite, c’était que les choses ne s’étaient pas passé si facilement. Autrement, sa conjointe n’y aurait jamais vu d’objection.

“Je n’ai jamais travaillé sur des dossiers de divorce ou de garde d’enfant. Tout ce que je peux te dire, ça vient seulement de mon expérience de père, de mari. Je ne sais pas non plus quelles sont les relations que tu entretenais avec ta femme à la fin… Mais Claire, si tu aimes cet enfant, si tu penses que sa vie serait plus équilibrée et plus facile parce que tu y est présente ne baisse jamais les bras. Mais il est évident que si ça coince, il faudra régler les problèmes que tu as avec ton ex avant… ”

Est-ce que son appréciation de la situation était plutôt juste ou erronée, il n’en savait rien. Mais s’il y avait une chose qu’on ne pourrait jamais enlevé à Aleksej, c’était bien qu’il réagissait et pensait les choses avec la plus profonde honnêteté qui puisse être. Pour lui, les enfants étaient un Saint Graal, qu’on devait toujours faire passer avant tout le reste. Ses sentiments personnels, ses sautes d’humeur… La naissance de Rebecka avait exacerbée cette partie de lui. Mais ça avait toujours été en lui, depuis l’enfance. Il s’était peut-être parfois perdu en cours de route. Mais la vérité et la sincérité était depuis toujours l’essence de son existence.

“J’ai bien conscience que c’est compliqué. Faire la part des choses entre son couple et son enfant. Et c’est justement pour cela que je mets le doigts dessus. Après l’accident… L’alchimie entre Lena et moi, ce qui faisait notre couple a disparu. Malgré ce qu’on pouvait penser et prétendre… notre couple n’a pas survécu à notre enfant…”

Cette pensée était effrayante pour Aleksej. Lui qui avait toujours pensé qu’avoir un enfant était l’apogée d’un sentiment d’amour réciproque. La plus grande preuve d’amour entre deux êtres.

“Mais chaque couple est différent et tu sais que je ne me permettrais jamais de te juger. J’aimerais juste que tu t’évites ce genre de mélodrame… En tout cas, si tu as besoin de conseils juridique, d'un avocat même, tu peux toujours compter sur moi...”

Bien qu’elle avait croisé les bras, signe qu’elle était sur la défensive, Aleksej était allé chercher sa main pour la prendre dans la sienne. Pour lui rendre la pareille. Ces deux-là ne s’étaient pas vu en presque dix ans et pourtant, il ressentait toujours une certaine tendresse envers elle. Parce que leurs points communs de l’époque n’avaient pas changé. Parce qu’ils fonctionnaient toujours de la même manière. Aleksej suivait les lignes, les schémas tracés. Il aimait les choses carrés. C’est pour ça qu’il se sentait à l’aise avec Claire.

“Ce n’était peut-être pas la discussion la plus enjouée du siècle. Mais je dois bien l’avouer. Claire Wellings, tu m’as manquée…”

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Mer 12 Aoû - 22:11
« Oui … Je m’en suis rendue compte. »

L’amertume perçait derrière la voix assurée, et Claire s’empressa d’avaler une gorgée de sa bière pour masquer derrière l’acidité du mauvais houblon celle qui suintait de son expression à cet instant précis. Pendant longtemps, elle s’était convaincue que les différences se surpassaient aisément, pourvu que l’on soit certain de ses sentiments, qu’il y avait la volonté d’un chemin commun. Puis, la réalité l’avait rattrapée, cruellement. Elle ne pouvait même pas nier avoir une part de responsabilité dans le fossé qui s’était creusé avec son ex, en raison de son propre travail, trop prenant, trop anxiogène à l’époque où elle était encore à Brooklyn, qui phagocytait tout, constamment, parasitait ses pensées et la rendait constamment nerveuse, paranoïaque presque, parce qu’à force de se retrouver plongé dans les abysses de l’humanité, on finissait par couler, peu à peu, interrogatoire après interrogatoire. La lie de la société vous engloutissait dans sa fange, et on n’en ressortait jamais indemne. Même après avoir, enfin, changé d’affectation, elle avait compris que quelque chose, irrémédiablement, s’était brisé. Il y avait les horaires qui restaient lourds, avec ces astreintes régulières, une passion pour un métier que, sincèrement, sa compagne avait toujours davantage toléré que réellement compris, n’ayant qu’une appréciation mesurée des forces de l’ordre, pour ne pas dire autre chose, jusqu’à leur rencontre. Elle se souvenait de sa réaction, quand Claire lui avait révélé son métier : la stupéfaction, un peu de gêne aussi … et puis, c’était passé, parce qu’à l’époque, elles n’étaient que deux inconnues qui se croisaient régulièrement dans un parc, discutaient, partageaient quelques pas, quelques heures de chemin commun, sûrement pas celui d’une vie. Et de son côté, Claire admettait sans mal ne jamais avoir été capable de réellement appréhender les aspirations artistiques de celle qu’elle avait aimée passionnément. L’encourager, toujours, elle l’avait fait, mais sans doute que c’était creux, pour quelqu’un qui vivait autant à travers ses réalisations. Tant pis. Il y avait eu onze belles années, ce n’était pas rien, et il n’était pas temps de les regretter. Alors, elle haussa les épaules face aux paroles d’Aleksej, se contentant de dire platement :

« C’est la vie. Quelquefois, tout fonctionne. Mais souvent, au bout d’un moment, ce n’est plus le cas. Il suffit de l’accepter. »

Bien sûr, il y avait les heureux élus, ces couples avec soixante ans d’amour au compteur, qui avaient tout surmonté. Ceux qui s’aimaient comme au premier jour, après les enfants, la maison, les deuils, les douleurs partagées. Et il y avait la masse des erreurs ou des fins, parce que rares étaient les existences linéaires, et que les faiblesses humaines rendaient un concept aussi doux et fragile que l’amour bien vulnérable. On pouvait évoquer les tromperies, les doutes, les moments où ce qui avait séduit devenait insupportable … Mais la vérité était beaucoup plus simple, la plupart du temps : l’amour s’en allait, parce qu’il n’avait pas survécu à ce chemin partagé, et ce pour tout un tas de raisons. C’était tristement banal, un divorce. Et in fine, si certains s’étaient battu pour le droit à tous de se marier, c’était aussi pour qu’ils puissent divorcer et se déchirer exactement comme les hétérosexuels. Joie.

Le pire, c’était que, contrairement peut-être à ce qu’Aleksej pouvait s’imaginer, l’essentiel du divorce s’était réglé très civilement. Il n’y avait eu aucun problème au niveau du partage des biens, pourtant couramment sujet d’achoppement. La décision en elle-même était réellement d’un commun accord et s’était fait sans cri ni haine ni pleurs. Il y avait juste eu un moment où, de guerre lasse à force de ne plus se voir, elles avaient fini par admettre que tout le désir du monde, pourtant encore présent, incandescent, n’était pas suffisant pour continuer à faire vivre une relation qui n’existait plus en dehors de quelques nuits de soupirs, presque en souvenir du bon vieux temps. Pourquoi, alors, tout avait déraillé ? Difficile à expliquer. Claire elle-même, parfois, se posait la question, regrettant surtout sa légèreté qui lui avait fait faire confiance plutôt que de s’assurer d’avoir des droits pour plus tard. Alors, finalement, avec son humour pince-sans-rire ordinaire, la trentenaire finit par siffler :

« Je m’en passerai bien. Mais je crois qu’après avoir élevé un enfant pendant onze ans … on n’est pas juste une personne de passage.

C’est juste que … tout le reste se passe bien. On a réglé le partage des biens à l’amiable, il n’y a pas de difficultés pour se séparer, c’est le mieux.

Mais … on n’a pas les mêmes méthodes d’éducation, James est plus proche de moi que de sa mère … Je pense que maintenant qu’on n’est plus ensemble, elle a envie … de tirer entièrement un trait.

Enfin, on verra bien. Ne t’embête pas avec des conseils, même si c’est gentil de proposer. J’ai rendez-vous avec une avocate, et je me dis qu’on trouvera un arrangement. »


Il fallait l’espérer, parce que vraiment, la perspective de se déchirer, de jeter leur vie en pâture à un juge, très peu pour elle. Mais d’un autre côté, elle refusait la perspective de ne plus pouvoir voir James. Parce qu’elle l’aimait, ce gamin. C’était elle qu’il était venu voir, au début de l’année, pour parler de sa gentille voisine de classe qui était jolie à croquer. C’était elle qui l’emmenait voir les matchs de baseball de son équipe fétiche, elle qui lui avait appris à jouer, contre la volonté de sa mère, elle avec qui il partait en débat enflammé sur plusieurs sujets, des plus triviaux aux plus importants, parce qu’il commençait à se poser des questions sur le monde, la société. Alors oui, effectivement, ils n’avaient pas de liens biologiques, plus de liens familiaux. Mais est-ce que cela pouvait effacer plus d’une décennie ? Elle en doutait. Elle priait elle ne savait trop quoi pour que ce ne soit pas le cas.

« L’avantage de nos métiers, c’est qu’une discussion joyeuse, ça n’intervient que bourré un samedi soir, quasiment. »

Là encore, son humour noir retournait, avec ce sourire en coin qui la rendait aisément reconnaissable. Ses lèvres s’étirèrent néanmoins en une expression entière, et cette fois douce, pour ajouter :

« Moi aussi, tu sais. Et je suis contente de savoir que … enfin, tu as l’air heureux. Détendu. Disons, dans la limite des stocks danois disponibles. »

Bon, là, elle le taquinait, mais en soit, ce constat valait aussi pour elle. Claire, comme Aleksej, appréciait les lignes droites, les choses simples, solides, carrées. D’un point de vue professionnel, peut-être que cela les rendait rigide, mais peu importait l’avis des autres. Ce qui comptait, c’était l’éthique personnelle.

« Que deviennent tes sœurs ? »

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Lun 31 Aoû - 19:11
La remarque de Claire l’avait fait tiquer. Lena avait été son premier amour, son unique amour. Et jamais il n’aurait pu imaginer faire sa vie avec une autre femme qu’elle. Jamais il n’aurait pu imaginer que la flamme qui nourrissait leur amour finirait par les consumer. Et que ce sentiment qu’il avait presque toujours connu finirait par s’estomper jusqu’à disparaître complètement. Ou peut-être qu’un jour il avait juste décidé de l’ignorer. De tout enfermer dans une boîte et de l’enterrer bien profondément. Est-ce qu’il avait réellement accepté cet échec-là ? Il avait réussi à passer à autre chose dans tous les cas et sa relation avec Solveig en étant la preuve. Et si ses sentiments pour la jeune femme étaient sincères et qu’il trouvait dans ses bras tout le réconfort dont il avait besoin, parfois ce n’était simplement pas suffisant pour penser les blessures du passé.

“Il y a des choses plus faciles à accepter que d’autres…”


Il avait abandonné une part de lui à son ex-femme. Par amour, il avait franchit la ligne de non retour. Par incompréhension. Peut-être aussi par désespoir. Poussé par un tourbillon de peine, par son désir de vengeance, de justice.  Il lui en avait voulu, longtemps. Et il avait fini par accepter que chacun était responsable de ses actes et il avait commencé à s’en vouloir à lui-même. Et il avait refusé l’idée même d’attachement envers quiconque. Plus jamais il ne laisserait ses sentiments prendre le pas sur sa raison. C’était la nouvelle ligne qu’il avait suivi des années durant. Et puis il avait rencontré ce petit brun de femme qui avait chamboulé sa vie. Solveig ne réaliserait probablement jamais le chemin qu’il avait fait depuis ce jour au tribunal. Ce jour où ils s’étaient retournés tous les deux.

Une moue avait peu à peu pris place sur la visage d’Aleksej à mesure que Claire expliquait sa situation. Il l’écoutait avec attention. Il pouvait sentir dans le ton de sa voix une note d’incompréhension. À laquelle la jeune femme tentait d’apporter une réponse cartésienne. Pour des personnes guidés par la raison comme c’était le cas pour ces deux là, il était parfois compliqué de comprendre l’abstraction des comportements motivés par des sentiments contradictoires. Il poussa un soupir en l’entendant dire qu’elle avait rendez-vous avec un avocat. C’était le genre de rendez-vous qui rendait soudainement les choses très concrètes.

“Quelqu’un que je suis susceptible de connaître ?”

Aleksej comprit rapidement qu’il était temps de passer à un autre sujet de conversation. Même si Claire faisait probablement partie de ses plus anciens amis cela faisait tout de même plus de dix ans qu’ils ne s’étaient pas vu et s’il n’était pas un complet étranger, il y avait tout de même une certaine réserve chez la jeune femme. Il le comprenait tout à fait. Il n’était pas plus capable de s’étendre sur son passé. Et quelque part, il s’agissait d’une sorte d’accord tacite qui s’était mis en place. Ne pas gâcher cette réunion en remuant des blessures encore douloureuses.

Le sourire reprit finalement le chemin de son visage en entendant son ancienne acolyte plaisanter sur leur métier et finalement sur ses origines. Il lui lança un regard malicieux. Déjà à l’époque, ils avaient souvent eu des conversations enflammées sur leurs origines, la différence entre les américain et les danois. Leurs gouvernements. Leur culture. Quand elle lui demanda nonchalamment comment allait ses soeurs, Aleksej ne pu s’empêcher de retenir un léger rire.

“Comment vont mes soeurs ou comment va Mia ?”


Spoiler:

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Lun 12 Oct - 19:43
« Disons que ça peut prendre un certain temps, je ne vais pas le nier. »

Dire adieu à une relation longue, ce n’était jamais évident. Il y avait souvent l’affection résiduelle, même lorsque l’amour s’en était allé, une famille en commun, une routine, la sensation d’un chemin déjà bien entamé et qui ne devrait pas dévier de sa trajectoire. Et puis, il y avait aussi la lassitude, l’amertume, les reproches, les regrets, tout ce qui consumait la douce tranquillité qui pouvait rester et montrait que la route se terminerait en une fourche et non en une ligne droite. S’en rendre compte, néanmoins, c’était envisager un tel bouleversement qu’il était difficile de ne pas repousser l’échéance, d’espérer recoller les morceaux, même quand le puzzle était devenu tellement grand, avec des pièces tellement éparpillées, que la tâche en devenait impossible. La déchirure, une fois actée, laissait le cœur vide, comme l’esprit. Et il y avait alors toutes ces tâches à faire : le côté administratif, bien entendu, actant la séparation, mais aussi deux vies à réaménager entièrement, avec de nouveaux lieux de vie et la fin de l’ancien, des plannings à créer, une entente à trouver. Parfois, c’était facile. Parfois non. Et souvent, c’était un entre-temps étrange qui pouvait dégénérer, achopper sur un obstacle imprévu. Claire était dans ce cas. N’ayant plus de recours, elle se trouvait obligée de semer son chemin d’embûches, pour ne pas voir l’intégralité de sa vie balayée, emportée par ce courant trop puissant, et constater, impuissante, le sacrifice de ce qui lui était le plus cher. Voilà pourquoi elle avait ce rendez-vous avec une avocate. Elle ne savait pas ce qu’il en ressortirait. Peut-être qu’elle refuserait son dossier, par manque de temps ou simplement parce qu’il n’y avait rien à en tirer. Le droit de la famille, ce n’était pas sa spécialité. Elle y avait touché, bien sûr, à la Special Victims Section, mais toujours pour comprendre un environnement avant de passer au pénal, qui demeurait sa spécialité. Ce qu’elle en connaissait lui laissait peu d’espoir. Mais peut-être qu’une spécialiste … D’ailleurs, si Aleksej la connaissait, il serait en mesure de confirmer les échos qu’elle en avait eue :

« Leah Edelman, du cabinet Gardner. Elle m’a été recommandée par un collègue qui a eu affaire à elle pour tout autre chose, et lorsqu’il lui a mis un mot pour moi, elle a accepté de me rencontrer. Au moins pour que je lui présente mon … cas plus en détail. On verra ensuite si elle prend l’affaire. Si c’est le cas, je présume que ce sera un retour d’ascenseur auprès de mon collègue mais … je prends, honnêtement. »

De toute façon, Claire avait conscience que prendre un requin du droit familial risquait de lui coûter une fortune comme de s’avérer destructeur, ce qu’elle ne désirait à aucun prix. Alors, cette jeune avocate représentait l’espoir d’un accord potentiellement à l’amiable, ou d’un procès … humain, enfin, autant que faire se peut. Ce serait terrible, de toute manière. Autant ne pas en rajouter.

S’appesantir ne servirait à rien, ni maintenant, ni demain. Autant profiter de ces retrouvailles plus qu’agréables avec son vieil ami, y compris aussi pour prendre des nouvelles. Sa question lui arracha un sourire, et elle avoua :

« Les deux, mon substitut. »

Comme elle aurait dit, les deux mon général, boutade évidente et facile. Elle continua :

« Disons, ta famille en général, et sans doute Mia en particulier, en souvenir des temps anciens. Je ne vais pas nier qu’elle avait ma préférence. Même si tu es bon second, homme charmant. »

Cette fois, elle lui fit un clin d’œil amusé, puisqu’il ne servait à rien de mentir à ce sujet, et du reste, elle éprouvait une curiosité sincère quant au devenir de son ex-compagne. Quelles révélations l’attendaient ? Est-ce qu’elle verrait autant qu’auparavant les années défiler brutalement devant elles, signe du chemin accompli, avec ses réussites et ses désillusions. Mieux valait se consoler sur les premières.

« Bon, et dis m’en plus sur cette mystérieuse compagne. Milieu juridique hein … En entreprise ? Je suis curieuse, je dois dire. Peut-être que je la connais aussi ? »

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Sam 17 Oct - 21:51
Aleksej aurait été prêt à donner de son temps sur le champ si Claire en avait eu besoin. Elle faisait partie de ces personnes qui auraient son estime sa vie durant. Le lien qu’ils avaient lié des années auparavant semblait immuable. Et pourtant, ils avaient réussi à se perdre de vue, pris pas le tourbillon de la vie. Il se demanda un instant si les chemins empruntés auraient été différents s’il n’avait pas complètement coupé les ponts avec toutes les personnes qui lui étaient chères et dont il était proche. Probablement que si. Mais revenir en arrière ne servait à rien. La seule alternative était d’aller de l’avant à présent. De ne plus gâcher de temps.

Aleksej fut particulièrement surpris d’entendre prononcer le nom de Leah. Mais il ne put s’empêcher de sourire à l’évocation de la jeune femme. C’était étrange comme la vie était parfois faite. Dans une métropole gigantesque comme New York, le monde pouvait parfois sembler extrêmement petit. Leah avait été son élève Columbia. Étant la petite fille de Zivia Edelmann, il ne lui avait jamais fait de cadeau. Et elle avait été à la hauteur du nom qu’elle portait. Elle n’était peut-être pas la meilleure de sa promo mais elle était de loin la plus intuitive. Elle sentait les choses. Et du point de vue d’Aleksej, elle avait toutes les qualités requises pour faire une très bonne avocate.

“C’est plutôt étonnant qu’on te recommande une avocate spécialisée dans l’immigration pour une affaire de divorce. Mais je connais bien Leah pour l’avoir eu comme étudiante et l’avoir fait travailler un peu dans le Programm Pro Bono dans lequel j’étais engagé. C’est une jeune femme très polyvalente et qui a toujours eu une capacité d’adaptation étonnante.”


Il se souvenait d’elle comme étant une jeune femme qui s’intéressait à tout et qui savait retenir les informations importantes. Elle avait un très bon instinct et le danois l’avait toujours encouragé à le suivre. Maintenant est-ce qu’elle serait la plus à même de traiter un dossier comme celui de Claire ? Probablement aussi bien que lui s’il y réfléchissait bien. Il restait à voir si elle accepterait son dossier et dans quelles circonstances elle accepterait de traiter son cas.

“Quoi qu’il en soit, n’hésite pas à donner mon nom si cela peut t’ouvrir des portes. À défaut de faire plus, je peux au moins me porter caution pour toi.”

Il souria face à l’entrain de la jeune femme. Il était content qu’elle ne se comporte pas comme si dix ans avait passé depuis leur dernière rencontre. C’était grisant d’une certaine manière. Il n’avait plus beaucoup d’amis, personne qui ne lui parle avec une certaine légèreté. Il fit un geste de garde à vous en souriant.

“Tout le monde à l’air d’aller bien. Je ne retourne au Danemark que très rarement. À vrai dire, il m’a fallu un certain temps pour arriver à me sortir la tête de l’eau et réaliser que j’avais injustement mis ma famille à l’écart.”

Rien n’avait plus été pareil après l’accident. Il y avait la peine, la tristesse. Et puis ce sentiment de honte. Honte d’avoir perdu son enfant. Et la colère que provoquait le regard des gens sur lui. Entre compassion et pitié. La vérité, c’était qu’il n’aurait pas été capable de rentrer chez lui et de soutenir le regard de ses parents sur lui, quel qu’il soit. Alors il s’était contenté de prendre des nouvelles de temps en temps. D’envoyer des cartes pour les anniversaires, des cadeaux pour les fêtes. Et Mia… elle qui avait été à ses côtés lors de ce drame et qui les avaient épaulés Lena et lui durant les pires heures de leur vie… Il avait réussi à se fâcher avec l’une des personnes qu’il aimait le plus au monde.

“Mia et moi… nous avons eu une grosse dispute il y a quelques années… on se donne toujours des signes de vie par réseaux sociaux interposés… avec toutes mes soeurs en fait depuis quelques temps.”

Si les réseaux sociaux n’avaient longtemps pas été son truc, il avait commencé à s’y intéresser un peu plus sérieusement quand il avait commencé à fréquenter Solveig. L’intérêt qu’elle y portait alors avait attiré sa curiosité et en deux en trois mouvements, il avait plus ou moins reconnecté avec les membres de sa famille. Ce n’était jamais grand chose. Un like. Un commentaire un peu douteux. Et pourtant, c’était déjà énorme pour lui.

“Mais j’ai pris l’habitude d’appeler ma mère plus souvent cette année. Alors elle me fait un peu le résumé de chacune des filles à chaque fois. Des maris, des enfants… D’ailleurs je songe à proposer à Solveig de passer les fêtes de fin d’année là-bas, à Skagen.”

Claire avait sauté sur l’occasion pour lui en demander plus sur sa relation sentimentale. S’il n’était d’ordinaire pas très à l’aise pour parler de ce genre de choses, cela semblait bien plus simple avec la commissaire. Ce qui ne l’empêcha pas de rougir légèrement. Il réalisa que c’était la première fois qu’il parlait sa rencontre avec Solveig, si vraiment on pouvait appeler ça comme ça. La seule personne à qui il en parlait était sa meilleure amie Callie, qui avait suivi le déroulement des événements, il n’avait pas eu à expliquer quoi que ce soit.

“Solveig Lazzari… Elle est consultante juridique chez London Consulting… C’est une jeune femme brillante et généreuse. Probablement aussi bornée que moi… jeune, talentueuse et pétillante… et jeune…”

Aleksej laissa une petite moue malicieuse prendre place sur son visage. Il préférait prévenir. Il lui était arrivé plusieurs fois qu’en voyant Solveig, les gens de son bureau paraissent étonnés qu’il fréquente une jeune femme 10 ans plus jeune que lui. Est-ce que Claire avait déjà entendu de Solveig ? Il savait que les docteurs Lazzari avaient une réputation plutôt solide à New York, que le décès de son père avait fait couler pas mal d’encre et que la presse à scandale New-Yorkaise avait mis la jeune femme sous les feux des projecteurs en révélant qu’elle avait drogué Aleksej des années plus tôt pour gagner un procès. Mais il ne savait pas qui lisait ce genre de presse. Pour ceux qui ne faisait pas partie du Gotha, la vie quotidienne était pleine de préoccupations différentes.

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Lun 18 Jan - 19:31
« Je retiens. Et si après mon rendez-vous, ça ne convient pas … je n’hésiterais pas à user de quelques connexions amicales. C’est très gentil de ta part de proposer en tout cas. »

Bien sûr, Claire espérait que la jeune femme qu’on lui avait recommandé, même si ce n’était pas son domaine de prédilection, comprenne ce qui était en jeu. Cependant, si les caractères ne s’accordaient pas, si elle ne se sentait pas réellement comprise, alors, elle rechercherait quelqu’un d’autre. Pour se battre dans ce cas précis, la policière était prête à tout, y compris à chercher les plus chers, les plus connus. Mais elle y répugnait dans un premier temps, préférant le bouche à oreille, pour éviter de tomber sur un requin qui achèverait de transformer sa famille en un champ de ruines. Cependant, elle avait conscience que ses précautions pouvaient ne pas s’avérer suffisantes, et qu’il était fort possible qu’elle ait besoin de s’ouvrir d’autres portes, si tant est que s’occuper de la commissaire-adjointe du NYPD ne soit pas suffisant. En matière de connexion, après tout, elle-même en avait à revendre, désormais. Non pas qu’elle n’ait jamais particulièrement cherché ce type d’ascension sociale, ayant d’une certaine façon déjà connu les sommets, probablement trop vite d’ailleurs, ce n’était pas dérangeant que d’être arrivée. Au contraire, elle éprouvait une forme de fierté à s’être élevée dans sa seconde carrière, d’avoir surmonté le traumatisme pour parvenir à se dépasser, et quelque part, il y avait une forme d’ironie de la vie à ce qu’elle, avec la lourdeur de son passé familial, soit à cette place, aujourd’hui. Le temps avait passé, et finalement plutôt en bien, même s’il y avait des bas. Aleksej aussi semblait être dans ce cas. Si la trentenaire fut peinée d’apprendre que les relations avec ses sœurs s’étaient dégradées. Le cours de la vie, certes, mais tout de même … Quoique. Honnêtement, était-elle mieux ? Elle appelait sa mère de temps en temps, mais c’était assez parcellaire. Et le reste de la fratrie, ils prenaient tous des nouvelles, et voilà. Chacun avait son existence, ses problèmes à régler. Et parfois, les liens s’effilochaient, ou alors, les difficultés rendaient irascibles, un mot de trop partait, des rancœurs se déversaient, et définitivement, tout se distendait. Au milieu de cela, restait la famille que l’on se créait. Qu’on perdait parfois. Et qu’on reconstruisait, inlassablement, comme le danois semblait l’avoir fait. En l’entendant dire qu’il projetait d’emmener sa nouvelle compagne dans sa famille, Claire ne put s’empêcher d’émettre un petit sifflement amusé, avant de commenter :

« Eh bien, si les choses en sont à un voyage à Skagen … En effet, c’est qu’elle doit être pétrie de qualité. Et si jeune signifie approximativement mon âge, c’en est une supplémentaire. A mon humble avis. Très objectif. »

Le clin d’œil qui accompagna sa déclaration acheva de donner cette tonalité pleine d’auto-dérision à son propos, si typique de Claire. Elle avait du mal à imaginer Aleksej au bras d’une gamine à peine majeure, et se disait donc que la différence devait probablement davantage être de l’ordre d’une dizaine, voire une quinzaine d’années, plus ou moins proche de leur propre différence, donc. Même si ça ne la regardait pas, et tant que tout le monde était heureux et consentant, ma foi … Elle trouvait au contraire qu’il avait l’air réellement heureux, peut-être plus apaisé aussi, et en parlait avec une affection sincère, qui perçait à travers sa voix. Ce qui, compte tenu de ce qu’il avait vécu, était un grand pas en avant. Il acceptait de refaire sa vie, et c’était déjà très bien ? Alors si en plus, il envisageait vraiment que les choses soient sérieuses, car on faisait difficilement plus sérieux que la présentation aux parents et le retour sur les traces familiales, elle ne pouvait que lui souhaiter que tout cela dure le plus longtemps possible, et qu’il affiche encore pour de nombreuses années ce joli sourire qu’elle lui voyait. Il était bien mieux avec.

« Plus sérieusement, je suis très contente pour toi. Tu mérites d’être avec quelqu’un qui sache te rendre heureux, peu importe qui cela peut être.

Même si je suis un peu jalouse : j’ai toujours voulu voyager en Europe, sauf qu’avec ta sœur, on avait plutôt fait le Texas, chez moi, et c’est nettement moins exotique … »


Bon, c’était sans doute aussi lié aux difficultés prononcées de Mia à s’engager, et accessoirement, à sa propre volonté de forcer un peu les choses. Bref, un cocktail voué à l’échec. Mais elle ne regrettait pas. Elle avait toujours aimé tenter, et il valait mieux se rendre compte que ce ne serait pas possible après cela qu’au milieu du gué de la vie, comme présentement, n’est-ce pas ?

« En plus, je ne suis pas vraiment mieux que toi, à appeler ma mère et mon beau-père une fois l’an et le reste de ma fratrie, c’est pareil. Les affres des temps modernes, ou du temps qui passe, je ne saurai dire.

J’espère juste que cette … dispute n’était pas … si grave que ça. Enfin si, apparemment, mais. Bref. Que ça s’arrangera un jour. »

Un peu gênée, Claire préféra terminer en se cachant derrière son verre, ne désirant pas être particulièrement intrusive. Ils avaient tous leurs blessures et leurs secrets, et Aleksej n’était aucunement tenu d’épiloguer sur la question. Juste savoir que, dans l’ensemble, cela avait l’air d’aller pour toute sa famille, c’était déjà une excellente nouvelle. Levant son verre, après s’être resservi, la commissaire déclara donc :

« On trinque aux nouveaux départs et aux vieilles amitiés ? »

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