Je crois que je n’ai jamais été aussi longtemps absente des réseaux sociaux et surtout de YouTube depuis que j’ai ma chaîne. J’aurais rarement pris des vacances en fait et, si je partais en voyage, c’était souvent grâce à une marque ou je vloguais. Donc, en fait, je n’ai jamais été en voyage pour partir relaxer à bien y penser. Et ce n’est pas ce qui est arrivé pendant mon deux mois d’absence. Maintenant que la situation c’est… un peu amélioré, j’ai décidé de faire une vidéo où j’explique ce qui s’est passé. Je dois bien ça à mes abonnés et aux fans du groupe. Bien sûr, je les ai tenues au courant pas story, mais juste dans les grandes lignes puisque je n’avais vraiment pas la tête à ça. Et c’était rarement. Au vu de tous les dm sur Instagram de tous les comptes que je gère, je me devais de dire ce qui s’est passé. Les médias, c’est bien, mais jusqu’à une très courtes limites.
Aujourd’hui, je fais donc le montage de cette vidéo. Elle a été dur à tourner la vieille et elle est aussi dur à monter. J’ai l’impression de revivre ce moment atroce et c’est vraiment dur, mais il faut que j’aille jusqu’au bout. Je ne me voyais pas faire une simple story pour raconter tout ça. C’est la sonnerie de mon téléphone qui finit par attirer mon cœur. Et comme si mon cœur n’était pas assez serré dans ma poitrine, lire que Karl parle de Teddy par les mots « du gamin », ça me brise le cœur. Comment il a pu l’oublier quand même ? Teddy fait son grand garçon, mais je sais que son père lui manque. Il avait tellement hâte qu’il se réveille pour pouvoir lui faire des câlins, lui parler et rejouer avec lui. Lorsqu’on a compris que Karl n’avait pas de souvenir de lui, je ne sais pas le cœur de qui a fait le plus de bruit en se brisant, mais je sais que mon cœur de maman était en des milliers et des milliers de morceaux lorsque mon fils s’est jeté dans mes bras pour pleurer. J’ai fait de mon mieux pour le rassurer et je crois avoir réussis, mais j’ai peur qu’il ne fasse que son fort pour ne pas montrer sa peine. Bref, je lui réponds un simple « j’arrive » avant d’enlever mes écouteurs et de rejoindre le salon avec ma tasse de café. Me mordillant la lèvre, je prends place à l’autre bout du divan et me tourne pour lui faire face. Je cherche comment commencer la conversation, mais elle me brise tellement le cœur que je ne sais pas par où commencer.

- Que veux-tu savoir à propos de Teddy ?

Je commence tout de même, d’une petite voix, n’osant pas vraiment le fixer.

Je suis tellement perdue dans toute cette situation. Je suis si soulagée que Karl se souvienne de moi. Je crois bien que je n’aurais pas pu le supporter que mon meilleur ami ne sache plus qui je suis. Mais… c’est un peu ça qui est arrivé j’ai l’impression puisque Teddy ne fait plus parti de ses souvenirs. Qui est Karl maintenant sans son amour pour Teddy ? La maison semble si triste sans leurs jeux et leurs chamailleries. Je m’ennuie du temps où ils venaient me déranger pendant que je travaillais ou que je les entendais crier pendant qu’ils jouaient. Je m’en voulais tellement de ne pas avoir plus apprécier ces moments maintenant qu’ils ne sont plus là. J’ai tellement hâte qu’il retrouve toute sa mémoire parce que, oui, je ne veux pas croire qu’il ne pourrait ne jamais la retrouver. Il faut qu’il retrouve sa mémoire, on a tous besoin du Karl qu’on connaissait avant l’accident. Notre famille n’est pas la même sans lui. Et je ne parle pas juste de la famille qu’on forme Teddy, Karl et moi, mais bien de celle avec tous les membres du groupe.

En le voyant prendre son portable pour écrire une réponse, je me mordille la lèvre en déposant ma tasse sur la table basse. J’aimerais tellement me blottir dans ses bras pour me sentir en sécurité, mais j’ai bien l’impression qu’il y a quelque chose de briser entre nous malgré tout. Oui il se souvient de moi, mais il a tout de même oublié une partie de notre vie alors comment je devrais agir maintenant ? À la lecture de sa réponse, j’essaie de rassembler mes pensées pour lui donner une réponse claire et pas trop longue. Pas évidemment lorsqu’il faut que tu expliques les 5, voire 6 dernières années. Puis, son deuxième texto me serre le cœur. Pas vraiment de tristesse, peut-être plus d’espoir puisque ça veut bien dire qu’il veut se souvenir de lui non ? Je relève donc le visage et, en voyant la culpabilité sur son visage, je sais que j’ai raison. Je ne résiste plus et je viens m’assoir à ses côtés attrapant sa main dans la mienne.

- On peut en parler autant que tu le veux. Je peux même te montrer des photos s’il le faut.

Lui assuré-je en lui serrant la main. Puis, je prends une bonne inspiration avant de me lancer dans le vif du sujet.

- Tu as raison, ce n’est pas ton fils biologique. Tout le monde le sait, sauf Teddy. Pour lui, tu as toujours été son père. Il n’a jamais connu son vrai père. Et pour dire, son père ne l’a vu qu’une fois quelques jours après sa naissance. Tu étais là le jour de sa naissance, tu… tu occupais la place du papa en fait dans la salle. Les infirmières et le médecin n’arrêtaient pas de te féliciter pour ce beau bébé et tu ne savais pas où te mettre, c’était vraiment mignon. Tu ne voulais pas prendre la place de Lorenzo, après tout il n’avait pas pu être là à cause de son boulot. Puis, plus les jours passaient et plus tu t’impliquais dans la vie de Teddy. J’habitais déjà avec toi avant alors c’était tout naturel que ça continue comme ça, malgré le bébé. Tu ne voulais pas que je me retrouve seul avec lui tant et aussi longtemps que Lorenzo n’aurait pas été là. Tu étais si mignon avec Teddy. Et tu étais attentionné avec moi. Pour me laisser dormir quelques nuits complètes par semaine, tu ne prenais pas tes somnifères pour t’occuper du petit tant qu’il ne faisait pas ses nuits. Alors c’était tout naturel que Teddy t’appelle papa. On n’a jamais voulu le contredire bébé et, plus qu’il grandissait, plus que c’était dur de briser son monde alors on a préféré laisser tout comme ça. Après tout, Lorenzo et moi, on s’était laissé peu de temps après sa naissance et je ne voyais pas le jour où il allait rentrer au pays pour de bon. Alors Teddy a grandi en te prenant comme modèle. Tu étais son père et il était si heureux de dire à tout le monde que son père était toi, même si les autres gamins ne savaient pas de qui il parlait. Vous étiez fusionnels, tellement proche que vous étiez insupportables par moment. J’avais vraiment l’impression d’avoir deux gamins à m’occuper

Riais-je doucement avec un léger soupçon de tristesse à ses souvenirs.

- Il serait ravis de pouvoir repasser du temps avec toi, j’en suis certaine. Il fait son fort, mais je sais qu’il est tellement triste et perdu de ne pas avoir son père comme avant avec lui. Laisse-le t’entraîner dans vos jeux d’avant, il serait fou de joie de pouvoir tout t’expliquer et te montrer. Et, qui sait, ça va peut-être aider ta mémoire à revenir plus vite…

Finis-je plus faiblement. Je voudrais tellement qu’il retrouve toute sa mémoire, c’est mon souhaite le plus important présentement. Retrouver mon fils et mon meilleur ami, même si ça rimerait avec leurs bêtises à nouveau, c’est tout ce que je souhaite.

Voire Karl dans cet état, voire la culpabilité aussi distinctement sur son visage fait grandir ma propre culpabilité. Je me rends compte à quel point je me suis éloignée de lui depuis qu’il ne se souvient plus de Teddy. Et je m’en veux. J’ai mis toute cette distance entre nous pour quelque chose qui ne peut même pas contrôler. J’ai mis en péril presque 30 ans d’amitié pour quelque chose qui ne veut pas lui-même. Bien sûr, je ne peux pas totalement m’en vouloir pour ça puisque j’ai fait ça pour mon fils. Il venait de perdre, en quelque sorte, un de ses parents, je ne pouvais pas lui donner l’impression de perdre son autre parent en même temps. Donc, oui, je me suis éloignée de Karl pour être encore plus présente pour Teddy, malgré mon propre mal être face à cette situation. Il y a aussi ce mal être qui faisait en sorte que j’étais plus distante. Je me sens tellement coupable que Karl se souvienne de moi, mais pas de Teddy, de Tony ni d’Edge. C’est sûr que le fait qu’on se connait depuis que j’ai 5 ans et lui 7 doit aider fortement, mais je ne peux pas m’empêcher de me sentir mal pour ça tout de même. Alors, oui, je crois que j’avais besoin de prendre du recul pour vivre toutes ces émotions-là et pour pouvoir m’occuper de Teddy. Pourtant, je ne peux m’empêcher de me sentir coupable de l’avoir fait en voyant Karl comme ça. Mon cœur se serre un peu plus lorsque je vois son petit sourire à mon approche et encore plus lorsqu’il sert un peu plus fortement ma main. Et je me rends compte à quel point il m’a manqué, même s’il n’est plus totalement le même maintenant. C’est vrai, nos souvenirs font de nous ce que nous sommes présentement alors Karl sans ses souvenirs des dernières années, ce n’est pas le même Karl. Mais il reste mon meilleur ami tout de même. En finissant de lui parler de la relation qu’il avait avec Teddy, je lui fais un petit sourire triste avant de venir essuyer avec mon pouce une larme.

- Je suis sûr que tu vas retrouver la mémoire, il faut juste être patient…

Je parle doucement, comme si parler trop fort pourrait nuire à la réalisation de ce souhait, alors que je souris un peu plus lorsqu’il hoche la tête. Teddy sera tellement content de pouvoir rejouer avec son père. J’espère qu’il n’y aura pas de malaise… Sentant mon téléphone vibrer dans ma main, je penche la tête vers ce dernier pour y lire le message que Karl m’a envoyé.

- On l’aidera à trouver des activités qui vont suivre ta réhabilitation, t’en fais pas. Ta santé physique est tout aussi importante.

Lui assuré-je en lui faisant un doux sourire. Puis, une idée me vient. J’ai l’habitude à chaque année de faire un bêtisier juste pour les fois où Teddy et Karl me dérange pendant que je tourne, ça pourrait l’aider à retrouver sa mémoire non ?

- Je viens de penser à quelque chose. Si tu n’as rien à faire, je pourrais te montrer des vidéos que j’ai posté, des bêtisiers en fait, de toutes les fois où Teddy et toi me dérangiez pendant que je tournais. Mes abandonnées attendent ses vidéos avec tellement d’impatience que j’en ai quelques-unes. Alors si tu es partant, je peux nous faire un petit encas et on regarde ça. Tu pourras voir à quel point je vis avec deux gamins.

Je termine en le taquinant. Je viens même le pousser épaule contre épaule, laissant un petit rire franchir mes lèvres.

Je suis contente de voir que notre amitié n’est pas brisée, qu’elle n’est pas loin. Qu’il faut juste passer par-dessus quelques émotions négatives comme la peur et la tristesse pour retrouver notre complicité. Et j’espère que le visionnage des mes bêtisiers puissent aider autant à retrouver notre complicité qu’à aider Karl à retrouver la mémoire. Alors comme proposer, je me lève pour aller préparer un encas, mais je m’arrête avant d’entrée dans la cuisine.

- Si on les regarde dans mon bureau, ça te va ? Je pourrais te montrer des rush que je n’ai pas mis dans ces vidéos en même temps.

Un sourire et me voilà parti pour la cuisine. Sur un plateau, je place un bol remplie de noix d’acajou, un autre d’amande enrobé de chocolat et deux autres d’un mélange de fruits secs. J’y pose un café pour moi et la boisson préféré de Karl, puis je monte le plateau jusqu’à mon bureau où on s’installe. Je rapproche un fauteuil de mon bureau pour que Karl y prenne place et moi je m’assoie sur ma chaise de bureau. Heureusement que mon ordi est déjà ouverte, sinon on aurait du attendre plusieurs minutes. Donc, je vais directement sur YouTube pour trouver et lancer la playlist « Bêtisiers ».

- Tu vas voir à quel point je dois faire du montage puisque tu entraînes Teddy dans tes bêtises ou simplement parce que, quand vous jouez, vous y mettez du cœur. Mais, bon, ça ravi mes abonnés alors c’est good. Puis, j’aime voir la complicité qu’il y a entre vous deux.

J’explique en me rendant à cette playlist avant de la lancer. J’attrape ma tasse de café et m’installe dans le fond de ma chaise avec déjà un sourire amuser sur les lèvres. Pendant 5 vidéos de quelques minutes chaque, on voit Teddy et Karl ouvrir la porte pour me lancer diverses choses ou pour faire des grimaces en arrière-plan ou pleins d’autres bêtises du genre. Et quand ce n’est pas voulu qu’ils me dérangent, on les entend crier en fond à cause de leur jeu. Zombie, pirates, chevaliers… tout y passe. Ce n’est pas toujours facile de travailler avec ces deux-là à la maison, mais je donnerais tout pour retrouver ces moments. Je ne me plaindrais plus jamais de tout ça quand Karl aura retrouvé la mémoire et que ça va recommencer.

À la dernière vidéos, j’ai tellement ris et souris que j’en ai mal aux joues. Je comprends pourquoi mes abonnés adorent ces vidéos, elles sont trop géniales. Je repose ma tasse presque vide sur le bureau, puis me tourne vers mon meilleur ami.

- Je tiens à préciser que la plupart de ses interruptions sont de ton œuvre et que Teddy ne fait que te suivre. Alors oui j’ai deux gamins à la maison, mais deux gamins que j’adore et que je n’échangerais pour rien au monde.

Dis-je en déposant ma main sur la sienne ne voulant pas risquer de lui faire mal en la lui prenant.

Si moi j’avais rigolé en regardant ces bêtisiers, je remarque assez vite que ce n’est pas réellement le cas de Karl à la fin de la dernière. Je me sens mal et triste en même temps. Mal parce que j’ai l’impression que ça lui a fait plus de mal que de bien regarder ces vidéos. Et triste parce que ça n’a rien changé. Je crois que j’espérais que ce serait un remède miracle pour que tout redevienne comme avant, mais j’ai espéré en vain… Je commence à avoir peur que ce soit notre nouvelle réalité et je m’inquiète pour Teddy. Et si Karl ne se souvient jamais de lui ? Qu’est-ce qu’on devrait faire ? Si c’est trop dur pour mon fils de rester là avec Karl, je crois que je n’aurais pas le choix de déménager… Aussitôt que cette pensée me vient, aussitôt je fais tout pour me rassurer que rien n’est fait encore. Il faut laisser du temps à Karl de se remettre de cet accident, donc il faut que je sois patiente.

Lorsque je sens sa main serrer la mienne, un doux sourire se dessine sur mes lèvres. Ça m’avait manqué de ne plus avoir mon meilleur ami à mes côtés, comme avant. Et même si rien n’était totalement comme avant, je retrouve mon meilleur ami un peu et ça me soulage, comme ça me rassure. Je ne sais vraiment ce que j’aurais fait s’il m’avait oublié. Je crois sincèrement que j’aurais touché le fond du gouffre. Qu’aurait été ma vie sans Karl ? Il est très certainement le pilier le plus solide et important dans ma vie depuis bien longtemps. Je lis son message et un petit rire franchi mes lèvres.

- Je crois que Teddy t’aide beaucoup à rester jeune. Puis, c’est ce qui fait toi et qui fait qu’on t’aime autant. Sans toi, notre vie serait tellement ennuyante.

Dis-je en tirant doucement sa main vers moi pour y déposer un baiser. En relevant le regard vers mon écran, je vois l’heure et réalise que si je ne veux pas arriver en retard à l’école de Teddy, je dois partir maintenant.

- Je trouve que ce n’est pas le moment idéal pour partir, mais je dois aller chercher Teddy à l’école et, si je veux pas arriver en retard, je dois y aller maintenant.

Je me lève et, après avoir fait un geste pour ramasser le plateau, je finis plutôt par souffler que je le ramasserai en revenant. Je me tourne vers Karl et lui fait un petit sourire.

- Si tu veux parler à nouveau de Teddy ou, peu importe quoi, n’hésite pas. Ça me ferait plaisir de te raconter mille et une anecdotes ou que sais-je encore.

Un baiser sur sa joue et je quitte le bureau en laçant un « Je reviens dans pas long ». Et quelques instant plus tard, la porte de l’entrée se fait entendre en se refermant.