Ce soir-là, les filles étaient chez leurs grands-parents. C’était devenu une habitude, un rituel même, que les jeudis soirs ou les vendredis soirs, elles dormaient chez eux. Et ça permettait en plus à Noa de souffler un peu et de se procurer du temps pour elle. Il lui arrivait de repenser à la réaction de ses parents quand elle leur avait annoncé sa grossesse… Sa pauvre mère avait failli faire un arrêt cardiaque. « ¡Oh, mi corazón! ¿Pero por qué? ¿Qué he hecho para merecer esto? ¡Te he educado bien! ¡No te faltó nada! ¡Ibas a la iglesia todos los domingos! ¡¿Cómo pudiste hacerme esto?! ¿A mí? » Une vraie réaction dramatique. Sa mère s’était positionnée comme la victime dans toute cette histoire alors que c’était le corps de Noa qui allait subir tous ces changements, et c’était sa vie qui se retrouvait chamboulée. Mais c’était en même temps une réaction tellement typique des femmes latinos… Noa réagissait de la même façon lorsque ses filles faisaient une grosse bêtise. Les chiens ne font pas des chats… Et puis aujourd’hui, ils adoraient passer du temps avec leurs petites-filles ! Même si elles étaient nées hors mariage, même si leur père était parti (à cause de Noa).

Et donc nous voici, une soirée de plus sans enfants. Qu’allait-elle bien pouvoir faire ? Noa s’ennuyait, elle se sentait seule ce soir-là. Et puis, elle n’avait pas très envie de rester chez elle. En naviguant sur internet, elle est alors tombée sur une annonce pour un groupe qui jouait le soir même à l’Outpost. Hm, pourquoi pas ? Y aller toute seule ne la dérangeait pas, elle pourrait toujours rencontrer des gens sur place. Ou pas, elle pouvait aussi passer sa soirée à simplement écouter la musique, ça lui conviendrait très bien.

Arrivée sur place, la jeune femme s’installa au bar. « Un virgin mojito, et une quésadilla au fromage s’il vous plait. » Commanda-t-elle. Noa avait un petit creux, et elle adorait ces bouffes de comptoir. Quant à la boisson sans alcool… de toute façon, elle n’avait pas besoin d’excuses. Mais étant donné qu’elle devait se lever tôt pour récupérer ses filles demain, elle préférait éviter. Une migraine avec ses deux petites monstresses… non merci.

Alors qu’elle croquait dans sa quésadilla, une jeune femme vint l’aborder. « Bonjour ! C'est la première fois que je vous vois ici ! Vous y venez souvent ? » Noa secoua la tête en souriant (tout en avalant rapidement son morceau de quésadilla). « Hm, hm. Pas de vous, c’est très bien pour ma mère, mais pas pour moi ! Tu peux me dire tu, et je m’appelle Noa, et toi ? » Pas de chichi avec Noa. Et puis le vous la vieillissait tellement… « Et en effet, ce n’est pas très souvent que je viens ici… »

« Enchantée Noa ! Je suis Sookie ! » Noa lui offrit un grand sourire. « Au risque de faire la même référence que d’autres, Sookie… comme dans True Blood. Mais la meilleure Sookie, du petit écran, est et restera Sookie de Gilmore Girls. » Noa étouffa un rire, toute seule. Ce qu’elle pouvait être pénible avec ses références de séries parfois. Mais bon, quand on a des enfants en bas âge, on sort beaucoup moins et le répertoire de Netflix n’a plus de secret pour nous. Et c’est le cas de Noa. Malheureusement, la plateforme ne lui permet pas encore de regarder True Blood, une série qu’elle a très, très envie de revoir dernièrement. Mais qu’importe les séries, cette Sookie là, une vraie en chair et en os, s’assit sur le tabouret voisin de Noa avec son verre. « Tu as fait le bon choix en venant ce soir en tout cas ! J'ai déjà vu quelques-uns des gens qui vont monter sur scène et ils sont surprenants ! » Noa haussa un sourcil en jetant un regard vers la scène. « Oh vraiment ? » Elle reporta son attention sur Sookie. « Eh bien maintenant j’ai hâte de voir ce que ça donne ! » Ça lui changerait de ses soirées humour de 6 ans. Qu’est-ce qui est jaune et qui attend… Accompagnée de rires gras d’enfants qui apprennent tout juste à lire. Ainoa, si tu retenais ton alphabet comme tu retiens tes blagues à la con… Noa secoua doucement la tête. Ah, même quand elles ne sont pas là, ses filles occupent tout son esprit.

« Tu es du coin ? » Noa mit sa main devant sa bouche alors qu’elle s’empressait de mâcher et d’avaler sa bouchée. « Hm… » La voilà qui secouait la tête de haut en bas. « Oui, pas de très loin. Pour être honnête, je n’ai jamais quitté le quartier. » Brooklyn c’était sa maison. « J’adore Manhattan, mais il y a quelque chose de tellement… cosy et comfy à Brooklyn. C’est surement les artistes, les galeries d’art, les nombreux restaurants qui me font cet effet. » Noa sourit pensivement. C’est vrai, elle adorait son quartier ! « Et toi ? » Demanda-t-elle à Sookie en reportant son attention sur elle.