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Time flies away [PV Aleksej]

@ Invité

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Dim 23 Mai - 18:49
La rétrospective était belle, et bien fournie, Cecilia l’admettait. Et la soirée d’ouverture était suffisamment fournie en réels artistes qu’en sangsues diverses et variées pour lui permettre d’avoir des conversations autrement plus fascinantes. Ainsi, elle était en grande discussion avec une des autres exposantes – dont elle avait toujours apprécié l’œuvre – afin de partager son coup de cœur sur sa dernière exposition, et évitant soigneusement la question fatidique sur une date pour la sienne, qui n’en avait pas, puisqu’elle était au point mort, comme depuis un certain temps maintenant. C’était difficile de voir son aura pâlir, mais la loi du marché de l’art était ainsi, et arrêter de produire, c’était aussi prendre le risque de l’oubli. Bien sûr, les afficionados restaient, de même que les critiques qui avaient apprécié, fut un temps, sa patte, ne tournaient pas entièrement le dos à son travail. Cependant, elle n’était plus en haut de l’affiche, tout simplement. Cette réalité, il fallait l’accepter, et elle avait en partie réussi, préférant ne pas présenter ses productions actuelles, sauf quelques élues, consciente de leur relative médiocrité comme de leur différence avec son style propre. Parce qu’elle n’en était pas satisfaite, elle refusait de les faire sortir de son atelier, et peut-être qu’elle était trop exigeante, pourtant, il lui semblait encore pire de sacrifier son intégrité artistique que d’admettre qu’il était possible qu’elle ait fait son temps. En attendant, elle pouvait encore ressentir le frisson de l’excitation à travers ces échanges, ces débats interminables et totalement abscons pour les non-initiés, qui pourtant recelaient tant d’ardeur, qui l’animaient de son feu habituel, faisant retentir parfois son rire caractéristique aux alentours. Fut un temps où elle aurait suivi sa vis-à-vis quand cette dernière fit mine d’aller observer une de ses propres toiles, et il aurait été même probable qu’elle tente aussi suavement que possible de savoir si une collaboration temporaire absolument dénuée de toute envie artistique était envisageable pour la soirée. Parce qu’elle avait passé l’âge, ou parce que ses pensées dérivaient ailleurs, elle s’abstint, et lui demanda simplement si elle aurait l’honneur d’un retour au détour d’une nouvelle rencontre. Puis elles se séparèrent, et la trentenaire partit rejoindre le buffet afin de se resservir un verre de vin et d’engloutir un petit four des plus sympathiques. Au moins, elle comprenait où était passé le budget. Sur le chemin, elle fut arrêtée par une connaissance, et perdit encore un bon quart d’heure à prendre quelques nouvelles, mettre les agendas à jour pour un dîner, puis repartir. Restait alors le plaisir de déambuler dans les allées, d’exercer son œil acéré sur les peintures qui n’étaient pas les siennes, pour saisir un détail, une technique et l’apprécier, voire la noter dans un recoin de sa mémoire pour l’expérimenter à son tour. Et, bien sûr, il y avait aussi la curiosité assouvie discrètement, quand elle écoutait les réactions à ses propres toiles, les théories des uns et des autres sur ce qu’elle avait voulu représenter, quand la peinture était uniquement abstraite. Comme elle avait l’habitude de répondre, c’était simple, in fine : « rien, et tout ce que vous y trouverez ». Parfois, l’intention était moins importante que les sentiments déclenchés. L’art, c’était aussi l’approche unique de chacun, et non une vérité révélée. A son avis, c’était ce qui en faisait la beauté, cette multiplicité des sens, des interprétations.

Une silhouette seule devant un tableau monumental, représentant une main aux doigts fins, un anneau lui sciant l’annulaire et suintant un liquide rougeâtre qui coulait le loin de ladite main, pour finir par envahir toute la toile, dans des tons de plus en plus carmins, comme s’il séchait, s’écaillait, aux extrémités, en des cercles concentriques hypnotiques, attira son attention. C’était un de ses premiers tableaux réellement connus, dont les premières esquisses remontaient à la période de la fin du divorce de ses parents. En chemin, il s’était modifié, mais l’idée principale était demeurée. Une série était née, et elle savait pourquoi la silhouette semblait fascinée : parce que cette personne avait acheté plusieurs de ses « sœurs ». Et qu’elle avait conscience, probablement plus intimement que d’autres, de l’état d’esprit de l’artiste quand elle avait commencé à peindre cette œuvre immense et hypnotique. A vrai dire, Cecilia ne s’attendait pas à voir Aleksej là, ni nulle part ailleurs. Le reconnaître la laissa un peu interdite, puis curieuse. Elle hésita un moment, consciente d’être principalement responsable de leur éloignement. Mais parce qu’elle mettait de l’ordre dans sa vie, et parce que sa présence rassurante lui manquait profondément, elle ne résista pas à l’élan initial, et se porta à sa hauteur, s’installant juste à côté de lui, ne cherchant pas à le tirer de sa fixation. Finalement, sa voix perça le silence, et elle déclara :

« J’avais changé l’inclinaison de la main, du haut vers le bas, pour que la coulée soit plus perceptible, plus percutante aussi, dans la façon dont elle remonte pour envahir le reste du tableau par tâche.

Est-ce que cela rend mieux que les versions que tu as achetées ? »


Elle savait que c’était lui, elle l’avait toujours su. Ce n’était pas nécessaire de le spécifier, c’était un secret qui n’en était pas vraiment un, un amusement sincère, une discrétion douce. Comme la majeure partie de leur relation, qui remontait si loin désormais. La gamine fumant en cachette dans le jardin de la résidence secondaire familiale, à se planquer pour échapper aux ennuyeux échanges entre ses parents et leurs invités et en profiter pour dessiner sans vergogne tout ce qu’elle voyait avait grandi. Le mince sourire en coin et l’étincelle dans ses yeux avaient pâli, mais n’avaient pas fui irrémédiablement. Ils étaient encore là, un peu enfoui, mais réels, et venaient de s’allumer en voyant Aleksej, comme dans l’ancien temps, celui de ses quinze ans.

« Je suis heureuse de te voir. Même si je croyais que tu n’aimais pas trop venir à ces expositions. »

@ Invité

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Dim 23 Mai - 20:51
Aleksej avait fait un détour par le centre de Manhattan pour s’arrêter à son ancien cabinet. Il avait toujours des parts dans la société Svendsen & Associate même s’il avait définitivement tiré un trait sur le droit des affaires. La relation qu’il avait noué avec Solveig ne l’avait pas seulement amené à changé ses habitudes casanières et à s’ouvrir aux autres, elle avait également remis en question un certain nombre de ses choix professionnels. Sa petite amie était très impliquée dans la défense des femmes afro-américaines ce qui avait amené Aleksej à repenser ses motivations. Il avait un talent certain en tant qu’avocat et il avait passé la plus grande partie de sa carrière à jouer dans la cour des gros pontes sans se soucier des réels problèmes de la société dans laquelle il vivait.

Quand le procureur de New York lui avait proposé un poste à ses côtés, il avait finalement accepté malgré quelques hésitations. Mais l’envie de faire une réelle différence avait pris le dessus. Seulement l’administration publique étant ce qu’elle est, il s’était vite retrouvé coincé par des obstacles procéduriers, des piles de paperasses interminables et les récentes élections avaient abaissé des verrous sur la plupart des procédures le temps d’une réexamination. Il n’avait pas mis les pieds dans une salle d’audience depuis des mois et avait l’impression que lorsqu’il faisait un peu en avant, il en suivait deux en arrière. Il ne traînait plus de longue soirée au bureau et avait arrêté les heures supplémentaires inutiles. D’où son passage chez Svenssen & Associate, chez qui il faisait toujours arriver du courrier. En inspectant la pile qu’il n’était pas venu récupérer depuis deux bonnes semaines, son attention se posa sur un carton d’invitation dont l’illustration lui était familière.

Le Danois sourit en consultant la sollicitation. Cecilia allait exposer certains de ses travaux dans le cadre d’une exposition mettant en avant des artistes New-Yorkaises. Dans le métro qui le ramenait chez lui, il laissait son esprit vagabonder dans les souvenirs d’un passé lointain. Cecilia n’avait qu’une quinzaine d’années quand il avait fait sa connaissance et Lena et lui ne devait pas avoir beaucoup plus de la vingtaine. Le jeune couple s’était rapidement pris d’affection pour cette adolescente talentueuse et rebelle, négligée par des parents bien trop occupé à se mener une vendetta féroce. Si Lena était celle qui avait l’esprit artistique et qui vivait littéralement de l’art et de la culture, cela n’avait pas empêché Aleksej de nouer un lien solide avec la jeune fille. À travers les grands classiques de la littérature que le Danois révérait, ils avaient appris à échanger de petites parties d’eux-mêmes.

À cette époque, la vie souriait à Lena et Aleksej. Leur carrière décollait allègrement, la vie New-Yorkaise entourés de leurs nouveaux amis était trépidante. S’ils étaient arrivés sur une terre étrangère, qui ne partageait pas toujours les mêmes valeurs et une culture à laquelle ils devaient s’adapter, ils s’étaient rapidement trouvé une famille de cœur dans laquelle il avait accueilli Cecilia quand le besoin de s’éloigner du cadre familial se faisait sentir. New York était la ville de tous les possibles. La ville où on pouvait tout accomplir si on s’en donnait les moyens et c’était dans ce sens que le jeune couple encourageait la jeune fille à poursuivre sa passion.

Et puis la fin d’un rêve, la fin d’une idylle. Le trou noir. L’espace d’un instant, un feu rouge brûlé et Aleksej avait vu sa vie s’écrouler comme une suite de domino. Aleksej n’avait pas voulu laisser tomber Cecilia, il n’avait simplement pas été capable de faire autrement. Il s’était contenté de l’observer de loin, de suivre ses progrès et de s’assurer quelle ne manquait de rien. Il avait ressenti une certaine fierté quand elle avait commencé à se faire un nom. Elle ne devait sa réussite qu’à son travail mais il était content d’avoir été à ses côtés pour la soutenir dans ce choix.

Il avait accroché l’invitation sur son frigo. Solveig l’avait prévenu qu’elle travaillerait tard toute la semaine alors pourquoi pas. Le vernissage avait lieu le lendemain soir. Cela lui donnait assez de temps pour s’organiser au bureau, promener les chiens et être de retour dans le centre à temps. Ce genre d’évènements n’étaient pas sa tasse de thé mais à la vue du tableau qui avait servi à illustrer le flyer, un certain nombre de souvenirs étaient remontés à la surface. Ainsi qu’une once de culpabilité. Bien sûr, il avait toujours soutenu la jeune femme, achetant régulièrement des toiles “en cachette”, du moins pendant un temps. Sa supercherie avait rapidement été découverte même si la jeune femme était restée discrète à ce propos. Tous les deux savaient et c’était suffisant.

C’était le seul lien qu’ils avaient entretenu en plus d’une habitude tenace à se faire déposer les ouvrages qui avaient marqués leur parcours littéraire. Une façon de conserver le lien ténu qui existait toujours entre eux. Alors pourquoi ce revirement de situation ? Aleksej expérimentait ces derniers mois un sentiment d’impuissance quasiment journalier. Il avait besoin de redonner du sens à son quotidien. Reprendre contact avec Cecilia faisait peut-être partie de son chemin de croix. Peut-être aussi l’occasion de rattraper son manque de discernement et de compenser pour toutes ces années où il avait tourné le dos à tout ce qui pouvait lui rappeler ce qu’il avait perdu.

Arrivée sur le lieu de l’exposition, le Danois se fit d’abord discret. Observant attentivement la société de laquelle il s’était retiré des années de cela. Et puis il l’aperçu, un peu plus loin. Elle avait beaucoup changé. Grandi évidemment. Et pourtant elle gardait toujours cet éclat dans les yeux. Elle semblait évoluer dans ce petit monde avec beaucoup d’assurance. Il décida de ne pas attirer l’attention, pas tout de suite en tout cas. Il attrapa un verre de mousseux sur le comptoir. Un accessoire imparable pour éviter discussion et se cacher derrière une excuse toute trouvée. Il commença son tour, laissant la curiosité le guider d’un tableau à l’autre.

Il s’arrêta finalement devant une œuvre familière, bien que le tableau qu’il connaissait était légèrement différent. Il avait vu son coup de pinceau s’affiner, ses choix s’affirmer au fil des années. Il essayait toujours de regarder le travail de la jeune femme avec objectivité mais il ne pouvait s’empêcher de relier certains souvenirs, attaché à un certain savoir qu’il avait du contexte dans lequel avait grandi Cecilia et c’était émancipé. Quand une voix douce vint le sortir de son introspection, il se contenta de sourire du coin des lèvres sans tourner la tête. Il aurait pu reconnaître cette voix entre mille, malgré les années qui étaient passées.

“Je ne crois pas qu’on puisse parler de mieux. Mais je ne pourrais qu’admettre que tu as grandi… mûrit…”

Il se tourna vers elle et lui adressa un sourire plus franc et plus sincère. Il n’avait pas imaginé que de se retrouver en face de la jeune femme déclencherait en lui un tel élan de tendresse et de nostalgie. Elle avait effectivement grandi. Le temps ne s’était pas arrêté dans le petit monde d’Aleksej Svendsen. À la place de l’adolescente qu’il avait considéré comme une protégée, une sorte de petite sœur de cœur se trouvait à présent une jeune femme accomplit. Il espérait qu’elle était aussi épanouie.

“Je déteste ça. Mais peut-être que je deviens moins borné avec les années... Et me voilà à présent qui parle comme un vieux con qui ressasse le passé sans se rendre compte que le temps lui a filé entre les doigts…”

@ Invité

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Dim 6 Juin - 18:58
« En tant que peintre … ou en tant que Cecilia ? Si c’est le second cas, j’espère aussi ! On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans dit le poète, mais même si l’insouciance est agréable, la maturité a d’autres avantages … »

Citer Rimbaud en discutant avec Aleksej replongeait l’artiste dans un passé lointain, fait de discussions littéraires de haute volée, de conseils de lecture et de retours enthousiastes. Si l’épouse du danois avait la fibre picturale, ce dernier était un amateur de livres consommés, à même de parler à l’âme parfois un rien exalté de la trentenaire durant sa fougueuse jeunesse, quand quelques mots joliment troussés suffisaient à l’inspirer. Et la poésie si proche de l’impressionnisme, d’une certaine façon, de Rimbaud, avec ses multiples synesthésies, n’avait pu que la toucher, par-delà les années et en dépit de tout ce qui pouvait l’éloigner de ce jeune homme d’un autre temps. Elle avait réalisé une toile, d’ailleurs, qui portait ce titre, pour l’amusement, et était certaine que le substitut l’avait achetée, d’ailleurs. En toute honnêteté, elle aurait pu aussi bien la lui dédicacer. C’était le cas, subtilement, à travers le « A » que formait quelques veinules de la feuille qui s’échouait sur le sol d’un coin de la toile, mais il aurait fallu un œil de lynx pour le repérer. Elle se demanda furtivement si l’homme l’avait vu, pourtant. Peut-être, sans doute. Leur relation distante, faite de livres prêtés avec régularité, comme un vieux rituel, puis de tableaux achetés de façon faussement anonymes, avait ce parfum de codes cachés, de messages mis dans des bouteilles et jetés à la mer. Parfois, en voyant le titre d’un livre arrivé, Cecilia se demandait s’il reflétait la vie du Svendsen, s’il y avait là quelque chose à déchiffrer. Il lui était arrivé personnellement d’en jouer, en choisissant une œuvre pour son propre envoi, sans qu’elle ne sache si son subconscient avait tendance à apparier ses pensées à ses lectures du moment qu’elle désirait partager, ou si elle agissait réellement pour lui expliquer son état d’esprit, même succinctement. Il lui avait manqué, cependant, en chair et en os, et non en indices et devinettes. Sa voix posée résonnait curieusement à ses oreilles, la faisant basculer vingt ans en arrière, quand tout était plus simple. Elle savait – merci la presse – qu’il était devenu substitut du procureur, ayant abandonné son cabinet et ses affaires juteuses. Le retournement avait de quoi surprendre, et pourtant, elle trouvait la chose cohérente avec l’image qu’il lui avait laissé, celle de ne pas être entièrement semblable à tous ces requins d’affaire qui gravitaient dans l’environnement de ses parents. Non pas qu’il ne soit pas redoutable, qu’il n’ait pas sa place parmi eux … Mais il avait une sensibilité autre. Le genre qui amenait à s’intéresser à une adolescente un peu perdue et originale. Amusée par sa déclaration, Cecilia répliqua :

« Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis … Même si je suis curieux de savoir ce qui t’a enfin décidé. »

Ce n’était pas la première invitation qu’il recevait avec son nom dedans. Pourquoi maintenant ? Elle ne se plaignait pas de sa décision, n’ayant pas non plus réussi à faire le premier pas. Elle se contentait de savourer sa présence et les souvenirs qu’elle faisait surgir en elle, celle d’un monde où tout était possible, et où les soucis étaient autres. Curieusement, elle voyait pourtant des parallèles entre la Cecilia incertaine de sa capacité à mener ses rêves et subissant en silence le divorce de ses parents et le fracassement de son environnement d’enfance, et la Cecilia d’aujourd’hui qui doutait de pouvoir revenir au plus haut niveau de son art, et qui continuait à encaisser les conséquences de l’accident traumatique de son meilleur ami. A croire qu’Aleksej n’apparaissait dans sa vie qu’à la croisée des chemins. Était-il, lui aussi, à l’un de ces tournants ? En tout cas, elle vocalisa sa pensée, simplement, sans fioriture :

« Je suis contente que tu sois là. Les livres font certes voyager mais … ils ne remplacent pas les vraies conversations. »

Et les réelles amitiés. Est-ce que ces dernières survivaient au passage du temps ? Elle n’allait pas tarder à le découvrir.

« Je suis désolée, de ne pas avoir repris contact plus tôt. J’aurai dû, mais les circonstances étaient … Disons que j’ai eu quelques années compliquées. »

Ce n’était évidemment pas suffisant, comme explication, alors, elle lâcha :

« Mon meilleur ami a eu un accident. Il a passé trois ans dans le coma. C’est pour ça … que j’ai un peu disparu. »

Elle ne savait pas si le danois se souviendrait de son lien presque indestructible avec Julian, de la place centrale qu’il avait dans sa vie depuis le bac à sable, aussi elle était restée elliptique, tout en donnant l’essentiel des informations.

« Ça n’excuse rien, mais … bref, je suis vraiment heureuse de te voir. »

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Mer 23 Juin - 21:05
Un large sourire vint fendre le visage du Danois alors qu’il reconnaissait des mots qu’il avait lus il y avait des années de cela. Mais son esprit ne les avait pas oubliés, pas plus que les moments qu’il avait partagés avec la jeune femme et leurs aventures littéraires. Aleksej avait toujours été féru de littérature et de toute forme d’apprentissage de manière générale. Quand il n’était pas plongé dans un classique du genre, c’était dans ses livres de droit ou d’histoire qu’il trouvait son inspiration, qu’il étanchait sa soif de connaissances. Après la mort de sa fille et son divorce, les livres et son travail étaient encore ses seuls refuges.

L’insouciance, Aleksej ne l’avait pas côtoyée lors de ce qu’on appelait l’âge ingrat mais bien plus tard. Il avait déjà traversé l’océan atlantique, il était déjà marié et déjà père. La vie leur souriait. Chaque instant était prétexte à célébration. Chaque rencontre. Chaque échange. Et des échanges, ils en avaient eu beaucoup avec la jeune femme qui se tenait à côté de lui. Parfois passionnés, parfois paternalistes aussi. Toujours bienveillant. Il regrettait parfois cette époque. La naïveté avec laquelle il menait sa vie était déconcertante mais l’insouciance qui l’accompagnait était douce.

“Des avantages… et des responsabilités... et c’est probablement ce qui m’amène ici ce soir. Je parle de la maturité.”

Les années étaient passées les unes après les autres. Alors pourquoi maintenant alors qu’il avait eu des dizaines d’autres opportunités ? Probablement parce que depuis plusieurs mois, l’hommavait fallu l’arrivée de la jeune femme dans sa vie pour le forcer à reprendre contact avec le monde. Elle aussi qui rendait la douleur de son passé un peu plus supportable. Alors peut-être qu’en voyant cette nouvelle invitation, repenser à sa précédente vie avait été moins douloureux.

Et comme la douleur était moins vive, elle laissait place à d’autres préoccupations. Le fait qu’il avait délaissé son rôle de garde qu’il avait été pendant dix ans était en train de se métamorphoser. Au contact de Solveig, Aleksej avait pris un second souffle. Resté dans sa chrysalide pendant bien trop longtemps, il lui ien auprès de Cecilia de côté pendant bien trop longtemps. Trop peut-être. Bien sûr, il avait toujours gardé un œil sur elle. Il avait gardé un lien ténu à distance et à présent, il ressentait une certaine culpabilité. Mais ce n’était pas la raison qui l’avait poussé à venir aujourd’hui. Les regrets appartenaient au passé, c’était une leçon qu’il comprenait un peu mieux chaque jour. Mais il ne tenait qu’à lui de prendre acte sur le futur et de changer de route tant qu’il était encore temps.

“À moi aussi, ça m’a manqué.”

Le Danois fronça les sourcils en entendant la jeune femme s’excuser de ne pas avoir repris le contact avec lui et secoua la tête en signe de négation. Il ne lui en aurait jamais tenu rigueur. Cecilia était très jeune à l’époque de l’accident. Et les rapports entre Lena et lui étaient rapidement devenu compliqués. Dans leur malheur, ils avaient tout de même réussi à épargner leurs proches en les tenant à l’écart. Mais par ce comportement, ils avaient également perdu petit à petit les liens qu’ils avaient tissés avec leur entourage.

Aleksej n’avait rien trouvé d’autre que de se renfermer sur lui-même. Faisant passer son travail avant tout le reste. Positionner le bouton des émotions sur OFF. Et se mettre en mode automatique.

“C’est moi qui devrais m’excuser. Mais le passé est ce qu’il est…”

Une nouvelle fois Aleksej fronça les sourcils alors que la jeune femme se sentait obliger de lui donner de plus amples explications. Il poussa au profond soupir en entendant que l’ami d’enfance de Cecilia avait eu un accident. Il avait bien évidemment de la compassion pour le jeune homme. Mais d’une certaine manière, cela exacerbait la culpabilité qu’il ressentait. Il n’avait pas été assez accessible à un moment où la jeune femme aurait eu besoin de soutien et il ne pouvait que s’en prendre à lui-même. La tristesse n’excusait pas tout.

“Je suis vraiment navré de l’entendre. J’espère que les choses s’arrangeront pour Julian.”

Cela expliquait peut-être la discrétion de Cecilia sur la scène artistique ces dernières années. Aleksej s’était parfois posé la question. Était-ce le manque d’inspiration ? L’ennui ? La vie tout simplement. Et ce soir, il avait finalement un bout de la réponse à ses questions.

“Moi aussi je suis content de te voir.”

Il caressa doucement sa nuque avec le même genre de tendresse fraternelle dont il aurait pu faire preuve avec ses propres sœurs. Il s’approcha d’elle et embrassa doucement la tempe de la jeune femme avant de lui adresser un sourire complice.

“Alors dis-moi. Lequel de ces chefs-d'œuvre est censé venir compléter ma collection ? Est-ce que tu comptes me faire une remise pour client fidèle ?”

Un sourire malicieux élargit le visage du Danois, jusqu’à faire plisser légèrement ses yeux marqués à présent par des petites ridelettes apparues avec l’âge.

@ Invité

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Jeu 19 Aoû - 22:17
« Je l’espère aussi. »

Un bref instant, Cecilia se laissa bercer par la caresse d’Aleksej, comme une gamine trouvant du réconfort auprès de son grand frère, et peut-être qu’il y avait une part de cela dans cette appréciation instinctive d’un contact familier, oublié, et qui ressurgissait subitement. Evidemment, ils avaient vieilli, pour autant, elle se demanda si les habitudes du passé pouvaient réellement perdurer, même après tellement d’années et quelques rides de gagnées. D’une certaine façon, le retour inattendu du danois dans sa vie en chair et os paraissait presque être un symbole, un signal, comme quoi il était temps de laisser la grisaille l’entourant depuis trop d’années pour aller de l’avant, cesser de s’agripper au cauchemar qui avait happé toute son existence et réapprendre à vivre, lâcher ce qui n’avait pas d’importance et duquel elle restait tout de même tributaire, tout en gardant l’important, ce qui permettait d’avancer. Jeune, le substitut avait été un moteur pour lui permettre de se construire. Elle espérait secrètement, sans oser encore en présumer, qu’il en serait encore de même maintenant. Son baiser tendre acheva de la convaincre qu’il ne s’agissait sans doute pas de retrouvailles fortuites sans lendemain, mais bien du début d’une nouvelle ère. Du moins, elle y croyait, et elle allait faire en sorte que ce soit le cas. Réfléchissant, presque comme si elle passait un test à la question, Cecilia répondit, un rien songeuse :

« Il y a toujours celui-là, devant nous, je sais que tu as acquis une large partie de cette collection, et c’est la déviation dont je suis le plus satisfaite. Mais … il y en a une autre qui devrait davantage te parler. Suis-moi. »

Lui prenant gentiment et instinctivement la main, l’artiste le mena un peu plus loin, dans un coin un peu moins fréquenté. Face à eux s’étendait à nouveau une de ces toiles monumentales dont Cecilia avait le secret. De l’encre noire colorait une large partie du tableau, en haut, qui paraissait brutalement absorbée par un immense livre ouvert en trompe-l’œil, semblant tout aspirer autour, et qui régurgitait par le bas, à minces goulées, un océan de couleurs vives qui tapissaient comme une dune le bas de l’œuvre. Détail discret, deux mains étaient peintes sur les pages intérieures, se rejoignant. Peinte durant ses jeunes années mais jamais exposée, la toile était réellement une pièce intime, dont la signification lui était précieuse. Elle l’avait intitulé, comme le rappelait le petit encart en bas à gauche « Brotherhood ». Et elle était certaine que son destinataire initial, qui se trouvait à ses côtés, comprendrait parfaitement ses intentions. Le laissant l’explorer à loisir, elle finit par briser le silence et commenta :

« Celui-là date de mes vingt ans, à peu près contemporain de ma première exposition, mais je ne l’avais jamais exposé, justement. Je préférais le garder pour moi. Et puis, comme les rétrospectives sont friandes de pièces nouvelles, j’ai accepté cette fois-ci. Une intuition, probablement.

Je pense qu’il te parlera plus qu’à quiconque. Curieusement, il était dédicacé à un certain Aleksej, mais je n’ai jamais pu le lui remettre. »

Il n’y aurait pas meilleur témoignage de la place qu’il avait occupé dans sa vie, à l’époque. Et elle ajouta, avec une étrange candeur, qui sonnait curieusement au milieu de son visage fatigué et de sa voix légèrement halée par la consommation de cigarettes :

« Il est à toi, si tu le veux. Je te l’offre. C’était ce que j’avais voulu faire, à l’époque. »

Lentement, ses yeux détaillèrent le tableau, se laissant happés par les détails griffés dans les pages, qu’Aleksej pourrait s’amuser à découvrir, et qui contrastaient avec le monumentalisme de ses dimensions, comme avec les immenses aplats colorés qui encadraient cette figure illuminée et presque enluminée. Lui aussi appartenait à une époque lointaine, révolue, et pourtant, elle pouvait en prendre les échos actuels pour les chérir, et les mettre à sa juste place sur le chemin de la guérison car du noir, on pouvait retrouver aisément les couleurs.

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