Catra observa sa maîtresse courir un peu partout dans l’appartement avec curiosité. Elle qui, plus tôt, était en train de regarder tranquillement un film avec une bouteille de vin, voilà qu’elle devenait une véritable pile électrique. Souplement, le félin vint rejoindre le canapé désormais vide pour se prélasser de la chaleur qu’avait laissé le royal postérieur de Soledad. Cette dernière se coiffait comme elle pouvait en jurant dans sa langue natale.

Pourquoi avait-elle besoin de se soucier des moindres faits et gestes de sa comparse? Pourquoi ne pouvait-elle pas juste simplement faire sa vie comme tout le monde sans psychoter sur le fait qu’un homme tournait autour de la blonde. Son orteil se heurta dans la table basse et elle pesta de plus bel en sautillant sur place. Son cœur était complètement fou dans sa poitrine, stressé à l’idée d’arriver trop tard ou quoi que ce soit. Elles avaient beau avoir mis les points sur les i, Soledad ne pouvait s’empêcher de laisser ses sentiments contrôler sa raison. En un sens, la panique lui tenait les tripes à l’idée de tomber encore une fois amoureuse, mais le réconfort de joyeuses pensées au sein de son crâne fatigué contrecarrait ce mauvais effet.

Elle se saisit de sa veste en jean et de ses clés, claqua la porte et se précipita dans la rue. Il n’y avait pas grand monde dans la rue à cette heure-ci et Soledad accéléra le pas pour ne pas se faire embêter par quelques personnes de mauvaise fréquentation. Et puis, elle avait envie de retrouver Hope étant inquiète pour elle. Jamais elle ne l’avait vu boire une goutte d’alcool et connaissant le comportement de certains mâles dans les bars, le pire pouvait toujours arrivé. Oui, elle tenait à elle. Oui, elle avait abandonné l’idée de passer à autre chose. Oui, elle avait volontairement prétexter être malade comme un chien pour fuir la soirée. Il lui avait semblé trop compliqué de faire la fête en présence de la blonde, elle se souvenait que trop bien de la fin de soirée où elle avait osé l’embrasser sans rien lui demander.

Il lui fallut une bonne poignée de minutes pour rejoindre l’adresse que lui avait donné Hope et son regard embrassa la foule à la recherche de sa crinière. Elle croisa celle qui doublait la drôle de scorpionne, échangea une accolade avec elle. “Excuse-moi, mais où est Hope?” elle lui indiqua le bar où se tenait un homme accoudé, le sourire aux lèvres. Hope, elle était juste à côté. Soledad joua des coudes. “Hope! je suis arrivée!”

Elle était sublime. Soledad n’avait pu empêcher cette pensée de s’échapper de sa prison, tout comme elle ne put retenir un bref sourire en la voyant si enjouée. Sa bouche s’était ouverte pour lui répondre que, oui elle avait décidé de venir simplement parce qu’elle s’inquiétait pour son état, laissant ses bonnes résolutions de côté pour laisser le règne suprême du coeur décider. Mais voilà que la blonde lui offrit une étreinte surprise qui manqua de la faire tressaillir, son parfum envahissant son monde, lui rappelant de douces pensées. Doucement comme par une habitude qu’elle ne connaissait pas, ses bras s’enroulèrent autour de sa chaude taille pour lui rendre l’étreinte, son doux parfum affolant les battements déjà fous de son coeur.

Mais l’instant qu’elle souhaitait éternel finit par se briser quand elle retrouva sa chaise et lui commanda à boire. Ses phalanges devinrent blanches d’être ainsi serrées alors que l’envie sussurait de mauvaises idées à son oreille. Boire maintenant n’était pas une bonne idée, Soledad savait pertinemment qu’elle ne parviendrait pas à s’arrêter de boire à temps et tout pouvait facilement dégénérer. Voilà la réelle raison de son absence à la soirée, cette soif insatiable d’alcool, d’être hébétée pour ne plus rien penser. Mais le verre était déjà posé devant elle et ses doigts s’enroulèrent machinalement autour du verre froid. Merde.

Elle pencha quelque peu la tête en écoutant sa comparse, pinçant les lèvres à l’évocation de la chanson qu’elle réclamait depuis leurs premiers messages. Se produire ainsi devant des gens était devenu une vraie hantise depuis la rupture et elle avait manqué de craquer lorsque Debbie lui avait également demandé de se produire au bar. “Je ne sais pas… Tu es assez sage pour que je te chante quelque chose?” Elle lui offrit un doux sourire et fut tentée de tremper ses lèvres. Non, résister le plus possible. Merde. “et puis j’y gagne quoi moi?”

Aurait-elle jamais imaginé, quelques mois plus tôt, être dans une si drôle de situation? Il était difficile de comprendre comment les deux jeunes femmes en étaient arrivées là, toutes deux différentes qu’elles étaient. Soledad s’était toujours vantée d’être cet être sans sentiments qui n’avait pas peur de planter ses griffes dans le coeur d’une inconnue pour l’oublier quelques temps après, s’interdire de ressentir quoi que ce soit de peur de retomber dans cette période sombre qu’elle avait tant haï. Mais finalement, il existera toujours ce cliché vivant de l’exception, de cette personne qui refuse de se glisser dans le moule, qui vient donner un coup de pied dans le nid de fourmis de la bellâtre. Hope était cette exception que Soledad n’avait même pas vu arriver.

Elle s’était moquée de sa douceur et de sa pudeur au début de l’aventure qu’était la série animée, mais avait fini par affectionner ses manières et son phrasé, se surprenant parfois à boire ses paroles comme ce doux baume qui réparait un cœur trop longtemps malmené. Cette fille avait su la séduire sans même s’en rendre compte, sans même en faire l’effort et Soledad aurait pu croire à la providence, à un geste du ciel qui s’était montré trop dur envers elle. Mais ce n’était qu’un jeu après tout, un doux jeu cruel qui l’avait frappé en plein visage en ajoutant un fiancé à l’équation et il était déjà trop tard pour faire machine arrière quand l’espagnole l’apprit.

Et voilà que désormais elle admirait cette magnifique femme qui n’était pas sienne et qui pourtant se laisser approcher, toucher, embrasser comme si elle l’était. Soledad secoua presque invisiblement la tête pour chasser les mauvaises pensées et se permit de boire une gorgée de son verre, comme pour se donner du courage face à pareille situation. Parce que Hope commençait sérieusement à lui retourner le coeur à montrer tel ou tel signe contradictoire. Celui de la parfaite fiancée qui ne veut pas tromper celui qu’elle aime et celle qui souhaite croquer le péché du monde à pleine dent. elle inspira longuement et soupira finalement. “Bon d’accord je veux bien.”

Ce qu'elle voulait, c'était une récompense dangereuse que Soledad avait envie de saisir avec force. peut-être réussirait-elle à pousser Hope dans ses retranchements et à la forcer à faire face à ses sentiments à son égard. "Un date." claqua-t-elle sans plus de commentaires, le visage presque impassible.

Son épiderme tressaillit quand elle sentit sa main dans la sienne et, instinctivement, elle pressa sa paume contre la sienne comme de peur qu’il ne s’agisse que d’un rêve. Que dirait Noé en les voyant de la sorte? “Sûre de toi?” Hope lui donnait la chance de s’exprimer autrement, de faire passer le message subtilement. Cela lui donnait presque la force de vaincre la peur de chanter devant la foule. “J’espère que tu connais Baby de Clean Bandit. Je fais le couplet en espagnol, bien entendu.” lui lança-t-elle en la tirant vers les micros, le coeur battant. Soledad faisait la fière, la nonchalante, mais elle avait la frousse qui lui boxait l’estomac et ce n’était en rien agréable.

Hope n’avait même pas réagi à sa proposition et avait acquiescé l’air de rien, comme si Owen n’était pas de ce monde et que cette histoire de mariage n’était que le démon présent dans les cauchemars de l’espagnole. L’alcool l’avait-elle déconnecté de la réalité à ce point? Se rendait-elle compte de ses paroles? Parce que pour Soledad, tout ceci était désormais bel et bien ancré en elle et l’angoisse d’un regret de la blonde le lendemain matin lui foutait la trouille. Hope avait ce don de faire un pas en avant pour faire un triple bond en arrière par la suite.

Soledad inspira un grand coup avant de se saisir du micro, son regard fuyant la foule de peur de voir le fantôme de cet homme qu’elle avait un jour aimé, sa haine pour la gente masculine ne faisait que grandir de jour en jour, et elle se refusait d’admettre qu’elle avait besoin d’aide. Personne ne devait l’aider, c’était mal vu que de se mettre à chouiner dans les bras d’un spécialiste voyons. Les paroles se mirent à défiler et Soledad ne pouvait qu’attendre que vienne son tour de chanter. Son oreille était agréablement séduite par la voix de sa comparse et un fin sourire devint l’illustration de l’appréciation de la latina.

Puis vint son tour de se produire et la langue roula sur les mots chauds de sa langue natale, la signification des paroles étant des flèches cruelles dans son pauvre cœur qui n’était plus tant que ça de pierre depuis qu’elle connaissait la blonde. Bien sûr qu’elle s’était aperçue de la faiblesse de Hope à son égard, des gestes tendres quand elle laissait sa pudeur de côté. Cette fille en pinçait sûrement pour elle, elle en savait foutrement rien mais les paroles commençaient sérieusement à la travailler, surtout lorsque la blonde vint clôturer toute cette belle prestation par de tels mots. Oui, il y avait déjà quelqu’un d’autre et il faisait sérieusement chier.

Elle était prête à poser le micro et à rapidement passer à autre chose, de faire taire ses sentiments et d’empêcher son regard de se perdre dans celui de Hope, mais ce n’était visiblement pas au goût de sa comparse qui se jeta dans ses bras. Par réflexe, Soledad l’entoura de ses bras puissants et le fameux regard ténébreux se noya dans celui tendre de l’autre chanteuse. Sa beauté ne cessait de la captiver, de lui faire perdre la notion du temps quand elle s'abîmait à sa contemplation. Ce sourire ne pouvait que la faire fondre. Cette proximité était un véritable coup de poing au visage de sa raison qui hurlait de faire un pas en arrière et de ne pas franchir encore une fois les limites.

Soledad était fatiguée de jouer à l’adulte responsable, cette adulte qu’elle n’arrivait jamais  à être en présence de la blonde. Au diable la raison, au diable Owen et ce foutu mariage. Hope lui avait dit de venir avec elle ce soir, avait réclamé sa présence comme un caprice d’amoureuse et la voilà qui jouait les tactiles pour la première fois depuis leur rencontre. La latina fondit sur les lèvres tentatrices si chaudes et douces qui lui rappelaient cette fameuse soirée où elle avait déjà tenté le diable.

Soledad avait presque envie de se pincer pour vérifier qu’il ne s’agissait pas d’un rêve. Malgré le feu jaillissant dans son estomac, elle ne pouvait s’empêcher de repenser à la dernière fois où Hope avait fini par la repousser alors que ses doigts commençaient à effleurer l’espoir d’une idylle entre elles deux. Mais à sa grande surprise, la blonde vint prolonger le baiser en se rapprochant d’elle, ses doigts brûlant contre sa nuque. Cette fille la rendait dingue, ses lèvres la rendait dingue, son corps contre le sien la rendait dingue, mais la foule était toujours présente et elle pouvait les entendre acclamer une telle conclusion de prestation.

Les voilà qui filaient alors que Soledad avait encore du mal à comprendre ce qu’il se passait réellement ce soir. L’alcool était-il réellement le seul coupable d’un tel comportement ou y avait-il quelque chose derrière ? Hope avait-elle fini par confronter ses sentiments pour les mettre au clair comme elle lui avait promis ? Elles rejoignirent le bar et laissèrent à un autre courageux la chance de se produire devant une foule. Le cœur était tambourinant dans sa poitrine et Soledad se mordillait la lèvre à l’idée de pouvoir passer la soirée avec une Hope totalement libérée de tout remord ou de toute raison, ce genre de soirée dont elle avait rêvé pendant des semaines.

« T’es sûre de ça ? » Malgré son appétence pour l’alcool, la latina préférait clairement faire attention à la consommation de sa comparse, ne voulant pas aider un cadavre à enchainer un pas devant l’autre ou devoir essuyer son vomi dans le bar, ça serait assez fâcheux. Soledad arqua un sourcil à sa question et s’approcha d’elle pour entoura sa taille d’un bras presque tendre. Doucement, presque avec prudence, elle approcha ses lèvres de son oreille dans un sourire taquin. « Je te veux toi. »

Soledad ne loupa pas le soudain rouge de ses joues et son sourire ne fut que plus grand l’idée qu’elle seule arrivait à la pousser aussi facilement dans ses retranchements. Elle glissa un bref coup d’œil au barman qui servait de nouveau la blonde et ne put qu’ajouter un chiffre supplémentaire sur la liste sûrement déjà bien remplie de la blonde. « Ca marche, Adora. » lâcha-t-elle en déposant un baiser du bout des lèvres sur sa joue embarrassée. Elle aimait employer ce surnom quand elle savait la blonde en fâcheuse posture. Parfois, elle ne pouvait s’empêcher de les comparer à leur personnage respectif.

Ses doigts se déposèrent tendrement sur son épaule et effectuèrent une simple pression. « On peut aller manger, je pense que ça ne peut que te faire du bien. » Hope ne devait pas être habituée à boire autant sur une même soirée et si l’estomac était vide, elle risquait d’atteindre rapidement ses limites. Tendrement, Soledad attrapa sa main, lui vola un bref baiser et salua le barman. « Encore un verre et tu vomis tes tripes. » Un avertissement si Hope se sentait pousser des ailes.

La latina ne cherchait pas uniquement à posséder la blonde, non, elle voulait faire partie de son monde et prendre soin d’elle faisait partie de ce genre d’envie. Elle, qui d’ordinaire, se contentait de tirer son coup avant de prendre la fuite, c’était bien la première fois qu’elle voulait aller plus loin avec quelqu’un, apprendre à la connaître etc… Ses cheveux bruns fouettèrent l’air alors qu’elles prenaient la direction de la sortie du bar sous les cris faux des pseudo chanteurs de la soirée. Elle n’avait aucune idée de ce qui pouvait être encore ouvert à cette heure-ci, mais elles trouveraient forcément quelque chose. Ou sinon, elle pouvait toujours lui cuisiner quelque chose. « T’as envie de quoi ? Si y’a rien d’ouvert qui te donne envie, on peut toujours aller chez moi ! Je sais cuisiner. »

Il était bon de pouvoir vivre innocemment ce qu’aurait pu être un flirt entre elles sans devoir faire face à la réalité. Soledad ne doutait pas que la trêve ne serait que très courte, mais pour l’instant, elle s’en contentait et ne ratait pas une occasion de profiter de cette femme qui avait le don de rendre fou son pauvre petit cœur. Et il était sur question de trouver quelque chose à mettre dans l’estomac de Hope avant que celle-ci ne soit frappée de plein fouet par l’effet furieux de l’alcool. Un doux sourire se peignit sur ses lèvres habillées d’un discret rouge à lèvres alors que ses oreilles étaient bercées des murmures chantant de son amie.

La question manqua de la faire rire, oui il était rare qu’elle vende ses compétences culinaires au monde entier, mais sa mère -avant que cette dernière ne la renie complètement – avait pris soin de lui apprendre tous les petits secrets familiaux pour régaler tout le monde. Certes, elle était devenue une experte en cuisine mexicaine, mais n’osait pas s’aventurer dans d’autres domaines de peur de mettre la feu à sa pauvre cuisine. « Bien sûr que je sais cuisiner ! Tu me prends pour qui ? » Dans un élan de taquinerie, Soledad lui donna un léger coup de poing à l’épaule, témoignant d’un faux air vexé. Bon, par contre, elle n’était pas sûre que l’aide de Hope soit réellement une bonne idée si elle tenait à garder les lieux un minimum propre.

Les doigts se lièrent de nouveau et les poils se dressèrent sur une épiderme brûlée par ce contact. Lentement, les lèvres laissèrent apparaître un sourire des plus amusés à sa référence à la série, et notamment, à son personnage. Elle glissa un regard complice dans sa direction et vint enrouler un bras autour de ses épaules. « Ce n’est rien ma petite Adora, je n’allais pas te laisser te morfondre sur mon absence toute la soirée. » plaisanta-t-elle, le cœur quelque peu gonflé de la sentir si proche d’elle. « Mais je retiens que sans moi tu es perdue ma pauvre. » Une pensée qui l’inquiétait comme elle la rassurait. Savoir que la blonde avait exigé sa présence à la soirée lui mettait du baume au cœur et apaisait un esprit des plus méfiants. Mais elle ne pouvait s’empêcher de repenser encore et encore au lendemain, l’estomac se serrait à l’idée que Hope nie encore une fois ce rapprochement. « J’appelle un taxi »

Malgré le côté soudainement courageux de la blonde, elle restait tout de même réservée sur certains sujets et, notamment, sur cette envie de faire la fête avec sa comparse. Cela ne dérangeait pas grandement Soledad qui n’était pas ce genre de personnes à se morfondre sur un si petit détail, au fond, elle avait son idée sur la question. Alors sans plus de commentaires, la latina grimpa avec elle dans le taxi et s’installa confortablement. Alors que quelques mèches blondes vinrent lui chatouiller le menton, ses lèvres fatiguées s’étirèrent en un doux sourire, cette fille était bien trop adorable pour être réellement de ce monde. Son regard se perdit sur la route tout au long du trajet, le silence n’était en rien gênant, il en était même apaisant. Il n’y avait pas besoin de mots pour qu’elles comprennent que la présence de l’autre était appréciée de chacune.

Mais voilà que la douce berceuse de la voiture toucha à sa fin et Soledad sortit de sa torpeur pour tendre quelques billets au chauffeur, lui souhaitant la bonne soirée. Une fois dehors, elle s’empara de la main de sa comparse pour que cette dernière ne se perde pas dans les divers couloirs de l’immeuble. Ces derniers étaient totalement vides et bien silencieux en vue de l’heure déjà bien avancée dans la nuit. Alors qu’elles attendaient sagement l’ascenseur, Soledad tourna la tête vers Hope pour répondre à sa question. Elle tourna sept fois sa langue dans sa bouche, mais finit par se laisser séduire par la vérité.

« Je vivais avec mon fiancé, mais il s’est barré. Donc là, je vis avec mon chaton, Catra. » Victor. Elle avait bien envie de l’oublier celui-là franchement. Elle n’en avait jamais parlé à Hope, mais n’avait jamais vraiment eu le temps de le faire de toute façon. La blonde ne connaissait pas grand-chose de la vie de la latina de toute manière. A jouer au chat et à la souris, les filles n’avaient pas eu la chance de se découvrir davantage, de s’ouvrir sur leur vie respective excepté le cas Owen.

Un mince sourire se peignit tout de même sur ses lèvres, parce que ledit chaton l’avait beaucoup aidé ces derniers mois à ne pas perdre pied et surtout à ne pas avoir peur de cet appartement qu’elle trouvait bien trop vide. « D’ailleurs j’espère qu’elle n’a pas saccagé tout l’appartement en mon absence. » Elle se souvenait bien des premiers jours à pleurer le décès de son pauvre canapé qui n’avait rien demandé à personne. L’ascenseur arriva enfin à destination et Soledad lui tendit gentiment la porte avant de la rejoindre et d’appuyer sur le quatrième étage. C’était drôle comme cette soirée lui rappelait une autre, mais cette fois-ci les rôles étaient inversés.

L’ascenseur les amenait doucement à destination alors qu’elles poursuivaient leur conversation sur la boule de poils de la latina. Elle s’était bien doutée qu’adopter un chat entrainerait de grandes responsabilités et aussi qu’il faudrait dire adieu à certains mobiliers qui décoraient son appartement. Elle faisait de son mieux pour l’éduquer, mais il était parfois difficile de contenir autant d’énergie et Soledad se retrouvait, le plus souvent, rapidement débordée. « Oui, j’ai provoqué à l’appeler comme ça » ricana-t-elle, un regard glissant dans sa direction pour l’admirer discrètement.

Son sourire était des plus rayonnants et avait le don de réchauffer le cœur de la brune. Il était contagieux ce sourire et parfois, la tentation d’y apposer ses lèvres lui secouait les tripes. Soledad agissait comme une adolescente en sa présence, mais pouvait-on réellement contrôler les sentiments qui tapissaient nos êtres ? Franchement, elle avait longtemps essayé avant de jeter l’éponge. Certes, les problèmes avaient té nombreux lorsqu’elle donnait la couronne à ses impulsions et elle avait tendance à désormais s’en méfier, mais on ne pouvait réellement effacer ce que l’on est vraiment.

L’ascenseur ouvrit ses portes et les deux silhouettes s’aventurèrent dans le couloir désert. Il n’y avait pas un bruit, quoiqu’une télévision braillait des dialogues de film dans une langue étrangère. La brune regarda son invitée filer en première, parcourant avec hâte l’allée de moquette avant de se tourner vers elle. Soledad enroula son bras autour de ses épaules pour l’empêcher de partir à l’aventure et fouilla la poche de sa veste pour retrouver ses clés. « Hm, il se peut que je cache pas mal de choses en effet. » Et pas que de jolies choses malheureusement.

Doucement, Soledad lui ouvrit les portes de son jardin secret. Cet appartement, rares étaient les personnes qui avaient eu la chance de le visiter. Elle en avait fait un véritable journal intime, placardant chaque étape de sa vie sur les murs. « De l’eau ? Un jus de fruit ? » Non, elle ne lui proposerait pas d’alcool, hors de question que cette soirée se finisse mal. « Je nous fais rapidement à manger et on parlera chacune de nos secrets chérie. » Elle prit directement la direction de sa cuisine ouverte sur le salon et Catra sembla se réveiller de son interminable sieste pour venir vérifier l’élément étranger qui venait de pénétrer sur son territoire.

Quelle bonne idée de proposer de faire un repas sans savoir ce qu’il y avait encore de disponible dans le réfrigérateur. Depuis que l’alcool était devenu son inlassable compagnon de route, Soledad avait beaucoup de mal à tenir ses courses à jour et avait toujours la fâcheuse tendance de sauter des repas pour ne pas grossir en commandant dehors. Alors que Hope faisait la rencontre du félin, la latina admirait le contenu du frigo pour faire main basse sur quelques champignons et un oignon. C’était pas gagné d’avance avec un si maigre butin. “Je te ramène ton verre d’eau de suite.” La latina se mit sur la pointe des pieds pour se saisir d’un verre et le remplir au robinet, elle n’était pas du genre à s’encombrer avec des bouteilles en plastique.

Elle se figea sur le chemin pour rejoindre la blonde quand elle vit celle-ci face à Catra. Son cœur rata un battement et ses pensées deviennent aussitôt douces. Cette fille avait le don de la chambouler en un claquement de doigts avec la pureté et l’innocence qu’elle dégageait. Elles étaient bien mignonnes à se fixer ainsi, les pattes en avant et le regard curieux du nouvel arrivant. Il était si injuste de ne pouvoir jouir d’un tel moment au quotidien, de savoir que tout ceci n’était qu’une trêve dans un projet de mariage et que Soledad pouvait disparaître du tableau d’un revers de main. “Vous êtes toutes les deux mignonnes!”

La latina s’accroupit à côté d’elles deux, son épaule se pressant contre la sienne alors qu’elle venait quelques caresses à son chaton. Distraitement, elle tendit le verre d’eau à son amie, les lippes étirées par un sourire. “Tu es sûre que tu veux jouer à ce jeu dangereux?” lâcha-t-elle dans un petit rire avant de couler un regard dans sa direction. Un jeu certes dangereux mais qui pourrait les aider à se connaître davantage et qui pourrait alors permettre à Soledad de savoir si cet amour naissant n’était que facette ou réellement existant. “Je commence je suppose?” demanda-t-elle en se redressant pour rejoindre sa cuisine. Elle n’avait pas oublié sa mission première qui était de faire à manger. “Tu es originaire de New York ou tu veux d’ailleurs?”  

Finalement, Soledad abandonna l’idée de jouer les cheffes cuisinières avec ce qu’il restait dans son frigo. Non, elle avait bien trop honte de présenter un si maigre butin à sa comparse qui devait sûrement rêver d’un plat on ne peut plus copieux. Elle fit rapidement demi-tour pour asseoir son royal fessier à côté de celui de sa collègue, coulant un regard attendri à la petite bête qui illuminait sa vie. D’une oreille attentive, la latina se plaisait à en découvrir un peu plus sur la vie de cette blonde qui la rendait dingue. New York donc, une vraie de vraie il n’y avait pas photo.
Soledad se demandait s’il était agréable de passer la plus grande partie de sa vie au même endroit, s’il n’était pas lassant de connaître chaque recoin d’une ville qui nous avait vu naître et grandir. Elle s’était toujours juré d’être aventureuse, exploratrice, de voyager autant que possible dans ce monde gorgé de beauté. Malheureusement, avec ses parents qui lui avaient coupé les fonds et son travail, Soledad n’avait pas eu cette chance. Elle rêvait toujours de s’échapper ça et là dans le monde, pourquoi pas même embarquer Johanna dans un road trip en direction du Mexique pour rejoindre leur famille ? Un doux sourire rêveur naquit sur ses lippes et la bulle éclata quand la question fut posée.
La réponse aurait pu être simple, nette précise, mais la langue tourna sept fois dans sa bouche pour ne pas dire de bêtises. Depuis que cet homme avait quitté sa vie sans la moindre réelle explication, il avait fait de la passion de la latina une véritable hantise. Son regard s’échappa de la contemplation du chat pour se poser sur une guitare qui traînait paresseusement sur un des murs du salon. « Youtubeuse. » mentit-elle alors que les souvenirs grossissaient dans son cœur fatigué. C’était comme ça qu’elle avait commencé, comme ça qu’elle s’était fait remarquer par les réalisatrices de la série. Mais désormais, tout était si compliqué. Doucement, comme avec prudence, Soledad vint poser sa tête sur l’épaule de son amie, ses doigts se perdant distraitement dans les poils de son chaton. « Que ferais-tu s'il n'y avait pas de mariage? »

L’enthousiasme de Hope réussit à la faire sourire presque avec nostalgie. Tout ceci lui rappelait ses débuts sur la plateforme, ses petites maladresses et les quelques commentaires de soutien pour qu’elle poursuive son rêve. Elle en recevait des messages, des centaines mêmes, d’abonnés inquiets de la voir aussi longtemps absente, mais elle ne trouvait toujours pas le courage de se poser une nouvelle fois devant la caméra pour leur partager sa voix et ses envies. Peut-être un jour quand l’épais brouillard qui tapissait son cerveau disparaitrait pour de bon. Peut-être lorsque quelqu’un parviendrait à lui ôter ce poids de la poitrine et lui faire comprendre que non, Victor n’avait rien à voir avec ce passé-là et qu’elle n’avait pas le droit de culpabiliser pour son départ.

Un rire franc s’échappa d’entre ses lèvres quand lui parvint la réponse de la blonde, elle secoua la tête, faisant volter quelques mèches brunes avant de planter son regard dans le sien le temps de quelques secondes. Hope sur Tinder et puis quoi encore ? Cette idée semblait tellement irréaliste qu’elle ne pouvait la prendre au sérieux. « Tu ne saurais même pas comment fonctionne l’application. » la taquina-t-elle gentiment, prenant sa main dans la sienne comme par réflexe. Soledad s’était essayée à la plateforme, mais avait finalement laissé tomber en se rendant compte de la superficialité du système. Voyager. Quel beau projet.

Elle était prête à rebondir sur cette réponse, oubliant totalement les règles du jeu quand Hope prit les devants et manqua de la faire s’étouffer avec sa salive. Cette question venait de nulle part et la latina se demandait foutrement pourquoi elle s’était amusée à la poser. Elle resserra doucement sa prise sur sa main, la chaleur de sa paume dressant son épiderme alors que, de nouveau, l’éclat chocolat de son regard chercha celui océan de Hope. « Tu me poses sérieusement la question ? » Elle se pencha vers elle, leurs visages presque à quelques centimètres, son souffle alcoolisé ricochant contre sa peau chaude. « Je pense que tu connais déjà la réponse miss Fawkes. »

Sans prévenir, elle afficha un sourire taquin sans pour autant se redresser, son regard toujours dans le sien. Devait-elle surenchérir ou totalement changer de sujet ? Elle mourrait d’envie de lui poser la question, de voir sa réaction, d’enfin pouvoir saisir le manche de ce poignard qui lui molestait le cœur. Que risquait-elle à par la voir fuir de nouveau ? A part enfin arrêter de se torturer l’esprit ? Elle repensa au baiser de tout à l’heure et son cœur rata un battement. Non, Hope ne pouvait nier tout ceci. Oui, certes, la latina mourrait d’envie d’en savoir plus à son sujet, connaitre ses goûts musicaux, cinématographiques, si elle préférait les chiens ou les chats, mais il y aurait d’autres soirs pour ça. "Peux-tu oublier Owen le temps de cette nuit ? »

Elle qui avait fuit la soirée avec le reste de l’équipe pour empêcher une situation pareille, elle qui avait décidé de prendre ses distances de peur de voir son cœur massacrer par une réalité bien trop sadique, elle qui avait pourtant craqué et qui n’arrivait plus à faire machine arrière. Elle ne saurait comme expliquer que cette fille avait su briser toutes ses murailles en si peu de temps, cette fille qui avait réussi à effacer un passé de coureuse de jupons d’un revers de mains et qui avait su faire renaître la flamme d’une vie tranquille dans la poitrine de la latina. Hope avait été un idéal qu’elle ne pensait jamais pouvoir frôler du bout de ses doigts et les voilà, toutes deux, si proches, les sentiments jouant les uns avec les autres.

Sa réponse avait été plus que celle qu’avait attendu Soledad. Elle voyait une énième barrière s’abattre sous l’assaut incessant d’un amour interdit qu’elles partageaient sans jamais se l’avouer, cette attirance qui n’avait de cesse de les éloigner violement pour mieux les rapprocher encore et encore, inlassablement. Mais peut être que cette valse cesserait pour cette nuit, les laissant jouir réellement de la présence de l’autre sans que la réalité ne caresse l’idée de les torturer avec le poids de la culpabilité. « Non, il n’est pas là » répondit-elle en écho, le regard brillant d’un espoir incontrôlé alors qu’elle la sentait si proche.

Sa main contre son épiderme lui fit l’effet d’une claque, d’un doux éclair qui réchauffait chaque parcelle de son corps et qui faisait gonfler son cœur. C’était bien la première fois qu’elle voyait Hope mordre ainsi le fruit défendu, prenant les devants en osant créer un nouveau contact physique. Elle se fichait désormais bien de Catra qui tentait tant bien que mal de récupérer leur attention toute particulière. La question de la blonde la fit tiquer le temps d’une poignée d’instant avant que ses lèvres ne s’entrouvrent pour se fermer aussitôt.

« Si tu veux parler de Victor, le seul homme que j’ai réussi à aimer ? Il n’existe plus depuis longtemps, j’ai fait une fois l’erreur d’avoir confiance en eux, les hommes. » On pouvait sentir une amertume toute particulière dans sa voix tremblante de rage, sa gorge se nouant de plus en plus rien qu’à l’évoquer aussi pauvrement. « Tu es la seule qui, depuis son départ, a réussi à… » Elle hésita, les mots se bousculèrent furieusement contre le nœud de sa gorge. « …à me faire ressentir quelque chose d’aussi fort depuis. »

Soledad rechercha le réconfort dans le regard de sa comparse, elle avait besoin d’être rassurée, aimée. Malgré l’aide de Noé, rien n’avait permis d’étancher cette soif d’amour qui la torturait depuis qu’elle avait fait la rencontre d’Hope. A son tour, elle laissa ses doigts s’aventurer sur la peau de la blonde, parcourant doucement son cou avant de se poser délicatement sur sa nuque, la rapprochant doucement d’elle. « Je ne pense qu’à toi, Hope. »